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En outre, pour assurer la sécurité d’approvisionnement
du système électrique, le Gestionnaire du Réseau de
Transport (GRT) est obligé de réaliser certaines actions
"hors marché" lors des situations critiques d’exploitation
du réseau et du système (par exemple, l’utilisation de
réserves, le changement de topologie du réseau, la
diminution du niveau de plan de tension, les délestages
partiels préventifs, etc.). Les effets de ces actions, qui
permettent de surmonter les situations critiques du
système, ne sont pas intégrés dans le prix de l’électricité.
Un plafond de prix est introduit de façon implicite par les
actions du GRT. Le prix du marché ne représente donc
pas correctement la valeur associée à la mise à disposi-
tion de l’énergie dans les moments critiques.
Ainsi, en général, la vente de leur production sur les
marchés energy only ne procure pas aux capacités de
pointe une rémunération suffisante. Cela conduit à un
sous-investissement qui, à long terme, met en péril la
sécurité du système électrique.
Le principe d’un mécanisme de capacité
et le débat de son design en France
Plusieurs mécanismes ont été proposés pour résoudre le
problème du missing money. La plupart d'entre eux
repose sur l'introduction d’un revenu complémentaire
rémunérant la disponibilité d’une capacité de production
ou d’effacement5. Autrement dit, ces mécanismes assu-
rent que la capacité installée sera suffisante pour couvrir
la consommation de pointe.
Le mécanisme de capacité est la solution réputée la plus
efficace pour favoriser le développement de capacités
de pointe. Ainsi, outre la mise en place de l’ARENH
(l’Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique), l’article
6 de la loi NOME introduit également un mécanisme de
capacité pour favoriser le développement des capacités
susceptibles de répondre à la demande de pointe. L’idée
est de compléter le marché de l’énergie en créant un
nouveau bien, la capacité, afin d’assurer un développe-
ment suffisant des moyens de production et
d’effacement6. Les fournisseurs ont l’obligation de dis-
poser d’une capacité (de production ou d’effacement)
assurant une marge de sécurité à leurs clients (en plus
de l’énergie consommée), afin de maintenir l’équilibre
physique du système.
L’effectivité (assurance de la sécurité du système et
développement d’une capacité suffisante) et l’efficacité
(minimisation du coût) d’un mécanisme de capacité
dépendent de son design précis. A la suite de la loi
NOME, le design du mécanisme de capacité a ainsi été
largement débattu en France dans le cadre des travaux
5 Pour une comparaison des propriétés des différents mécanismes
possibles voir par exemple : Finon, D., Pignon V. (2008). Electricity and
long-term capacity adequacy: The quest for regulatory mechanism
compatible with electricity market, Utilities Policy 16:143-158.
6 Il s'agit d'un mécanisme qui appartient à la famille des marchés de
certificats négociables (permis d'émission SO2 et CO2, certificats verts,
certificats blancs, etc.).
préparatoires visant à le concevoir et à définir ses règles
de fonctionnement, tout d'abord lors de la concertation
relative à la rédaction du rapport de RTE (gestionnaire
du réseau de transport d’électricité en France) jusqu’en
octobre 2011, puis lors des discussions entre les acteurs
du système électrique et la Direction Générale Energie
Climat (DGEC) du Ministère de l’Energie. Deux options de
design7 ont été principalement débattues : l’Obligation
Décentralisée de Capacité et le mécanisme de bouclage.
Option n°1 : l’Obligation Décentralisée de Capacité
Le design le plus simple est l’Obligation Décentralisée de
Capacité. Dans son rapport au ministre de l’Energie, RTE
défendait ce design8. Il reprend le principe de base des
marchés de certificats. L’institution d’obligations indivi-
duelles et d’un mécanisme adéquat de contrôle et de
pénalité pour non-exécution suffisent à créer un marché
de capacités négociables. Les fournisseurs peuvent
recourir à leurs propres capacités (de production ou
d’effacement) pour répondre à leurs obligations ou
acquérir des certificats auprès d’autres acteurs (produc-
teurs, agrégateurs d’effacements ou fournisseurs ayant
précédemment acquis des certificats de capacité). Les
certificats de capacité peuvent être échangés de gré à
gré ou sur un marché organisé. L'équilibre entre l'offre
et la demande de certificats sur le marché organisé fait
émerger un prix du certificat. Ce prix dépend de la con-
trainte globale de capacité et des coûts
(d’investissement) des offreurs. Les fournisseurs peuvent
satisfaire leurs obligations de capacité jusqu’à une
échéance de court terme vis-à-vis de leurs livraisons. Ce
mécanisme introduit une pénalité croissante avec le
déséquilibre global du système.
Les partisans de cette option de design avancent l'argu-
ment suivant9 : elle ferait peser sur les consommateurs
un surcoût modéré. Selon eux, la loi NOME inciterait les
fournisseurs à une forte concurrence aval afin d’accéder
à l’ARENH, l’énergie nucléaire régulée à bas coût, car
leur droit de tirage sur l’ARENH dépend de leur part de
marché aval. Les fournisseurs seraient ainsi prêts à ne
facturer aux consommateurs que le coût moyen de la
capacité et non sa valeur marginale (e.g., le prix de la
capacité). Ce point semble très discutable tant il va à
l’encontre de la représentation classique de la concur-
rence en économie consistant à facturer la valeur margi-
nale des biens, et non le coût moyen10.
Par ailleurs, dans le cas d'un mécanisme de capacité,
deux spécificités ont un impact déterminant sur les
performances du dispositif en termes d’effectivité (assu-
7 D’autres éléments du design ont été également discutés (e.g.,
l’intégration des capacités d’interconnexion et de production hors de
France dans le mécanisme).
8 RTE (2011). Rapport au Ministre chargé de l’Industrie, de l’Energie et de
l’Economie numérique sur la mise en place du mécanisme d’obligation de
capacité prévu par la loi NOME, 5 juillet 2011.
9 Finon D. (2011). L’obligation décentralisée de capacité, le meilleur
mécanisme de capacité dans le contexte du régime de la NOME, Revue
de l’Énergie, n° 604, novembre-décembre 2011.
10 Si tant est qu’une concurrence en coût moyen puisse effectivement
être mise en œuvre, elle ne distinguerait pas les deux options de design.