Pourquoi peser les atomes ? Lors des premières
mesures systématiques de leur masse dans les années
1920, Francis Aston obtient un résultat curieux. Il
trouve que l’hélium est plus léger que la somme des poids
de ses constituants. En se basant sur la célèbre relation
d’Einstein entre l’énergie et la masse, E=mc2, où cest la
vitesse de la lumière, l’astronome Arthur Eddington suggè-
re que cette différence de masse, émise sous forme d’éner-
gie lors de la synthèse de l’hélium à partir de l’hydrogène,
constitue la source d’énergie du soleil. Cette hypothèse –
confirmée postérieurement par les travaux de H. Bethe –
a permis de clairement identifier le processus physique res-
ponsable du rayonnement du soleil, attribué au XIXesiècle à
la transformation d’énergie gravitationnelle en chaleur. Elle
a aussi clôt une polémique de l’époque, qui confrontait des
physiciens à des géologues et biologistes, en fournissant la
première estimation réaliste de l’âge du soleil compatible
avec les estimations géologiques de l’âge de la terre.
La masse Md’un noyau composé de Nneutrons de
masse mNet de Zprotons de masse mZpeut être écrite sous
la forme
M=N×mN+Z×mZB(N,Z)/c2.
L’énergie de liaison Bfournit des informations pré-
cieuses sur la nature des interactions nucléaires. L’énergie B
est positive : plus elle est grande, plus le noyau est lié et par
conséquent plus il est stable. La masse du noyau est donc
inférieure à la somme des masses de ses constituants élé-
mentaires, en accord avec les observations de Aston. Les
mesures des masses font ressortir, comme résultat principal,
la quasi-constance de l’énergie de liaison par nucléon pour
l’ensemble des noyaux, autour de 8.5 MeV/nucléon, avec
un léger maximum pour le fer 56 (Z=26) (figure 1).
La nucléosynthèse stellaire
L’abondance de chaque élément dans l’univers (figure 1)
dépend de sa stabilité, et la stabilité dépend de la masse. La
masse est donc le paramètre fondamental qui détermine le
bilan d’énergie d’une réaction nucléaire. A partir de la pro-
position d’Eddington, les différentes réactions nucléaires
responsables de la production d’énergie dans les étoiles ont
été bien identifiées. La combustion par fusion reste un
mécanisme énergétiquement favorable pour les éléments
plus légers que le fer, où l’énergie de liaison par particule
atteint son maximum. Au-delà, la fusion n’est plus favo-
rable.
213
La masse du noyau atomique :
entre ordre et chaos
La masse du noyau atomique, qui résulte de l'énergie de liaison des protons et des neutrons qui le constituent, est
une de ses propriétés fondamentales. Plusieurs techniques expérimentales de pointe sont actuellement dédiées à
la mesure de la masse de noyaux exotiques, très éloignés de la stabilité, et fournissent une grande quantité de
données avec une excellente précision. Nos connaissances restent toutefois limitées, et des estimations théoriques
sont nécessaires pour décrire certains aspects de la nucléosynthèse stellaire. Malgré des efforts considérables, le
pouvoir de prédiction des modèles actuels n'est pas satisfaisant. Une approche théorique récente, qui met en
avant un comportement chaotique de la dynamique nucléaire, offre un éclairage nouveau.
Article proposé par :
Patick Leboeuf, [email protected], Laboratoire de physique théorique et modèles statistiques, CNRS/Université Paris Sud.
David Lunney, [email protected], Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse (CSNSM), CNRS/Université Paris Sud.
Physique statistique
0 153045607590
10
-10
10
-8
10
-6
10
-4
10
-2
10
0
10
2
maximum de liaison
pic du fer
B / A (MeV)
abondance (%)
nombre atomique (
Z
)
7.5
8.0
8.5
Figure 1 - Energie de liaison par nucléon (en bleu, axe de droite), où
A=Z+N, et abondance des éléments dans le système solaire (en rouge,
axe de gauche), en fonction du nombre atomique Z.
Les éléments plus lourds dans la courbe d’abondance
sont associés à un autre processus de nucléosynthèse, lié à la
capture radiative de neutrons. Ce type de réaction a lieu soit
très lentement à basse température (processus s), soit très
rapidement à haute température lors de l’effondrement
d’une étoile massive (processus r). Le chemin du processus
sse situe, dans le plan (Z,N), dans la région des noyaux
stables, alors que le processus rpasse par des régions de
noyaux très riches en neutrons, qui sont très instables. Ce
type de nucléosynthèse explosive est extrêmement difficile
à modéliser, compte tenu de l’inaccessibilité de l’ensemble
des données nucléaires nécessaires.
