Notions fondamentales pour la théorie des graphes

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M314 - Graphes et algèbre - Notions fondamentales pour la théorie des graphes
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Notions fondamentales pour la théorie des graphes
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26 Septembre 2007
Un bon ouvrage de référence qui explique en détail ces concepts (et qui traite de la théorie des graphes) est le
livre de Matoušek et Nešetřil, “Introduction aux mathématiques discrètes”, chapitres 1 et 2. Pour ceux qui visent
le CAPES, un fichier pdf (plein d’exemples “concrets” de situations où les graphes apparaissent) est disponible à
l’adresse
www.irem.univ-mrs.fr/productions/graphes.pdf
Il couvre toute la matière de la théorie des graphes pour les terminales ES. Le dénombrement (et par extension le
principe d’inclusion-exclusion) n’est pas matière à examen.
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Ensembles finis.
On ne fera pas de rappel sur la théorie moderne des ensembles puisqu’on ne sera concerné que par les ensembles
finis, la théorie naïve des ensembles est alors tout à fait suffisante.
Remarque 1.1: Pour les intéressés, le paradoxe célèbre de Russell provenant d’une conception intuitive des ensembles est comparable à l’histoire du soldat-barbier : il a pour ordre de raser uniquement les soldats qui ne se rasent
pas eux-mêmes. L’homme ne peut alors pas se raser sans contrevenir à cet ordre. Pour un mathématicien, il était plus
embêtant de considérer l’ensemble A de tous les ensembles qui ne se contiennent pas eux-mêmes. Effectivement, on
est alors bien mal pris car A ne peut pas se contenir. Or si A ne se contient pas, il devrait appartenir à A, c’àd. se
contenir. Avec une définition convenable, A n’est pas un ensemble.
Un ensemble B contient un autre ensemble A, relation qui est notée A ⊂ B, si ∀a, a ∈ A ⇒ a ∈ B. On vérifie
facilement avec cette définition que l’ensemble vide est toujours contenu dans un ensemble. Souvent on regardera
des ensembles d’ensembles, le plus simple est l’ensemble de tous les sous-ensembles de A, noté P (A). Pour les
graphes, on notera aussi P2 (A) ou A
2 pour l’ensemble de tous les sous-ensemble de cardinalité 2. Notons qu’une
paire ordonnée ou couple peut s’écrire comme un ensemble d’ensembles :
(x, y) = {{x}, {x, y}}
Le produit cartésien A × B est l’ensemble des paires ordonnées dont le premier membre appartient à A et le second
à B. En général, A × B 6= B × A. D’autres définitions usuelles sont celles de l’union, l’intersection et la différence :
X ∩Y
X ∪Y
X \Y
= {z|z ∈ X et z ∈ Y }
= {z|z ∈ X ou z ∈ Y }
= {z|z ∈ X et z ∈
/ Y}
Si on voit ∩ et ∪ comme des opérations (e.g. + et · sur les réels), on a alors les propriétés de commutativité,
associativité et distributivité. Les lois de Morgan sont aussi dignes de mention :
X \ (A ∪ B) = (X \ A) ∩ (X \ B) et X \ (A ∩ B) = (X \ A) ∪ (X \ B)
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La récurrence.
Le principe de la démonstration par récurrence s’énonce par cette proposition d’aspect trivial
Proposition 2.1: Soit X un sous-ensemble des entiers naturels N := {0, 1, 2, 3, . . .} qui possède les propriétés suivantes :
(a) Le nombre k0 appartient à X, c’àd. k0 ∈ X
(b) Si tous les entiers compris entre k0 et k (inclusivement) sont des éléments de X, alors k + 1 appartient lui aussi
à X, c’àd. ∀k ≥ k0 , ∀ j ∈ N, (k0 ≤ j ≤ k) ⇒ j ∈ X ⇒ k + 1 ∈ X.
Alors X est l’ensemble {n ∈ N|n ≥ k0 }.
Remarque 2.2: La proposition ci-haut s’appelle le plus souvent “récurrence forte”. une formulation équivalente de
la récurrence (rarement avec un épithète) est de remplacer (b) dans la proposition ci-haut par
(b’) Si k ≥ k0 est un élément de X, alors k + 1 appartient lui aussi à X, c’àd. ∀k ≥ k0 , (k ∈ X) ⇒ k + 1 ∈ X.
Cette propriété peut soit être vue comme une propriété de base des entiers naturels, ou comme la conséquence
de l’axiome suivant : “Tout sous-ensemble des entiers naturels possède un plus petit élément”. Une autre façon
d’exprimer cette idée est de dire que l’arrangement des entiers naturels selon leur grandeur est “bien ordonné”. Ce
sont des points de vue équivalents.
Une preuve par récurrence est de vouloir montrer un énoncé qui dépend d’un entier naturel P(n). On pose ensuite
X = {n ∈ N|P(n) est vraie }. Ensuite
a. On choisit le plus petit k0 qui nous intéresse et on essaie de montrer que P(k0 ) est vraie, c’àd. k0 ∈ X.
b. Y étant parvenu, on supppose que pour un k ≥ k0 donné, pour n’importe quel k0 ≤ j ≤ k, P( j) est vraie ;
cette partie s’appelle le plus souvent hypothèse d’induction. Cette supposition faite, on tente alors de montrer
que P(k + 1) est vraie. Ceci revient à vérifier que ∀k ≥ k0 , ∀ j ∈ N, (k0 ≤ j ≤ k) ⇒ j ∈ X ⇒ k + 1 ∈ X ;
l’hypothèse d’induction correspond à la partie qui précède la deuxième implication (⇒).
La proposition 2.1 permet de conclure que X = {n ∈ N|n ≥ k0 } , c’àd. que P(n) est vraie pour tout n ≥ k0 .
Cette méthode de preuve se développe essentiellement à force d’exercices ; les sources d’erreurs sont multiples,
et parfois subtiles. Voici un argument fallacieux classique :
E XERCICE 1: On s’intéresse à démontrer la proposition suivante P(n) : “tout groupe de n personnes est constitué
uniquement d’hommes ou uniquement de femmes.” On commence avec P(1), où c’est vrai puisque une personne
donnée est toujours un homme ou une femme. On suppose ensuite que l’assertion P( j) est vraie pour tout 1 ≤ j ≤ k,
c’àd. tout groupe de j personnes est constitué uniquement d’hommes ou uniquement de femmes. Étant donné un
groupe de (k +1) personnes, si on en enlève l’une d’elles, les autres sont toutes du même sexe puisque, par hypothèse,
tout groupe de k personnes est du même sexe. Donc il y a au plus un intru parmi ces (k + 1) personnes. Qu’à cela
ne tienne, j’enlève une autre personne que l’intru du groupe des (k + 1) personnes, et me voilà avec k personnes,
donc toutes du même sexe, en particulier l’intru est du même sexe que les autres. Conclusion, tout groupe de (k + 1)
personnes est constitué uniquement d’hommes ou uniquement de femmes. Par récurrence, j’ai démontré que tout
groupe de personne est constitué uniquement d’hommes ou uniquement de femmes. Votre expérience personnelle
vous indique probablement ( sic) que cela est faux (pour le meilleur et pour le rire), où est l’erreur ?
