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Décembre 2004 Volume 49 Numéro spécial
Métabolisme et alimentation
La glycémie après les repas :
est-ce important ?
[ Antonio Ceriello
>>
Alors qu’il est bien connu que les personnes atteintes de diabète
sont exposées à un risque accru de maladie cardiovasculaire,
les facteurs qui contribuent à cela ne sont pas entièrement
compris. Dans cet article, Antonio Ceriello examine l’importance
du fonctionnement de l’organisme après les repas dans le
développement de la maladie cardiaque.
De plus en plus de données scientifiques
suggèrent que, chez les personnes
atteintes ou non de diabète, les troubles
du fonctionnement de l’organisme après
un repas sont des facteurs importants
du développement d’athérosclérose.1
L’absorption d’aliments digérés est un
phénomène complexe : après les repas,
les personnes enregistrent simultanément
des taux élevés de lipides sanguins et
de glycémie. C’est notamment le cas
chez les personnes atteintes de diabète
et chez celles atteintes de tolérance
abaissée au glucose (IGT). Chez les
personnes qui ne sont pas atteintes de
diabète, des taux élevés de triglycérides
après le repas constituent un facteur
de risque de maladie cardiovasculaire ;
chez les personnes atteintes de
la condition, on considère qu’une
glycémie excessivement élevée est
un facteur de risque indépendant
de maladie cardiovasculaire.1
Deux facteurs : des
risques distincts ?
Pendant la période de 5-6 heures
suivant un repas, les personnes
atteintes de diabète subissent une
augmentation simultanée à la fois
des taux de triglycérides sanguins
et de la glycémie. Les rôles distincts
et l’importance relative de cette
augmentation dans le développement
des maladies cardiovasculaires chez
les personnes atteintes de diabète
font toujours l’objet d’un débat.
On considère généralement que
des taux excessivement élevés de
triglycérides sanguins et de glycémie
après les repas peuvent être des facteurs
importants du développement de maladie
cardiovasculaire. Ce concept est soutenu
par des preuves que ces deux éléments
provoquent un dysfonctionnement de
la fine couche de cellules qui recouvre
les vaisseaux sanguins de l’organisme
(l’endothélium).1 Ce phénomène entraîne
des troubles de la relaxation artérielle,
qui à son tour contribue aux maladies
cardiovasculaires. Bien qu’il existe un
vaste consensus sur le fait qu’ensemble,
ils constituent un marqueur précoce
de l’athérosclérose et peuvent prévoir
la maladie cardiovasculaire,2 le rôle de
l’hyperglycémie, indépendamment d’une
hypertriglycéridémie concomitante,
a souvent été mis en question.
Le stress oxydatif
Dans des études récentes, lorsque
l’hyperglycémie et l’hypertriglycéridémie
étaient présentes simultanément, on
observait une plus grande détérioration
de la fonction endothéliale par rapport
à celle qui était observée soit pendant
une hyperglycémie soit pendant
une hypertriglycéridémie seule. Ces
données suggèrent que ces deux
facteurs ont un effet indépendant
mais cumulatif sur les cellules
endothéliales.3 Une théorie est que le
mécanisme par lequel l’hyperglycémie
et l’hypertriglycéridémie après les
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repas produisent ce dysfonctionnement
endothélial est provoqué par un
stress oxydatif, des dégâts dus à des
formes très réactives d’oxygène.4
En dehors de l’organisme, le stress
oxydatif est le processus qui noircit les
pommes et fait apparaître la rouille sur
le fer. Ce phénomène est provoqué par
des molécules de type ‘radical libre’.
Dans l’organisme, les cellules utilisent
de l’oxygène pour exploiter l’énergie
contenue dans les aliments. Ce processus
produit des radicaux libres d’oxygène.
Ceux-ci provoquent une destruction
due à l’électron non apparié de la
molécule d’oxygène, qui rend la molécule
hautement réactive et donc instable.
Ces radicaux libres deviennent stables
en interagissant avec la molécule la plus
proche disponible, en ciblant les graisses
(lipides), les protéines et l’ADN. Par
conséquent, ces molécules peuvent être
endommagées et leurs cellules détruites.