Techniques de mesure
Depuis les mesures d’Aston, les techniques expérimen-
tales ont énormément progressé (voir figure 2). Avec les
avancées dans la production de noyaux à forte asymétrie
neutrons/protons (noyaux exotiques), il est possible aujour-
d’hui de mesurer la masse de noyaux très éloignés de la sta-
bilité, tout en gardant une bonne précision. La précision
actuelle se situe aux alentours de 108, et peut atteindre
1010 pour les noyaux stables.
La précision nécessaire dépend du phénomène nucléaire
que l’on veut étudier (voir Lunney, Pearson et Thibault,
2003). La meilleure précision actuellement possible pour
des noyaux exotiques est requise par des tests liés à l’inter-
action faible.
Différentes techniques de mesure sont à présent utilisées
(voir encadré). On peut obtenir la masse à travers le bilan
d’énergie lors d’une décroissance ou d’une réaction, mais
les meilleurs résultats proviennent généralement de mesures
de temps de vol et de fréquence cyclotron d’un ion dans un
champ magnétique homogène. Deux développements
récents méritent une mention particulière : l’anneau de stoc-
kage et le piège à ions. L’anneau de stockage, à l’intérieur
duquel les ions circulent à grande vitesse, est très bien
adapté pour mesurer la masse de noyaux exotiques produits
par fragmentation à haute énergie. En complément, le piège,
avec sa capacité à isoler dans l’espace un ion unique au
repos, offre actuellement la meilleure précision. L’amélio-
ration apportée par l’utilisation du piège est clairement
visible dans la figure 2 (mesures effectuées en 1995).
Toutes les données des masses obtenues par les diffé-
rentes méthodes expérimentales sont regroupées au centre
de données des masses atomiques à Orsay (voir www-
csnsm.in2p3.fr /AMCD), où elles sont analysées et mises à
jour périodiquement. Cette démarche à caractère internatio-
nal est nécessaire car, de manière générale, une masse est
déterminée, lors d’un bilan d’énergie par exemple, par rap-
port à la masse d’un autre noyau. La « table de masses »
n’est donc pas une simple compilation, mais une évaluation
globale qui assure la compatibilité et la consistance des
résultats. La version de la table 2003 fournit les masses de
plus de 2000 noyaux.
Articulation théorie-expérience
Le cycle du processus-rpasse par des régions de
nucléides extrêmement riches en neutrons – tellement loin
de la stabilité qu’ils ne seront peut-être jamais produits dans
un accélérateur. Pour la modélisation de ce processus il est
indispensable de prédire la masse de noyaux exotiques. De
manière générale, le calcul théorique des masses des élé-
ments connus et inconnus est un défi important de la phy-
sique nucléaire.
A travers l’énergie de liaison B, la masse donne accès
aux différentes formes d’énergie accumulées au sein du
noyau. L’approche la plus fondamentale pour son calcul
consiste, dans un premier temps, à déterminer les forces qui
agissent entre les nucléons. Ces forces sont déterminées par
des mesures directes de la section efficace de diffusion
nucléon-nucléon. Une quarantaine de paramètres (ajustés
aux données expérimentales) sont nécessaires pour les
décrire d’un point de vue théorique avec une bonne préci-
sion. Dans un deuxième temps, ces forces sont utilisées pour
résoudre numériquement le problème de Acorps en interac-
tion, où A=Z+Nest le nombre total de nucléons. La
complexité de ce calcul augmente exponentiellement avec le
nombre de particules, et la progression par cette voie reste
donc très laborieuse. Les programmes actuels les plus per-
formants, basés sur la méthode de Monte-Carlo, permettent
d’atteindre à peine A=10. Les résultats sont malgré tout
assez surprenants. Ils montrent que cette approche, qui
modélise les nucléons par des particules ponctuelles avec
des interactions à deux corps, n’est pas capable de repro-
duire correctement la masse des noyaux à petit A. Par
exemple, l’erreur relative par rapport aux mesures expéri-
mentales dans le calcul de l’énergie de liaison des isotopes
d’hélium (Z=2,4A10) est de l’ordre de 103, qui
est largement supérieure à l’erreur expérimentale. L’ajout
d’interactions plus compliquées, notamment à trois corps, ne
règle pourtant pas le problème.
La situation n’est guère plus encourageante en allant vers
les noyaux plus lourds, qui mettent en jeu des systèmes qui
214
1940 1960 1980 2000
10-12
10-10
10-8
10-6
10-4
precision (δm/m)
Figure 2 - La précision de la mesure de la masse de 28Si au cours des
années. On constate un gain d’un ordre de grandeur tous les dix ans.
