PHOTONS
Vol. 2, no 1, automne 2004
CONTEXTE
Photonique sous-longueur d’onde
La lumière est constituée d’ondes ou de particules, selon ce qui se prête le mieux au phénomène à
l’étude. Notre revue technique s’intitule PHOTONS en référence aux particules. Cependant, quelques-
uns des articles que nous vous proposons dans cette parution portent sur la lumière vue sous forme
d’ondes. Ils traitent plus particulièrement de ce qui arrive à la lumière lorsqu’elle traverse des objets
physiques qui sont plus petits que les ondes elles-mêmes. Il s’agit d’un nouveau domaine d’étude en
photonique puisque ce n’est que tout récemment que de telles structures ont pu être fabriquées.
Fibres microstructurées
Par son programme de valorisation technologique et de réseautage, l’ICIP appuie des étudiants
canadiens désireux de faire un stage à l’extérieur du pays. Grâce à une collaboration avec une équipe à
la University of Sydney en Australie, Yannick Lizé, étudiant de l’ICIP, a pu réaliser de grands progrès
dans la mise au point de fibres optiques plus étroites que la longueur d’onde lumineuse qu’elle
transporte (« Tapered microstructured silica optical fibre with subwavelength core diameter »).
Les premières fibres de ce type ne sont apparues que tout récemment et consistaient en de fils de verre
très fins dont le diamètre était de beaucoup inférieur à un millionième de mètre. (La longueur d’onde de
la lumière utilisée en communication optique mesure environ le double.) Dans de telles fibres, la
lumière circule en partie dans le verre solide et en partie dans l’air externe qui l’entoure. Si un côté de
cette fibre minuscule vient en contact avec une autre surface, la partie externe de l’énergie lumineuse
pourrait être compromise. Voilà donc le grand défi qu’il faut surmonter avant de pouvoir tirer tous les
avantages de ces fibres.
Les fibres décrites dans l’article ont été conçues pour éviter ce problème. Le fil de verre qui transporte
la lumière est renfermé dans un tube et soutenu par des membranes de verre. La fibre est donc entourée
d’air sur toute sa circonférence et n’entre jamais en contact avec des structures externes. Lorsque ces
fibres sont de dimensions plus conventionnelles, on les appelle des fibres à gaine trouée, puisque
lorsqu’on les observe en coupe transversale, on aperçoit un disque avec des trous. Celles qui nous
concernent dans l’article sont beaucoup plus petites.
Les auteurs décrivent le procédé de fabrication de cette structure excessivement fine, les façons d’y
introduire la lumière et les diverses applications possibles. L’une d’elles est de s’en servir comme
capteur en la concevant de manière à ce qu’une grande partie de la lumière se retrouve à l’extérieur du
fil central. La lumière peut donc capter les propriétés du matériau qui entoure le fil et se trouve de
surcroît protégée de toute interférence en raison des structures de support. Cela n’est pas possible dans
les fibres ordinaires. Les fibres microstructurées permettent une interaction longue et contrôlée entre la
lumière et, par exemple, un gaz, ce qui pourrait donner lieu à la détection très précise des composants
du gaz.
Yannick Lizé est un étudiant au doctorat à l’École Polytechnique de Montréal. Il est également le
président du réseau étudiant de l’ICIP.
Des trous invisibles
Des chercheurs des milieux universitaire et industriel en Colombie-Britannique décrivent les résultats
extraordinaires qu’ils ont obtenus lorsqu’ils ont tenté de faire circuler la lumière à travers des matrices
de trous, chacun plus petits que la longueur d’onde de la lumière elle-même (« Understanding the
extraordinary optical properties of nanohole arrays in metals »). On s’attendrait à ce que très peu de
lumière puisse pénétrer. En fait, des objets plus petits que la longueur d’onde échappent à
l’observation, ce qui explique pourquoi on doit utiliser, pour imager d’infimes éléments, des électrons
dont les longueurs d’onde sont plus courtes que celles de la lumière.
Les faits qui se dégagent de l’expérience racontent une autre histoire. Lorsque les matrices de trous
sont fabriquées dans des couches de métal sur des substrats de verre, la lumière à une certaine longueur
d’onde traverse avec une aisance surprenante. Cela s’expliquerait par le fait que les trous transforment
le faisceau de lumière qui arrive en une onde inhabituelle qui rayonne vers l’extérieur sur la couche de
métal. Cette onde est ensuite réfléchie vers l’intérieur dans la matrice de trous. L’onde réfléchie sur la
surface est reconvertie à un autre faisceau lumineux de l’autre côté du métal. Ce faisceau poursuit son
parcours comme s’il avait tout simplement traversé la couche de métal.
