Introduction
Quentin Molinier, Paris I
Unitaire, duelle ou plus largement plurielle, l’œuvre de Gaston Bachelard ? C’était la
question posée par Implications philosophiques à l’occasion du cinquantenaire de la
disparition de cet auteur prolixe et singulier à la fois. Neuf personnes – doctorants,
enseignants et/ou chercheurs en philosophie, littérature et/ou épistémologie – ont accepté
d’y répondre, livrant ainsi leurs conceptions respectives de la cohérence globale du corpus
bachelardien.
Une question donc, qui entendait reposer à nouveaux frais un problème maintes fois
soulevé et pas toujours clairement tranché : celui de la cohabitation chez Bachelard de
thèmes sinon contradictoires, du moins divers et variés (entre autres : physique quantique,
chimie synthétique, poésie, psychanalyse et phénoménologie). De cette pluralité thématique
nous avions retenu, pour mieux les opposer, deux champs disciplinaires particulièrement
saillants, soit deux espaces de réflexion en apparence autonomes et hermétiques l’un à
l’autre : la science d’une part, la poésie de l’autre. Fallait-il dès lors apercevoir une continuité
ou au contraire une rupture entre un Bachelard épistémologue – penseur insatiable des
grandes découvertes scientifiques de son temps et du procès discontinu de la science
confrontée de part en part à ses propres obstacles épistémologiques – et un Bachelard
rêveur cette fois et attentif aux pouvoirs créateurs du Verbe et de l’imagination ?
De cette opposition un peu naïve, convenons-en, et rapide de surcroît en ce qu’elle laisse
explicitement de côté les emprunts de l’auteur à la psychanalyse et à la phénoménologie, les
différents contributeurs de ce dossier n’ont globalement souhaité retenir que son caractère
liminaire pour une herméneutique aboutie de la pensée bachelardienne : si d’apparence les
écrits de Bachelard se laissent scinder en deux, trois, quatre… grandes approches
thématiques, force est finalement de se convaincre de leur unité paradigmatique ou, tout du
moins, de leur cohérente pluralité.
1) Certains contributeurs ont entrevu cette unité à travers l’ambivalence du concept
bachelardien d’imagination (cf. Jean-Jacques Wunenburger, “Gaston Bachelard : poétique
des images” ; synthèse de son ouvrage éponyme paru chez Mimesis, L’œil et l’esprit, en mai
2012). Force de déliaison, de déréification et d’émancipation des images, l’imagination n’est