Physique statistique
215
Techniques pour mesurer la masse
Peser un atome est un véritable tour de force sachant qu’il
s’agit d’une mesure de très haute précision. Ceci est encore
plus difficile pour les atomes radioactifs dont la mesure est faite
« en ligne » – dans la foulée de leur naissance – auprès d’un
accélérateur de particules et d’un séparateur de masse.
La masse peut être déterminée à l’aide de deux méthodes diffé-
rentes (figure 1) : soit par spectroscopie nucléaire, en mesurant
le bilan d’énergie d’une réaction nucléaire ou d’une décrois-
sance radioactive (e.g., α, βou p), soit par spectrométrie de
masse (dans la riche tradition d’Aston). Dans les deux cas, il
est nécessaire d’établir une relation avec une – voire plusieurs
– masses connues.
noyaux produits sont arrêtés, les noyaux à étudier vont diffuser
thermiquement), le faisceau est envoyé dans un spectromètre
magnétique où la masse est déterminée par une mesure de la
fréquence cyclotron. Deux expériences à ISOLDE au CERN
exploitent cette méthode : MISTRAL et ISOLTRAP.
Piéger pour peser – la nouvelle mode pour mesurer la masse
par spectrométrie : le confinement d’un ion offre la possibilité
de l’observer longtemps et donc de le peser avec une grande
précision. Une particule peut être confinée soit à grande vites-
se dans un anneau où elle peut être observée à chaque passa-
ge, soit pratiquement au repos, dans un piège de Penning (figu-
re 3), comme dans le spectromètre ISOLTRAP au CERN.
Encadré
Figure 1 - Dans le cas d’une réaction (gauche), le bilan d’énergie est
mesuré par un spectromètre. Les masses de A, a et b étant connues, on
peut déterminer MB. Le principe est le même pour une décroissance
(droite), où l’énergie de la particule éjectée (une particule alpha dans
cette exemple) est mesurée. MAdoit être connue afin de déterminer MB.
Pour les noyaux exotiques, la technique de mesure est fortement
liée à la méthode de production. Pour les noyaux produits par
fragmentation (donc à haute énergie) la masse est générale-
ment déterminée par temps de vol. Deux exemples sont le spec-
tromètre SPEG au GANIL et l’anneau de stockage ESR au GSI
(figure 2). Quand les noyaux sont produits par la technique
ISOL (après irradiation d’une cible épaisse dans laquelle les
Figure 2 - L’anneau de stockage (ESR) à GSI (Darmstadt) est rempli
d’un faisceau de fragments relativistes. Ces particules tournent sur une
circonférence de 108 m (jusqu’à leur décroissance) grâce aux aimants
(en bleu) et aux lentilles de focalisation. La masse est déterminée à par-
tir de la fréquence de révolution, mesurée à chaque passage de l’ion.
Figure 3 - Dans un piège de Penning, les ions à mesurer sont confinés par l’action simultanée d’un champ magnétique qui agit dans le plan radial et
d’un champ électrique (quadripolaire) dans le plan axial, créé par des électrodes (gauche). Le mouvement d’un ion piégé est ainsi composé de trois
modes propres, reliés à la fréquence cyclotron fc=qB/2πm: un mouvement harmonique fzdans le puit de potentiel (milieu) et deux mouvements
radiaux f+et f(droite). Ces fréquences sont mesurées soit après l’éjection des ions du piège, soit par la détection du signal induit sur les électrodes
par les ions confinés.
peuvent aller jusqu’à 250 particules en interaction. Diffé-
rentes méthodes, plus ou moins phénoménologiques, ont été
utilisées pour reproduire le comportement global de l’éner-
gie de liaison observé en fonction du nombre de nucléons.
Ces modèles utilisent un nombre considérable de para-
mètres, typiquement de l’ordre de vingt ou trente, qui sont
ajustés pour reproduire le mieux possible les masses
connues. De manière remarquable, et malgré leurs bases
conceptuelles parfois très différentes, sur l’ensemble de la
carte des nucléides ces différents modèles possèdent une
précision comparable, avec un écart par rapport aux expé-
riences qui oscille entre 400 et 800 keV. Cette harmonie est
cependant rompue quand on va vers « terra incognita ». En
effet, si l’on compare les prédictions des différents modèles
pour l’énergie de liaison de noyaux inconnus, qui n’ont
jamais été observés en laboratoire, on constate des écarts
considérables (figure 3).
