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L’Asie du Sud-est
et le Japon
Sophie Boisseau du Rocher, Chercheur Asia Centre
Guibourg Delamotte, Chercheur Asia Centre
Juillet 2010
étude
ASIA CENTRE CONFERENCE SERIES
La relation du Japon avec ses voisins est chargée d’une
histoire complexe. S’étant aliéné une grande partie de l’Asie
pendant la Seconde Guerre mondiale en la colonisant, le
Japon a dû chercher les moyens de renouer des liens
constructifs et de la réintégrer après la Seconde Guerre
mondiale. L’économie et l’alliance nippo-américaine ont
été les deux principaux vecteurs de cette réinsertion et
pour les pays d’Asie du Sud-est, le Japon est devenu,
au milieu des années 1980, un support indispensable.
On a même évoqué un partenariat «stratégique» tant
le Japon a alimenté et ce faisant, permis, la modernisation
économique de la région; en ce sens, l’Asie du Sud-est a
largement contribué à la réhabilitation du Japon en Asie et
à sa normalisation diplomatique sur la scène mondiale.
La montée en puissance chinoise constitue depuis le
début des années 2000 un dé que le Japon peine à
relever, et la relation de l’une et l’autre puissance avec
cette tierce région que représente l’Asie du Sud-est
l’illustre parfaitement. D’une part, parce que le Japon est
lui-même face à une crise économique et confronté à une
instabilité politiquechronique ; d’autre part, parce qu’il ne
dispose pas, et n’a jamais vraiment disposé, de ce potentiel
de sympathie nécessaire pour assurer un vrai « soft
power»; enn, parce que la Chine exerce une pression
qui ne se relâche pas (en dépit du fait qu’elle valorise aussi
les investissements et le marché japonais) et qui contribue
à avaliser la rumeur du « déclin japonais ». Le modèle
japonais, qui naguère faisait des émules (on se souvient
des «Look East policies» initiées en Asie du Sud-est), est
distancé aujourd’hui par le dynamisme du développement
chinois. La perte d’inuence du Japon n’est pas
donc seulement le produit d’une crise transitoire ;
il s’agit bien de la remise en cause structurelle d’un
modèle de développement à laquelle, actuellement, le
Japon a du mal à réagir pour proposer des solutions
crédibles.
La question centrale pour les équilibres en Asie orientale est
de savoir si le Japon va se donner les moyens, et prendre
les décisions conséquentes, d’être une grande puissance
dans cette partie du monde. Il en a plusieurs fois eu la
tentation sans jamais réussir à transformer l’essai sur le
terrain et à assumer cette mutation. On a pu envisager un
tel tournant avec l’arrivée au pouvoir de Yukio Hatoyama
(DPJ) en juillet 2009. Sa démission un an plus tard sonne-
t-elle le glas de ce basculement?
En contrepoint, on peut aussi s’interroger sur le
comportement de l’Asie du Sud-est envers les hésitations
japonaises. Les pays de l’ASEAN vont-ils contribuer
à la métamorphose nippone pour l’aider à sortir du
dilemme diplomatique dans lequel il s’est enfermé
(ou l’alliance avec les États-Unis ou le rapprochement
2
en Asie) ou vont-ils en attendre passivement les
résultats, comme ils l’ont fait jusqu’à présent?
I. Les reLatIons du Japon avec L’asIe du
sud-est, étabLIes aps La guerre, sont ancrées
sur des bases solides: la guerre froide les a
rapprocs.
1. Il a rétabli des relations diplomatiques
avec ces pays dès les années 1950
L’Indonésie et les Philippines ont pris part à la conférence
de San Francisco de 1952 qui abouti à la signature d’un
traité de paix, mais elles ne le ratieront pas : c’est par
des accords bilatéraux que le Japon rétablit ses relations
diplomatiques avec ces pays. La Birmanie, invitée à la
conférence, n’y prend pas part. La normalisation des
relations avec les pays d’Asie du Sud-est intervient avec le
gouvernement de Hatoyama Ichirô au milieu des années
1950 et marquera, après le versement des réparations de
guerre, le début de liens économiques étroits.
