JOURNAL
septembre-octobre 2014
LE
Jone San Martin CHORÉGRAPHE
José Vidal CHORÉGRAPHE
Tao Ye CHORÉGRAPHE Cirque Trottola &Petit Théâtre Baraque
Fabrice Mazliah CHORÉGRAPHE & DANSEUR
Ioannis Mandafounis CHORÉ. & DANSEUR Julie Deliquet METTEUR EN SCÈNE
Ong Keng Sen METTEUR EN SCÈNE
Anne Nguyen CHORÉGRAPHE
NOUVELLE SAISON,
NOUVEAUX VISAGES
Sílvia Pérez Cruz CHANTEUSEHopkinson Smith THÉORBE
Yukio Ninagawa METTEUR EN SCÈNE
Vincent Dupont CHORÉGRAPHE
Mélanie Leray METTEUR EN SCÈNE Jean-Michel Rabeux METTEUR EN SCÈNE
Bertrand Belin CHANTEUR, AUTEUR
Dorothée Munyaneza CHORÉGRAPHE
Sandrine Roche AUTEUR
Vincent Macaigne METTEUR EN SCÈNE
Abhishek Raghuram CHANTEUR
Charbel Rouhana OUD
Krismenn KAN HA DISKAN & Alem BEAT BOX Agnès Jaoui CHANTEUSE
Tânia Carvalho CHORÉGRAPHE
C. Lelarge &D. Le Pierrès CIE LE P’TIT CIRK
Josh Johnson DANSEUR
Boubacar Traoré CHANTEUR
Sylvain Maurice METTEUR EN SCÈNE
Jean Bellorini METTEUR EN SCÈNE
Sunanda Sharma CHANTEUSE
Lucy Guerin CHORÉGRAPHE
Ivo Van Hove METTEUR EN SCÈNE O. Vuorinen &L. Sartori do Vale CIE NUUA
Haochen Zhang PIANISTE Adrien La Marca ALTISTE Joana Amendoeira CHANTEUSE Nancy Vieira CHANTEUSE
Teriba CHANTEUSES
Marc Bouchkov VIOLONISTE
2ÉDITO Théâtre de la Ville PARIS
septembre-octobre 2014
AIR DE JEUNESSE
Le Théâtre de la Ville est une grande maison, grande ouverte.
Ouverte aux nouvelles générations dartistes, que nous avons à cœur de découvrir à travers le monde puis d’accompagner avec
fidélité. Ainsi la saison à venir a-t-elle été placée sous le signe de la jeunesse: jeunes compagnies et collectifs, mais aussi jeunes
spectateurs, pour qu’un vent nouveau continue de souffler sur les plateaux comme dans nos salles. En cette rentrée, le metteur en
scène Vincent Macaigne, le collectif In Vitro mené par Julie Deliquet, celui des Allemands de She She Pop ou des Chiliens de La
Resentida, le jeune chorégraphe chinois de Tao Dance Theater ou les « héritiers » de William Forsythe, Jone San Martin, Ioannis
Mandafounis, Fabrice Mazliah, autant de « bourgeons d’automne » venus des quatre coins du monde, dont vous pourrez découvrir
les engagements et les esthétiques particulières.
Chantiers d’Europe et Danse élargie, initiés tous deux il y a quelques saisons, continuent d’attiser notre désir d’ouverture à lautre
et au monde. Avec Chantiers d’Europe, nous découvrons chaque année de nouveaux artistes, venus de cette Europe du Sud si proche
et parfois méconnue où les artistes continuent d’inventer de beaux chemins de résistance. Avec Danse élargie, le grand plateau du
Théâtre de la Ville s’ouvre à de toutes « jeunes pousses », des découvertes venues du monde entier avec lesquelles nous pourrons
inventer des projets à venir, comme nous l’avons fait avec Simon Tanguy, Pauline Simon, Noé Soulier et bien d’autres rencontrés
lors de ces week-ends hors normes.
