1 CONTEXTE ET MOTIVATIONS
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Nous reviendrons plus loin sur ce système d’équation et cette quantité conservée en s’intéressant aux ordres de
grandeur des différents termes.
La prise en compte de la rotation planétaire permet d’interpréter les cartes météo (le lien entre gradient de pression
et vitesse notamment). Nous renvoyons le lecteur intéressé aux très nombreux livres traitant de la dynamique des
fluides tournants (Cushman-Roisin [1994] et Pedlosky [1987] par exemple). Pour être succinct, nous rappelons sans
justification que la force de Coriolis se traduit par une force massique selon l’horizontale égale à −fˆz ∧uh, où uh
est la vitesse horizontale et f= 2Ω sin λ(Ωest le vecteur rotation de la planète dans un référentiel galiléen et λla
latitude). Dans les latitudes moyennes, f∼10−5rad/s.
Pour quantifier l’importance de la rotation par rapport à l’inertie pour un écoulement de vitesse caractéristique U
et de taille horizontale caractéristique lh, on définit un nombre sans dimension, le nombre de Rossby Ro =U/(flh).
A faible Rossby, l’écoulement se caractérise en première approximation par un équilibre entre la force de Coriolis
et le gradient horizontal de pression (la pression est proportionnelle à la fonction de courant et la divergence de
la vitesse horizontale est nulle). On parle d’un écoulement "géostrophique". A cet ordre d’approximation, la dérivée
verticale de la vitesse horizontale est nulle et la vitesse verticale est nulle ou constante (théorème de Taylor-Proudman).
Même si ce théorème ne s’applique strictement qu’à des écoulements lents et faiblement non-linéaires, le caractère
bidimensionnel des écoulements fortement tournant a été montré numériquement et expérimentalement.
Cette approximation (d’ordre 0 en Ro) n’est pas satisfaisante dans le sens où elle n’offre pas d’équation d’évolution
du système. Pour remédier à ce problème, on peut par exemple pousser l’approximation à l’ordre plus loin, c’est à dire
au premier ordre en Ro. On appelle ce développement "l’approximation quasi-géostrophique".
L’approximation quasi-géostrophique (Fh<1et Ro < 1)consiste en un développement perturbatif en Ro de la
vitesse pour obtenir une équation d’évolution pour la pression (qui est proportionnelle à la fonction de courant, qui
contient toute l’information sur l’écoulement) dans la limite de forte rotation planétaire et de forte stratification. C’est
une limite très intéressante en pratique car elle correspond très bien aux conditions qui prévalent aux grandes échelles
(voir sous-partie 1.1.2).
Avant de présenter la formulation très condensée qui émerge de ce développement, revenons un instant sur les
tendances des deux effets prédominants. On a vu que la rotation comme la stratification ont tendance à inhiber les
mouvements verticaux, c’est à dire à rendre l’écoulement anisotrope. Mais on a vu aussi que les deux effets sont
en compétition pour le choix de l’échelle verticale, la rotation tend à allonger les échelles verticales alors que la
stratification tend à les diminuer.
Ce rapport des deux effets l’ordre de grandeur de α:α=lv/lh∼f /N. Dans l’océan profond, lv/lh∼f/N ∼
0,1−0,01 alors que dans la proche atmosphère et la thermocline lv/lh∼f/N ∼0,01 −0,001. Les structures
tourbillonnaires "quasi-géostrophiques" (par exemple les belles dépressions des cartes météo) ont un aspect très aplati.
En redimensionalisant convenablement les grandeurs (notamment avec une dilatation de zpar N/f), l’évolution
d’un écoulement quasi-géostrophique est donnée par trois équations [Charney, 1971] : (i) une équation de conservation
d’une vorticité potentielle notée q(que Charney appelle pseudo-vorticité potentielle car le terme de convection ne
contient à cet ordre d’approximation que la vitesse horizontale) (∂t+uh· ∇)q= (1/Re)∂zzq, (ii) une équation
reliant cette quantité à la pression (fonction de courant) q=∇2pet (iii) l’équation donnant la vitesse horizontale à
partir de la fonction de courant uh=ˆz ∧ ∇hp.
Pour comparer la pseudo-vorticité potentielle à la vorticité potentielle “stratifiée“ de l’équation (2), on la développe
en utilisant les grandeurs dimensionnées q=−N2ωz+f∂zb. On remarque que le terme non-linéaire est négligeable
dans l’approximation quasi-géostrophique, ce qui a une importance théorique considérable.
1.1.2 Echelles caractéristiques et différents régimes d’écoulement
Dans cette sous-partie, on associe aux deux régimes présentés des domaines d’échelles spatiales. Pour cela, préoc-
cupons nous de leurs limites.
D’abord la limite aux grandes échelles de l’approximation quasi-géostrophique. L’océan comme l’atmosphère
sont deux fines enveloppes : leur hauteur Hest bien inférieure à leur étendue horizontale. Les structures "quasi-
géostrophiques" dont la "hauteur quasi-géostrophique" lhf/N est supérieure à Hsont influencées par le rapport
d’aspect aplati du milieu dans lequel elles évoluent. En terme de taille caractéristique horizontale, cette influence
borne le domaine d’échelle dans lequel l’approximation quasi-géostrophique s’applique telle que nous l’avons vue :
lh< Rd≡HN/f.Rd, appelé le rayon de déformation de Rossby est de l’ordre de 1000km dans l’atmosphère et de
50km dans l’océan profond.
A petite échelle, le nombre de Froude Fh=U/(Nlh)devient supérieur à 1, les écoulements ne sont plus influencés
par la stratification et retrouvent leur isotropie.