Des accords sont ainsi signés avec la Birmanie (1954), les
Philippines (1956), l’Indonésie (1956), le Vietnam Sud, puis
Nord (1973), le Cambodge (1953) et le Laos (1955). Ces
accords n’octroient pas d’indemnités de guerre, mais des
aides économiques, sous la forme de dons, de prêts, de
contrats ou de livraison de matériels.
S’il ne rétablit ses relations avec le Vietnam qu’en 1973,
il applique à ces relations un principe de séparation
des questions économiques et politiques (seikeibunri) :
le Japon ne prétendra pas donner de leçons de
démocratie à ces pays qui entendent tirer prot de la
politique d’aide au développement et d’investissement
du Japon en Asie. Il est vrai aussi que le contexte de
guerre froide laissait de côté ce volet politique et que d’une
certaine façon, le Japon suivait la diplomatie américaine
sur ce terrain.
En 1977, la doctrine Fukuda (Takeo), en 1977, souligne,
d’une part, l’engagement paciste du Japon, d’autre part, sa
volonté d’établir avec ses voisins des relations de conance
et de contribuer à la stabilité de la région en favorisant les
échanges avec les pays de la péninsule indochinoise. En
1993, la doctrine Miyazawa (Kiichi) souhaite que le Japon
contribue à libéraliser et à démocratiser la région et prône
le dialogue avec le bloc communiste.
2. La Guerre froide les a rapprochés
La Guerre froide a rapproché le Japon des pays de l’Asean
qui étaient neutralistes (Malaisie, Indonésie) ou proches
des États-Unis (Philippines, Thaïlande).
Même si le passé de la Seconde Guerre mondiale
est moins évoqué en Asie du Sud-est qu’en Asie du
Nord-est, il n’est pas oublié: en mars 2007, lorsqu’Abe
Shinzô avait déclaré que le rôle de l’armée dans l’esclavage
sexuel des « femmes de réconfort » (qui auraient été
entre 80000 et 200000, notamment des Philippines, de
Malaisie et d’Indonésie) et la coercition exercée sur ces
femmes n’étaient pas avérés, ces pays avaient protesté.
Toutefois, ce passé ne fait pas l’objet d’une
instrumentalisation comme en Corée ou en Chine où il est
une composante du nationalisme. Le Japon a remplacé
dans ces pays d’autres colonisateurs qu’il a contribué
à chasser. Ce faisant, il a encouragé l’émergence des
nationalistes locaux (Sukarno par exemple). En outre,
après le départ des Japonais, ces pays ont souvent
connu des conits (indépendance de Singapour, conit
Indonésie-Malaisie de 1965; guerre du Vietnam; Khmers
rouges au Cambodge) qui ont pu estomper le souvenir de
la Seconde Guerre. Plus récemment, la religion a pu servir
de lien national (Indonésie), et les gouvernements n’ont
pas éprouvé le besoin de nourrir l’anti-japonisme de des
populations.
Surtout, la reconversion japonaise a été admise par les
dirigeants de ces pays qui voyaient avantage à attirer les
investisseurs japonais. De fait, la contribution du Japon à
l’essor régional y est reconnue (elle ne l’est toujours pas
en Chine et pas volontiers en Corée du Sud) : « géant
économique et nain politique », la formule convenait
parfaitement à l’Asie du Sud-est. Elle ne sera pas aussi
performante dans le contexte actuel.
La n de la Guerre froide a encore rapproché le Japon
de ces pays : leurs relations économiques sont restées
importantes malgré l’attraction exercée par l’économie
chinoise. Le Japon s’est impliqué dans la construction
régionale, notamment par le biais de l’Asean+3, et dans la
résolution des conits régionaux.