Il est aussi un type courant d’erreur qui survient en théorie des graphes dans les preuves par récurrence. En voici
un autre :
E XERCICE 2: Alceste prétend que tout graphe n-régulier possède un nombre pair de sommets. Il montre ce surprenant résultat en faisant une induction sur n, P(n) :“tout graphe n régulier est d’ordre pair”. P(1) est évidente, un
graphe 1-régulier ayant exactement une arête à chaque sommet, il y a précisément deux sommets par arête. Supposons maintenant que P( j) est vraie si 1 ≤ j ≤ k. Comme un graphe k + 1-régulier s’obtient d’un graphe régulier en
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ajoutant suffisamment d’arêtes, son nombre de sommets est pair. Voilà qui démontre P(k + 1) donc par récurrence,
P(n) est vraie pour tout n ≥ 1.
Il y a un problème sérieux dans ce raisonnement, quel est-il ?
E XERCICE 3: Hildebrand est convaincu d’avoir trouvé une preuve fantastique : tout graphe (non-orienté, simple)
dont le degré des sommets est ≥ 2 contient un triangle (un cycle de longueur 3). Voici sa preuve : on prend P(n) :“un
graphe de n sommets dont le degré des sommets est ≥ 2 contient un triangle”. P(3) est évident puisque le seul cycle
sur un graphe à 3 sommets est le triangle. Supposons que P( j) est vraie lorsque 3 ≤ j ≤ k, et considérons un graphe
à k + 1 sommets. Ce dernier s’obtient à partir d’un graphe à k sommets en ajoutant un sommet et suffisamment
d’arêtes, donc par hypothèse d’induction, sa partie à k sommets contient un triangle. Ce triangle est forcément aussi
dans le graphe à k + 1 sommets, ce qui montre que P(k + 1) est vraie. Où est l’erreur ?
Les deux exercices précédents se basent sur une erreur très commune lorsqu’on fait de la récurrence en théorie
des graphes : on veut se servir de l’hypothèse d’induction (P( j) est vraie si k0 ≤ j ≤ k) en disant que le graphe dont
on veut montrer P(k + 1) (il a (k + 1) sommets, (k + 1) arêtes, est (k + 1) régulier, peu importe ce à quoi (k + 1) fait
référence) s’obtient rarement d’un graphe dont il est question dans P( j) pour j ≤ k.
E XERCICE 4: Un arbre est un graphe connexe qui ne contient aucun cycle.
(a) Montrer par récurrence qu’un arbre qui possède n sommets a exactement n − 1 arêtes.
(b) En conclure que ∑ d(x) = 2n − 2.
x∈X
Voici, une application typique de la récurrence (forte). On rappelle qu’une chaîne eulérienne (ou un cycle
eulérien) d’un graphe G = (X, E) est une chaîne (ou un cycle) qui contient toutes les arêtes de G sans jamais passer
deux fois par la même arête. Souvent une chaîne eulérienne (ou un cycle eulérien) repasse plusieurs fois par le même
sommet par contre.
Théorème 2.3: Si G est un graphe connexe dont les degrés sont tous pairs, alors G admet un cycle eulérien.
Démonstration. Comme G est connexe aucun degré n’est nul. On pose P(n) :“Un graphe connexe dont les degrés
sont pairs et non-nuls dont le nombre d’arête est n admet un cycle eulérien.” Un tel graphe ne peut exister que s’il a
au moins 3 arêtes, il s’agit alors du triangle. P(3) est vérifier facilement puisque le triangle possède un cycle eulérien.
Supposons que P( j) est vraie lorsque 1 ≤ j ≤ k, et tentons de démontrer P(k + 1). Soit G = (X,U) n’importe
quel graphe possédant k + 1 arête. Comme le degré est supérieur ou égal à 2, on sait qu’il existe un cycle C0 (pour
la démo, on se place dans le cas contraire en supposant qu’il n’y en a pas et on regarde une chaîne de longueur
maximale, comme le degré est ≥ 2 on peut la prolonger sans revenir sur ses pas, contradiction). Pour éviter toute
redondance sur les arêtes on prend un cycle élémentaire, disons C1 , qui est contenu dedans. En tout sommet, C1
contient 0 ou 2 des arêtes qui y passent. On regarde alors le graphe G0 = (X, E \ C1 ), il possède des composantes
connexes (en nombre fini, puisqu’il est fini). Soit G01 , . . . , G0k les composantes connexes de G0 qui ne sont pas des
points isolés, elles possèdent toutes un sommet en commun avec le cycle C1 , appelons le xi , et, surtout, elles forment
chacune un graphe connexe dont les degrés des sommets sont pairs et non-nuls (puisqu’on a retiré un nombre pair
d’arête à chaque sommet et que si un sommet de degré 0 il est seul dans sa composante). Elles ont au plus k − 2 arêtes
puique C1 en a au moins 3. Par hypothèse, elles possèdent toutes un cycle eulérien, notons les Ci0 , pour 1 ≤ i ≤ k. Ci0
passe forcément par le point xi . En insérant, les Ci0 dans le cycle C1 au point xi0 , on parcours toutes les arêtes de G.
D’où P(k + 1) est vraie.
Par récurrence on a montré que P(n) est vraie pour tout n ≥ 3, ce qui montre le théorème.
Ce théorème est le coeur du résultat d’Euler (qui était d’ailleurs connu depuis l’antiquité) :
Théorème 2.4: Un graphe G connexe possède une chaîne eulérienne si et seulement si il a 0 ou 2 sommets de degré
impair.
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Démonstration. Supposons que le graphe a une chaîne eulérienne, en tout point qui n’est pas une extrémité elle doit
arriver puis repartir dans une direction différente, et comme elle parcourt toutes les arêtes, tout point qui n’est pas
une extrémité a un nombre pair d’arête. Ainsi, si les extrémités sont distinctes il y a deux sommets d’ordre impair,
et sinon, la chaîne est en fait un cycle, et tous les sommets sont d’ordre pair.
La condition suffisante est contenue dans le théorème 2.3 :
- si aucun sommet n’est de degré impair, comme G est connexe tous les degrés sont positifs et non-nuls, donc G
possède un cycle eulérien ;
- si deux sommets, disons x1 et x2 , sont de degré impair, on ajoute artificiellement
un sommet auquels eux seuls sont reliés, c’àd. on regarde G̃ = (X ∪z, E ∪{{z, x1 }, {z, x2 }}. G̃ satisfait aux hypothèses
du théorème précédent, et en retirant ce qu’on vient d’ajouter, le cycle eulérien de G̃ devient une chaîne eulérienne
de G dont les extrémités sont x1 et x2 .