Au vu du nombre important de paramètres utilisés dans
le calcul théorique, et en dépit d’une erreur relative faible
par rapport aux masses connues (de l’ordre de 105), cette
divergence pointe clairement vers une insuffisance de fond
des modèles utilisés. En ce qui concerne le statut des résul-
tats théoriques et de notre pouvoir de prédiction, la situation
est donc peu satisfaisante aussi bien pour les noyaux légers
que pour les lourds.
Approche semiclassique – Ordre et chaos
Malgré les difficultés considérables que pose ce pro-
blème, si l’on accepte d’analyser les données expérimen-
tales d’un point de vue qualitatif, il existe une approche qui
permet de comprendre assez facilement les variations des
masses avec le nombre de nucléons, et ce pratiquement sans
aucun paramètre ajustable. Aussi, cette approche permet
une compréhension plus fondamentale des mécanismes en
jeu au sein du noyau, et fournit une interprétation simple de
l’écart type de 400-800 keV observé entre les différents
modèles théoriques et l’expérience.
Il est utile de décomposer l’énergie de liaison en deux
parties. Etant donné que la densité nucléaire est constante en
première approximation, avec un nombre croissant de
nucléons on peut visualiser le noyau comme un fluide clas-
sique de particules en interaction, une sorte de goutte
liquide. La contribution principale à l’énergie de liaison B
provient de l’interaction forte entre les nucléons. Différentes
corrections s’ajoutent à cette contribution. Elles correspon-
dent à des effets de surface, à l’interaction Coulombienne
entre protons, etc. Une expression phénoménologique qui
tient compte de toutes ces contributions, notée Bmoyen,
explique bien le comportement à grandes échelles de B
observé dans la figure 1 (courbe en bleu). Pourtant, Bmoyen
n’arrive pas à expliquer toute la structure de l’énergie de liai-
son. Si l’on regarde de près les résultats expérimentaux, on
constate des fluctuations par rapport au comportement
moyen de type goutte liquide. Ces écarts sont appelés effets
de couches, Bsh, et sont définis par
Bsh =Bmoyen Bexp .
La différence Bsh est représentée, en fonction du nombre
de neutrons N, sur la figure 4. Elle montre l’existence d’une
structure fine de la masse des noyaux, qui présente des fluc-
tuations par rapport au comportement moyen. Il faut noter
que, d’après la définition précédente, les minimum locaux
(négatifs) de Bsh correspondent à des maximums de Bexp, et
par conséquent à des noyaux localement plus liés et plus
stables. Cet effet se manifeste dans la courbe d’abondance
de la figure 1 par des pics faibles mais bien visibles autour
de Z=50 et Z=82.
L’origine physique des fluctuations de la masse est très
différente de celle du comportement moyen. Les effets de
couches sont directement reliés au mouvement des nucléons
au sein du noyau ou, plus précisément, à travers la relation
d’Einstein, à l’énergie associée à leur mouvement. D’après
l’image classique du noyau comme une goutte liquide de
particules en interaction, on pourrait penser qu’à l’intérieur
216
50 60 70 80 90
-4
-2
0
2
4
masses mesurées
différence (MeV)
N
(
Z
= 50)
Figure 3 - Ecarts dans l’énergie de liaison calculée à partir de différents
modèles théoriques pour Z=50. La région des masses mesurées est indi-
quée par des traits verticaux.
0 50 100 150
N
20
10
0
10
20
30
B (MeV)
sh
Figure 4 - Energie de liaison expérimentale des noyaux atomiques en fonc-
tion du nombre N de neutrons après soustraction de la partie moyenne
(chaque point bleu représente un noyau), comparée à un modèle de cavité
sphérique sans (trait noir) ou avec (trait rouge) déformations possibles.
du noyau chaque nucléon subit une sorte de marche aléa-
toire produite par les collisions permanentes avec les autres
nucléons. La vérité est très différente, car le libre parcours
moyen des nucléons est plus grand que la taille du noyau. Le
mouvement réel de chaque nucléon ressemble plutôt à un
mouvement libre, rectiligne à lintérieur de la goutte, avec
des collisions élastiques contre sa surface. Ce comporte-
ment est dû à un effet purement quantique, le principe dex-
clusion de Pauli, qui limite le nombre d’états accessibles
dans lespace des phases et, par conséquent, inhibe forte-
ment la diffusion entre les nucléons.