Les relations Asean-Japon subissent toutefois le
contrecoup de la croissance chinoise: une partie des ux
a été divertie vers la Chine et le Japon peine à prendre
l’initiative dans le domaine commercial. La partie semble
déjà perdue entre un Japon, qui même encore riche et
puissant, est confronté au déclin et au vieillissement
de sa population et un marché chinois de plus d’un
milliard de consommateurs : il est frappant de
constater qu’à présent, les États d’Asie du Sud-est ne
raisonnent pas à un horizon à dix ans mais à cinquante
ans. On revient au temps long chinois.
Sur un plan politique et stratégique cependant, la poussée
régionale de la Chine en mer de Chine méridionale apparaît
nalement favorable au Japon qui, de plus en plus, fait
ofce de contrepoids, de relais de la puissance américaine
et de facteur de stabilité.
II. dans Le domaIne commercIaL, Les pays du
sud-est mesurent La contrIbutIon du Japon aux
dynamIques régIonaLes, maIs Le Japon peIne à
préserver le «doux leadership» quil exerçait.
1. La contribution du Japon au dynamisme
régional n’est pas oubliée.
Le Japon a servi de modèle de développement à ces pays. Il
a associé substitution des exportations aux importations et
montée en gamme progressive de sa production industrielle,
et s’est appuyé sur une proximité entre administration,
entreprises et parti politique dominant, le recours à la
sous-traitance, un État peu dépensier, l’importance
de l’épargne privée, une main d’œuvre abondante.
3
Par ailleurs, le Japon a nancé une partie du développement
des pays d’Asie par le biais de délocalisations et de
réinvestissements sur place des liales des entreprises
japonaises. L’Asie est une destination importante des
investissements directs à l’étranger japonais à partir de
1985-86 (accords du Plaza), puis en 1990-91, quand
le Japon cherche à réduire le prix de ses produits
d’exportation d’abord, et à régler sa crise économique
ensuite. Ses investisseurs quittent la région en 1997,
au moment de la crise nancière régionale, avant de la
réinvestir massivement dès 1999.
L’Asie est la deuxième destination des prêts des banques
japonaises, la troisième destination des IDE japonais (l’UE
est la première). Toutefois, la tendance se modie au prot
de la Chine même si, l’Asie du Sud-est reste une zone
privilégiée si ce n’est qu’en raison de son importance
comme source d’approvisionnement énergétique (pétrole
et gaz d’Indonésie, de Brunei, de Malaisie et du Viêt Nam) :
en 2004, les IDE du Japon en Thaïlande et en Indonésie
dépassaient les IDE en Chine ; ça n’est plus le cas en
2008. Après la Chine arrivent désormais la Thaïlande
(plus de 2 milliards de dollars), le Viêt Nam (un milliard de
dollars), ensuite l’Indonésie, les Philippines et la Malaisie.
Le Viêt Nam (avec les États-Unis, l’Inde, la Chine, la Corée
du Sud) fait partie des pays en direction desquels les IDE
japonais ont le plus augmenté en 20081.
Par ailleurs, les dix pays de l’Asean arrivent en deuxième
position dans les échanges commerciaux japonais, après
la Chine et avant les États-Unis (l’UE est le quatrième
partenaire commercial du Japon, selon ce classement
sub-régional)2.
Dès 1978, le Japon est le premier distributeur d’aide
publique au développement en Asie (sous la forme de
dons ou de prêts). A la n des années 1990, 60% de l’APD
allait à l’Asie (45% de l’aide totale allant à cette région).
Sur ce terrain-là aussi, on constate des changements
majeurs. En 2008, le Japon a prêté ou donné deux fois
plus au Moyen-Orient (2,3 milliards de dollars) qu’à l’Asie
(1 milliard de dollars environ), troisième destination de son
APD (l’Afrique étant deuxième avec 1,4 milliard de dollars).
Ce transfert s’explique tant par l’enrichissement relatif de
l’Asie et la disparition progressive de l’APD en direction de
la Chine, que par la volonté du gouvernement japonais de
s’assurer de bonnes relations avec des pays fournisseurs
de pétrole.