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Fonctions, injections et surjections ; Morphismes de graphes
Une fonction est une recette qui prend un élément d’un ensemble qu’on appelle son domaine pour l’envoyer
dans un autre ensemble. Précisément,
Définition 3.1: Une fonction f : X → Y est l’association d’un élément de Y à chaque élément de X. Dans le vocabulaire précédent, c’est un sous-ensemble f de X × Y , tel que pour tout x, il y ait un seul y de sorte que la paire
(x, y) fasse partie de f . L’élément associé à x ∈ X est souvent noté f (x). X est dit le domaine de f , tandis que
Im f = f (X) := {y ∈ Y |∃x ∈ X, f (x) = y} est l’image de f . Tandis que f (x) est appelé l’image de x (par f ).
Définition 3.2: Soit f : X → Y et g : Y → Z deux fonctions, alors leur composition notée g ◦ f : X → Z est définie
par g ◦ f (x) = g( f (x)).
Dans un langage ensembliste cela s’écrit g ◦ f = {(x, z) ∈ X × Z|∃y ∈ Y, (x, y) ∈ f et (y, z) ∈ g}. Ce point de vue
rigoureux n’est pas toujours commode à manipuler, d’où la préférence pour le point de vue intuitif.
E XERCICE 5: Donner un exemple de deux fonctions f , g : R → R telles que f ◦ g 6= g ◦ f .
Définition 3.3: Une fonction f : X → Y est dite
a. injective ou une injection si deux points ne peuvent avoir même image, i.e. f (x1 ) = f (x2 ) ⇒ x1 = x2 ,
b. surjective ou une surjection si tout point de l’image est atteint, i.e. ∀y ∈ Y ∃x ∈ X, f (x) = y,
c. bijective ou une bijection si elle est à la fois injective et surjective.
Notons qu’une fonction f : X → Y est surjective si et seulement si f (X) = Y . D’autre part, toute fonction est
surjective sur son image, ainsi toute injection est une bijection sur son image.
Proposition 3.4: La composée de deux surjections, de deux injection ou de deux bijections sont respectivement une
surjection, une injection ou une bijection. De plus, toute fonction f : X → Y peut s’écrire comme la composée de
g : X → Z et h : Z → Y où g est une surjection et h une injection.
Démonstration. Si f1 : X → Z et f2 : Z → Y sont deux surjections, alors f2 ( f1 (X)) = f2 (Z) = Y , c’àd. f2 ◦ f1 est
surjective. S’il s’agit de deux injections f2 ( f1 (x1 )) = f2 ( f1 (x2 )) ⇒ f1 (x1 ) = f1 (x2 ) ⇒ x1 = x2 , c’àd. f2 ◦ f1 est bien
une injection. Comme la bijectivité n’est que la combinaison de l’injectivité et de la surjectivité, il ne reste rien à
démontrer en ce qui concerne les bijections.
Soit maintenant, f : X → Y quelconque, et soit Z = f (X) alors g : X → Z définie par g(x) = f (x) est évidemment
surjective, tandis que h : Z → Y définie par h(z) = z est évidemment injective. D’où f = h ◦ g avec les propriétés
requises.
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E XERCICE 6: Soit X un ensemble et IdX la fonction identité sur X : (x) = x. Soit f : X → Y un fonction, montrer
que
(a) il existe une fonction g : Y → X de sorte que g ◦ f = IdX si et seulement si f est injective.
(b) il existe une fonction g : Y → X de sorte que f ◦ g = IdY si et seulement si f est surjective.
(c) il existe une fonction g : Y → X de sorte que g ◦ f = IdX et f ◦ g = IdY si et seulement si f est bijective.
La bijection est au coeur du dénombrement.
Définition 3.5: Un ensemble fini A est dit de cardinalité n, noté |A | = n, s’il existe une bijection de A dans
{1, 2, . . . , n} ensemble de cardinalité nulle c’est l’ensemble vide, ∅. Par convention, l’ensemble vide est l’unique
ensemble de cardinalité nulle.
L’exercice qui suit consiste à démontrer que la notion de cardinalité correspond bien à l’idée intuitive qu’on s’en
fait.
E XERCICE 7: Montrer qu’avec la définition ci-haut,
(a) Si deux ensembles ont le même cardinal, il existe une bijection entre eux.
(b) S’il existe une bijection entre deux ensembles, ils ont le même cardinal.
(c) Un ensemble ne peut avoir à la fois cardinal n et m pour m 6= n. (Supposer que m < n et utiliser la récurrence
sur n)
Une autre propriété simple de la cardinalité est que pour deux ensembles A, B tels que A ∩ B = ∅, |A ∪ B | =
|A | + |B |. En effet, soit pour un ensemble fini X, une fonction bX : X → {1, . . . , |X |}, alors la fonction f (x) = bA (x)
si x ∈ A et f (x) = |A | + bB (x) si x ∈ B est une bijection de A ∪ B dans {1, . . . , |A ∪ B |}. L’hypothèse A ∩ B est
nécessaire pour que cette fonction soit bien définie (un x ne soit pas envoyé vers deux valeurs distinctes).
Proposition 3.6: Soit A, B deux ensembles de cardinalité n, alors une injection de A dans B est une bijection.
Démonstration. Soit f : A → B une injection et considérons B0 = f (A), on a déjà remarqué que f était toujours
surjective sur son image. Donc f est une bijection de A à B0 . Comme A et B ont même cardinal, il y a une bijection
de l’un vers l’autre, et par composition, B est en bijection avec B0 ; autrement dit B et B0 ont le même cardinal.
Remarquons que B = B0 ∪ (B \ B0 ) et B0 ∩ (B \ B0 ) = ∅, d’où |B | = |B0 | + |B \ B0 |. Si B0 ( B, on a que B \ B0 6= ∅
ce qui implique que |B \ B0 | 6= 0 et donc que |B | > |B0 |. Ceci contredit le fait que B et B0 ont le même cardinal, la
supposition que B0 ( B est donc fausse, mais comme il est tout de même vrai que B0 ⊂ B, la seule possibilité qui
reste est que B = B0 = f (A) ; donc f est surjective.
Par la bande, on a aussi exprimé le “principe des tiroirs” : si on veut ranger des objets dans des tiroirs, et qu’il y
a plus d’objets que de tiroirs alors au moins deux objets iront dans un même tiroir
Exemple 3.7: Ceci n’est plus vrai pour les ensembles infinis. Une injection de N dans N n’est pas forcément surjective, c’est le cas par exemple de la fonction f (n) = 2n.
Exemple 3.8: On regarde les suites de k caractères, chacun des caractères étant un chiffre de 0 à 9. Quel est le
nombre de ces suites qui comptent un nombre pair de chiffres impairs ?
Tout d’abord le nombre des suites de k caractères est en bijection avec 0, 1, . . . , 10k − 1, la bijection étant simplement l’écriture décimale. Il y en a donc 10k . Soit P l’ensemble des suites qui comptent un nombre pair de chiffres
impairs, I les autres (qui comptent donc un nombre impair de chiffres impairs). Soit f : P → I la fonction qui associe
à la suite s, la suite f (s) où le premier chiffre de s est modifié comme suit : 0 est changé en 1, 1 en 2, . . ., 8 en 9, et
9 en 0. Deux suites distinctes restent distinctes une fois “transformées” par f , donc f est injective. Pour toute suite
s, on construit facilement une suite s0 telle que f (s0 ) = s en faisant la transformation inverse sur s : on retranche 1
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au premier chiffre, sauf si c’est 0 dans quel cas on le change en 9. Ainsi |P | = |I |. De plus, |P | + |I | = 10k comme
P ∩ I = ∅. Ainsi 2 |P | = 10k , d’où |P | = 10k /2.
