Journée d’étude du LESC Anthropologie de l’éducation et de l’enfance : contextes et débats Clarice Cohn (Université fédérale de São Carlos, Brésil) Olivier Meunier (centre EREA du LESC) 21 avril 2016 Les recherches en anthropologie de l’éducation se situent aux frontières de différentes disciplines (anthropologie, sociologie, psychologie, sciences de l’éducation, linguistique, …) et questionnent les rapports de transmission des connaissances, les échanges intergénérationnels, les logiques patrimoniales, les conceptions d’apprentissage, mais aussi l’ensemble des autres champs de la société (politique, économique, culturel, …) et les relations entre cette dernière et la globalité (de la société dominante à l’espace-monde). L’anthropologie de l’enfance qui découle en partie des recherches sur l’éducation, tout en la dépassant apparaît comme un champ encore moins travaillé, dans la mesure où mener des études ethnographiques avec et à propos des enfants peut rompre avec certains habitus de recherche, où les informateurs seraient avant tout des « porteurs du savoir » et non des « réceptacles » potentiels d’une partie de ce savoir. Pourtant, quand les enfants sont considérés comme des sujets sociaux à part entière, ils deviennent des interlocuteurs pertinents pour les chercheurs qui peuvent alors accéder à un champ des possibles, préfigurant la société actuelle et future. Depuis quelques décennies, l’anthropologie de l’enfance est reconnue comme un domaine de recherche propre. L’anthropologie de l’éducation s’attache à l’ensemble de la société, puisqu’elle traite de la transmission des connaissances ou de ses relations avec la cosmogonie, tandis que l’anthropologie de l’enfance permet de travailler ces mêmes questions à travers le regard des enfants. Le positionnement marginal et restreint de l’anthropologie de l’enfance a pu conduire à ce qu’elle soit méconnue, voire méprisée par les anthropologues, ce qui résulte souvent en un isolement par rapport aux autres recherches développées auprès des mêmes populations ou dans les mêmes contextes. En effet, parce que les enfants sont généralement traités de façon marginale par l’anthropologie, les études réalisées auprès d’eux ne sont pas toujours considérées comme étant légitimes, dignes de lecture et d’appréciation par la communauté scientifique. Quelles sont les raisons de ce manque d’intérêt et de dialogue entre les recherches effectuées avec et à propos des enfants et les autres productions anthropologiques dans les mêmes sociétés ? Peut-on penser à des alternatives qui favoriseraient un réel échange et un enrichissement mutuel des points de vue? Cette journée d’étude réunira des chercheurs travaillant sur les enfants dans différentes régions du monde. Elle vise à élaborer une réflexion sur les conditions de dialogue entre l’anthropologie de l’enfance et/ou de l’éducation et les autres domaines « régaliens » de l’anthropologie tout en montrant l’intérêt heuristique d’établir un dialogue entre ces champs d’investigation. Déroulement de la journée d’étude (Amphi bâtiment Max Weber) 21 avril 2016 9h-9h15 : Accueil des participants 9h15-9h30 : Présentation de la journée par Clarice Cohn et Olivier Meunier 9h30-10h30 : Anthropologie de l’enfance et de l’éducation chez les populations mayas du Mexique (Chiapas, Quintana Roo) Olivier Meunier Professeur des universités RECIFES - Université d’Artois / Centre EREA du LESC (UMR 7186) – Université Paris Ouest Nanterre la Défense [email protected] 10h30-11h30 : Etre enfant indigène dans le Brésil contemporain : réflexions à partir de l’anthropologie de l’enfance et de l’éducation et de l’ethnologie indigène Clarice Cohn Professeur Université fédérale de São Carlos, Brésil / Post-doctorante au LESC - Université Paris Ouest Nanterre la Défense – boursière du FAPESP [email protected] 11h30-12h30 : Pour un enfant modèle. Rituel d’État, écoles ethnopédagogiques et expérimentales en Sibérie (sub)arctique (xx e -xxi e siècle) Dominique Samson Normand de Chambourg Maître de conférences EA 4513 CREE (Centre de Recherches Europe Eurasie), Institut National des Langues & Civilisations Orientales, Paris [email protected] 12h30-13h30 : Pause-déjeuner (bâtiment de la MAE, salle 308) 