2. Le Japon reste un moteur du dialogue
régional
Le Japon a jusqu’à présent été partisan d’une approche
souple et ouverte (à d’autres pays) de la construction
régionale, naguère par réticence à se poser en leader
régional et aujourd’hui parce que ses lobbys, notamment
agricoles, ne sont pas favorables à une intégration poussée.
Ce qui signie concrètement, que Tokyo ne jouera, pas
plus que Pékin même si c’est pour d’autres raisons, la
carte de la régionalisation institutionnelle. Sur le fond,
le Japon redoute un tête-à-tête avec la Chine, repousse
1 Ministère des Affaires étrangères : Seifu kaihatsu enjo (ODA)
kokubetsu databook 2009 : http://www.mofa.go.jp/mofaj/gaiko/
oda/shiryo/kuni/09_databook/pdfs/01-00.pdf
2 En 2008 : White paper, JETRO, 2009.
l’échéance d’une régionalisation qui le laisserait seul en
face des autres pays asiatiques et plaide pour l’intégration
des États-Unis dans les forums d’importance (il a ainsi
cassé l’initiative malaisienne d’un Groupe Economique
de l’Asie de l’Est, 1991, qui excluait explicitement
«les puissances blanches»).
 Les initiatives second track japonaises:
Le Pacic Forum for Trade and Development (PAFTAD)
a été créé en 1968 par Kojima Kiyoshi, Okita Saburô et
Miki Takeo– un universitaire, un fonctionnaire et un homme
politique japonais.
Le Pacic Economic Cooperation Council (PECC) a été
lancé en 1980 à l’instigation d’Ôhira Masayoshi et de
Malcom Fraser, les Premiers ministres japonais et australien.
Il rassemble des personnalités des milieux économiques,
universitaires et politiques.
Sur le fond, Tokyo lance, soutient et / ou nance toutes
les initiatives de dialogue mais n’ira pas plus loin dans la
réalisation concrète d’une architecture institutionnelle :
le Japon est un des acteurs importants de cette
régionalisation « plat de spaghettis » (formalisé par
l’économiste Baghwati et asiatisé sous le terme de
«noddle bowl»)
 Dans le domaine économique:
La Banque asiatique de développement a été créée en
1966 à l’initiative du Japon. L’Asia Pacic Economic
Cooperation est né d’un projet nippo-australien en 1989.
En 1997, le Japon et la Corée du Sud créent avec la Chine
et les pays de l’Asean, l’Asean+3.
Institué en décembre 1998 lors du second sommet ASEAN
+ 3 sous l’impulsion du président coréen Kim Dae-Jung, le
Groupe de Vision de l’Asie de l’Est avait pour tâche principale
de rééchir à l’établissement d’une communauté de l’Asie
de l’Est. En 2001, ce groupe préconisait l’application
de 26 mesures allant de l’établissement d’accords de
coopération en matière nancière et commerciale à la
tenue d’un Sommet de l’Asie orientale (SAO) censé mener
à la création d’une communauté de l’Asie orientale.
Le Japon, gouver alors par Koizumi Jun’ichirô, s’est
rallié à cette initiative. Le premier de ces sommets a eu
lieu en décembre 2005 à Kuala-Lumpur ; un deuxième
et un troisième sommeten janvier et novembre 2007, un
quatrième en octobre 2009. A chaque réunion, le Japon
cible des initiatives fonctionnelles (et non politiques),
toujours fondées sur les normes internationales et en
conformité avec les régimes internationaux. Dans cette
enceinte, si la Chine défend la vision d’une région plus
autonome, le Japon lui promeut une Asie partenaire
actif de la mondialisation. Sur le fond donc, les deux
dernières institutions régionales en Asie orientale (ASEAN
+ 3 et SOA) sont plus l’arène de la rivalité larvée entre la
Chine et le Japon (au détriment de l’Asie du Sud-est??)
que des espaces de discussions et de construction
institutionnelle commun.