L’équipe de la Colombie-Britannique a aussi fait d’autres découvertes inattendues. La polarisation de la
lumière sortante est modifiée par les détails de la forme de ces trous minuscules. Les matrices de trous
elliptiques polarisent la lumière le long du côté court de l’ellipse. Par ailleurs, les matrices de trous
disposés en paire produisent une polarisation qui suit la direction de la matrice. On ne comprend pas
encore au complet le phénomène.
Le procédé permet cependant à la lumière d’interagir avec une surface, puis de suivre son cours vers un
instrument capable de rendre compte des conditions perçues à la surface. Il s’agit donc d’une
découverte qui pourrait s’appliquer à la mise au point de biocapteurs, par exemple. Avec un système
optique adapté, on pourrait réaliser l’analyse des molécules en surface afin d’en déterminer divers
paramètres biologiques. L’équipe a déjà démontré que la transmission au moyen de nanotrous se prête
bien à de telles applications. De plus, les dispositifs de nanotrous sont bien adaptés pour l’utilisation
future dans des biopuces. Ces découvertes ouvrent la voie à la mise au point de microsystèmes
complets pour effectuer des analyses biologiques, un volet important des progrès futurs en
biotechnologie
La lumière polarisée en direction p démontre une forte transmission résonnante qui est réduite
(polarisation en s) dans les matrices de nanotrous elliptiques. En mortaise, on voit une image de
nanotrous elliptiques obtenue au microscope électronique à balayage.
Photos de molécules
Des chercheurs à l’Institut Steacie du Conseil national de recherches du Canada, à l’Université de
Sherbrooke et à McMaster University font état de travaux menés dans le cadre d’une collaboration
internationale. Il est question de violentes interactions optiques touchant des molécules de petites
dimensions (« Laser Coulomb explosion imaging »). Les chercheurs utilisent de la lumière pour imager
de minuscules structures, comme des molécules d’eau, dont les dimensions sont inférieures de
plusieurs ordres de grandeur à la longueur d’onde de la lumière. Ils décrivent comment les molécules
sont rendues visibles par les ondes lumineuses.
Étant donné que les microscopes classiques et même électroniques n’offrent pas la précision nécessaire
pour imager les molécules, une autre approche doit être envisagée. Celle-ci est beaucoup plus radicale
et fait appel à la lumière pour ioniser les atomes en leur enlevant leurs électrons, les laissant ainsi avec
une charge électrique nette. Les lasers produisent maintenant des impulsions d’une durée étonnamment
brève qui réussissent à arracher d’un coup tous ses électrons à un atome. Lorsque les atomes sont liés
dans une molécule et que soudainement ils deviennent électrisés, ils se repoussent avec tellement de
violence que la molécule finit par exploser. Il est possible de récupérer les atomes qui jaillissent de
l’explosion et, par calcul, d’en déterminer la provenance. Ainsi, en recueillant les données de plusieurs
explosions, on arrive à préciser la position des atomes dans la molécule et d’en faire une image.
500 600 700 800 900
20
40
60
80
100
120
Wavelength (nm)
Transmission Intensity (a.u.)
p-pol
s-pol
Pour les besoins de l’expérience, il est important de préserver l’intégrité de la molécule lorsque
l’explosion se prépare. Auparavant, les impulsions laser étaient trop longues pour donner des images de
molécules de faible masse se déplaçant rapidement. Dans les travaux décrits dans l’article, des
impulsions extrêmement brèves sont appliquées. Elles durent 8 femtosecondes (1 femtoseconde est un
millième d’un millionième d’un millionième d’une seconde, c’est-à-dire le temps nécessaire pour
qu’un faisceau de lumière voyage 0,3 micron, soit une infime fraction du diamètre d’un cheveu
humain). Ces dernières années, le Canada tient le haut du pavé au chapitre des découvertes
scientifiques et des applications des impulsions laser ultrabrèves.
Les auteurs rapportent qu’ils ont pu imager deux molécules très légères, soit le dioxyde de soufre et
l’eau lourde. On peut donc entrevoir la possibilité d’être capable un jour de suivre les interactions
moléculaires dans les transformations chimiques, ce qui serait nettement utile dans le cas de l’eau. Ces
travaux illustrent bien comment, avec les techniques appropriées, on peut obtenir, grâce à la
photonique, des résultats hors de toute attente.