13h30-14h30 : La socialisation de l’enfant par l’enseignement coranique au Niger (région de Zinder) Malam Sani Mahamane Mahaboubou Doctorant Laboratoire RECIFES - Université d'Artois [email protected] 14h30-15h30 : Etudier avec son futur époux. Réflexions sur la démultiplication des relations générationnelles et sur les formes de transmission entre les enfants wayãpi scolarisés (Guyane française) Silvia Lopes da Silva Macedo Chercheuse associée au centre EREA du LESC - Université Paris Ouest Nanterre la Défense [email protected] 15h30-16h30 : Les « enfants de la rue » ne sont pas des enfants sauvages. Réintégrer les bakoroman dans la société burkinabè Muriel Champy Doctorante au LESC - Université Paris Ouest Nanterre la Défense [email protected] 16h30-16h45 : Pause café 16h45-17h30 : Discussion finale Résumés et mots-clés Anthropologie de l’enfance et de l’éducation chez les populations mayas du Mexique (Chiapas, Quintana Roo) Olivier Meunier Professeur des universités RECIFES - Université d’Artois / Centre EREA du LESC (UMR 7186) – Université Paris Ouest Nanterre la Défense Résumé : Après avoir rappelé comment les inventions de l’enfance et de la forme scolaire se sont historiquement constituées, nous allons montrer quels ont été les principaux apports de la sociologie et de l’anthropologie à l’étude de l’enfance, puis comment une socio-anthropologie de l’enfance s’est récemment construite, de l’essentialisme enfantin à la reconnaissance de la diversité socioculturelle et au comparatisme, tout en examinant de manière critique les méthodologies préconisées. Enfin, à travers une recherche sur les questions éducatives chez les populations indigènes du Mexique, nous montrerons comment une approche socio-anthropologique de l’enfance peut contribuer à enrichir une socio-anthropologie de l’éducation, le regard des élèves permettant de saisir de manière complémentaire les enjeux socioéducatifs de leur communauté, voire les interactions avec ceux du municipe et de l’Etat. Mots-clés : socio-anthropologie de l’enfance, socio-anthropologie de l’éducation, éducation scolaire, éducation traditionnelle, éducation autonome, Mexique. Etre enfant indigène dans le Brésil contemporain : réflexions à partir de l’anthropologie de l’enfance et de l’éducation et de l’ethnologie indigène Clarice Cohn Professeur Université fédérale de São Carlos, Brésil / Post-doctorante au LESC - Université Paris Ouest Nanterre la Défense – boursière du FAPESP Résumé : Cette communication propose de penser l’expérience d’être un enfant indigène dans le Brésil contemporain à partir de plusieurs études de cas avec diverses populations indigènes. On peut considérer que les peuples indigènes du Brésil contemporain ont gagné une meilleure visibilité politique ces dernières décennies, avec une reconnaissance croissante par l’Etat et la société civile à partir de leurs ethnicités. Par ailleurs, l’accroissement démographique est devenu significatif puisque plus de la moitié de ces populations est composée d’enfants de moins de 14 ans selon les derniers recensements. Ainsi, ces enfances indigènes sont actuellement marquées par ces récents phénomènes, mais aussi par l’expérience scolaire, ce qui implique de considérer la construction d’une enfance indigène déjà scolarisée, ou de l’enfant indigène devenant élève. A partir de cette situation, on verra quels sont les dialogues possibles entre anthropologies de l’enfance, de l’éducation et l’ethnologie indigène du Brésil d’aujourd’hui. Mots-clés : enfances indigènes, anthropologie de l’enfance, éducation scolaire indigène, Amérindiens, anthropologie de l’éducation Pour un enfant modèle. Rituel d’État, écoles ethnopédagogiques et expérimentales en Sibérie (sub)arctique (xx e -xxi e siècle) Dominique Samson Normand de Chambourg Maître de conférences EA 4513 CREE (Centre de Recherches Europe Eurasie), Institut National des Langues & Civilisations Orientales, Paris Dans l’Arctique sibérien la transmission des savoirs ne cesse de changer de visage. Au fil des siècles, l’expérience sensible des communautés a reculé face à l’enseignement progressivement uniforme du « colonisateur-civilisateur », des écoles missionnaires au système soviétique des