LES CIRCONSTANCES HISTORIQUESLE SENS DES MOTS
Le monothéisme qui semble aller de soi n’a pas
été la religion première des hommes au Moyen-
Orient où il est né. Il ne s’est pas imposé en
un jour avant d’être adopté puis embrassé par de
nombreuses populations dans le monde et donner
naissance au judaïsme, au christianisme, à l’islam.
Le polythéisme était alors partout la règle.
Dans cette croyance, les dieux honorés sont
des êtres supérieurs, totalement ou en partie
anthropomorphes. Ils ont un pouvoir
sur les hommes et des attributs particuliers,
le principal étant l’immortalité.
Dans l’histoire ancienne, on a relevé
que les hommes ont pu s’attacher à un dieu et lui
rendre un culte particulier. Cet attachement
ne constitue pas les prémices du monothéisme,
il ne s’agit pas de croire en un seul dieu, mais
de hiérarchiser les divinités. Par exemple,
dans la seconde moitié du deuxième millénaire,
en Mésopotamie le dieu Mardouk est considéré
comme « cinquante fois plus dieu que tous
les autres » ou encore en Égypte, le dieu Soleil est
celui que le pharaon Akhenaton exalte plus
et mieux que d’autres.
L’enseignement du dieu unique tel que nous
le rapporte la Bible s’appuie sur les figures
emblématiques d’Abraham, d’Isaac, de Jacob
et de Moïse surtout. C’est ce dernier qui enseigne
au peuple d’Israël, et à lui seul, la nécessité
de ne pas avoir d’autre dieu que Yahvé,
de s’attacher et de ne vouer de culte qu’à Lui seul.
Il rejette tout anthropomorphisme.
Certains historiens pensent que l’expression
d’un monothéisme authentique s’est forgée
d’abord auprès les élites puis, au cours
des décennies ou des siècles qui ont suivis,
dans le peuple. Il se serait imposé au IVe siècle
avant notre ère. Près d’un millier d’années après,
comme une évidence, l’enseignement islamique
affirme que la croyance en un Dieu unique existe
de toute éternité. Les prophètes successifs
n’ont fait que transmettre et rappeler à l’humanité
ce culte inscrit dans la nature de l’homme
dès sa naissance.
Les sources à notre disposition sont un reflet
de la vérité, elles divergent par le point de vue
adopté. Les exégètes et les historiens expliquent
dans quel contexte historique la foi est née.
La Torah, les Évangiles et le Coran sont le produit
de l’histoire, ce qui n’empêche pas les croyants
de les tenir pour inspirés par Dieu.
Les traces archéologiques et épigraphiques
de l’histoire du peuple hébreu sont assez modes-
tes et ne corroborent pas toujours ce qu’en dit la
Bible. Selon la Genèse, pour obéir à un décret divin,
Abraham quitte la Mésopotamie où il est né pour
se rendre à Canaan. Son fils Isaac hérite du pays
et conçoit Jacob qui, après avoir lutté avec l’Ange
envoyé par Dieu, s’appellera Israël. Il aura une
nombreuse descendance : douze tribus. Exilées
en Égypte, elles sont réduites en esclavage. Moïse
ayant reçu la Révélation du buisson ardent sur
le mont Sinaï, guide son peuple hors de ce pays.
Il retourne sur le Sinaï où il reçoit la Torah,
la Loi. Après une errance de quarante années
dans le désert, les tribus atteignent Canaan
où elles sont gouvernées par des juges. Saül,
de la tribu de Judas, puis David sont à l’origine
du premier État unifié jusqu’à la destruction
du Temple (–586). L’Exil à Babylone constitue
une rupture fondamentale dans l’histoire des « Fils
d’Israël », prêtres et scribes enseignent l’espérance
messianique. En –539, ils sont autorisés à regagner
Jérusalem.
Pour les sages du Talmud, sept noms de dieu
peuvent être écrits à la condition qu’ils ne soient
pas effacés. El, Elohim, ehyeh acher ehyeh
(Je suis qui Je suis), Adonaï, le tétragramme
YHWH, Tesevaot et Chaddaï. Les Byzantins
le nomment Théos. Les chrétiens arabes
retiennent le nom d’Allah et lui ajoutent
volontiers celui de Rabb, Seigneur, que l’on
retrouve aussi chez les mystiques musulmans.
