Projet PALFENO : Prévisions et Actions Locales

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Projet PALFENO :
Prévisions et Actions Locales Face à
l’Elévation du Niveau des Océans.
Christophe Besson, ESITC Caen
Maëva Charlotte, ESITC Caen
Olivier Giron, ESITC Caen
Benjamin Lacour, Université de Rouen
Projet tutoré par :
‣ Julien Réveillon, CORIA CNRS & Univ. de Rouen
‣ Guillaume Carpentier, ESITC Caen
Projet soumis au concours SYNTEC-INGENIERIE : Prix de l’Ingénierie du Futur 2015
Un constat - Un projet
A la veille de la conférence de l’ONU (COP21, Paris,
décembre 2015) pour tenter de trouver un accord
universel sur le climat, il ne fait aucun doute que la
montée des eaux des océans est d’ores et déjà une
réalité. En effet, le réchauffement climatique de ces
dernières décennies génère une dilatation des
océans ainsi que la fonte des glaciers et de la
calotte polaire. Ces phénomènes provoquent une
élévation des mers de quelques millimètres par an.
Si l’effet est encore minime aujourd’hui, les
projections pour les décennies à venir montrent,
pour notre pays, une élévation moyenne prévisible
de 50 cm à 1 mètre. Or, les 3427 km de côtes de la
France métropolitaine, auxquelles on peut rajouter
les DROM, sont bordés d’ouvrages maritimes tels
que des digues, des ports, des ponts, etc. qui ne
sont pas forcément dimensionnés pour faire face à
cette élévation des océans.
Face à cette réalité, une question majeure émerge :
comment allons nous réagir ? Cette question
s’adresse tant aux ingénieurs et chercheurs qu’aux
forces politiques locales et nationales dont la
mission est de préparer les côtes Françaises aux
transformations à venir.
Nous proposons le développement d’une chaine
d’expertise qui permettra de prévoir les risques et
proposer des solutions en prenant en compte les
spécificités géophysiques de chaque trait de côte,
voire de chaque ouvrage concerné. Cette chaine
fera en permanence le lien entre le monde de
l’ingénierie et celui des acteurs socio-économiques
locaux.
Pour mener à bien ce projet, nous proposons
d’utiliser la puissance, la souplesse et le faible coût
de la simulation numérique pour mettre en place
un process adaptable à toute situation
géographique et économique spécifique. Nous
proposons aussi de développer de nouvelles
solutions de défense avec un objectif
développement durable et la possibilité de
capturer l’énergie de la houle.
Etat des lieux !
En 2013, le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat), organisme de
l’ONU, prévoit une hausse des océans de 98 cm d’ici 2100. Un élément inquiétant : la prévision de
hausse a augmenté de 40 cm en l’espace de 6 ans d’études et d’amélioration de modèles [Cazenave
2014, Cousin 2011]. En France le degré d’exposition aux
risques est très variable en fonction de la houle, des courants,
Projections de l’élévation de la
de l’action des marées et de la nature de la côte. Les zones les
plus à risque sont les estuaires des fleuves où sont situés
mer en 2100 par le modèle
certaines grandes villes et les zones situées proche du niveau
climatique de Météo France
0 de la mer comme la côte vendéenne, les marais aménagés
du delta du Rhône ou les polders proches de Dunkerque.
Cependant le recul des côtes est effectif sur tout le littoral.
Catastrophe = combinaison d’actions défavorables
Le danger principal ne vient pas uniquement de l’élévation du
niveau de l’eau mais aussi de sa combinaison avec d’autres
actions défavorables : les courants, la baisse de pression
atmosphérique, les grandes marées. Cette combinaison peut
provoquer de graves catastrophes comme celle de Xynthia en
2010. Les dégâts de cette tempête sont liés à une surcote inhabituelle et à l'urbanisation de zones à
risques. L’élévation globale du niveau de la mer vient augmenter la dangerosité du risque de
débordement existant lors d’une tempête et rend également ce phénomène plus fréquent et donc plus
dangereux pour les populations.
La Faute sur Mer, après le passage de Xynthia en février 2010.
« M. Jean-Paul Vanderlinden, professeur associé à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines,
expert participant au programme de recherche de l'Union européenne Theseus, a souligné que la
multiplication des phénomènes de submersion résultait des changements climatiques et de la hausse du
nombre de tempêtes, mais surtout de la remontée du niveau de la mer, qu'il a estimée à une trentaine
de centimètres pour le littoral français au cours du XXe siècle. Il a relevé que ce facteur avait des effets
négatifs de premier ordre sur la résistance de long terme des structures de protection des côtes. » Extrait
du Rapport sur les conséquences de la tempête Xynthia.