L’organisme produit des antioxydants
naturels afin de combattre les radicaux
libres et réduire leur impact destructeur ;
notre régime alimentaire est une
autre source d’antioxydants.
Notre régime
alimentaire est une
source d’antioxydants.
Le stress oxydatif est donc défini par
un déséquilibre entre la production
de radicaux libres et les défenses
des antioxydants. Nous savons
que le stress oxydatif est intensifié
pendant une hyperglycémie combinée
à une hypertriglycéridémie.3 Des
découvertes récentes suggèrent que soit
l’hyperglycémie soit l’hypertriglycéridémie
produisent de façon indépendante une
augmentation du stress oxydatif.4
Cela signifie que le stress oxydatif
peut constituer au moins un des
mécanismes à travers lesquels
l’effet additif de taux élevés de
glycémie et de triglycérides sur la
fonction endothéliale se manifeste.
Des questions importantes sont
soulevées par les découvertes décrites
ci-dessus. Les enzymes de l’intestin
réagissent à la fois au glucose et aux
lipides (en particulier les acides gras
libres qui sont des constituants des
triglycérides) afin de produire de
l’énergie.4 Comme décrit ci-dessus,
ce phénomène s’accompagne de la
production lente de radicaux libres,
dont l’effet est l’épuisement
naturel de notre organisme
avec le temps. Toutefois, lorsque
l’apport calorique d’une personne
dépasse l’énergie qu’elle dépense,
un excès de ces radicaux libres
destructeurs est généré.4
Lorsque l’apport
calorique dépasse
l’énergie dépensée,
un excès de radicaux
libres destructeurs
est généré.
Nous reconnaissons à
présent l’importance de cette
surproduction de radicaux
© mauritius
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libres. Selon une hypothèse avancée,
ce phénomène pourrait être à la base
du développement des complications
du diabète5 et de la progression depuis
l’insensibilité à l’insuline vers le diabète,
également accompagné d’un risque
accru de maladie cardiovasculaire.4
Les personnes atteintes de diabète
connaissent continuellement des
augmentations très fréquentes et très
rapides des taux de glycémie, d’insuline
et de graisses (principalement les
triglycérides), en particulier après les
repas. Si la glycémie et/ou l’insuline et/ou
les graisses sont des facteurs importants
du stress oxydatif dans le cadre du
diabète, l’augmentation de ceux-ci après
les repas devrait par conséquent jouer un
rôle majeur dans la production du stress
oxydatif. Cette hypothèse est soutenue
par une étude qui démontre que le
développement du dysfonctionnement
endothélial et du stress oxydatif peut être
évité par le biais d’une gestion efficace
de l’hyperglycémie après les repas.1
Préparation et traitement
des aliments
L’association entre les maladies
cardiovasculaires et une alimentation
riche en graisses est bien connue.
Toutefois, on a peu parlé du rôle joué
par la préparation et le traitement
des aliments, malgré son importance
évidente : la plupart des aliments que
nous consommons à l’heure actuelle
ont été traités d’une façon ou d’une
autre ; pendant ce processus, des
réactions pouvant rendre nos aliments
extrêmement nocifs se produisent.
Graisses polyinsaturées
Les graisses polyinsaturées par exemple,
qui semblent être bénéfiques pour
L’athérosclérose est une étape de la maladie cardiaque impliquant des
dépôts de graisses à l’intérieur des parois artérielles.
Une personne est atteinte de tolérance abaissée au glucose (IGT)
lorsque son taux de glucose (sucre) est plus élevé que la normale, mais
est inférieur au taux d’une personne atteinte de diabète. La plupart des
personnes atteintes d’IGT ont plus de risques de développer un diabète
de type 2.
Les triglycérides sont les graisses blanches que vous voyez sur la
viande. Les triglycérides présents dans le sang proviennent des graisses
consommées à travers les aliments mais sont également produits dans
l’organisme à partir d’autres sources d’énergie comme les hydrates de
carbone. Toutes les calories consommées lors d’un repas qui dépassent
les besoins sont transformées en triglycérides et transportées vers les
adipocytes pour y être stockées. Les triglycérides en excès dans le sang
sont liés à la maladie cardiaque (cardiovasculaire) et à d’autres maladies
des artères. Un taux élevé de triglycérides peut être une conséquence
d’un diabète mal contrôlé.