Dans le christianisme occidental, le terme Dieu
prévaut, celui de Seigneur, Maître de l’univers
lui sont associés. On ne retrouve pas chez
les chrétiens l’interdiction d’écrire
ou de prononcer le nom de Yahvé. L’islam insiste
sur un dieu unique et transcendant, créateur
et ordonnateur du monde. Pour nommer Dieu,
on dit Allâh, simplement le mot dieu en arabe.
JERUSALEM, VILLE TROIS FOIS SAINTE
Depuis trois millénaires, sur l’esplanade qui
domine Jérusalem, mont du Temple ou al-harâm
al-Sharif, noble sanctuaire, se succèdent
constructions et destructions, reconstructions
et réhabilitations. Les pouvoirs temporels
et religieux effacent l’empreinte de leurs
prédécesseurs. Cette ville, au lieu de rassembler
les trois monothéismes, cristallise
leurs différences.
Le Temple de Jérusalem a pris au cours de l’histoire
une importance majeure. L’histoire de l’ancien
Israël se partage en deux grandes période,
celle du Premier Temple (-960 à –587) et celle
du Second Temple (-515 à 70). Celui-ci rénové par
Hérode est le mieux connu. L’esplanade du Temple
est accessible à tous, mais sa partie centrale est
interdite aux non-juifs. Elle comporte le parvis
des prêtres avec l’autel des sacrifices, le temple
lui-même où le grand prêtre pénètre uniquement
à Yom Kippour. La partie la plus sacrée est le Saint
des Saints qui renferme l’Arche d’Alliance.
Le Temple est détruit à la suite de la révolte
des juifs contre les Romains et malgré diverses
tentatives, il ne sera plus jamais reconstruit.
La communauté dispersée s’est reconstituée
autour de la Torah et de son commentaire.
À l’heure actuelle pour la majorité des juifs
religieux, l’esplanade du Temple ne peut être
foulée car l’emplacement exact du Saint des Saints
est incertain. La tradition a choisi une partie
du mur de soutènement hérodien,
le mur occidental, comme lieu de rassemblement,
de souvenir et de prière. Il est communément
appelé Mur des Lamentations.
Les musulmans vouent aussi à la ville
de Jérusalem, al-Qods, « la sainte »
ou « la sanctifiée », un grand attachement.
À la fin des temps, comme elle l’était au début
de l’islam, elle redeviendra la direction de prière
unique de toute l'humanité, désormais musulmane :
soumise à Dieu.
Jérusalem est le théâtre du « voyage nocturne »,
que le Prophète a accompli en compagnie de l'ange
Jibril (Gabriel). Puis, après avoir accompli
une prière, toujours accompagné de Jibril,
il effectue une ascension, al-mi'râj, à travers
les sept cieux jusqu'à l'ultime présence divine.
Ce récit a non seulement marqué la piété populaire
mais aussi la pensée mystique. Jérusalem est tenue
pour la porte du ciel.
À l’origine, la chrétienté attache moinsd’importan-
ce à la ville sainte de Jérusalem que ne le fait
le judaïsme. Elle est confrontée à la dualité
de la Jérusalem céleste et de la Jérusalem terrestre.
Pour les chrétiens, elle est certes le lieu
de la passion, de la résurrection et de l’ascension
de Jésus, mais la primauté de la Jérusalem céleste
s’impose car tout lieu où est vécue une vie
chrétienne parfaite est la Jérusalem terrestre.
Au IVe siècle, à l’époque byzantine, l’impératrice
Hélène annonce la découverte de la vraie croix,
du Golgotha et du tombeau de Jésus et fait ériger
l’église du Saint-Sépulcre. À sa suite, les chrétiens
identifient en Palestine d’autres sites mentionnés
dans le Nouveau Testament en relation avec la vie
de Jésus et de ses disciples et où sont édifiées
des églises.
Dieu est un principe d’explication de l’existence
du monde selon des modalités particulières
et en fonction des croyances et des religions.
Le mot dieu vient du latin deus, lui-même issu
de la racine indo-européenne « dei wo », lumière
du ciel, du jour, de la base « dei- », luire, briller.
Torah, Bible, Coran, les trois textes sacrés
ont fait l’objet de compilation et de rédaction
sur une longue période.
Les cinq livres de la Bible dont il a existé plusieurs
versions depuis le IXe siècle av. J.-C. Elle aurait été
mise par écrit à partir du VIe siècle av. J.-C.
