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Ceci dit, comment concilier le thème ainsi évoqué de cette entrée en matière et le titre donné à
ce Cahier ? Quel rapport établissons-nous entre le thème de l’inculturation et le projet de ré-
enseigner les racines juives de la foi chrétienne ? Nous allons nous en expliquer.
Bien sûr, il va être question de multiples religions. Mais, en tant que Chrétiens, notre propos
dans ce Cahier va être de réfléchir essentiellement sur la place du Christianisme face à la
permanence du Peuple d’Israël, Peuple élu. Et, dans notre esprit, ce terme « place » signifie à la
fois relations, divergences et convergences.
Pourquoi et comment la séparation des deux Confessions est-elle intervenue ? Les conséquences
en ont été considérables pour le Christianisme depuis 20 siècles, et elles ont été souvent
dramatiques pour le peuple juif.
Pour prendre conscience des raisons exactes de ce divorce contre nature, il convient de faire un
peu d’histoire, parce que la suite de notre propos en dépend
Les Chrétiens, comme d’ailleurs les Juifs leurs frères aînés dans la foi, se sont fait une idée
passablement orgueilleuse de leurs religions respectives. En fait, derrière certaines
manifestations d’humilité sur le plan de la théorie se cache la conscience, voire la conviction,
sinon d’un mérite personnel, du moins d’une qualification supérieure. Par exemple dans la
tradition du Judaïsme existe un midrash disant qu’avant de nouer Alliance avec les Hébreux au
Sinaï, l’Eternel avait proposé Son Alliance aux 70 nations composant l’humanité d’alors et que
seuls les Hébreux ont accepté l’offre divine. Mais le midrash ajoute que cela n’a pas été sans
péripéties dramatiques, au point que l’Eternel, désappointé par les 70 refus essuyés, a menacé
les Hébreux de les écraser et de les ensevelir sous la montagne du Sinaï, s’ils refusaient eux-
aussi l’Alliance…Aveu dont il ne faut pas sous-estimer l’humble franchise.
Il n’empêche que le Judaïsme, face au Christianisme, qui a été au long des siècles son plus
redoutable compétiteur et de loin son plus constant persécuteur, estime qu’il n’a rien à attendre
de cette spiritualité issue de lui en Jésus de Nazareth, que la révélation-Alliance du Sinaï par le
ministère de Moïse lui a tout apporté, tout enseigné, tout révélé. Or, si l’on suit l’image de
l’apôtre Paul présentant l’Alliance en Jésus Christ comme le produit d’une greffe de nouveaux
rameaux païens sur les racines et le tronc de l’arbre olivier-Israël (Rom. 11. 16 ss.), on peut se
demander s’il est vraiment raisonnable et légitime pour un arbre de ne pas se soucier de ce qui
pousse, ou ne pousse pas, sur son tronc, nourri par ses racines et sa sève, c'est-à-dire quel genre
de fruits il porte. Peut-il vraiment s’en désintéresser ?
Le Christianisme de son côté n’a pas été en reste de paradoxe. Ladite parabole de Paul lui avait
rappelé sa greffe sur l’arbre Israël. Il a néanmoins développé durant des siècles une pseudo-
théologie du rejet, par Dieu, d’Israël en tant que Peuple Elu et de la substitution à cet Israël de
l’Eglise comme nouveau Peuple Elu. Autrement dit, Israël était déclaré désormais en état de
mort spirituelle. Etait-il ainsi raisonnable et légitime pour le Christianisme de penser qu’il
n’avait plus à se soucier de sa parenté avec le Judaïsme et qu’il pouvait prospérer comme greffe
sur un arbre mort ? Cette insouciance était en fait une grande folie qui impliquait de renier
ladite parabole de Paul.
Le paradoxe ne s’est, d’ailleurs pas arrêté là, l’orgueil spirituel débouchant sur la fameuse
déclaration : « Hors de l’Eglise Catholique romaine, pas de salut » fondement ou prétexte d’un
nouveau schisme intégriste qui perdure depuis le Concile Vatican II, schisme s’ajoutant à toute
une liste aussi navrante au sein de l’histoire du Corps du Christ. Or Jésus avait spécifié à la
Samaritaine : « le salut vient des Juifs » !
Tout ceci est la suite concrète de la séparation intervenue depuis le premier siècle de l’ère
nouvelle entre le Judaïsme et l’Eglise naissante. Les équivoques sont nombreuses dans la pensée
de la plupart des Juifs comme des Chrétiens aujourd’hui encore sur les raisons exactes de ce
divorce contre nature. Il convient donc de refaire un peu d’histoire… parce que toute la suite de
notre propos en dépend : nous rappellerons donc brièvement l’histoire de ce divorce.