L’artériosclérose est le durcissement des artères et est une conséquence
de l’athérosclérose.
Les produits de glycation avancée (AGE, advanced glycosylation
end-products) sont générés lorsque le glucose se lie chimiquement aux
protéines. Les AGE jouent un rôle dans les dégâts aux vaisseaux sanguins,
qui peuvent entraîner des complications du diabète.
© mauritius
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l’ingestion d’antioxydants, comme ceux
présents dans le vin rouge, permettait
de maintenir sous contrôle le stress
oxydatif généré par le repas.1
L’ingestion
d’antioxydants permet
de maintenir sous
contrôle le stress
oxydatif généré
par le repas.
De fortes augmentations de la
glycémie provoquent des altérations
du stress oxydatif autant chez les
personnes atteintes de diabète que
chez celles qui ne le sont pas. Nous
pouvons supposer que les effets d’une
hausse rapide des taux de glycémie
peuvent s’ajouter aux effets provoqués
par une hyperglycémie chronique.
L’implication précise de ce phénomène
n’est actuellement pas parfaitement
comprise ni quantifiable. Toutefois,
puisque les personnes atteintes de
diabète connaissent de façon répétée
des hausses rapides et continues
des taux de glycémie pendant les 5
à 6 heures qui suivent les repas, il
convient de considérer que celles-ci
peuvent influencer le déclenchement
de complications du diabète, comme
les maladies cardiovasculaires.
la prévention de l’artériosclérose,
se transforment en peroxydes
pendant la cuisson, ce qui les rend
nocives. L’oxydation des peroxydes
présents dans certains aliments avant
leur consommation est accentuée
par les enzymes des intestins.
Conservateurs
De plus, certains produits de glycation
avancée (AGE) sont générés pendant
les processus utilisés pour prolonger
la conservation des aliments. Les
AGE sont une source importante de
radicaux libres.5 Tant les peroxydes
produits à partir des graisses que les
AGE sont absorbés via l’intestin et
passent directement dans le sang.
On peut donc supposer que ceux-ci
contribuent directement à la production
d’un stress oxydatif pendant les repas.
Antioxydants et peroxydes
Dans des conditions normales, la
production de stress oxydatif après un
repas est contrôlée par les défenses
antioxydants du sang. Chez les personnes
atteintes de diabète, ces défenses sont
affaiblies.5 Après les repas, cet état est
combiné à une hyperglycémie et un
déséquilibre se crée dans le système.
Une étude récente signalait une
augmentation considérable des taux
de peroxydes dans le sang, après les
repas, chez les personnes atteintes de
diabète dont le contrôle métabolique
n’était pas optimal. De plus, chez
ces personnes, l’augmentation de la
glycémie était plus forte que chez les
personnes atteintes de diabète dont le
contrôle métabolique était optimal.
Il a également été démontré que chez les
personnes atteintes ou non de diabète,
[ Antonio Ceriello
Antonio Ceriello est Professeur de médecine
interne, Département de pathologie et
de médecine expérimentale et clinique,
Université d’Udine, Italie.
Références
1 Ceriello A. The possible role of postprandial
hyperglycaemia in the pathogenesis of diabetic
complications. Diabetologia 2003; 46 Suppl 1:
M9-M16.
2 Landmesser U, Hornig B, Drexler H.
Endothelial function: a critical determinant in
atherosclerosis? Circulation 2004; 109 Suppl 1:
II27-II33.
3 Ceriello A, Taboga C, Tonutti L, Quagliaro L,
Piconi L, Bais B, Da Ros R, Motz E. Evidence
for an independent and cumulative effect
of postprandial hypertriglyceridaemia and
hyperglycaemia on endothelial dysfunction and
oxidative stress generation: effects of short- and
long-term simvastatin treatment. Circulation
2002; 106: 1211-1218.
4 Ceriello A, Motz E. Is oxidative stress the
pathogenic mechanism underlying insulin
resistance, diabetes, and cardiovascular
disease? The common soil hypothesis revisited.
Arterioscler Thromb Vasc Biol 2004; 24: 816-823.
5 Brownlee M. Biochemistry and molecular
cell biology of diabetic complications.
Nature 2001; 414: 813-820.
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