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La pensée de Gaston
Bachelard
Dossier coordonné par Quentin Molinier
Parution initiale : Implications philosophiques – juin 2012
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Table des matières
Introduction – Quentin Molinier
Gaston Bachelard : poétique des images – Jean-Jacques Wunenburger
Bachelard, les valeurs épistémiques de l’imagination – Raphael Künstler
Entre science et poésie. Lœuvre plurielle de Gaston Bachelard – Julien Lamy
Une philosophie de l’interférence – Christian Ruby
Images verbales et images scientifiques dans la Formation de l’esprit scientifique Gauvain
Leconte
Le rêveur et le scientiste – Magali Mouret
Les éléments psychanalytiques – Liulov Ilieva, Stanimir Iliev.
Bachelard, précurseur dans le traitement automatique de l’information – Henri Duthu
L’imagination pour Bachelard et Berdaieff – Jean-Luc Pouliquen
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Introduction
Quentin Molinier, Paris I
Unitaire, duelle ou plus largement plurielle, l’œuvre de Gaston Bachelard ? C’était la
question posée par Implications philosophiques à l’occasion du cinquantenaire de la
disparition de cet auteur prolixe et singulier à la fois. Neuf personnes – doctorants,
enseignants et/ou chercheurs en philosophie, littérature et/ou épistémologie – ont accepté
d’y répondre, livrant ainsi leurs conceptions respectives de la cohérence globale du corpus
bachelardien.
Une question donc, qui entendait reposer à nouveaux frais un problème maintes fois
soulevé et pas toujours clairement tranché : celui de la cohabitation chez Bachelard de
thèmes sinon contradictoires, du moins divers et variés (entre autres : physique quantique,
chimie synthétique, poésie, psychanalyse et phénoménologie). De cette pluralité thématique
nous avions retenu, pour mieux les opposer, deux champs disciplinaires particulièrement
saillants, soit deux espaces de réflexion en apparence autonomes et hermétiques l’un à
l’autre : la science d’une part, la poésie de l’autre. Fallait-il dès lors apercevoir une continuité
ou au contraire une rupture entre un Bachelard épistémologue – penseur insatiable des
grandes découvertes scientifiques de son temps et du procès discontinu de la science
confrontée de part en part à ses propres obstacles épistémologiques – et un Bachelard
rêveur cette fois et attentif aux pouvoirs créateurs du Verbe et de l’imagination ?
De cette opposition un peu naïve, convenons-en, et rapide de surcroît en ce qu’elle laisse
explicitement de côté les emprunts de l’auteur à la psychanalyse et à la phénoménologie, les
différents contributeurs de ce dossier n’ont globalement souhaité retenir que son caractère
liminaire pour une herméneutique aboutie de la pensée bachelardienne : si d’apparence les
écrits de Bachelard se laissent scinder en deux, trois, quatre… grandes approches
thématiques, force est finalement de se convaincre de leur unité paradigmatique ou, tout du
moins, de leur cohérente pluralité.
1) Certains contributeurs ont entrevu cette unité à travers l’ambivalence du concept
bachelardien d’imagination (cf. Jean-Jacques Wunenburger, “Gaston Bachelard : poétique
des images” ; synthèse de son ouvrage éponyme paru chez Mimesis, L’œil et l’esprit, en mai
2012). Force de déliaison, de déréification et d’émancipation des images, l’imagination n’est
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pas aussi aisément opposable qu’on le croit à la raison et au travail constructiviste du
scientifique. Entre spontanéité énergétique et patient exercice de production de concepts
abstraits, l’imagination se révèle aussi primordiale pour l’artiste que pour le scientifique,
pour le poète que pour l’épistémologue.
2) C’est d’autre part dans le « schématisme de rupture avec le donné » prôné par Bachelard
que François Chomarat (“Bachelard ou l’écriture de la formule”) situe l’unité des (activités)
contraires, l’écriture – de poèmes ou de formules chimiques – assurant dans ce contexte la
double tâche de rompre avec le simplement donné et de médiatiser le passage de « l’image
littéraire » à « la synthèse scientifique ».