E XERCICE 8: Parmi les nombres de 1 à 1010 en trouve-t-on plus qui possèdent le chiffre 9 dans leur expression, ou
qui ne l’ont pas ?
Définition 3.9: Un morphisme f du graphe G1 = (X1 ,U1 ) vers G2 = (X2 ,U2 ) est une fonction f : X1 → X2 telle
que la l’application f¯ induite sur les arêtes par f¯((a, b)) = ( f (a), f (b)) ∈ X2 × X2 soit d’image contenue dans U2 ,
i.e. f¯(U1 ) ⊂ U2 . Lorsque f est bijective et que f¯(U1 ) = U2 on dit que f est un isomorphisme.
On peut regarder les degrés des sommets pour espérer montrer que deux graphes ne sont pas isomorphes, c’est
le moyen le plus simple, mais il n’est pas suffisant.
Définition 3.10: Le score d’un graphe G = (X, E) est la donnée de la suite de ses degrés : d(x) x∈X . On dit que
deux graphes ont le même score s’ils possèdent la même suite de degrés (à ordre près).
E XERCICE 9: Trouver le plus petit ordre tel qu’il existe deux graphes non-isomorphes qui ont pourtant le même
score.
Théorème 3.11: Soit n > 1 et D = (d1 , d2 , . . . , dn ). Supposons di ≤ di+1 pour 1 ≤ i < n, alors le score D0 =
0 ) définni par
(d10 , d20 , . . . , dn−1
(
di
si
1 ≤ i < n − dn
di0 =
di − 1 si n − dn ≤ i < n.
Alors D est le score d’un graphe si et seulement si D0 l’est.
Démonstration. Une des implications est simple. Si D0 est le score d’un graphe, disons G0 = (X 0 , E 0 ) où X 0 =
{x1 , x2 , . . . , xn } avec d(xi ) = di0 . Alors soit xn ∈
/ X 0 un nouveau sommet, on définit le graphe G = (X, E) par X =
X ∪ {xn } et E = E 0 ∪ {{xi , xn })|n − dn ≤ i < n}. Alors G a bien D pour score.
L’autre implication est beaucoup moins évidente. Soit G l’ensemble des graphes de sommets {x1 , . . . , xn } tels
que d(xi ) = di .
Assertion : L’ensemble G contient un graphe G0 dans lequel le sommet vn est exactement adjacent aux sommets
xn−dn , xn−dn +1 , . . . , et xn−1 .
Si on admet temporairement cette assertion, le théorème est démontré puisqu’en enlevant xn et ses arêtes de G0 on
retombe sur le score D0 .
Voici la démonstration de l’assertion. Lorsque dn = n − 1, xn est forcément relié à tous les autres sommets,
donc tous les graphes de G ont la propriété requise. Supposons dorénavant que dn < n − 1 et écrivons, pour tout
G = (X, E) ∈ G , j(G) le plus grand j ∈ {1, 2, . . . , n − 1} tel que {x j , xn } ∈
/ E. Soit G0 = (X, E0 ) un graphe qui atteint
le minimum de j, i.e. ∀G ∈ G , j(G0 ) ≤ j(G). On procède par l’absurde, en supposant que j(G0 ) > n − dn − 1. Le
sommet xn est adjacent à dn sommets et au plus dn − 1 d’entre eux peuvent avoir un degré plus grand que v j . Soit
i < j(G0 ) l’indice tel que xi est adjacent à xn , et comme d(xi ) ≤ d(x j ) il est un sommet, disons xk , qui est adjacent à
x j mais pas à xi . Soit alors G1 = (X, E1 ) défini par
E1 = (E0 \ {{xi , xn }, {x j , xk }}) ∪ {{xi , xk }, {x j , xn }}
Ce nouveau graphe appartient toujours à G mais de plus j(G1 ) ≤ j(G0 ) − 1, ce qui contredit l’hypothèse que le
graphe G0 atteignait le minimum de j. Ainsi, j(G0 ) ≤ n − dn − 1 et comme on sait d’autre part que j(G) ≥ n − dn − 1
(comme xn est relié à dn sommets), on a j(G0 ) = n − dn − 1. Par conséquent, dans G0 , xn est relié à sommets
xn−dn , xn−dn +1 , . . . , et xn−1 , ce qui démontre l’assertion.
E XERCICE 10: Les suites de degrés suivant donnent-elles des graphes (non-orientés) ?
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(a) (1, 1, 3, 3)
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(b) (1, 1, 2, 2, 2, 3, 3)
(c) (1, 1, 1, 2, 2, 3, 4, 5, 5)
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Relation d’ordre, relation d’équivalence et partitions.
En sa plus grande généralité une relation est simplement un sous-ensemble de paire ordonnées de X × Y . Une
fonction est donc aussi une relation. Nous nous contenterons ici de relations entre éléments d’un même ensemble :
Définition 4.1: Une relation sur X est un sous-ensemble de X × X. On dit que x est relié à x0 si (x, x0 ) ∈ R. Pour
alléger la notation, ce sera xRx0 . Dit qu’une relation est une relation d’équivalence si elle est
– réflexive, i.e. ∀x ∈ X, xRx,
– symétrique, i.e. ∀x, x0 ∈ X, xRx0 ⇒ x0 Rx,
– transitive, i.e. ∀x, x0 , x00 ∈ X, xRx0 et x0 Rx00 ⇒ xRx00 .
Les relations d’équivalences sont souvent notées par les symboles ∼, ', ≈, ∼
= ou ≡. Dans cette section, on en
restera à la notation R.
Les relations d’équivalences, comme leur nom l’indique, expriment l’idée que les deux éléments sont du même
type ; on dit parfois que x et y sont équivalents (sous entendu pour une relation d’équivalence R) lorsque xRy. La plus
simple est sans doute l’égalité. Sur les réels, on pourrait définir une relation R en disant que xRy si ils sont de même
signe ou tous les deux 0.
Exemple 4.2: Soit R la relation sur R définie comme suit : xRy si il existe q ∈ Q tel que x = y + q.
– Reflexivité : puisque x = x + 0 et que 0 ∈ Q, il apparaît que xRx, ∀x ∈ R.
– Symétrie : Si xRy alors, ∃q ∈ Q tel que x = y + q ⇒ x − q = y. Comme −q ∈ Q, yRx.
– Transitivité : Si xRy et yRz, on a deux rationnels q, q0 tels que x = y + q et y = z + q0 . En substituant y dans la
première équation on a x = z + q0 + q, c’àd. xRz car q + q0 ∈ Q.
R est donc une relation d’équivalence.