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Responsabilités
La réfection et le renforcement des digues se résume d'un arbitrage coût/efficacité qui relève de la
responsabilité des décideurs publics. Cependant, les digues sont mal entretenues du fait de
l’intervention de très nombreux acteurs dans leur gestion: différentes collectivités locales, des
associations, des particuliers. Certains ouvrages sont même sans propriétaire connu. En fait, il s’avère
que les 6000 à 7500 km de digues du territoire sont sous la responsabilité de plus de 1000 maîtres
d’ouvrages [MEDD 2010]. Mais il s’avère que « les collectivités territoriales, lorsqu'elles souhaitent édifier
des digues, n'ont pas de cahier des charges ni de prescriptions techniques précises.» [Anziani 2010]. De
ce fait, le premier critère pour la construction des digues reste financier et c’est le budget des
collectivités locales qui va alors déterminer la qualité de l’ouvrage.
Genèse du projet
De nos jours, faute d’un entretien suffisant, la submersion, voire la rupture, de digues se produisent tout
le long du littoral. De plus, les nombreuses surverses entament la structure des ouvrages par érosion
du talus côté terre de ces protections. La dégradation déjà observée de certains ouvrages associés aux
nouvelles évolutions climatiques a poussé Mme Chantal Jouanno, Secrétaire d'Etat chargée de
l’Ecologie à exposer un « plan digue » qui a pour objectif de prévenir les inondations, de lutter contre la
dégradation du trait de côte et de s’associer à la stratégie nationale d’adaptation au changement
climatique.
La mission dirigée par A. Anziani (2010) souligne que les qualités de protection des digues existantes
doivent être examinées avec soin et notamment, que « Les travaux sur les digues, notamment de
renforcement ou de rehaussement, devront également tenir compte d'un aléa de submersion marine
clairement défini et prendre comme référence les dernières données scientifiques sur l'évolution du
niveau des mers » et avance la proposition 52 qui consiste à « Prendre en compte le changement
climatique et réaliser une étude « au cas par cas » pour le rehaussement et/ou le renforcement des
digues (…) »
Objectif du projet : être force de prédiction et proposition au cas par cas
face à l’élévation du niveau des océans grâce à la modélisation numérique
de l’évolution locale du niveau des mers.
[Sim1] Exemple du calcul d’un état actuel d’une interaction houle/digue
Le projet PALFENO consiste à developper un système d’aide à la décision s’appuyant sur deux axes:
1. prédiction de la réaction de l’ouvrage existant face à la montée des eaux [figures Sim1 & Sim2]
2. proposition de solutions effectives pour renforcer ou remplacer l’ouvrage considéré. [figures Sim3,4,5]
[Sim2] Prévision interaction houle/digue avec une élévation de la mer de 1 mètre
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Aspects techniques
Le projet s’appuie sur la résolution des équations de la mécanique des fluides sur une zone
géographique précise du littoral. Plusieurs points sont à
considérer pour la plus grande précision possible:
‣ utiliser la bathymétrie (relief du fond de mer) dans le
calcul. Cette dernière est en général très bien
documentée en bordure des côtes pour le passage
des navires. Cette bathymétrie, associée avec les
données géométriques de la digue considérée
servent à un maillage de la zone. La simulation
numérique s’appuiera sur ce maillage pour connaître
l’état de la mer en tout point et à tout instant.
Exemple de maillage de la zone de calcul
‣ utiliser les propriétés moyennes et extrêmes de l’état
de la mer (houle, courants, etc). Il existe déjà des relevés de l’état de la mer tout le long des côtes. Ces
relevés permettront de fournir aux modèles des données réalistes locales de houle pour des
simulations concernant l’état actuel du parc que l’on peut valider par l’observation. Toute la puissance
du calcul numérique s’exprimera ensuite lors des calculs de prédiction du comportement des
ouvrages puisque toutes les situations pourront être envisagées en prenant en compte les données
d’élévation variant entre les plus optimistes et les plus pessimistes pour le trait de côte considéré.
‣ utiliser les derniers développement en ingénierie pour proposer des solutions adaptées. Une fois la
configuration numérique locale effectuée et validée, il est sera proposé une association de plusieurs
solutions d’ingénierie existantes ou encore le développement de solutions novatrices orientées
développement durable et énergie renouvelable. Pour chaque solution envisagée, il est possible
d’optimiser les paramètres tels que : les dimensions de l’ouvrage, les matériaux utilisés, etc. Du degré
de précision désiré dépendra directement le coût et les moyens de calculs nécessaires.
