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ÉTHIQUE DU SPORT
preneurs se trouvant en concurrence, ils sont conduits à modérer leurs appétits
économiques s’ils veulent séduire les consommateurs eux-mêmes en concurrence
d’achat. La concurrence entre les offreurs tend à la baisse des prix, celle entre les
demandeurs tend, à l’inverse, à la hausse des prix ; l’équilibre se trouvant atteint
à un juste prix du marché. Le prix du marché apparaît ainsi à la fois comme un
facteur d’équilibre technique (point de rencontre entre offres et demandes) et
mais aussi comme un équilibre social de satisfaction équilibrée. Smith évoque
d’ailleurs une « main invisible » qui vient aider le marché à réaliser l’équilibre
d’une certaine harmonie sociale. Relevons que la théorie libérale ne s’applique
pas seulement au marché des produits mais également aux autres marchés dont
celui du travail. Selon les auteurs libéraux 1 , les pouvoirs publics ne doivent pas
intervenir sur un marché du travail librement régulé par les prix : le chômage dans
un secteur trouvant sa solution dans la baisse du taux de salaire (qui attire les em-
ployeurs et décourage les travailleurs) ; le sous-emploi dans un autre secteur étant
réglé par une hausse (attirant les travailleurs et décourageant les employeurs).
Sur le plan moral, Smith dont les premiers écrits exposent une « éorie des
sentiments moraux » (1759) à visées humanistes (avant d’aborder la « Richesse des
nations » en 1776 plus centrés sur l’économie), fait référence à Locke 2 et à Man-
deville (1714) qui posent les principes d’une éthique utilitariste 3 . La croyance qui
perdure à l’heure actuelle de la mondialisation, est que la recherche individualiste
de son enrichissement personnel (moteur d’un nécessaire activisme économique)
a tendance à écarter toute production sans utilité économique (relevant alors de
l’associatif) et conduit au progrès social matériel de la collectivité toute entière.
La recherche du profit individuel profite finalement à tous. L’égoïsme condam-
nable d’un individu poursuivant ses intérêts personnels (par l’exploitation de son
prochain notamment comme le dénoncent les marxistes) est finalement blanchi
par le progrès matériel dont tous vont tirer profit collectivement. Le mobile du
gain présenté comme une motivation élémentaire et universelle, quasiment natu-
relle, se trouve ainsi « moralisé » au niveau collectif.
L’économiste Perroux (1948) a dénoncé en son temps de reconstruction éco-
nomique, une « économie de l’avarice » et le philosophe Castoriadis (1975) a
pointé l’utopie libérale et montré le caractère fondamentalement relatif de notre
rationalité occidentale à prétention universelle. Car toute rationalité trouve son
sens dans ses objectifs sociétaux (Godelier, 1971). Ainsi, il peut être rationnel de
1 La deuxième moitié du XXe siècle a été marquée par un regain d’intérêt pour le libéra-
lisme et les vertus du capitalisme ; notamment à travers les théories élaborées par la très in-
fluente école de Chicago sous l’autorité du lauréat du prix Nobel d’Economie Milton Friedman
(Capitalism and Freedom, 1962).
2 Le libéralisme classique apparaît avec le philosophe John Locke, à la fin du XVIIe siècle.
Selon lui, la liberté fait partie des droits naturels de l’homme auxquels les États ne doivent pas
porter atteinte. Les penseurs utilitaristes, Bentham et Mill se situent aussi dans ce courant
libéral puisque, selon eux, il appartient à chaque individu de définir pour lui-même ce qui
constitue le bonheur (Vienne, 1991).
3 La morale utilitariste de Jeremy Bentham (XIXe) et de John Stuart Mill (1848) lie l’utilité
au bonheur. Est considérée comme morale toute action augmentant le bonheur du plus grand
nombre (Laval, 2003 ; Boss, 1991).