E XERCICE 11: Soit n un entier, on définit la relation Rn sur Z comme suit : xRy si x − y est divisible par n. Montrer
que Rn est une relation d’équivalence.
E XERCICE 12: On peut construire un graphe (non-orienté) à partir d’une relation d’équivalence, en déclarant qu’il
y a une arête entre deux sommets x et x0 si xRx0 . Comment les propriétés de reflexivité, de symétrie et de transitivité
s’expriment-elles sur la matrice d’adjacence du graphe ? À quoi correspondent les composantes connexes du graphe ?
E XERCICE 13: On peut définir la composition de deux relations R et S (toutes deux sur un même ensemble X)
comme suit : x(R ◦ S)y ⇔ ∃z ∈ X tel que xRz et zSy. Montrer que R est transitive si et seulement si R ◦ R ⊂ R
(l’inclusion est au sens des relations vues commes des sous-ensembles de X × X).
Définition 4.3: Soit R une relation d’équivalence sur un ensemble X. Soit x ∈ X, la classe d’équivalence de x
(relativement à R), notée [x]R , c’est le sous-ensemble constitué de tous les éléments équivalents à x : [x]R := {x0 ∈
X|xRx0 }.
Proposition 4.4: Soit R une relation d’équivalence, alors
– ∀x ∈ X, [x]R 6= ∅ ;
– ∀x, x0 ∈ X, soit [x]R = [x0 ]R , soit [x]R ∩ [x0 ]R = ∅ ;
– Les classes d’équivalence déterminent entièrement R.
Démonstration. La première assertion est simple, la reflexivité implique que x ∈ [x]R .
8
Pour la seconde, supposons que xRx0 . Dans ce cas, si x00 ∈ [x]R alors xRx00 . Or par symétrie, x0 Rx, donc par
transitivité, x0 Rx00 et ainsi x00 ∈ [x0 ]R . On vient de montrer que [x]R ⊂ [x0 ]R , mais comme la relation est symétrique,
le même raisonnement s’effectue en intervertissant x et x0 , ce qui donne [x0 ]R ⊂ [x]R . Jusqu’ici on a montré que
xRx0 ⇒ [x0 ]R = [x]R . Supposons maintenant que x n’est pas relié à x0 , et supposons que ∃x00 ∈ [x0 ]R ∩ [x]R . Alors x0 Rx00
et xRx00 , en utilisant de nouveau la symétrie et la transitivité de R on a que x0 Rx ce qui contredit l’hypothèse, et clos
la démonstration de la deuxième partie de la proposition.
La dernière est une simple remarque qui veut que xRy si et seulement si {x, y} ∈ [x]R .
La proposition ci-dessus permet une visualisation très importante des relations d’équivalences : soit A1 , . . . , An
des sous-ensembles de X, deux à deux disjoints (i.e. i 6= j ⇒ Ai ∩ A j = ∅) et dont l’union est X (i.e. ∪Ai = X), ils
forment ce qu’on appelle une partition de X. La proposition 4.4 dit que toute partition donne lieu à une relation
d’équivalence et vice-versa.
Exemple 4.5: Soit R la relation sur les sommets X d’un graphe G définie comme suit : xRy si soit il existe un chemin
de x à y et un chemin de y à x, soit x = y.
– Reflexivité : puisque x = x, xRx fait partie de la définition de R.
– Symétrie : de nouveau par définition, x 6= y et xRy veut dire qu’il y a un chemin [x, y) et un chemin [y, x), ce
qui est identique au sens de yRx.
– Transitivité : Si xRy et yRz, on a un chemin [x, y) et un autre [y, z), par simple composition il y en a un de x à
z. On a aussi un chemin [z, y) et un autre [y, x), donc de nouveau par composition un chemin [z, x). Ainsi xRz.
R est donc une relation d’équivalence. La classe d’équivalence d’un point x est l’ensemble des sommets vers lesquels
et desquels il y a un chemin. Visiblement, le graphe induit par ces sommets est fortement connexe. La partition
associée à R n’est autre que celle donnée par les composantes fortement connexes du graphe.
Exemple 4.6: Dire que G1 RG2 s’il existe un isomorphisme de G1 vers G2 est aussi une relation d’ordre.
E XERCICE 14: Soit f : X → Y une fonction, et soit R la relation sur X définie par xRy si et seulement si f (x) = f (y).
Montrer que R est une relation d’équivalence. Quelles sont les classes d’équivalence de R ? Si on suppose maintenant
que R est une relation d’équivalence sur X, montrer qu’il existe une fonction f ayant pour domaine X telle que
xRy ⇔ f (x) = f (y). L’image de la fonction f est souvent notée X/R et appelée le quotient de X par R.
E XERCICE 15: Soit R définie sur X = N × N par (a, b)R(a0 , b0 ) si et seulement si a + b0 = a0 + b. Montrer que R est
une relation d’équivalence. Identifier X/R ( i.e. trouver une bijection vers un autre ensemble).
E XERCICE 16: Une partition P1 est dite plus fine que la partition P2 si tous les ensembles de P1 sont contenus dans
un ensemble de P2 . Soit R1 et R2 deux relations d’équivalence sur X, et P1 , P2 les partitions données par leurs classes
d’équivalences respectives. Montrer que R1 ⊂ R2 si et seulement si P1 est plus fine que P2 .
Définition 4.7: Une relation d’ordre est quant à elle une relation qui est
– réflexive, i.e. ∀x ∈ X, xRx,
– antisymétrique, i.e. ∀x, x0 ∈ X, xRx0 et x0 Rx ⇒ x0 = x,
– transitive, i.e. ∀x, x0 , x00 ∈ X, xRx0 et x0 Rx00 ⇒ xRx00 .
Les relations d’ordre par , 4 ou ≺. Notons que la reflexivité indique qu’il s’agit d’ordres non stricts (de type
≤ plutôt que <). Par abus de langage, lorsque xRy on dit parfois que x est plus petit que y (pour R).
Définition 4.8: Soit X un ensemble muni d’une relation d’ordre R. On dit que deux éléments x et x0 sont comparables (au sens de R) si xRx0 ou x0 Rx. Un élément maximal est un x tel que xRy ⇒ y = x. Un maximum est un
élément x tel que ∀y ∈ X, yRx. On dit qu’une relation d’ordre est une relation d’ordre total si tous les éléments sont
comparables, c’àd. ∀x, y ∈ X on a soit xRy ou yRx.
On définit un élément minimal et un minimum de la façon analogue au concept maximal/maximum. La nuance
M314 - Graphes et algèbre - Notions fondamentales pour la théorie des graphes
9
entre élément maximal, et maximum vient précisément du fait qu’un ordre n’est pas toujours total. Effectivement,
rien dans la définition d’une relation d’ordre exige que n’importe quels deux éléments soient comparables. Un
élément maximal représente l’idée que rien n’est “meilleur” que lui, alors qu’un maximum est “meilleur” que tous
les autres.
