La collision continentale
Michel FAURE
Une convergence lithosphérique à l’origine d’un épaississement
crustal
Les mouvements de la lithosphère
La réalité des plaques lithosphériques et de leurs mouvements à la surface du globe est
bien établie. La sismicité, et plus particulièrement, l’étude des mécanismes aux foyers des
séismes permet de définir des limites de plaques divergentes, coulissantes et convergentes.
Certaines limites sont caractérisées par des failles normales, là où les plaques divergent,
d’autres par des failles inverses, là où les plaques convergent et enfin par des failles coulis-
santes (ou transformantes) qui accommodent des différences de vitesses ou de sens de dépla-
cement entre les plaques. Remarquons que si les failles inverses sont pratiquement absentes
le long de limites divergentes, des failles normales peuvent exister dans certaines limites
convergentes. Un type de faille en lui-même ne suffit pas à définir la nature de la limite de
plaque. Il faut aussi tenir compte des abondances relatives des failles inverses, normales ou
décrochantes. La géodésie (GPS, triangulation, etc.) permet de connaître les mouvements
relatifs « instantanés » des plaques lithosphériques. Le magnétisme des roches (paléomagné-
tisme et inversions magnétiques) fournit des valeurs moyennées sur une plus grande échelle
de temps de 105à 108ans.
La diversité des limites de plaques convergentes
Les limites convergentes sont caractérisées par le phénomène de subduction, c’est-à-dire
le passage d’une plaque lithosphérique sous une autre. Le grand nombre des facteurs interve-
nant dans la subduction permet de comprendre sa diversité. Ainsi, par exemple, on peut évo-
quer : la vitesse de convergence, l’orientation du vecteur de déplacement relatif des deux
plaques par rapport à la limite de plaque, le pendage du plan de Wadati-Benioff, la durée de
la subduction, la taille et l’âge des plaques en présence, etc. Mais le paramètre le plus impor-
tant est la nature pétrologique des plaques lithosphériques. De façon un peu caricaturale, on
peut distinguer deux types de lithosphère en fonction de leur épaisseur et de leur composition
pétrologique. Une lithosphère continentale a une épaisseur moyenne de 120 km alors que cel-
le d’une lithosphère océanique n’est que de 80 à 90 km (fig. 1). Si l’on accepte cette division
Biologie Géologie n° 4-2004 735
Géosciences
Mots-clés : collision continentale, convergence lithosphérique, épaissiment crustal, Himalaya,
Alpes, chaînes de collision.
Michel Faure, Institut des sciences de la Terre d’Orléans (ISTO), Université d’Orléans,
736 Biologie Géologie n° 4-2004
0 km
30 km
120 km
Lithosphère continentale
0 km
10 km
90 km
Lithosphère océanique
Manteau supérieur lithosphérique
péridotites
Croûte
Croûte supérieure :
roches sédimentaires
Croûte moyenne :
gneiss, migmatites, granites
Croûte inférieure :
granulites MOHO
Croûte océanique :
sédiments océaniques
basaltes (pillow lavas)
filons de dolérites
gabbros
cumulats
LVZ
plutôt lherzolite plutôt harzburgite
Manteau asthénosphérique
1. - Schéma montrant la structure des lithosphères continentales et océaniques
Biologie Géologie n°4-2004 737
schématique en lithosphère océanique et lithosphère continentale, il existe 4 cas possibles de
subduction (fig. 2).
subduction intraocéanique : une lithosphère océanique passe sous une lithosphère océa-
nique ;
subduction océanique : une lithosphère océanique passe sous une lithosphère continen-
tale, cest ce phénomène qui est communément appelé «subduction » ;
subduction dune lithosphère continentale sous une lithosphère océanique, ce mécanis-
me est aussi appelé «obduction » ;
subduction de lithosphère continentale sous une autre lithosphère continentale, ou
«collision ».
Remarquons que les deux derniers cas peuvent aussi être considérés comme des «sub-
ductions continentales ». Contrairement à un des postulats de la théorie des plaques des
années 60, il est maintenant prouvé, notamment par la découverte de roches métamorphiques
dultra-haute pression (comme les éclogites à coesite-diamant) que la lithosphère continenta-
le peut être enfouie, ou subductée, dans le manteau asthénosphérique à des profondeurs supé-
rieures à la centaine de km.
Définition dune chaîne de montagnes
L’étude comparée des épaisseurs lithosphériques et crustales en Europe permet de mieux
comprendre ce quest une chaîne de montagnes (fig. 3). A lexception de la Scandinavie, où
elle peut atteindre 180 km, et de la Méditerranée, où elle est de lordre de 30 km, l’épaisseur
de la lithosphère continentale, est relativement constante autour de 100 km en moyenne. En
revanche, l’épaisseur de la croûte continentale présente des variations significatives. Il existe
des régions où la croûte continentale est très mince, voire inexistante : cest le cas notamment
des mers Tyrrhénienne et Ligure dont les parties centrales sont occupées par de la croûte
océanique de 10 à 20 km d’épaisseur. Inversement, la croûte continentale est particulièrement
épaisse sous les chaînes de montagnes récentes : Alpes (60 km), Carpates (50-60 km) et
Pyrénées (50 km). On met ainsi en évidence sous les régions à relief important des «racines
crustales » où l’épaisseur a été doublée (60 km) par rapport à l’épaisseur normale de 30 km
dune croûte continentale stable.
Lexamen dune carte de lanomalie de Bouguer en Europe montre clairement que les
anomalies négatives du champ de pesanteur se superposent à ces racines crustales. Ceci est
bien compréhensible puisque à lemplacement des racines, de la croûte continentale de den-
sité moyenne 2,6 remplace le manteau lithosphérique de densité moyenne 3,2.
Cette constatation est à la base de la définition dune chaîne de montagnes : cest une
zone où la croûte continentale est plus épaisse que la normale, mais pas la lithosphère.
Les modalités de l’épaississement crustal
La question qui se pose alors est de déterminer quels sont les processus géologiques à
lorigine de l’épaississement crustal. Théoriquement, trois mécanismes peuvent être invoqués
(fig. 4) : 1) un serrage symétrique (ou coaxial), 2) un cisaillement plat (ou non-coaxial), 3) un
transfert de matériel du manteau dans la croûte. Si les deux premiers mécanismes sont fon-
damentalement tectoniques, le troisième est typiquement magmatique. Le serrage symétrique
est responsable dune anisotropie des roches, (appelée schistosité ou foliation selon limpor-
tance des recristallisations métamorphiques associées), verticale et dune anisotropie linéaire
(ou linéation d’étirement et minérale) verticale. Au contraire, le cisaillement plat (ou chevau-
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Subduction
intra-océanique
Subduction
continentale
= obduction
Subduction
océanique sous
une lithosphère
continentale =
marge active
Collision
continentale
LVZ
LVZ LVZ
LVZ
LVZ LVZ
LVZ
LVZ
arc volcanique
prisme d'accrétion
nappe ophiolitique
nappe ophiolitique
zone de suture
avant-pays arrière-pays
MOHO
MOHO
MOHO
MOHO
arc magmatique
Manteau lithosphérique
Croûte continentale
Croûte océanique
Asthénosphère
2. - Les différents cas théoriques de subduction
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90
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Epaisseur de la lithosphere
en km
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Epaisseur de la croûte
en km
3. - Cartes comparatives des épaisseurs de croûte et de lithosphère en Europe occidentale
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