On lit la Bible dans l’ordre où ses compilateurs
l’ont constituée. Dix siècles et demi ont été
nécessaires à sa rédaction. Le canon a été fixé
au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne.
La Bible hébraïque est en trois partie et appelée
TaNaKH qui sont les initiales de : Torah,
Pentateuque (les cinq livres de Moïse), Névim,
Prophètes, Kétouvim, Écrits.
Pour les juifs, l’ensemble des lettres est le modèle
même de monde. Ajouter ou retrancher une lettre,
c’est détruire le monde.
L’Ancien Testament est écrit en hébreu,
le Nouveau Testament en grec, la langue culturel-
le de l’époque. La liste ou canon des « Écritures »
est fixé par consensus graduel à partir du IVe
siècle au plus tard, si on excepte les variantes
apportées par la Réforme, elle est commune
à tous les chrétiens : catholiques, orthodoxes,
protestants. Ces derniers, pour l’Ancien
testament, reviennent aux textes considérés
comme les textes d’origine.
La Bible est traduite à partir de l’hébreu
et du grec en latin par Jérôme au IVe siècle.
Adoptée à l’exclusion de tout autre version
par le concile de Trente au XVIe siècle, elle est
communément appelée Vulgate. Depuis la Bible
a été traduite dans de nombreuses langues
et régulièrement de nouvelles traductions
sont proposées.
Le Nouveau Testament est composé des quatre
Évangiles. Ils rapportent la vie de Jésus,
sa mission et sa résurrection. Les trois Évangiles
de Matthieu, Marc, Luc sont appelés synoptiques
à cause de leurs ressemblances et de leurs
convergences. L’évangile de Marc est le plus
ancien, il a été rédigé dix ans après la mort
de Jésus. Dans leur version définitive, ils datent
tous les trois de 70-80. Le quatrième évangile,
celui de Jean, est daté de l’an 100. Les Écrits
canoniques complètent les Évangiles.
L'islam est centré autour du Coran qui est au cœur
de la foi. Qur'ân, c'est-à-dire : « récitation à voix
haute », c’est la parole même de Dieu révélée mot
à mot. Il n'est pas considéré comme l'œuvre
d'un homme. Il est issu du Livre céleste
qui préexiste aux révélations faites aux hommes.
Le Coran manifesté est fait de signes de Dieu, âyât
Allâh, articulés en langue arabe qui se trouvera
sacralisée par la suite. Il est tenu pour inimitable
dans sa forme et ses contenus. La Révélation
a duré vingt ans environ (610-632).
Ce n’est qu’après la mort du Prophète que sont
rassemblés les versets pour les uns mémorisés
par ses premiers compagnons, pour les autres
mis par écrit. Un long travail a été nécessaire
pour rassembler les versets et les valider.
À la fin du VIIe siècle, le texte est homogénéisé
sur le plan orthographique pour donner naissance
à une version officielle. Il existe sept lectures
canoniques du texte.
Les textes sacrés des trois religions monothéistes
ne sont pas d’un accès facile. La lecture littérale
ne donne pas toutes les clefs. Pour comprendre
le message transmis de génération en génération,
des méthodes d’interprétation ont été mises
en place.
La doctrine d’un Dieu unique en trois personnes
fait la singularité du christianisme. La Trinité
s’écarte de la règle de l’unité. Expliquer que Dieu
peut être à la fois Père, Fils, Esprit a été l’occasion,
pendant quatre siècles, de vifs débats, de schismes
entre les Églises. L’idée d’unicité dans la pluralité
rend l’essence de Dieu mystérieuse, transcendante
et inaccessible. Les chrétiens invoquent Dieu,
le père Tout-Puissant, Jésus-Christ,
son Fils unique, le Seigneur et l’Esprit Saint.
L’organisation de l’espace du Temple de Jérusalem a,
en partie, influencé l’organisation des lieux de culte
de chacune des trois religions. L’église est un lieu
consacré, tandis que dans le judaïsme et en islam,
tout lieu est propre à la prière.
Il est de règle de réciter les textes sacrés des trois
religions monothéistes d’une voix audible
en faisant appel à quelque chose qui va du parler
au chanté sans verser dans la parole courante,
et sans rejoindre la technique du chant.
On désigne ce procédé par une série de termes :
cantillation, récitation, psalmodie, lecture
(qirâ’a dans l’islam), et embellissement de la voix.
