Introduction
« L’image du livre » : rien de plus étrange, de plus paradoxal que de rapprocher
ces deux concepts, d’accoler la notion d’image à celle du livre, objet receleur de
langage bien plus que d’image. L’intérêt du livre, ce qui fait son attrait en tant
qu’objet, c’est tout d’abord son caractère dépersonnalisé : une couverture, des
pages remplies de caractères, un contenu dont le genre nous paraît certes
immédiatement visible (roman, essai ou autre), mais dont nous ne saisissons pas
nécessairement tous les niveaux de sens, toutes les implications : c’est moins
l’image que sollicite la lecture que notre imagination, notre capacité à percevoir le
contenu d’un ouvrage dont les caractéristiques physiques, somme toute, nous
importent moins – elles ne font qu’office de « rampe de lancement » à cette
imagination (titre, nom de l’auteur, présentation de la couverture et de la quatrième
de couverture, éventuellement le nom de l’éditeur). L’image, elle, joue sur un
choc, un effet d’immédiateté, sur une accroche qui réveille notre intérêt –
immédiateté que le livre ne peut avoir, se présentant, on l’a vu, comme un objet
essentiellement neutre, un simple vecteur de sens. L’image se suffit à elle-même
grâce à sa faculté de représentation – quand le livre se contente de suggérer une
représentation (et même plusieurs, selon la capacité d’imagination de son lecteur)
par le biais du langage qu’il retranscrit.
Pourtant, à l’heure de l’image-reine, de l’audiovisuel triomphant et des médias
électroniques dont le perfectionnement, ces dernières années, est indéniable, la
conception d’une « image du livre » ne détonne pas : mieux, la question a peu à peu
revêtu un caractère d’actualité. Le livre (du moins en tant que support papier) semble en
effet occuper aujourd’hui une position elle-même paradoxale : tantôt perçu comme
« dépassé » face à la concurrence des autres supports de l’écrit (journaux gratuits,
magazines) ou de supports virtuels (contenus en ligne, livres électroniques et même les
CD-Rom), tantôt reconnu comme essentiel par le contenu culturel qu’il véhicule. Sa
place a donc revêtu un caractère ambigu : désacralisé par l’émergence et le
développement de nouveaux médias, ainsi que par une trop forte concurrence avec lui-
Cattane, Donadille, Dupré, Thuillart, Vincent | DCB 14 | Mémoire de recherche | juin 2005
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