4
 Dans le domaine stratégique:
L’Asean Regional Forumest né en 1993 de la conférence
post-ministérielle de l’Asean dans laquelle membres et
partenaires de dialogue se réunissaient depuis 1977 ;
la nécessité d’un forum sécuritaire régional, incluant la
Chine, avait été pressenti par Tokyo qui s’est investi dans sa
conception. En 1991, le réseau Asean Institute of Strategic
and International Studies (Asean-ISIS) proposait d’en faire
un forum de dialogue multilatéral et peu après, Nakayama
Tarô, le ministre des Affaires étrangères japonais, suggérait
de donner à ce forum une dimension stratégique. Le Japon
a joué un rôle central dans la création de l’ARF mais ne
s’est pas imposé comme leader: il a «soufé» l’initiative
à l’ASEAN. Le fait qu’après la n de la Guerre froide, ses
partenaires régionaux se soient interrogés sur l’avenir de
l’alliance de sécurité nippo-américaine a certainement
contribué à sa retenue.
Il continue cependant de favoriser le dialogue stratégique
régional : en 1997, la « doctrine Hashimoto » appelle
ainsi à une coopération plus étroite en Asie du Sud-est
sur les questions de sécurité, notamment en matière de
sécurité maritime autour du détroit de Malacca (sécurité de
navigation, formation des gardes-côtes, nancement de la
mise en place d’un Centre de surveillance à Kuala-Lumpur
en 2004, protection de l’environnement). Le Japon se
rapproche de la Malaisie, de l’Indonésie (à laquelle elle
a «offert» trois patrouilleurs en 2006) et de Singapour:
son intérêt national le conduit à une coopération plus
étroite avec ses partenaires asiatiques. Pour faciliter cette
coopération stratégique, Tokyo privilégie les terrains de
sécurité non-traditionnelle (cf. l’initiative ReCAAP, Regional
Cooperation Agreement on Combating Piracy and Armed
Robbery against Ships in Asia, novembre 2004), moins
polémiques et pour lesquels sa compétence technique est
indéniable. Singapour constitue un allié appréciable pour
ces diverses initiatives, sur lequel s’appuie Tokyo pour faire
relayer ses propositions. Depuis 2009 enn, les ministres
de la défense du Japon et de l’ASEAN se réunissent sur
une base annuelle pour échanger sur les nouveaux enjeux
et dés de la sécurité en Asie – Pacique.
 Une approche inclusive de l’intégration
régionale
Tant la création de l’APEC, que celle de l’ARF et des SEA
laissent paraître l’approche régionale du Japon. Souhaitant
contrebalancer l’inuence régionale de la Chine, le Japon a
souvent inclus les États-Unis dans les enceintes régionales
qu’il promouvait (APEC, ARF et le Sommet de l’Asie de
l’Est). Soucieux aussi de se rapprocher des puissances
moyennes démocratiques de la région, il a élaboré le PECC
puis l’APEC avec l’Australie qu’il invite à rejoindre les SAO,
avec la Nouvelle-Zélande et l’Inde (également membres
de l’ARF). Cependant, le projet de Communauté d’Asie de
l’Est lancé par Hatoyama au 15ème sommet de l’ASEAN (24
octobre 2009) a peu de chance d’aboutir. D’abord parce
que Kan Naoto ne montre pas le même enthousiasme que
son prédécesseur à l’égard de cette initiative et ensuite,
parce que la Chine a tôt fait d’en critiquer les écueils
(absence de monnaie unique ou différents systèmes
politiques et niveaux de développement…) ; tant que
l’organisation de l’hégémonie ne sera pas traitée en
Asie orientale, la concurrence entre la Chine et le
Japon pénalisera leurs partenaires, au premier rang
desquels les membres de l’ASEAN.
Enn, le Japon, se sentant de plus en plus concurrencé par
la Chine dans la région du Grand Mékong, a initié le premier
sommet Japon pays du Mékong le 7 novembre 2009.
Ce projet se positionne à la limite de l’initiative économique
(valoriser les capitaux et nancements de projets nippons
estimés à quelque 6 milliards de dollarspour les années
2010 - 2012), logistique (valoriser les infrastructures
construites sous l’égide du Japon), humaine (éducation,
santé) et politique (se repositionner dans les négociations
multilatérales autour de la gestion du grand euve).
iii. la montée en puissance chinoise est un défi
pour le Japon, mais Joue aussi en sa faveur.
