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L’informel est aussi politique
Les gouvernants n’ont pas failli à cette règle qui a toujours été la leur : aucun des officiels, qui ont eu à
s’exprimer sur ces évènements, n’y a lu un quelconque message politique. Et, à l’inverse, tous ont versé des
larmes de crocodile en regrettant que les jeunes n’aient pas protesté “pacifiquement”.
C’est sans doute l’analyse la mieux partagée par la classe politique, les experts en économie, les sociologues et,
de manière générale, les observateurs : l’origine des émeutes qui secouent l’Algérie depuis six jours ne saurait
tenir à une hausse des prix de deux ou même de plusieurs produits alimentaires. Cette colère dévastatrice, qui
a soufflé sur la quasi-totalité des villes algériennes et qui a été exprimée notamment par la jeunesse, est la
résultante d’un malaise social, d’une gestion clientéliste et rentière de l’économie et d’un verrouillage politique
qui durent depuis des années.
Mais quand le ministre de l’Intérieur, soucieux d’enlever toute légitimité à une contestation portée d’est en
ouest et du nord au sud, décrète que les jeunes n’ont rien à voir avec les problèmes économiques, cela indique
clairement que le régime n’adhère pas à cette lecture et qu’il n’est pas près de se départir de son autisme
habituel. Aussitôt dit, aussitôt fait, le gouvernement annonce des mesures purement techniques, prises dans la
précipitation et sous la pression comme d’habitude, pour enrayer la hausse des prix du sucre et de l’huile.
Si l’on peut admettre l’utilité immédiate de telles décisions pour corriger un dysfonctionnement du système de
distribution les circuits informels ont pignon sur rue et ainsi calmer une situation qui frise le chaos, les
gouvernants n’ont pas failli à cette règle qui a toujours été la leur : aucun des officiels, qui ont eu à s’exprimer
sur ces évènements, n’y a lu un quelconque message politique. Et, à l’inverse, tous ont versé des larmes de
crocodile en regrettant que les jeunes n’aient pas protesté “pacifiquement”. En réalité, toute la dimension
politique de la crise est là. Les grèves sont suivies de sanctions administratives allant jusqu’au licenciement, la
matraque est appelée à la rescousse lors des sit-in des syndicats autonomes, les marches organisées et
encadrées sont interdites au nom de l’état d’urgence, la représentation parlementaire est faussée par le
détournement des votes et l’accès aux médias lourds est fermé à l’opposition et aux forces sociales autonomes,
seules à même de porter pacifiquement les revendications politiques et sociales de la société, celles des jeunes
en particulier.
Résultat : comme une bonne part de l’activité économique, la vie politique baigne aussi dans l’informel. Les
deux, conjugués, expliquent les émeutes de ce début 2011. Et, à entendre les certitudes énoncées par les
dirigeants au pouvoir, cela est déjà annonciateur d’autres désordres à venir.
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