De leur côté, Raphaël Künstler (“Les valeurs épistémiques de l’imagination”) et Julien Lamy
(“Entre Science et Poésie. L’œuvre plurielle de Gaston Bachelard”) soutiennent l’idée d’un
pluralisme cohérent de l’œuvre bachelardienne.
3) Raphaël Künstler conçoit le travail de Bachelard comme « l’élaboration progressive d’un
programme de politique épistémique ». A cet égard, il nous invite à adopter un point de vue
dynamique sur le corpus du philosophe (chaque œuvre ne serait ainsi qu’une étape en vue
d’un objectif unique : la mise en œuvre d’un rationalisme appliqué) et à lire ses œuvres
d’obédience poétique à la lumière des motifs, considérations et exigences empruntés à
l’épistémologie. Un point de vue chronologique donc (les ouvrages épistémologiques de
Bachelard précèdent grosso modo ses œuvres poétiques) et un parti-pris du même coup :
« […] c’est un intérêt épistémologique qui motive l’ampleur des œuvres poétiques ».
4) Julien Lamy voit dans la dualité des activités spirituelles – raison et imagination
l’expression d’un chiasme ou d’une logique d’isomorphie, se réduisant in fine d’elle-même à
une alternance temporelle, dialectique et harmonieuse des activités rationnelles et
imaginatives de l’humain.
5) C’est à Christian Ruby (“Une philosophie de l’interférence Arts et Sciences, Quatre
notations à partir des œuvres de Gaston Bachelard” ; un article paru dans la revue Raison
Présente, n°179, 3e trimestre 2011) que revient le double privilège de clore, pour un temps
du moins, le débat entre conceptions unitaristes et pluralistes de la philosophie de
Bachelard, et d’ouvrir dans le même temps à d’autres horizons réflexifs sur le statut et la
fécondité de son œuvre – quoique ces dernières se rattachent moins explicitement que les
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précédentes au problème initialement posé. Si Christian Ruby s’intéresse à Bachelard, c’est
pour mieux actualiser sa pensée. A cet égard, il nous incite, nous autres contemporains des
spécialisations académiques et autres cloisonnements disciplinaires, à ne jamais cesser de
« faire travailler l’écart qui sépare [les arts et les sciences] afin d’y découvrir de nouveaux
objets à élaborer ». Et, contre tout « esprit de système », il encourage la fondation de
« surfaces d’échange » et de « zones de discussion » communes à l’épistémologie et à
l’esthétique.
6) Gauvain Leconte (“Images verbales et images scientifiques dans La Formation de l’esprit
scientifique”) s’attache à montrer l’influence des images – verbales et scientifiques – dans
l’élaboration de l’épistémologie bachelardienne. Étendant une notion consacrée en physique
appliquée, la déformation plastique, aux concepts scientifiques, il affirme que ces derniers
évoluent de manière spécifique en ce qu’ils exigent toujours d’être appliqués.
7) Magali Mouret (“Le rêveur et le scientiste, deux figures de l’écrivain aux prises avec le
réel”) nous invite pour sa part à considérer la bipolarité de tout écrivain et à saisir cet « être
bifide » comme le « lieu-même de la fusion » de l’imaginaire et du réel. Un voyage aussi
réjouissant qu’instructif à travers les strates du réel, du sous-réel au surréel en passant par
l’hyperréel.
8) Notre pénultième contribution a traversé l’Europe avant de nous parvenir. C’est à Liubov
Llieva et Staminir Lliev, ukrainiens de leur état (civil), que nous devons cette lecture
psychanalytique de l’œuvre bachelardienne (“Les éléments psychanalytiques dans l’œuvre
de Gaston Bachelard : particularité et fécondité”). Nonobstant le fait qu’ils accréditent l’idée
d’une postérité transnationale de la philosophie de Gaston Bachelard, ils révèlent une
certaine proximité entre la notion jungienne d’archétype et la psychanalyse bachelardienne
des Éléments.
9) Avec un style dont le lecteur ne manquera pas de remarquer le caractère exotique – eu
égard aux autres contributions, s’entend – Henry Duthu (“Bachelard, précurseur dans le
traitement automatique de l’information”) nous enjoint de considérer La Psychanalyse du
feu comme un « chosier » fécond et illustrant à merveille, quoique de manière
anachronique, les modes actuels de circulation de l’information.
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