
C’est un souci d’ordre apologétique qui fonde chez Leibniz la détermination du sens.
Si de chaque chose on doit pouvoir dire pourquoi elle est ainsi et non autrement, c’est parce
qu’elle fait partie d’une série d’étants qui est nécessairement la meilleure possible.
Ainsi, si telle chose nous paraît mauvaise, et, partant, dénuée de sens, la considération
de cette vérité que Dieu n’aurait pu mieux faire nous rappellera qu’elle constitue un élément
concourant à l’harmonie de cette «machine très admirable» qu’est le monde.
Ce que les hommes appellent le mal se voit ainsi conféré un sens par l’optimisme leibnizien, ie une
raison qui le relie à la fin visée par le Créateur, au dessein global qui a présidé à son œuvre.
B – Hegel
Les philosophies modernes, et celle de Hegel tout particulièrement, ont présenté le mal
comme un moment nécessaire à la réalisation du bien. Guerres, inimitiés et autres conflits
sont en vue de l’avènement final de la Raison.
Il existe, affirme Hegel, une logique des événements historiques : l’histoire humaine
réalise une fin générale, un dessein, qui dépasse largement les projets de l’individu égoïste
ainsi que ceux des peuples particuliers. L’histoire a donc un sens en tant qu’elle est orientée
tout entière vers une fin, en tant qu’on doit la penser de façon téléologique.
Peuples et individus, tout en poursuivant leurs fins propres, produisent de surcroît des effets qu’ils ne
désiraient pas : «inconsciemment», ils font advenir des institutions, des révolutions, etc. qui vont dans
le sens de l’histoire.
Ainsi que le montre Ricœur, dans La Phénoménologie de l’Esprit de Hegel, le sens
latent à déchiffrer se trouve dans la fin vers laquelle la conscience s’achemine :
«La Phénoménologie de l’Esprit nous propose un mouvement selon lequel chaque figure trouve son
sens non dans celle qui précède, mais dans celle qui suit ; la conscience est ainsi tirée hors de soi, en
avant de soi, vers un sens en marche, dont chaque étape est abolie et retenue dans la suivante.»
(Ricœur, Le conflit des interprétations)
III - Les herméneutiques
A - Notion
Le sens est par nature toujours «à donner», à «chercher», toujours le terme d’une
interprétation. L’herméneutique (du grec herméneus : interprète) est d’abord l’interprétation
des textes bibliques : pendant des siècles, lorsque les religions et leurs livres présidaient aux
actions humaines, le déchiffrement des passages obscurs ou contradictoires de ces livres a en
effet constitué une tâche essentielle pour les penseurs de chaque époque.
L’exégèse, science de l’interprétation des textes sacrés, a permis de mettre en évidence
les règles qui commandent le travestissement du sens «caché».
«L’interprétation est le travail de pensée qui consiste à déchiffrer le sens caché dans le sens apparent,
à déployer les niveaux de signification impliqués dans la signification apparente.» (Ricœur, De
l’Interprétation)
Par extension, on parle d’herméneutique pour toute restitution ou dévoilement du sens
d’un texte, voire de réalités d’un autre ordre (œuvres d’art, types de société, modes de
comportements, etc.). Son noyau est l’interprétation.
B - Sens littéral et sens caché