Télécommunications
Communications sécuritaires fiables
Lorsqu’ils se retrouvent en petits nombres, les photons se comportent d’une façon bien différente. Les
progrès technologiques nous permettent maintenant de manipuler individuellement les photons, ce qui
ouvre la voie à de nouvelles découvertes scientifiques basées sur les phénomènes de mécanique
quantique. On discute déjà abondamment de la mise au point d’ordinateurs quantiques capables en
principe de déchiffrer les codes utilisés pour le transfert électronique des fonds, par exemple. Fort
heureusement, des chercheurs travaillent à l’utilisation de méthodes photoniques pour transmettre des
données de façon sécuritaire à l’épreuve de toutes tentatives d’effraction. Le concept qui a d’abord été
lancé par des Canadiens au milieu des années 80 s’appuie sur la cryptographie quantique dans le but de
générer des clés de cryptage pour communiquer dans le secret le plus absolu. Des systèmes de
cryptographie quantique sur fibre optique ont d’ailleurs déjà fait leur apparition sur le marché.
À l’heure actuelle, la sécurité quantique ne peut être assurée qu’entre les deux extrémités d’une même
fibre optique. Cependant, il pourrait être souhaitable que plusieurs abonnés puissent communiquer
entre eux. À cette fin, une équipe de chercheurs à Toronto, Waterloo, Hamilton, Ottawa et Montréal est
à mettre au point de nouveaux concepts. L’article « Towards an implementation of quantum key
distribution in optical fibre telecommunication networks ») présente la recherche en cours à Montréal
où les chercheurs transmettent plusieurs signaux sur la même fibre à différentes longueurs d’onde
(multiplexage en longueur d’onde). Il s’agit d’une méthode dont l’utilisation est répandue en
télécommunications et qui fait appel à des composants de très haut raffinement qui existent déjà. Le
Canada a d’ailleurs été une des principales sources de ces composants au moment de l’essor des
communications optiques au début du siècle.
Employé dans les systèmes de cryptage quantique, le multiplexage en longueurs d’onde permet à deux
utilisateurs de générer une clé secrète qui est inconnue même du serveur qui distribue les photons.
Selon les chercheurs, quand deux utilisateurs communiquent dans un réseau qui comporte plusieurs
serveurs, la moitié seulement des serveurs doit être sécurisée, ce qui impose moins de contraintes sur la
conception du réseau.
Afin de réaliser un tel système, on doit produire, à la longueur d’onde désirée, des photons en paire
dans un état que l’on dit « intriqué ». Ces photons demeurent liés l’un à l’autre peu importe la distance
qui les sépare. La connaissance de l’un informe au sujet de l’existence de l’autre. Le groupe développe
présentement une source pour produire ces paires de photons en se basant sur une approche optique non
linéaire révolutionnaire. Il met aussi au point des systèmes de codage/décodage présentant la stabilité
nécessaire pour détecter l’état quantique des photons.
Fibre pour communication sans fil
Une équipe à Ryerson University étudie l’utilisation des fibres optiques dans des systèmes évolués de
radio cellulaire (« Radio over fibre for broadband wireless access »). À l’avenir, les abonnés des
réseaux de communication cellulaire enverront et recevront de plus grandes quantités d’information
qu’ils ne le font présentement. Il faut donc prévoir plus de bande passante radio, ce qui n’est pas facile,
compte tenu de toutes sortes de considérations juridiques et techniques.
Une des méthodes qui permettrait de surmonter cette difficulté serait d’utiliser de multiples petites
cellules radio à la place d’une seule plus grande. On pourrait attribuer aux abonnés de différentes
microcellules la même fréquence radio puisqu’ils n’interagissent pas les uns avec les autres
directement. Les petites stations de base cellulaires sont liées les unes aux autres au moyen de fibres
optiques qui transportent les signaux radio. La fibre optique pour une application comme celle-ci offre
l’avantage de procurer une large bande passante à faible coût. Les systèmes cellulaires de l’avenir qui
seront composés de microcellules liées fourniront des services à haute vitesse à des dispositifs portables
de très petites dimensions appelés à fonctionner sur de courtes distances radio.
Les signaux radio qui sont convertis en signaux lumineux pour transport sur des fibres optiques, puis
reconvertis pour transmission radio sont sujets à une importante détérioration. Les chercheurs de
Ryerson ont caractérisé avec soin ces problèmes et proposent des moyens d’en régler certains. Une
étude pondérée démontre qu’un système radio à large bande (IS-95) pourrait s’intégrer à des cellules
dont le rayon ne dépasse pas les quarante mètres au moyen de liens fibrés mesurant quelques
kilomètres.
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