3
2) A. von Harnack (1851-1930) aurait pu par goût, par formation et en raison de sa science
réaliser une approche rigoureuse de Jésus, mais marqué par le protestantisme libéral, il prône
l’intérêt pour la seule parole éthique de Jésus. Avec Harnack nous avons un bon écho de ce qui a
caractérisé cette période depuis le 18
ème
s. : manifester un enseignement éthique universel ; dans la
ligne de ce que l’on appelle souvent aujourd’hui des « valeurs ». « L’Évangile reflète l’éveil de la
conscience et l’expérience modèle » C. Perrot, RSR 1999, p. 363. « Les vies libérales de Jésus
comportaient une réflexion sur les sentiments religieux de Jésus et sur le développement de sa
« conscience messianique » Gowler, p. 24
3) Sur les essais fort divers peu rigoureux de cette période, et qui, de plus, donnent des
résultats incertains, A. Schweitzer (1875-1965) émet en 1906 un jugement fort sévère et quelque
peu désabusé : il constate l’échec des historiens. Mais, paradoxalement, il se donne beaucoup de
mal pour présenter Jésus comme un apocalypticien obsédé par la fin imminente des temps
(l’apocalypticien voit la fin du monde advenir sous peu et se réaliser de manière brutale).
Selon Schweitzer, dans un premier temps Jésus était persuadé qu’en envoyant ses disciples
en mission, la fin du monde allait advenir. Puis il insista sur sa souffrance. Jésus s’est donc trompé
en ce qui concerne l’irruption du Royaume, mais l’important c’est la relation mystique qui naît
entre le croyant et Jésus : Selon Schweitzer « Jésus a un sens pour notre monde parce qu’une
puissante force spirituelle émane de lui et pénètre aussi notre temps ».
Renan a mis en lumière un point qu’il ne faudra jamais perdre de vue, situer Jésus dans son
pays, sa culture. Schweitzer a fait ressortir le caractère eschatologique de la prédication de Jésus ;
quant à Harnack il s’est laissé entraîner dans un intérêt seulement éthique pour le Jésus de l’histoire.
2
ème
partie ou 2
ème
quête : Le premier appel à des critères (1920-les
années 1970). Une recherche existentiale.
Controverse entre R.Bultmann (1884-1976) et ses disciples, en particulier E. Käsemann. Un
débat au sein de la science allemande et plus particulièrement dans les milieux luthériens.
Comme toile de fond de cette deuxième quête (1920-1980) : l’avènement de l’histoire des
formes. Les unités littéraires qui constituent un évangile ont d’abord circulé de manière autonome
au service des besoins des communautés, d’où un grand scepticisme en ce qui concerne la
possibilité d’utiliser les évangiles pour rédiger une histoire de Jésus.
Pour Bultmann (1884-1976), grande figure de l’exégèse allemande entre les deux guerres
mondiales, il faut distinguer le Jésus de l’histoire et le Christ de la foi. Seul importe le second, car
celui-ci est mon Sauveur. Seul compte le proclamé, et non le proclamateur : « Jésus Christ ne nous
rencontre nulle part ailleurs que dans le kérygme (la proclamation de l’Évangile) tout comme il
avait rencontré l’Apôtre Paul et l’avait amené à prendre sa décision. Le kérygme n’est pas
médiateur de la connaissance historique de Jésus et on ne peut pas reconstruire le Jésus historique…
Il s’agirait alors du Christ selon la chair du passé ».
Face à la proclamation du Ressuscité les hommes sont obligés d’effectuer un choix radical
pour leur avenir. Bultmann demandait finalement qu’on mette fin à toute recherche sur le Jésus
historique.
Paradoxalement Bultmann se livrait à des études exégétiques serrées pour cerner l’histoire
de la tradition synoptique, et s’appuyant sur celle-ci, il faisait paraître en 1926 un « Jésus » qui eut
un fort retentissement. Bultmann revient à plusieurs reprises sur la question de la connaissance
historique de Jésus. Il maintient sa position de fond : selon lui, on ne peut rien dire de sûr sur le
Jésus de l’histoire, car ce dont nous disposons c’est le kérygme de la première communauté, la
prédication même de Jésus nous échappe.