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Isabelle De Oliveira et Mireille Spicker sont aides-
soignantes à l’unité de longue durée Les glycines.
À la base, leur projet est tout simple. Elles proposent
de doter le service d’un espace de jeu avec un peu
de matériel pour distraire les patients psychotiques
déficitaires et s’en occuper autrement. Ayant entendu parler
d’une salle d’activités dans une institution de la région,
Michelle Gonet, cadre de santé, soutient l’idée. Ensemble,
elles décident d’aller voir et c’est ainsi qu’elles découvrent
l’univers snoezelen.
Genèse du projet
Pour penser cet espace, les deux aides-soignantes s’appuient
sur des démarches et projets de soins individuels afin de faire
émerger des activités adaptées aux capacités sensorielles et
aux besoins de se récréer des patients. Elles montent un
dossier de présentation et organisent une information pour
les soignants du service et d’autres unités de soins (admission,
gérontopsychiatrie...). Jugée novatrice, cette idée est retenue
comme projet de service. De plus, très vite, Marc Toulouse,
chef de service, a l’intuition que cette démarche ne concerne
pas seulement les patients déficients, mais qu’elle peut
renouveler les pratiques dans d’autres tableaux cliniques
telles que les dépressions, les psychoses ou les démences.
Selon son propos,
« si les émotions s’expriment essentielle-
ment par le corps, on peut, par les stimulations sensorielles,
rejoindre le cerveau émotionnel »
. La direction de l’hôpital
donne alors son aval pour que les aides-soignants imaginent
et conçoivent “leur” espace snoezelen.
Un lieu décalé dans l’hôpital
L’espace snoezelen est un espace de liberté qui ouvre la
possibilité d’une nouvelle relation ludique et sensorielle entre
le patient et le soignant. Il permet un mode d’approche et une
démarche d’accompagnement ouverts sur la rencontre
avec la personne soignée dans une confiance partagée. La
communication est au cœur des échanges, notamment dans
son expression non verbale. De quoi apaiser les angoisses,
retrouver une intégrité physique et revisiter la mémoire
sensorielle avec des expériences agréables. L’inventivité et
l’engagement du soignant y sont pleinement sollicités. Ayant
le souci de former suffisamment de personnels (médecin, cadre
de santé, ergothérapeute, infirmières et aides-soignantes) des
C’est à l’initiative de deux aides-soignantes de l’équipe du CHS de Caen (14) que le projet
de créer un espace de détente pour les patients psychotiques déficitaires a vu le jour.
Retenu comme projet de service, il permet depuis deux ans à de nombreux patients
de bénéficier d’un accompagnement complémentaire fondé sur le concept snoezelen.
20 La revue de l’infirmière Mars 2008 n° 138
Le concept snoezelen
Initié aux Pays-Bas dans les années 1970, le concept snoezelen
recouvre une philosophie globale d’approche de la personne
fondée sur l’écoute et la disponibilité à l’autre, quels que soient
son handicap, ses capacités ou son âge. Le terme
snoezelen
est
la contraction de deux mots néerlandais :
snuffelen
, qui signifie
“flairer, fureter” et
doezelen
qui évoque un état de langueur
indéfinissable, de somnolence. Cette construction permet de
définir le terme
snoezelen
comme l’alliance de la détente et du
relâchement avec une forme de tonicité, d’envie de connaître et
de s’approprier de nouvelles sensations, de nouvelles
connaissances.
La démarche snoezelen se déroule dans une pièce plongée dans
la pénombre et suffisamment grande pour y rassembler plusieurs
personnes. C’est un lieu confortable, chaleureux et adapté aux
handicaps des personnes accueillies. Des outils sensoriels
(lumières, odeurs, musique...) procurent une tranquillité en même
temps qu’un certain mouvement au fil des séances.
Le travail en espace snoezelen s’adresse à tout type de patient. Il
s’appuie sur une écoute fine à l’autre et sur une mise en relation
à tous ses moyens de communication, notamment la
communication non verbale qui est essentielle pour obtenir un
mieux-être.