1. Elle est un dé qu’il peine à relever :
le Japon sait se montrer réactif face
aux crises, mais peine à formuler une
stratégie de long terme.
Les paramètres qui ont façonné l’Asie orientale depuis
les années 1970 sont, depuis une dizaine d’années,
en plein bouleversement. Jusqu’au milieu de la décennie
1990, l’économie japonaise était deux fois plus importante
que les autres économies asiatiques combinées et il
semblait même, selon certains experts, que le Japon
avait les moyens de déer la prédominance américaine.
Ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui: d’une part,
le Japon a connu quasiment deux décennies de croissance
plate et d’autre part l’économie chinoise a dépassé
l’économie japonaise pour être classée au second rang
mondial. Des projections prospectives annoncent que
d’ici 40 ans, l’économie chinoise sera 5 fois plus puissante
que l’économie japonaise et probablement la première
économie mondiale: un argument que les pays d’Asie du
Sud-est n’ignorent pas.
Pour ajouter de l’incertitude à ces prévisions déjà
inquiétantes pour le statut et les vecteurs de puissance
du Japon, la question de l’alliance nippo-américaine via la
présence des bases et soldats américains sur le territoire
japonais est également en discussion.
Face à ces tendances, le Japon a repensé sa diplomatie.
Pour être mieux accepté sur la scène régionale, il a choisi
de contribuer ponctuellement au règlement des crises ;
au demeurant, on assiste en Asie du Sud-est à une
concurrence sino-japonaise de cette diplomatie de
crises dont tirent évidemment parti les pays de la
région pour faire monter les enchères (cf. Cambodge).
La solution optimale serait d’aboutir à une situation de
«win/win» où Pékin comme Tokyo trouverait un avantage
commun à agir de concert: une hypothèse qui semble
encore, et pour de multiples raisons, lointaine. Pour
l’instant, la participation du Japon à la résolution des crises
régionales prend la forme d’une assistance nancière et
d’une médiation diplomatique.
5
 Le Japon est réactif face aux crises.
Une assistance nancière
- Après l’effondrement du baht en juillet 1997 et
des autres devises de la région:
Le Japon, dont la situation économique contribue à
aggraver la crise (par la conjonction de trois éléments :
la dévaluation du yen de 60% par rapport au dollar entre
avril 1995 et avril 1996, l’entrée du Japon en récession, le
retrait des capitaux japonais), a accordé la plus importante
aide nationale au FMI en août 1997. Il a proposé la
création d’un Fonds Monétaire Asiatique alors et devant la
réticence américaine, a accru son aide en 1998 («nouvelle
initiative Miyazawa » vient ajouter 30 milliards de dollars
aux 50 précédents). La contribution au débat du Japon,
longtemps critiquée, a pourtant porté ses fruits depuis.
- Après le tsunami de décembre 2004:
Le Japon apporte 500 millions de dollars dont la moitié
en prêts, donne 70 millions à l’Unicef et 60 millions
au Programme Mondial contre la Faim. Les deux plus
importantes contributions étaient provenues de l’Australie
(764 millions de dollars américains dont la moitié en
prêts et 77 millions de dons du public) et de l’Allemagne
(689 millions et 586 millions de dons du public)3.
- Après la crise nancière mondiale de 2008:
En mai 2009, le Japon a mis 10 milliards de dollars à
disposition des pays asiatiques, et 38 milliards dans le
cadre de l’Initatiative de Chiang Mai par laquelle en 2000,
les pays de l’Asean, la Chine, la Corée et le Japon ont signé
des accords de swap monétaire. La Banque japonaise
pour la coopération internationale garantirait des titres
émis au Japon en yen par des emprunteurs étrangers
(les «obligations samourai ») à hauteur de 5 milliards de
dollars.
Le Japon avait par ailleurs annoncé qu’il mettait 100
milliards de dollars à la disposition du FMI.