Le résultat est ou bien austère : c’est la récitation
recto-tono, sur une ou deux notes de musique
ou bien, il s’amplifie grâce à l gamme
et se rapproche du chant. Dans cet état d’esprit
va émerger à travers le temps l’art du hazzanût
(judaïsme), du grégorien (christianisme occiden-
tal), chant byzantin (christianisme oriental),
du tajwîd ou récitation coranique.
Selon la tradition, Muhammad ibn Abd Allâh
naît à La Mecque en 570-571. Il est membre
d'une branche mineure de la puissante tribu
des Qouraïch. Il s'intéresse au judaïsme
et au christianisme et se retire souvent sur le mont
Hira pour méditer. Vers quarante ans, il reçoit
la révélation. Prophète, il se met à prêcher.
L'hostilité des notables de La Mecque le pousse
à s'exiler. Entouré de quelques fidèles, il émigre
au nord dans l'oasis de Yathrib. Ce refuge deviendra
Médine, qui signifie « la ville », et par extension
la Cité du Prophète.
Cette migration, l'hégire, marque le début d’une
ère nouvelle. Elle est rendue possible par l’alliance
nouée non pas avec la famille, le clan ou la tribu
mais avec des étrangers appartenant à une tout
autre lignée. Cette alliance est fondée sur l’islam
comme religion et une organisation de la société
basée sur la communauté des croyants, ’umma.
Aux débuts de la révélation, le Prophète espère
convertir les juifs et les chrétiens qui sont selon
le Coran « les gens du Livre ». L’islam met l’accent
sur la communauté de foi entre les croyants
de la nouvelle révélation et les possesseurs
des anciennes Écritures. Muhammad vient
« rappeler » la révélation et rectifier les traditions
falsifiées. Il est dit aussi qu’il n’y a pas d’autre
messager entre Jésus et Muhammad qui est
considéré comme le « sceau des prophètes »,
il n’y en aura pas d’autre après lui.
Au cours de la prédication à Médine, l’islam
se rattache directement à Abraham, qui est
considéré comme le premier monothéiste, hanîf,
pour revenir à une religion globale affranchie
des autres monothéismes. Les musulmans
considèrent qu’en suivant le chemin du Coran,
ils sont d’authentiques croyants. Les juifs
et les chrétiens refusant d’être guidé par le Coran,
la rupture est consommée.
De nombreuses sources éclairent la vie de Jésus.
En l’an 5, 6 ou 7 avant notre ère, il serait né
à Bethléem, où ses parents, qui seraient
de la maison de David, seraient venus de Galilée
se faire recenser. Selon la tradition, vers l’âge
de trente ans, il reçoit le baptême dans l’eau
du Jourdain de son cousin Jean, dit le baptiste.
Il commence alors à enseigner à des disciples,
bientôt au nombre de douze. Il se présente aussi
comme le fils de Dieu. Dans un milieu sémite,
cela signifie l’envoyé, le Messie de Dieu et non
son fils au sens qu’il a pris par la suite. Il vient
non pour libérer Israël, mais pour annoncer
la bonne nouvelle à chaque homme. Les miracles
qu’il opère lui attirent des partisans. Il heurte
de front les intérêts du clergé et, à la veille
de Pâque, il est arrêté et condamné
par les Romains, probablement en l’an 30.
Sa prédication aura duré environ trois ans.
Supplicié, il est enseveli. Deux jours plus tard,
ses disciples découvrent le tombeau vide.
Ils se trouvent face à un homme qui a la figure
de Jésus et qui s’adresse à eux. Ce n’est ni
un cadavre, ni un corps matériel, on parle
d’un « corps spirituel ». À la lecture des textes,
on s’aperçoit que la perception du ressuscité
ne s’impose pas de suite chez ses disciples.
Puis, peu à peu, ils en diffusent la croyance au sein
de la communauté juive.
Les premières communautés chrétiennes sont
persécutées par le judaïsme officiel. Saül de Tarse
fait partie des plus intransigeants jusqu’au jour où,
sur le chemin de Damas, il se convertit
soudainement. Désormais, il est connu chez
les chrétiens sous le nom de Paul de Tarse et met
tout son zèle à défendre l’enseignement de Jésus.
Il prône la diffusion du message à toute
l’humanité. Avec Paul, le christianisme affirme
sa vocation universelle et se détache du judaïsme.
Généralement, il est considéré comme le véritable
fondateur de cette religion.