Exemple 4.9: Cunégarde veut s’acheter une paire de chaussures. Elle les caractérise par deux nombres réels positifs :
son appréciation a et leur prix p. Il établit la relation R “est clairement une moins bonne affaire” comme suit :
(a1 , p1 )R(a2 , p2 ) si a1 ≤ a2 et p1 ≥ p2 . Dans ce cas-ci, (7, 100) ne se compare pas avec (6, 80) : au sens de R l’un
n’est pas plus grand que l’autre.
Exemple 4.10: Pour n’importe quel ensemble X, on peut mettre une relation d’ordre sur P (X) en disant qu’un
ensemble est plus petit qu’un autre s’il est inclus dedans. Dans ce cas, tous les éléments ne sont pas comparables
mais il existe néanmoins un maximum, c’est X, et un minimum, c’est ∅.
Exemple 4.11: Soit X = {1, 2, . . . , 9, 10}, et R définie comme suit : xRx0 si x divise x0 . C’est une relation d’ordre.
Elle possède un minimum puisque 1 divise tous les entiers. Par contre, il y a plusieurs éléments maximaux : 6, 7, 8, 9
et 10. Puisque tout élément de X que l’un d’entre eux divise ne peut être que lui-même.
E XERCICE 17: On peut construire un graphe orienté à partir d’une relation d’ordre, en déclarant qu’il y a une arête
entre de x à x0 si xRx0 . Comment les propriétés de reflexivité, d’antisymétrie et de transitivité s’expriment-elles sur
la matrice d’adjancence du graphe ?
Exemple 4.12: Sur les graphes on peut mettre plusieurs relations d’ordre. Si l’ensemble des sommets est fixé (on ne
regarde que les graphes Gi = (X, Ei ) tels que Ei ⊂ X × X pour un ensemble X fixé), l’inclusion de l’ensemble des
arêtes donne aussi une relation d’ordre.
Souvent on s’intéressera au graphes extrémaux (minimaux ou maximaux) pour cette relation (qui par abus de
langage est parfois notée ⊂), parmi les graphes satisfaisant certaines propritétés. Des question qui sont déjà apparues
dans les exercices sont de trouver le graphe maximum (au sens du plus grand nombre d’arêtes) parmi les graphes
possédant n sommets.
Exemple 4.13: Dans un graphe fixé, on peut aussi définir un ordre sur les chaînes (ou les cycles) grâce à l’inclusion.
Dans cette relation on peut avoir, parmi les chaînes élémentaires, plusieurs chaînes (élémentaires) maximales qui ne
sont pas des maximums. On emploie parfois le terme “chaîne de longueur maximale” en voulant dire qu’elle ne peut
être strictement incluse dans une autre chaîne.
Exemple 4.14: Toujours dans un graphe fixé, on peut aussi définir un ordre sur les chemins (ou les circuits), mais
l’inclusion n’est pas bien définie pour un chemin puisqu’il s’agit s’une suite ordonnée d’arête. Il faut alors avoir recours une notion légèrement différente : un chemin C1 est plus petit que C2 s’il existe deux chemins (potentiellement
vides) D et D0 tels que C2 est le fait de parcourir D puis C1 puis D0 , i.e. C2 = DC1 D0 . Un autre concept qui apparaîtra
dans le cours est de restreindre cette relation aux chemins qui se terminent (ou aux chaînes qui ont une extrémité) en
un point x. Comme précédemment on peut être maximal sans être maximum.
Remarquons que dire que C1 RC2 si C1 parcourt moins de sommets (ou d’arêtes) que C2 , n’est pas une relation
d’ordre car l’antisymétrie n’est pas respectée. De la même façon dire que G1 RG2 si |X1 | ≤ |X2 | ou encore |U1 | ≤ |U2 |
ne donne pas une relation d’ordre, puisque deux graphes peuvent avoir le même nombre de sommets ou d’arêtes sans
pour autant être égaux (même au sens plus faible qu’il existe une bijection entre X1 et X2 qui induit une bijection sur
U1 et U2 ) ce qui ne satisfait pas la condition d’antisymétrie. Évidemment, il est possible de modifier le sens “être
égal”, e.g. en changeant l’égalité par “être équivalent” au sens d’une certaine relation d’équivalence. On peut aussi
éviter ce genre de problème en parlant d’ordres stricts :
Définition 4.15: Soit R une relation sur X. R est une relation d’ordre stricte (ou un ordre strict) si elle est
– antiréflexive, i.e. ∀x ∈ X, xRx est faux,
10
– strictement antisymétrique, i.e. ∀x, x0 ∈ X, xRx0 ⇒ x0 Rx est faux,
– transitive, i.e. ∀x, x0 , x00 ∈ X, xRx0 et x0 Rx00 ⇒ xRx00 .
Les notions d’élément maximal et de maximum persistent :
– x est un maximum si ∀y ∈ X \ {x}, yRx ;
– x est maximal si ∀y ∈ X, xRy est faux.
Exemple 4.16: Pour deux graphes G1 = (X1 ,U1 ) et G2 = (X2 ,U2 ), on peut définir une relation de type inclusion
stricte, intuitivement elle se décrirait par la possibilité de trouver le graphe G1 dans G2 . Plus précisément, G1 RG2 si il
y a une injection f : X1 → X2 qui n’est pas surjective telle que l’application f¯ induite sur les arêtes (si u = (x, x0 ) ∈ U1 ,
f¯(u) = ( f (x), f (x0 ))) est bien définie (c’àd. ∀u ∈ U1 , f¯(u) ∈ U2 ) et ni f .
Exemple 4.17: Dans un graphe G = (X, E), on peut définir un ordre strict sur les chaînes et les cycles comme
ci-haut : C1 RC2 si C1 contient moins (strictement) de sommets que C2 .
E XERCICE 18: Notons ≺ la relation d’ordre stricte donnée par l’inclusion (stricte) de l’ensemble des arêtes, c’àd.
pour deux graphes (non-orientés) G1 = (X, E1 ) et G2 = (X, E2 ) tous deux possédant les mêmes sommets, on dit que
G1 ≺ G2 si E1 ⊂ E2 . Au sens de ≺, donner au moins deux exemples de graphes
(a) sans cycles et maximaux.
(b) sans cycles de longueur 3 et maximaux.
E XERCICE 19: Soit K5 le graphe complet à 5 sommets. Trouver trois sous-graphes maximaux (au sens de l’inclusion
stricte de l’ensemble des arêtes) qui ont la propriété de ne pas être 2-connexes. Trouver deux sous-graphes maximaux
(au même sens) qui ont la propriété de ne pas contenir de triangles.
5
Dénombrement de parties, d’applications.
On étudie quelques dénombrements de base.
Proposition 5.1: Soit N un ensemble de cardinal n (possiblement nul) et M un ensemble de cardinal m ≥ 1. Alors
il existe mn fonctions de N dans M.