 Il s’est aussi efforcé de fournir une médiation
diplomatiqueaux conits régionaux.
Le Japon met en œuvre une « nouvelle diplomatie »
depuis les années 1990, destinée à palier le fait que sa
contribution militaire internationale soit limitée, que son
déclin économique relatif l’ait obligé à réduire son APD
et à chercher des voies alternatives de contribution à la
paix internationale. La Guerre du Golfe ayant conduit à
une prise de conscience que les initiatives diplomatiques
japonaises ne pouvaient se limiter à une dimension
nancière, le Japon s’est efforcé, depuis, de faire
ofce de médiateur dans un certain nombre de conits
asiatiques notamment, concernant l’Asie du Sud-est,
au Cambodge (il a notamment présidé la conférence
ministérielle sur la réhabilitation et la reconstruction du
Cambodge en juin 1992) et en Indonésie (en mai 2003,
une conférence s’est tenue Tokyo entre le gouvernement
indonésien et les représentants de la résistance armée du
3 Source : BBC : http://news.bbc.co.uk/go/pr/fr/-/2/hi/asia-paci-
c/4145259.stm (le 27 janvier 2005).
mouvement séparatiste Aceh Libre). Ces initiatives se sont
accompagnées d’aides à la reconstruction généreuses
(de 100 millions de dollars pour Timor Leste entre 1999 et
2002, par exemple).
En outre, les principales participations du Japon à des
opérations de maintien de la paix se sont produites en Asie
du Sud-est : au Cambodge en 1992 et à Timor Leste,
en 1999.
2. Le dé de la construction régionale :
le Japon peine à prendre l’initiative
dans le domaine des échanges de
marchandises ou de personnes.
La situation économique du Japon appellerait aujourd’hui
une ouverture massive aux investissements extérieurs,
gagnerait à l’introduction de plus de concurrence et d’une
main d’œuvre étrangère qui, par son activité, contribuerait
à la croissance. Mais le Japon reste protectionniste en
matière de libre-échange et réfractaire à l’immigration
(on préfère envisager d’accroître le taux d’activité des
femmes ou le développement de la robotique). Quand
Tokyo propose une initiative, il le fait généralement en
réaction à une proposition lancée par Pékin, notamment
depuis le lancement du projet d’une zone de libre-échange
Chine-ASEAN en 2000. Cette diplomatie réactive d’une part
révèle la crainte du Japon d’être écarté des dynamiques en
cours et d’autre part illustre le manque de vision de Tokyo
à l’égard des recompositions dans cette partie du monde.
On pourrait évoquer un manque de responsabilité du
Japon qui, en dépit de son poids économique et de
ses outils diplomatiques, ne parvient pas à contribuer
substantiellement aux ajustements et prises de
décision.
 La politique japonaise en matière d’accords
de libre-échange
Face au dynamisme de la Corée du Sud et de la Chine
en matière d’accords de libre-échange, le Japon s’y rallie
au début des années 2000. Des bureaux spécialisés
sur les accords de libre-échange (ALE) et de partenariat
économique (APE) ont été créés au sein du MOFA et
du METI en 2002 et 2003. En octobre 2002, le MOFA a
publié une stratégie sur les ALE soulignant les avantages
économiques que présenteraient de tels accords pour le
Japon.
Les premiers accords négociés et conclus par le Japon
l’ont été avec les pays d’Asie du Sud-est. Pourtant,
les APE que négocie le Japon avec les pays d’Asie du
Sud-est ne mettent pas en cause les acquis du lobby des
agriculteurs et excluent le riz de leurs champs d’application.
Sur ce point, le Japon se montre moins accommodant
que la Chine
Depuis l’origine, l’ASEAN a été un interlocuteur privilégié
du Japon et plus la Chine occupe l’espace, plus Tokyo
insiste sur la centralité de l’ASEAN. Et c’est d’ailleurs
sur ce point que le bât blesse: le Japon se place toujours
dans une conguration de rivalité avec la Chine plutôt que
de chercher à valoriser des convergences Chine/Japon/
ASEAN.
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