Filière Ovine n°2, juin 2002 Résistance génétique a la « Tremblante » (aussi appelée scrapie) chez le mouton. Prof. R. Renaville, Unité de Biologie animale et microbienne, Faculté des Sciences agronomiques de Gembloux Répertoriée la première fois en Angleterre vers 1732, la tremblante du mouton aussi appelée « scrapie » fait partie des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST). Ce type de maladie est également connu dans d’autres espèces animales comme le bovin (« maladie de la vache folle » ou ESB), le chat (encéphalopathie spongiforme féline) ou l’homme (maladie de Creutzfeld-Jakob). Si la nature de(s) l’agent(s) pathogène(s) et les voies de transmissions de la maladie ne sont pas encore connues avec certitude, l’existence d’un contrôle génétique de la sensibilité à la tremblante est bien établie chez le mouton. Cela ouvre des perspectives intéressantes pour une sélection génétique permettant de réduire l’incidence de la maladie dans les troupeaux. Caractéristiques générales des ESST Toutes les maladies ESST y compris la tremblante du mouton se caractérisent par un tableau clinique offrant de nombreux points communs : perte de l’équilibre, incoordination des mouvements, tremblements, réactions exagérées au contact, crainte ou agressivité puis torpeur,… Ces symptômes sont l’expression d’une atteinte du système nerveux (cervelet, centres nerveux supérieurs). Actuellement, l’affection est inéluctablement mortelle et l’examen du cerveau montre une spongiose (le tissu nerveux a l’aspect d’une éponge) qui correspond à la vacuolisation des neurones (trous) laissés par la disparition de ceux-ci ainsi que l’apparition de plaques amyloïdes (dépôts de protéines). La sensibilité génétique des ovins à la tremblante De nombreuses études ont montré que la sensibilité à la tremblante chez le mouton est largement contrôlée par le génotype de l’hôte. Cette résistance à la maladie vient d’un gène dont il est communément admis qu’il s’agit du gène Prn-p qui code pour la protéine prion PrP. L’analyse moléculaire de ce gène chez le mouton montre des variations génétiques résultant de mutations au niveau des codons 136, 154 et 171 engendrant l’observation des variants suivants : - au codon 136, on peut observer une Alanine (A) ou une Valine (V) - au codon 154, on peut observer une Arginine (R) ou une Histidine (H) - au codon 171, on peut observer une Arginine ®, une Histidine (H) ou une Glutamine (Q). De l’ensemble des combinaisons possibles de ces trois codons, on peut généralement observer 15 génotypes dont le rôle respectif dans la sensibilité à la tremblante est reprise au tableau ciaprès. Basé sur le modèle utilisé en Angleterre, il montre que ARR et AHQ sont les allèles conférant la plus grande résistance à la maladie, les allèles intermédiaires sont ARQ et ARH, l’allèle conférant la plus grande sensibilité est VRQ. 1 Filière Ovine n°2, juin 2002 Conséquence du génotype observé sur la sensibilité génétique à la tremblante chez le mouton (sur base du modèle anglais) Génotype observé Conséquence du génotype observé ARR/ARR Mouton qui est génétiquement le plus résistant à la scrapie ARR/AHQ ARR/ARH Mouton que est génétiquement résistant à la scrapie mais qui ARR/ARQ nécessite une attention particulière pour son utilisation dans les programmes de sélection ARQ/ARH ARQ/AHQ Mouton qui génétiquement présente une faible résistance à la AHQ/AHQ ARH/ARH scrapie. Son utilisation dans les schémas de sélection doit être AHQ/ARH ARQ/ARQ évitée sinon proscrite ARR/VRQ Mouton qui est sensible à la scrapie AHQ/VRQ ARH/VRQ Mouton très sensible à la scrapie. Il doit être au moins castré ARQ/VRQ VRQ/VRQ sinon abattu. A l’exception d’un cas de plus en plus inexpliqué de mouton Suffolk rapporté par un auteur japonais en 1995, aucun animal homozygote ARR, c'est à dire porteur de deux copies de l'allèle ARR (ARR/ARR), n’a jamais été détecté parmi les animaux atteints de tremblante par l’ensemble des chercheurs travaillant sur ce thème dans le monde. Ces ovins ARR/ARR semblent également résistants à une inoculation expérimentale par l’ESB. A l’inverse, les animaux VRQ/VRQ sont hautement sensibles à la tremblante. En outre, l’ensemble des résultats disponibles indique que les ovins ARR/ARR ne sont pas des porteurs de contamination en situation naturelle. En conditions expérimentales, les moutons ARR/ARR inoculés avec l’agent de l’ESB n’apparaissent pas non plus comme des porteurs sains de cet agent. L’utilisation de béliers ARR/ARR apparaît donc comme un moyen privilégié de protection des élevages, sachant par ailleurs que les ovins hétérozygotes ARR, c’est à dire porteurs d’une seule copie de l’allèle ARR sont très peu sensibles à la tremblante. Enfin, à ce jour, il n’existe aucune preuve qu’un ou d’autres gènes soient impliqués dans la sensibilité à la tremblante. Faut-il sélectionner contre la sensibilité à la tremblante chez le mouton ? Compte tenu des génotypes observés et des résultats actuels de la recherche, il apparaît qu’une sélection en faveur des génotypes induisant une résistance puisse être envisagée. Pour illustrer l’opportunité de sélectionner sur la résistance à la tremblante, l’INRA a récemment mis en place des programmes prototypes de sélection génétique pour la résistance à la tremblante. Les chercheurs de cet institution ont notamment observé : Pour la race Lacaune (lait), initialement assez résistante, il a été possible de faire augmenter prudemment la fréquence de l’allèle de résistance chez les