Karine Renard
psychomotricienne, responsable de formation,
IRFA Évolution – www.irfa-evolution.fr
Références bibliographiques
• Hulsegge J, Verheul A.
Un autre monde
. Evasme 2004.
• Cassette vidéo de Luc Espie,
Snoezelen, les visiteurs de l’espace
,
Association Marie Hélène.
Apaiser et reconstruire
par la communication sensorielle
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 19/05/2010 par OTTAWA UNIVERSITY OF (26899)
Article rédigé par
Michelle Gonet et Martine Lenoël
cadres de santé, Centre hospitalier spécialisé de Caen (14),
à partir des témoignages de Sylvie Chatelet et Odile Le Bihan, infirmières,
et Isabelle De Oliveira et Françoise Ziélinski, aides-soignantes
La revue de l’infirmière Mars 2008 n° 138
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unités pour utiliser cet outil auprès de différents patients, les
demandes de formation ont été concentrées, dès 2005, sur
l’espace snoezelen.
Rôle infirmier et aide-soignant
Au sein de cet espace, le rôle des infirmiers et des aides-
soignants consiste à aménager un espace harmonieux, une
unité de lieu où chacun peut être installé le plus confortablement
possible. Il s’agit aussi de créer une certaine ambiance
visuelle et sonore en rupture avec l’espace de vie quotidien,
institutionnel. Modulable, la configuration du lieu s’adapte au
fil de la dynamique du travail.
L’infirmier ou l’aide-soignant construit les séances selon
un cadre ritualisé et structurant, mais avec un souci de
créativité. Il prépare l’arrivée, l’accueil, le départ et le retour
vers les groupes (usage des effets lumineux, allumage
progressif de la lumière, choix des musiques, sonorités
vocales, attitudes corporelles). Il assure une grande discrétion
sur ce qui se déroule dans cet espace pour ne pas trahir le
vécu émotionnel et la libre expression de chacun. Toutefois,
la démarche est articulée en équipe et en lien avec le projet
d’accompagnement individualisé du patient. L’espace crée,
par ailleurs, un climat de confiance propice à un vécu partagé
dans une certaine intimité. Cependant, le professionnel se
situe toujours en tant que soignant vis-à-vis du patient, clarifiant
en permanence cette position et les limites à ne pas franchir
dans les échanges.
Après les séances, les soignants se donnent un temps de
“reprise personnelle” par un travail d’écriture (fiche d’obser-
vation) afin d’évaluer le vécu découvert au cours des
échanges et d’aller, si besoin, chercher des informations
complémentaires sur la qualité de vie du patient dans son
groupe d’appartenance.
Perspectives
Avec le recul, nous constatons que ce ne sont pas seulement
les patients initialement visés qui en bénéficient le plus, mais
au contraire les patients dépressifs du service d’admission
ainsi que, de manière progressive, les personnes hospita-
lisées en gérontopsychiatrie. Nous regrettons de n’avoir pu
organiser régulièrement des réunions de supervision utiles
pour revisiter ensemble nos expériences et nos difficultés.
Et pour aller plus loin dans notre démarche, il nous semble
aujourd’hui nécessaire de travailler avec un spécialiste,
peut-être un psychomotricien, afin de donner plus de sens à
ce qui se passe dans cet espace dédié au corps. Nous y
réfléchissons. Au final, et malgré quelques problèmes de
fonctionnement, l’enthousiasme des soignants reste entier,
chacun étant convaincu que le bien-être psychique est en
lien avec l’apaisement physique.
Des outils sensoriels procurent
une tranquillité en même temps qu’un certain mouvement au fil des séances.
Une formation permettant de s’imprégner de l’état d’esprit snoezelen
et d’expérimenter la dimension sensorielle
dans la relation à l’autre est essentielle.
© CHS de Caen
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