Démonstration. On procédera par récurrence sur n, c’àd. P(n) :“il y a mn fonction d’un ensemble de cardinalité n
dans un ensemble de cardinalité m”. Vérifions d’abord que c’est vrai pour n = 0. Pour comprendre le sens dans cette
situation, il faut voir une fonction f : N → M comme un sous-ensemble de N × M. Si n = 0, c’àd. N = ∅, il s’ensuit
que f = ∅. Donc qu’il n’y a qu’une fonction et comme 1 = m0 , P(0) est vraie. Supposons maintenant que P( j)
est vraie lorsque 0 ≤ j ≤ k, et tentons de montrer P(k + 1). Si N est un ensemble à k + 1 éléments, on en choisit
un disons a ∈ N. Une fonction f : N → M revient à une valeur pour f (a) et une fonction sur les autres éléments
f|N\{a} : N \ {a} → M. Comme M a m éléments, il y a m choix possibles pour f (a), et pour chacun de ces choix mk
fonctions de N \ {a} dans M, ce qui donne m · mk = mk+1 façon d’envoyer N dans M.
Corollaire 5.2: Soit X un ensemble de cardinal n, alors il y a 2n sous-ensembles, i.e. |P (X) | = 2n
Démonstration. On exhibe une bijection entre les fonctions de X à valeur dans {0, 1} et les sous-ensembles en
associant à une fonction f : X → {0, 1} l’ensemble A f = {a ∈ X| f (a) = 1}, ou inversement en envoyant l’ensemble
A vers sa fonction caractéristique :
(
0 si x ∈
/ A,
1lA (x) =
1 si x ∈ A.
L’ensemble des fonctions de X dans {0, 1} a cardinalité 2n , par la proposition 5.1, ce qui conclut la démonstration.
M314 - Graphes et algèbre - Notions fondamentales pour la théorie des graphes
11
E XERCICE 20: Trouver le nombre de sous-ensembles de cardinalité impaire de X. Indice : montrer qu’il y a une
bijection entre les sous-ensembles de X de cardinalité impaire, et tous les sous-ensembles de X \ {a} pour un a ∈ X
quelconque. Alternativement, utiliser la formule du binôme pour x = 1 et x = −1.
Proposition 5.3: Soit N un ensemble de cardinal n ≥ 1 et M un ensemble de cardinal m ≥. Alors il existe
n−1
∏ (m − i) = m(m − 1)(m − 2) · · · (m − i + 1)(m − i)
i=0
injections de N dans M.
Démonstration. Tout d’abord, on constate que lorsque n > m le produit donne 0 ce qui est correct. Ensuite, on
n−1
démontre ce résultat par récurrence sur n, c’àd. P(n) :“il y a ∏ (m − i) injections d’un ensemble de cardinalité n
i=0
dans un ensemble de cardinalité m”. P(1) est facile, car si N n’a qu’un élément, toutes les fonctions sont injectives.
Comme il y a m valeurs possibles pour f (a) où a est l’unique élément de N, P(1) est vrai.
Supposons que P( j) est vraie lorsque 1 ≤ j ≤ k, et tentons de démontrer P(k + 1). Dans cette situation N a k + 1
éléments et m ≥ k + 1. De nouveau, on décompose une injection en deux morceaux : pour un a ∈ N on a m choix
de valeurs à attribuer à f (a). Pour chacun de ces choix, on complète l’injection en envoyant (de façon injective) les
k−1
éléments de N \ {a} dans M \ { f (a)}, il y a ∏ (m − i − 1) telles injections par hypothèse d’induction (i.e. P(k) est
i=0
k−1
k
i=0
i=0
supposée vraie). D’où, lorsque N = k + 1 on trouve m · ∏ (m − i − 1) = ∏ (m − i), c’àd. que P(k + 1) est vraie. Par
récurrence, on a complété la démonstration.
On appelle permutation une bijection d’un ensemble fini X dans lui-même. Comme toute injection d’un ensemble fini dans lui-même est une bijection, la proposition 5.3 précédente permet de déterminer le nombre de permutations de X : si |X | = n, la cardinalité de l’ensemble des bijections de X dans X est
n
n! = ∏i = 1 · 2 · · · (n − 1) · n,
i=1
si n ≥ 1 et 0! = 1 si n = 0.
E XERCICE 21: À l’époque des numéros de téléphones à 8 chiffres, combien y avait-il de numéros sans qu’aucun
chiffre ne se répète ?
Les coefficients binomiaux sont définis pour n, k ∈ N et k ≤ n comme suit
n
n!
n · (n − 1) · (n − 2) · · · (n − k + 2) · (n − k + 1)
=
=
k
k · (k − 1) · · · 2 · 1
k!(n − k)!
On notera par Xk = {Y ⊂ X| |Y | = k} l’ensemble de tous les sous-ensembles à k éléments de X. Par exemple :
{a, b, c}
= {{a, b}, {a, c}, {b, c}}
2
Proposition 5.4:
X |X |
k = k
Démonstration. Écrivons pour simplifier |X | = n. La preuve consiste à compter les “k-uplets” ordonnés de X de
deux façons :
12
a. D’une part, il y en a autant que de fonctions injectives de {1, 2, . . . , k} dans X, c’àd.
5.3.
n!
(n−k)!
par la proposition
b. De l’autre, chaque sous-ensemble à k éléments de X (non-ordonné) donne
lieu
à k! “k-uplets”, toujours par la
X proposition 5.3. Les “k-uplets” ordonnés de X sont donc au nombres de k k!.
n!
n!
, d’où Xk = k!(n−k)!
Conséquemment, on a Xk k! = (n−k)!
E XERCICE 22: Combien y a-t-il de façons d’écrire un entier positif m sous la forme de la somme r entiers si l’ordre
des termes a une importance ? Par exemple, pour m = 3 et r = 2 on trouve 3 = 0 + 3, 3 = 2 + 1, 3 = 1 + 2 et
3 = 3 + 0. Sachant cela combien existe-t-il de fonctions de {1, 2, . . . , r} dans {1, 2, . . . , m} qui sont croissantes ( i.e.
a ≥ b ⇒ f (a) ≥ f (b) ?
Voici deux propriétés importantes des coefficients binomiaux (qui peuvent se justifier par un point de vue combinatoire)
n =
n k
n
−
k
n + n = n + 1
k
k+1
k+1
La seconde de celles-ci donne la formule du binôme : soit n ∈ N alors on a l’égalité des polynômes suivants
n n k
n
(1 + x) = ∑
x
k=0 k
Plusieurs relations entre les coefficients binomiaux apparaissent par l’intermédiare de cette formule, en prenant x = 1
ou x = −1
E XERCICE 23: Soit X de cardinal n. Utiliser la formule du binôme et les nombres complexes pour trouver le nombre
de sous-ensembles de X dont le nombre d’éléments est divisible par 4 ? divisible par 3 ? (indice : poser successivement pour x les racines quatrièmes de l’unité et additionner le tout)
E XERCICE 24: Combiens de sous-ensembles à k éléments de {1, 2, . . . , n} ne contiennent pas deux nombres consécutifs ?
E XERCICE 25: Soit X un ensemble à n éléments. Combien existe-t-il de relations sur X ? de relations réflexives ? de
relations réflexives et symétriques ?
6
Principe d’inclusion-exclusion.
Nous l’énoncerons sans le démontrer (la démonstration peut se faire soit par récurrence, soit avec les coefficients
binomiaux).
