plus diverses.
Dans un troisième et dernier point, je voudrais souligner quelques grands principes religieux communs
aux trois religions. Ce que j’ai dit précédemment prépare ce dernier point, et me permettra d’aller à
l’essentiel en étant bref. Je voudrais insister sur les traits communs aux trois religions. Les différences,
nombreuses et fondamentales, soit sont assez bien connues, soit méritent un exposé particulier, de nature
théologique, assez technique, qui est ici inutile. Les traits communs, eux, remontent tous à la religion juive,
et ils ont été reçus d’elle par le christianisme et l’islam. Comme religions universelles (avec des traits
différents, dans chacune des trois, de ce caractère universel, c’est-à-dire qui concerne, directement ou
indirectement, toute l’humanité) et comme religions de salut, elles présentent certains points communs
avec d’autres religions mondiales (par exemple le bouddhisme). Il convient donc de souligner d’autres
aspects, plus originaux. Ce que je vais indiquer est en tout cas fondamental pour comprendre le monde
moderne, qui est très largement issu de ces trois religions et de la mentalité (politique, morale, etc.) qui en
résulte.
Je me situerai d’abord (1) sur le plan du mode d’apparition et de constitution de ces religions, en
soulignant trois traits.
Premier trait, il s’agit de religions révélées et historiques, c’est-à-dire qui situent elles-mêmes un
moment précis où elles sont nées historiquement, et situent ce moment, de façon assez précise, dans une
histoire universelle de l’humanité. Il s’agit de Moïse, dans l’épisode biblique (livre de l’Exode dans l’Ancien
Testament) du buisson ardent (et de ses suites), pour le christianisme de Jésus, baptisé par Jean-Baptiste
au Jourdain évangiles), et pour l’islam de Mahomet recevant en 610 de l’ère chrétienne (Sourate 96 du
Coran) l’ordre d’un ange : « Lis », c’est-à-dire « Récite » (en arabe, « Iqra », d’où provient le nom de
Coran), ce qui est le point de départ de son action.
Deuxième trait, les trois religions sont prophétiques. Une personne particulière a été appelée, comme
on vient de le voir à propos de Moïse, Jésus et Mahomet, à jouer un rôle particulier d’intermédiaire entre
le Dieu unique et un groupe ou un peuple, et, à travers celui-ci, à l’intention de l’ensemble de l’humanité.
Chaque fois, la communication divine passe à travers le message, d’abord oral, d’un prophète, porte-parole
de Dieu. Ce prophète vient dévoiler le sens de l’histoire humaine. Il propose ce message au groupe
humain en question, constitué véritablement comme peuple par cette seule parole. Ce peuple peut et doit
alors participer activement, par sa manière de vivre, à ce sens de l’histoire voulu par Dieu. Dans la religion
juive ancienne et dans le christianisme ancien, cette révélation peut ensuite continuer à être expliquée par
d’autres prophètes ultérieurs, qui doivent cependant se fonder sur la tradition initiale et fondatrice. Notons
que l’islam revendique pour Mahomet le rôle de dernier prophète, venant après Moïse et Jésus, mais qu’il
le fait en contestant l’authenticité des sources juives et chrétiennes qui exposent la tradition judéo-
chrétienne au sujet de Moïse et chrétienne au sujet de Jésus. Au contraire, le christianisme ne conteste pas
l’authenticité des sources juives sur lesquelles il se fonde. Quant au judaïsme, il rejette les prétentions du
christianisme et de l’islam, et, comme on l’a vu plus haut, il n’a même pas besoin, lui, de contester ce qui
dans le christianisme et l’islam lui semble étranger et extérieur à sa propre tradition, première.
Ensuite (troisième trait), ce message oral se fixe, à un moment donné, dans des écrits, qui finissent
par constituer un texte dit canonique (servant de source et de règle à la foi). Il n’y a alors plus de
prophètes possibles, et c’est le texte lui-même qui fait l’objet d’interprétation. L’exégèse remplace la
révélation orale. Naturellement, l’interprétation des textes est diverse, à l’intérieur de chacune des trois
religions, et peut donner lieu à des divergences profondes, qui fondent à leur tour des traditions religieuses
distinctes (par exemple le catholicisme et le protestantisme dans le christianisme occidental).
Je me situerai ensuite (2) sur le plan sociologique et spirituel. Les trois religions ont en commun une
partie du contenu de leur message. Chacune présente en effet un caractère révolutionnaire, du fait que la
révélation initiale qui la fonde s’accompagne d’une rupture, plus ou moins prononcée, avec son
environnement respectif. Moïse arrache le peuple hébreu à l’esclavage en Egypte, et fait de lui un peuple
libre ; Jésus remet en cause, par son message, les autorités, diverses, de la société juive et romaine de son
temps, et il y apporte une parole et des gestes qui libèrent les individus qu’il rencontre des aliénations qui