[Sim3] Proposition : digue détachée pour amortir l’énergie de la houle
Le projet PALFENO consiste à developper un système d’aide à la décision s’appuyant sur deux axes:
1. prédiction de la réaction de l’ouvrage existant face à la montée des eaux [figures Sim1,2]
2. proposition de solutions effectives pour renforcer ou remplacer l’ouvrage considéré. [figures Sim3,4,5]
[Sim4] Proposition : couronne surélevée pour limiter la submersion
[Sim5] Proposition : digue renforcée pour augmenter la résistance de l’ouvrage
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Les outils numériques
De très nombreux logiciels de simulation numérique des fluides ont été développés ces dernières
années en corrélation avec l’augmentation de la puissance des moyens informatiques. Notre projet se
base sur l’utilisation de logiciels libres. Nous proposons SALOME® (maillage en fonction de la
bathymétrie et de la géométrie de la digue), OpenFOAM® (calcul de mécanique des fluides,
adaptation de l’état de la mer à la côte) et PARAVIEW® (analyse et visualisation des résultats). Cette
chaine « libre » peut être modifiée pour tout logiciel ayant la préférence de l’utilisateur mais elle a le
triple avantage (1) d’un coût nul (pas d’achat de licence), (2) d’une indépendance totale vis à vis de la
politique commerciale future d’un
éventuelle éditeur (augmentation
Une orientation Energie Renouvelable
inconsidérée des tarifs, modification ou
Afin de faire face à l’évolution du climat tout en prenant en suppression de modèles physiques, etc.)
compte les besoins énergétiques des populations, il est tout à et (3) d’un accès à l’ensemble du code
fait envisageable de développer une nouvelle génération source du logiciel avec la possibilité
d’ouvrages de défense qui pourraient être une source locale d’intervenir à tout niveau du code pour
de production d’énergie. Pour cela : récupérer une partie de l’améliorer ou l’adapter à une situation
l’énergie de la houle interagissant avec les digues. La chaine particulière.
numérique du projet PALFENO est totalement adaptée au
développement et à l’optimisation de tels systèmes.
Les moyens de calculs
En fonction d’un choix à effectuer entre précision et coût, les
simulations numériques pourront avoir lieu en utilisant:
‣ Des calculateurs locaux (stations)
‣ Un réseau de mésocentres de proximité (Région, Université)
‣ Un centre national pour une simulation lourde
‣ Un centre européen pour les calculs de très grande taille
PALFENO est un projet basé sur des modèles physiques et des outils numériques d’ingénierie
existants mais qui pourront évoluer au fur et à mesure des progrès techniques effectués dans
chacun des domaines concernés. Il propose de faire le lien entre le monde de l’ingénierie, de
la recherche, des collectivités locales et des priorités du MEDD.
ANTARES - Calculateur du CRIHAN: Centre de Ressource Informatique de Haute-Normandie
Références
Anziani, A. « Xynthia : une culture du risque pour éviter de nouveaux drames » Rapport d'information n° 647 (2009-2010)
fait au nom de la mission commune d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia, déposé le 7 juillet 2010.
Cazenave, A. « Montée du niveau de la mer : ce qu’on peut déjà mesurer sur nos côtes d’un énorme désastre au ralenti »
Atlantico, 22 Décembre 2014.
Cousin, A., « Propositions pour une stratégie nationale de gestion du trait de côte, du recul stratégique et de la défense
contre la mer, partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales », Ministère de l'écologie, du développement durable, des
transports et du logement, 2011.
Prévôt G., « Projet SAO POLO : Stratégie d’Adaptation des Ouvrages de Protection marine ou des modes d’Occupation du
Littoral vis-à-vis de la montée du niveau des mers et Océans. » (CETMEF) Séminaire GICC-Liteau, 17-18 octobre 2010 Frejus.
MEDD, « Les digues de protection contre les inondations. Organisation du contrôle. Constructibilité derrière les ouvrages »
publié par le Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, en association avec le Conseil Général des Ponts et
Chaussées, le Conseil Général du Génie Rural, des Eaux et des Forêt et l’Inspection générale de l’Environnement, le 10 Juin
2005, Paris.
Verger, F. « Marais et estuaires du littoral français », Belin, 2005
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