Le potentiel effectif à lintérieur duquel se déplacent les
nucléons est déterminé par un champ moyen. Ce champ
décrit leffet des interactions induit sur une particule par
toutes les autres. La taille typique dun noyau étant compa-
rable à la longueur donde de De Broglie du nucléon, il est
indispensable de tenir compte les aspects ondulatoires de
leur mouvement. Il est particulièrement utile de calculer
l’énergie de liaison associée aux effets de couches à laide
dune théorie semiclassique de la dynamique. Cette théorie
exprime Bsh en termes dune somme sur toutes les orbites
périodiques dune particule qui se déplace classiquement
dans le potentiel moyen. Une orbite périodique est une tra-
jectoire classique qui, après un temps fini, se répète exacte-
ment. Les propriétés de ces orbites, et par conséquent celles
de Bsh, dépendent de la forme du champ moyen. Si ce
potentiel est modélisé par une cavité à parois parfaitement
réfléchissantes, l’énergie de liaison correspondante Bsh
prend la forme simple
Bsh =pApsin(kFlp+νpπ/2),
où la somme seffectue sur toutes les orbites périodiques p
de la cavité, kFest le vecteur donde à l’énergie de Fermi,
lpla longueur de lorbite périodique, Aplamplitude et vp
une phase. Cette expression établit explicitement la relation
entre l’énergie de liaison et la dynamique classique des
nucléons ; le contact se produit à travers un ensemble très
particulier de trajectoires, les orbites périodiques.
Dans toute cavité il existe un nombre infini dorbites
périodiques. On peut montrer que l’énergie Bsh est particu-
lièrement sensible aux contributions des orbites les plus
courtes, tandis que les orbites longues importent peu. Il
sensuit que la structure de l’énergie de liaison des noyaux
peut être décrite par quelques orbites courtes du champ
moyen. Or une propriété cruciale pour le calcul de Bsh est la
stabilité des orbites. Deux types extrêmes de dynamique
sont possibles. Une première possibilité consiste en un mou-
vement régulier, ordonné, des nucléons au sein du noyau,
une sorte de révolution planétaire où chaque nucléon suit
une trajectoire à géométrie simple (prédictible et stable). A
lautre extrême, on trouve un mouvement chaotique, désor-
donné, imprédictible et instable des nucléons. La présence
de lun ou lautre régime va dépendre des corrélations
nucléaires et de la forme du champ moyen.
Il est donc important de déterminer quelles sont les pro-
priétés de la masse associée aux différents types de dyna-
Physique statistique
mique. L’étude de ce problème montre que la contribution à
la masse est plus grande quand le mouvement des nucléons
est régulier plutôt que chaotique. Cette remarque nest pas
anodine, car tout système isolé cherche à minimiser son
énergie. Dans le cas présent, cette minimisation correspond
à rendre la plus grande et négative possible l’énergie Bsh. Le
noyau a donc intérêt à adapter sa forme de façon à produire
une dynamique régulière, qui lui offre les plus grandes cor-
rections de couches, et par conséquent la possibilité de
mieux se stabiliser.
Comme paradigme de champ moyen associé à une dyna-
mique régulière des nucléons nous considérons une cavité
sphérique (les nucléons bougent librement à lintérieur dune
sphère, et rebondissent élastiquement contre sa surface). Les
orbites périodiques sont dans ce cas bien connues ; certaines
orbites courtes sont représentées dans la figure 5. La figure 4
montre l’énergie de liaison Bsh obtenue en fonction du
nombre de neutrons pour une cavité sphérique, qui provient
essentiellement de linterférence des orbites périodiques les
plus courtes (une vingtaine de rebonds donnent une bonne
approximation). Le seul paramètre ajusté dans le calcul est la
valeur de kFR, où Rest le rayon de la sphère, qui est légè-
rement différent de celui qui correspond à une sphère dure
afin dincorporer les effets de spin-orbite.
Ce résultat montre clairement, dune part, la pertinence
de lassimilation du champ moyen à une cavité sphérique et,
dautre part, que les effets de couches résultent de la super-
position des contributions à l’énergie de liaison des orbites
périodiques. Comme la densité nucléaire est constante, le
rayon Rde la sphère est proportionnel à A1/3et par consé-
quent toutes les longueurs lpdes orbites sont proportion-
nelles à A1/3. Ceci explique pourquoi dans la figure 4 la
longueur donde de loscillation augmente au fur et à
mesure que le nombre de neutrons augmente. Les minima
observés dans la figure correspondent aux noyaux les plus
liés (stables), et aux nombres magiques Nmag. Les pics cor-
respondants proviennent de linterférence constructive des
orbites périodiques pour ces valeurs de N. On constate un
très bon accord entre les nombres magiques observés et les
217
(2,1) (3,1) (4,1)
(
5
,
2
)(
7
,
2
)(7,3)
Figure 5 - Exemples d’orbites périodiques d’une cavité sphérique. Les
indices représentent le nombre de rebonds et l’enroulement autour du centre.
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