écoles-internats. Dans les années 1990, les peuples du Nord, de la Sibérie et de l’Extrême-Orient de la Fédération de Russie ont entrepris de créer eux-mêmes des alternatives au modèle éducatif officiel. À partir d’archives russes et de la parole autochtone collectée lors de travaux de terrain chez les Nénètses, Khantys et Mansis de la Sibérie (sub)arctique, notamment de 2004 à 2013, quel état des lieux peut-on dresser des relations entre les communautés et l’école ? Mots-clefs : (semi)nomades de Sibérie arctique ; savoir autochtone ; école-internats ; écoles expérimentales. La socialisation de l’enfant par l’enseignement coranique au Niger (région de Zinder) Malam Sani Mahamane Mahaboubou Doctorant Laboratoire RECIFES - Université d'Artois Résumé : L’école coranique est souvent présentée en milieu Zinderois comme une institution privilégiée permettant aux enfants musulmans d’apprendre le Coran et certains rudiments de la culture islamique. Cette socialisation par l’apprentissage religieux a pour but principal de préparer les enfants à intégrer leur communauté. L’école coranique est perçue par les familles musulmanes comme l’une des structures, sinon la seule, qui fera de leurs jeunes progénitures des « bons musulmans ». Cet enseignement s’organise exclusivement dans le domaine privé, en dehors de tout contrôle de l’Etat. L’école coranique joue un rôle incontestable dans le processus de socialisation des enfants nigériens puisque c’est à celle-ci que revient la tâche de transmettre les modèles et les valeurs que devraient observer tout musulman dans sa vie quotidienne. Bien que la plupart des familles apprécient l’école coranique, cette dernière recèle des faiblesses considérables. Certaines d’entre elles se situent au niveau de certaines pratiques sociales comme la mendicité et les violences subies par les apprenants. Mots-clés : socialisation, éducation islamique, école coranique. Etudier avec son futur époux. Réflexions sur la démultiplication des relations générationnelles et sur les formes de transmission entre les enfants wayãpi scolarisés (Guyane française) Silvia Lopes da Silva Macedo Chercheuse associée au centre EREA du LESC - Université Paris Ouest Nanterre la Défense Résumé : Etudier les enfants nous ramène souvent à l’école. Si cela concerne les grands centres urbains, cela apparaît également pertinent pour les villages reculés des amérindiens amazoniens. En Guyane française les petits wayãpi vont à l’école élémentaire avec une certaine assiduité. Le temps scolaire occupe une bonne partie de leurs matinées, et l’institution les rassemble en groupes d’âge. Des nouvelles formes de relation et de transmission vont être établies entre les enfants et les maîtres d’école, mais également entre les enfants eux-mêmes. Dans cette communication, je me pencherai sur cette démultiplication des relations inter(intra)générationnelles et sur les formes de transmission qui en découlent. Mots-clés : Wayãpi, Guyane française, scolarisation, transmission, relations générationnelles. Les « enfants de la rue » ne sont pas des enfants sauvages. Réintégrer les bakoroman dans la société burkinabè Muriel Champy Doctorante au LESC - Université Paris Ouest Nanterre la Défense Résumé : Dans les années 1990, les publications sur les « enfants de la rue » se multiplient dans les champs scientifique et médiatique. L’analyse de ces modes de vie s’effectue désormais à travers le prisme des représentations occidentales de l’enfance, dont nous savons pourtant depuis Philippe Ariès (1960) qu’elles sont le produit de contextes sociologiques et politiques particuliers plus qu’elles ne traduisent une réalité physiologique. Les « enfants de la rue » — appelés bakoroman — que j’ai rencontrés à Ouagadougou ne se présentent pourtant pas comme des « enfants » mais comme des jeunes « sortis en aventure ». En inscrivant leurs pratiques dans la longue histoire des mobilités juvéniles dans cette région du monde, je propose donc de sortir du strict cadre analytique de l’« enfance » afin de développer, à partir du cas des bakoroman, une réflexion plus globale sur les âges de la vie dans le contexte burkinabè. Mots-clefs : enfant de la rue – bakoroman – Burkina Faso – aventure – âges de la vie