{1, 2, . . . , n}
Théorème 6.1: Soit A1 , A2 , . . . , An une collection d’ensembles finis, soit Ik =
alors
k
n
n ∪ Ai = ∑ (−1)k−1 ∑ ∩ A j j∈J i=1 J∈Ik
k=1
On préférera peut-être la notation :
n ∪ Ai =
i=1
(−1)
∑
∅(J⊂{1,2,...,n}
∩ A j .
j∈J
|J |−1 La plupart du temps on l’écrit seulement pour n = 2 ou 3 :
|A ∪ B |
= |A | + |B | − |A ∩ B |
|A ∪ B ∪C | = |A | + |B | + |C | − |A ∩ B | − |A ∩C | − |B ∩C | + |A ∩ B ∩C |
M314 - Graphes et algèbre - Notions fondamentales pour la théorie des graphes
Proposition 6.2: Soit m ≥ n, alors il y a
n−1
∑ (−1)i
i=0
13
n
n
n
n
(n − i)m = nm −
(n − 1)m +
(n − 2)m + · · · + (−1)n−1
1m
i
1
2
n−1
surjection de M = {1, 2, . . . , m} sur N = {1, 2, . . . , n} (et donc en général d’un ensemble à m éléments sur un ensemble
à n éléments)
Démonstration. Comme il arrive très souvent avec le principe d’inclusion-exclusion il servira à compter ce qui n’est
pas demandé. Ici, on comptera d’abord les fonctions qui ne sont pas surjectives. Pour 1 ≤ i ≤ n, désignons par Ai
l’ensembles des fonctions qui ne prennent pas la valeur i. L’ensemble des fonctions qui ne sont pas surjectives est
A1 ∪ A2 ∪ · · · ∪ An . D’un autre côté, on connait très bien la cardinalité de Ai , puisque c’est la cardinalité de l’ensemble
des fonctions de M sur N \ {i}, c’àd. (n − 1)m (voir proposition 5.1). De même, pour J ⊂ N, la cardinalité de ∩ A j
j∈J
est celle de l’ensemble des fonctions de M sur N \ J, c’àd. (n − |J |)m . Il ne reste plus qu’à appliquer le principe
d’inclusion-exclusion (on rappelle que Ik = N
k est l’ensembles des sous-ensembles de N à k éléments) :
n ∪ Ai =
i=1 =
n
∑
(−1)k−1
k=1
n
∑ ∩ A j J∈I j∈J
k
∑
(−1)k−1
k=1
n
∑ (n − |J |)m par la |∩Ai | calculée ci-haut
J∈Ik
∑ (−1)k−1 ∑ (n − k)m
J∈Ik
n(n − k)m
k−1
= ∑ (−1)
k
k=1
=
k=1
n
puisque |J | = k
car |Ik | = nk , voir proposition 5.4.
Maintenant le nombre de fonctions surjectives sera le nombre total de fonctions (nm ) moins l’expression ci-haut, ce
qui conclut la démonstration.
Passons à un exemple classique :
Exemple 6.3: À une réunion de personnalités importantes, n messieurs ôtent leur chapeau avant de rentrer et les
déposent au vestiaire. Pendant la réunion, tension dans le vestiaire, on renverse l’étagère où les chapeaux étaient
soigneusement rangés. Quitte à perdre la face, le responsable du vestiaire décide de remettre aux personnes qui
ont déposé un chapeau, n’importe quel chapeau au hasard. Quelle est la probabilité que personne ne retrouve son
chapeau (c’àd. que chacun ait un chapeau qu’il ne possède pas) ?
La probabilité dans une situation pareille s’évalue par le rapport du nombre de cas “favorables” (personne n’a
son chapeau) divisé par le nombre de cas possibles. Comme il s’agit de remettre un seul chapeau à chaque personne
et que le nombre de personnes qui ont un chapeau ne change pas, il y a autant de façons qu’il y a de fonctions d’un
ensemble à n éléments (les chapeaux) vers un autre ensemble à n éléments (les messieurs), c’àd. de permutations
d’un ensemble à n éléments. Il y a donc n! cas possibles en tout (voir en dessous de la proposition 5.3).
Pour le nombre de cas possibles on regarde de nouveau l’événement contraire. Numérotons (avec tout le respect
qui leur est dû) ces messieurs, et posons N = {1, 2, . . . , n}. Soit Ai l’ensemble des cas où le ième monsieur reçoit
son chapeau. Il y autant d’éléments de Ai que de permutations de N \ {i}, c’àd. (n − 1)!. De même, pour J ⊂ N, la
cardinalité de ∩ A j est celle de l’ensemble des permutations de N \ J, c’àd. (n − |J |)!. Comme précédemment, on
j∈J
14
peut maintenant appliquer le principe d’inclusion-exclusion (de nouveau Ik = N
k ):
n
n ∪ Ai = ∑ (−1)k−1 ∑ ∩ A j i=1
=
k=1
n
J∈Ik j∈J
k=1
n
J∈Ik
∑ (−1)k−1 ∑ (n − |J |)! par la |∩Ai | calculée ci-haut
∑ (−1)k−1 ∑ (n − k)!
J∈Ik
n(n − k)!
k−1
= ∑ (−1)
k
k=1
n
= ∑ (−1)k−1 n!
k!
k=1
puisque |J | = k
=
k=1
n
comme |Ik | = nk , voir 5.4.
n!
car nk =
.
k!(n − k)!
Ceci est le nombre de façons pour qu’il y ait au moins une personne qui retrouve son chapeau ; le nombre de façon
de ne pas redonner de chapeau sera le nombre total de permutations (n!) moins l’expression ci-haut, ce qui donne
n
∑ (−1)k n!
k! .
k=0
Pour avoir la probabilité on fait la division :
n
P=
Cas favorables
=
Cas possibles
n!
∑ (−1)k k!
k=0
n!
n
=
1
∑ (−1)k k! .
k=0
Il peut paraître surprenant que cette probabilité tende vers une constante précise, e−1 ' 0, 367879441, lorsque k tend
vers l’infini.
Il est commun d’appeler des permutations qui ne fixent aucun élément des dérangements ; l’exemple ci-haut dit
n
1
que le nombre de dérangements de n objets est n! ∑ (−1)k−1 k!
k=1
E XERCICE 26: Soit p et q des nombres premiers distincts, combien y a-t-il de nombre inférieurs à pq qui ne sont
divisibles ni par p ni par q ?
E XERCICE 27: Combien y a-t-il de résultats possibles pour n lancers d’un dé (à six faces) en tenant compte de
l’ordre ? Toujours en tenant compte de l’ordre, combien y a-t-il de résultats pour n lancers sans jamais qu’un 6
n’apparaisse ? Combien y a-t-il de façons d’obtenir les 6 chiffres d’un dé en n lancers ?
Si vous avez des questions (sur les TD, le cours ou la vie), n’hésitez pas à passer me voir de 16h à 18h les jeudis à mon bureau (Salle 227, bâtiment 440), à m’accrocher après un TD ou un cours, ou à m’envoyer un courriel ([email protected]).
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