du noyau chaque nucléon subit une sorte de marche aléa-
toire produite par les collisions permanentes avec les autres
nucléons. La vérité est très différente, car le libre parcours
moyen des nucléons est plus grand que la taille du noyau. Le
mouvement réel de chaque nucléon ressemble plutôt à un
mouvement libre, rectiligne à l’intérieur de la goutte, avec
des collisions élastiques contre sa surface. Ce comporte-
ment est dû à un effet purement quantique, le principe d’ex-
clusion de Pauli, qui limite le nombre d’états accessibles
dans l’espace des phases et, par conséquent, inhibe forte-
ment la diffusion entre les nucléons.
Le potentiel effectif à l’intérieur duquel se déplacent les
nucléons est déterminé par un champ moyen. Ce champ
décrit l’effet des interactions induit sur une particule par
toutes les autres. La taille typique d’un noyau étant compa-
rable à la longueur d’onde de De Broglie du nucléon, il est
indispensable de tenir compte les aspects ondulatoires de
leur mouvement. Il est particulièrement utile de calculer
l’énergie de liaison associée aux effets de couches à l’aide
d’une théorie semiclassique de la dynamique. Cette théorie
exprime Bsh en termes d’une somme sur toutes les orbites
périodiques d’une particule qui se déplace classiquement
dans le potentiel moyen. Une orbite périodique est une tra-
jectoire classique qui, après un temps fini, se répète exacte-
ment. Les propriétés de ces orbites, et par conséquent celles
de Bsh, dépendent de la forme du champ moyen. Si ce
potentiel est modélisé par une cavité à parois parfaitement
réfléchissantes, l’énergie de liaison correspondante Bsh
prend la forme simple
Bsh =pApsin(kFlp+νpπ/2),
où la somme s’effectue sur toutes les orbites périodiques p
de la cavité, kFest le vecteur d’onde à l’énergie de Fermi,
lpla longueur de l’orbite périodique, Apl’amplitude et vp
une phase. Cette expression établit explicitement la relation
entre l’énergie de liaison et la dynamique classique des
nucléons ; le contact se produit à travers un ensemble très
particulier de trajectoires, les orbites périodiques.
Dans toute cavité il existe un nombre infini d’orbites
périodiques. On peut montrer que l’énergie Bsh est particu-
lièrement sensible aux contributions des orbites les plus
courtes, tandis que les orbites longues importent peu. Il
s’ensuit que la structure de l’énergie de liaison des noyaux
peut être décrite par quelques orbites courtes du champ
moyen. Or une propriété cruciale pour le calcul de Bsh est la
stabilité des orbites. Deux types extrêmes de dynamique
sont possibles. Une première possibilité consiste en un mou-
vement régulier, ordonné, des nucléons au sein du noyau,
une sorte de révolution planétaire où chaque nucléon suit
une trajectoire à géométrie simple (prédictible et stable). A
l’autre extrême, on trouve un mouvement chaotique, désor-
donné, imprédictible et instable des nucléons. La présence
de l’un ou l’autre régime va dépendre des corrélations
nucléaires et de la forme du champ moyen.
Il est donc important de déterminer quelles sont les pro-
priétés de la masse associée aux différents types de dyna-
Physique statistique
mique. L’étude de ce problème montre que la contribution à
la masse est plus grande quand le mouvement des nucléons
est régulier plutôt que chaotique. Cette remarque n’est pas
anodine, car tout système isolé cherche à minimiser son
énergie. Dans le cas présent, cette minimisation correspond
à rendre la plus grande et négative possible l’énergie Bsh. Le
noyau a donc intérêt à adapter sa forme de façon à produire
une dynamique régulière, qui lui offre les plus grandes cor-
rections de couches, et par conséquent la possibilité de
mieux se stabiliser.
Comme paradigme de champ moyen associé à une dyna-
mique régulière des nucléons nous considérons une cavité
sphérique (les nucléons bougent librement à l’intérieur d’une
sphère, et rebondissent élastiquement contre sa surface). Les
orbites périodiques sont dans ce cas bien connues ; certaines
orbites courtes sont représentées dans la figure 5. La figure 4
montre l’énergie de liaison Bsh obtenue en fonction du
nombre de neutrons pour une cavité sphérique, qui provient
essentiellement de l’interférence des orbites périodiques les
plus courtes (une vingtaine de rebonds donnent une bonne
approximation). Le seul paramètre ajusté dans le calcul est la
valeur de kFR, où Rest le rayon de la sphère, qui est légè-
rement différent de celui qui correspond à une sphère dure
afin d’incorporer les effets de spin-orbite.
Ce résultat montre clairement, d’une part, la pertinence
de l’assimilation du champ moyen à une cavité sphérique et,
d’autre part, que les effets de couches résultent de la super-
position des contributions à l’énergie de liaison des orbites
périodiques. Comme la densité nucléaire est constante, le
rayon Rde la sphère est proportionnel à A1/3et par consé-
quent toutes les longueurs lpdes orbites sont proportion-
nelles à A1/3. Ceci explique pourquoi dans la figure 4 la
longueur d’onde de l’oscillation augmente au fur et à
mesure que le nombre de neutrons augmente. Les minima
observés dans la figure correspondent aux noyaux les plus
liés (stables), et aux nombres magiques Nmag. Les pics cor-
respondants proviennent de l’interférence constructive des
orbites périodiques pour ces valeurs de N. On constate un
très bon accord entre les nombres magiques observés et les
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