CAHIERS PRATIQUES Fiche pratique
47
REVUE INTERNATIONALE DE LA COMPLIANCE ET DE L’ÉTHIQUE DES AFFAIRES – SUPPLÉMENT À LA SEMAINE JURIDIQUE ENTREPRISE ET AFFAIRES N° 13 DU JEUDI 31 MARS 2016
COMMENTAIRES
1. Éthique et RSE, deux notions convergentes et
désormais indissociables
Depuis quelques années, l’éthique des affaires est un sujet que s’ap-
proprient les directions RSE ou développement durable. Notamment
parce que ce sujet est pleinement intégré aux référentiels RSE interna-
tionaux et que c’est une attente forte des parties prenantes de l’entre-
prise, à commencer par leurs clients et consommateurs. Ces direc-
tions RSE ont pour particularité d’aborder le sujet éthique dans une
définition plus large, qui ne se limite pas aux notions d’ententes et de
corruption, mais englobe des sujets tels que la sécurité, la diversité,
l’environnement ou encore la protection des données. La norme in-
ternationale RSE ISO 26 000, repère majeur sur le sujet, légitime cette
appropriation : chacune des sept questions centrales définies par la
norme peut être reliée à une facette de l’éthique des affaires. L’éthique
concerne également, et de manière évidente, la gouvernance « res-
ponsable » qui interroge la transparence et les processus de décision.
Au-delà de légitimer une implication des directions RSE, cette évolu-
tion met en évidence que, par essence, l’éthique des affaires est fon-
damentalement liée à l’humain, que ce soit dans sa mise en œuvre
et dans sa finalité. L’éthique et la RSE sont donc intimement liées et
complémentaires : pour qu’une entreprise, personne morale, soit res-
ponsable, il faut que les hommes et les femmes qui la composent aient
eux-mêmes un comportement responsable (i.e. éthique) au service
d’une performance durable.
Ainsi, un glissement dans la façon d’aborder l’éthique des affaires
est en train de s’opérer. D’une approche « normative », d’inspiration
anglo-saxonne, orientée sur l’énonciation de normes contraignantes
(compliance policies) et proche de la morale, nous remarquons une
montée de l’approche « réaliste », d’inspiration plus européenne.
Cette approche soutient que, l’idée selon laquelle les entreprises
puissent être qualifiées d’éthiques est erronée car seuls les indivi-
dus sont capables d’un réel discernement et donc d’un engagement
éthique. L’éthique des affaires ne peut donc être pratiquée que par des
personnes physiques.
Par conséquent, aujourd’hui, l’approche normative pose un cadre
nécessaire mais non suffisant. Il doit être accompagné d’une sensibili-
sation et d’une montée en compétence de chaque individu, en tenant
compte de son métier et de son contexte (géographique et culturel,
par exemple), mais tout en créant pour chaque entreprise un socle
partagé par ses équipes.
2. Les nouvelles approches de mobilisation autour de
l’éthique : un enjeu de change management
Alors que la compliance permet de s’assurer de la conformité aux lois
et aux règlements, l’éthique doit favoriser un comportement permet-
tant à chaque acteur de l’entreprise d’analyser une situation pour
prendre la meilleure décision possible au moment « T » et selon un
contexte donné.
Cependant, l’éducation, les valeurs personnelles, la culture et l’his-
toire de chacun, nous rend tous différents dans l’appréciation de
l’éthique au moment de la prise de décision. L’enjeu pour les entre-
prises consiste donc à dépasser l’éthique personnelle pour mettre en
place une véritable culture éthique organisationnelle - pour qu’une
décision conforme à l’éthique prise par un individu puisse être la
même quel que soit l’individu en question.
Ces nouvelles dynamiques sont souvent in fine portées par un collège
d’acteurs qui est le pendant de la richesse des sujets abordés : direc-
tion juridique et/ou de la compliance, mais aussi et de manière crois-
sante, les directions RSE (en posture d’impulsion et de coordination),
RH et parfois communication et sécurité.
Pour créer pas à pas cette culture éthique partagée, l’entreprise procède
par étape et identifie, dans un premier temps, les catégories de salariés
qu’elle souhaite acculturer et le degré de changement qu’elle souhaite
générer. Elle peut pour cela prendre appui sur le modèle de la roue de
la mobilisation (V. http://www.desenjeuxetdeshommes.com/Publica-
tions/Nos-guides) qui distingue l’objectif de sensibilisation (en tant que
processus de prise de conscience) de celui de formation (qui requiert
un parcours et des outils pour permettre une montée en compétence
et une modification effective des pratiques professionnelles). Cette
étape clé, dans laquelle il est recherché qui encourt un risque éthique,
est pleine d’enseignements, car elle amène souvent à pointer des profils
de collaborateurs qui étaient autrefois hors du champ.
EXEMPLE :
➜ Un conducteur de travaux dans le secteur de la construc-
tion n’est ni acheteur, ni commercial, ni même manager. Et
pourtant il est un maillon clé de l’éthique des affaires de son
organisation car son pouvoir de décision, et donc son potentiel
d’influence (en tant cette fois que personne que l’on pourrait
vouloir influencer), est très important.
L’étape de définition des changements attendus précède donc celle du
choix des leviers pédagogiques et des modalités d’accompagnement.
L’éthique du quotidien, contrairement à la compliance (laquelle, rap-
pelons-le, pourrait se rapprocher d’une science « exacte », avec des
réponses binaires), relève d’un choix de comportement très concret
face à une situation. Ce que l’on cherche à ancrer sont moins des
connaissances (ou une maîtrise parfaite du contenu d’un code) qu’un
réflexe de questionnement qui rendra le salarié plus « armé » pour
faire face demain à tout sujet. Il est donc pertinent de leur présenter
un outil d’analyse de la situation qui les guide dans leur raisonnement
pour prendre la décision la plus éthique possible.
Toutefois, pour ancrer le changement dans la durée et éviter l’effet
d’annonce (ou l’effet « soufflet »), il est important, une fois ce premier
socle posé, d’aller plus loin. Un certain nombre d’entreprises propose
ainsi un second niveau d’accompagnement à leurs équipes, en tenant
compte de la mission de chacun, de ses leviers, des acteurs ou parties
prenantes qu’il interface. La montée en compétence dans ce second
niveau va intégrer deux paramètres :
- d’abord celui de poser de vrais dilemmes (pour dépasser les cas
d’école souvent simplifiés et arriver à des situations pour lesquelles
aucune décision n’est idéale) ;
- ensuite, celui de replacer le salarié dans son environnement réel,
en mettant en scène dans la pédagogie les processus et les outils du
quotidien.
Cela sous-tend une ingénierie pédagogique qui s’éloigne du « sur éta-
gère » pour miser sur le « sur mesure », travail plus impliquant pour