béliers d’insémination artificielle, sans perte sur les autres aptitudes génétiques des animaux pour les caractères de production. Ainsi, en cinq ans (de 1996 à 2001), en ne choisissant comme pères à béliers que des animaux porteurs d’au moins une copie de l’allèle ARR, la proportion de béliers sensibles ARQ/ARQ a diminué de 24 à 7 %, tandis que la proportion de béliers totalement résistants ARR/ARR a augmenté de 28 à 46 %, les porteurs de l’allèle d’hypersensibilité VRQ étant tous éliminés. Pour la Manech tête rousse, race initialement assez sensible, la stratégie a été de constituer très rapidement un cheptel de reproducteurs résistants (dit cheptel sanitaire), mais de valeur génétique générale inférieure au cheptel de reproducteurs utilisés jusqu’ici (dit cheptel génétique). Le cheptel sanitaire a permis de répondre sur le court terme aux besoins des élevage atteints de tremblante tandis que pour le moyen et long terme, le cheptel génétique est amélioré pour la résistance à la tremblante (à partir de la génération 2003, 100 % des béliers du cheptel génétique seront porteurs de ARR), tout en poursuivant la sélection laitière et la gestion de la variabilité génétique 2 Filière Ovine n°2, juin 2002 Plus récemment, une étude épidémiologique menée à l’échelle européenne n’a pas permis de détecter aucun ARR/ARR parmi 1587 cas de tremblante confirmés par histopathologie, cependant que ce génotype représentait 15.5% de la population des animaux analysés. Dans la même étude, il a été montré que les animaux VRQ/VRQ représentaient 13.7 % des tremblants. Fort des informations scientifiques disponibles à ce jour, des programmes de grande ampleur, organisés à des niveaux nationaux, ont été mis en place à partir de 1999 au Pays-Bas, 2000 au Royaume-Uni et 2002 en France. Généralement programmés sur 5 ans, ils devraient permettre d’éliminer l’allèle VRQ des élevages en sélection, de fournir aux cheptels atteints les béliers résistants qu’ils sont en devoir d’utiliser, d’augmenter largement la fréquence de l’allèle ARR chez les ovins et de fournir aux élevages de production des béliers ARR/ARR pour la production des agneaux de boucherie. Toutefois, la mise en place d’une telle sélection pose divers problèmes d’ordre théoriques et pratiques auxquels il sera nécessaire de répondre rapidement, à savoir : La résistance à la tremblante pourrait être liée à un simple allongement de la durée d’incubation chez les animaux. La sélection sur ce facteur engendre des coûts directs liés au génotypage et que l’éleveur et/ou les pouvoirs publics doivent prendre en charge (contribution partielle ou totale de l’Etat Français, Hollandais et Anglais) mais également des coûts indirectes liés à une diminution de la pression de sélection (un animal est éliminé en premier lieu sur sa capacité de résistance avant d’être considéré pour ses performances zootechniques). Le fait de sélectionne sur la résistance pourrait induire la sélection de gènes associés au gène Prn-p, gènes associés qui pourraient introduire dans la population d’autres maladies ou tares. La position française La France est le dernier pays en date à avoir lancé un programme d’éradication de la sensibilité à la tremblante chez les ovins et les caprins. Sur base des informations scientifiques disponibles à ce jour, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments a adopté les positions suivantes : - elle est favorable à l’élimination dans les troupeaux des animaux de génotype Prn-p sensible et très sensible - elle est favorable à la reconstruction des troupeaux à partir d’animaux résistants. - elle est défavorable à l’introduction dans la chaîne alimentaire des ovins de tout âge de génotype sensible et très sensible en provenance d’un troupeau où au moins un cas de ESST a été répertorié - elle est défavorable à l’introduction dans la chaîne alimentaire des animaux de plus d’un an en provenance de troupeaux atteints - elle est défavorable à l’interdiction d’introduire des femelles résistantes dans les troupeaux atteints. On pourrait envisager que de telles résolutions soient suivies par la Belgique. Comment génotyper son mouton ? L’ADN constitue le matériel de base à partir duquel le génotypage de la sensibilité à la tremblante est réalisé chez le mouton. Dès lors, toutes cellules nucléées peuvent être utilisées : elles ont pour origine le sang (recueilli sur EDTA et conservé à 4°C), la peau (des systèmes 3 Filière Ovine n°2, juin 2002 existent permettant de prélever des biopsies (par exemple, le système proposé par la société Biopsytec), le sperme, …. L’échantillon prélevé est ensuite envoyé dans un laboratoire (actuellement, aucune accréditation particulière n’est demandée pour le génotypage de la résistance) lequel après analyse envoie au client un rapport d’analyse indiquant le génotype de l’animal. Notre laboratoire Créé depuis peu à l’initiative de différents partenaires publics et privés (Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux, Linalux, NamurInvest, Arysta LifeScience (Japon), …), Progenus est un laboratoire qui a développé une compétence dans l’analyse de l’ADN. C’est ainsi que le test de la sensibilité à la tremblante est proposé aux éleveurs, aux associations et aux responsables sanitaires. Les génotypes sont généralement envoyés dans les 15 jours ouvrables. Pour plus d’informations (prix, délais), vous pouvez contacter Progenus à l’adresse suivante : Progenus s.a. 13 avenue Maréchal Juin, 5030 Gembloux téléphone/fax :081/61 69 01 4