Notre ouverture à l’Europe et au monde passe aussi par les liens forts que nous développons avec de grands théâtres d’ailleurs. La
troupe tourne depuis plusieurs années aux quatre coins de la planète, et passera à nouveau, avec la recréation de Six personnages
en quête d’auteur de Pirandello, un mois dans quatre villes des États-Unis, avant de partir pour la Russie, le Japon, Singapour
tandis que de grands maîtres du théâtre et de la danse mondiale continueront à venir nous fasciner par la maîtrise et l’inventivité
de leur art: le Berliner Ensemble, maison de Brecht, présentera Mère Courage mise en scène par Claus Peymann; un grand portrait
William Forsythe initié par le Festival d’Automne réunira quelques pièces majeures de cet inventeur de formes nouvelles, tandis que
nous redécouvrions un chef-d’œuvre du « patrimoine artistique », DANCE, inaltérable pièce imaginée par Lucinda Childs en 1979.
Le Parcours {enfance & jeunesse}, qui connaît sa 4eédition, marque notre profond attachement à l’enfance comme temps d’ouver-
ture et de découverte de l’art. Accompagné d’un ensemble dinitiatives de rencontres avec les artistes, il propose, dans plusieurs
lieux de Paris, des créations à l’image du projet du Théâtre de la Ville: de grands spectacles de théâtre de musique et de danse,
venus du monde entier et que les enfants peuvent découvrir autant en famille quavec leurs enseignants, partenaires incontourna-
bles de ce projet.
Ouverture donc, pour que l’art et la culture continuent d’affirmer leur rôle déterminant dans notre société. Après les inquiétants
résultats des élections européennes davril 2014, nous réaffirmons nos idéaux, nos rêves communs, ceux de théâtres qui demeurent
des symboles de l’Europe, dans lesquels résonnent les langues et les cultures de tous, des lieux de mémoire et de réflexion, chacun
aime la culture de l’autre et sait sen enrichir, où un avenir fraternel peut être en construction.
Pour mettre en actes l’ensemble de ces idées, maintenir un désir, une énergie commune, partagée, tracer de nouveaux chemins, le
Théâtre de la Ville, l’équipe du Théâtre de la Ville que je remercie ici chaleureusement, est en parfait « état de marche », comme on dit.
Et la marche, Il n’y a rien de mieux !
Emmanuel Demarcy-Mota
BOURGEON
NEMENTS
DAUTOMNE
Émergence!
La scène théâtrale et chorégraphique
ne cesse de manifester sa capacité
de renouvellement.
Même vierge, l’acte est répété. Avec un zeste d’esprit taquin, on pourrait ainsi jouer à
inverser l’une des formules les plus abondamment citées de René Char (1). Pour dire quoi,
au fond? Que toute véritable création est « émergente », mais aussi bien, que toute
« émergence » vient répéter, sans bégayer, un passé qu’elle actualise – parfois vigoureu-
sement. Est-ce pour se rassurer quant à sa capacité de renouvellement (ou, aussi bien,
pour piquer la curiosité des spectateurs et séduire les pouvoirs publics subventionneurs)?
Ces dernières années, la scène théâtrale s’est beaucoup réclamée de l’émergence – nou-
velles formes, jeunes artistes, etc. – la place accordée à ces bourgeonnements venant
démentir le risque de sclérose qui guetterait toute institution, fût-elle culturelle.
Le Théâtre de la Ville n’a jamais surjoué ce registre de « l’émergence »; il l’a toujours
mis en pratique, bien avant que cela ne devienne une mode. Cette saison 2014-2015
l’atteste à nouveau, avec dès cet automne, Vincent Macaigne, aux prises avec l’univers
de Dostoïevski, trois jeunes collectifs de théâtre (Julie Deliquet et les acteurs d’In Vitro,
les Allemandes effrontées de She She Pop et les non moins subversifs Chiliens de
La Resentida), et sous les auspices d’un chapiteau forain, le Cirque Trottola et le Petit Théâtre
Baraque réunis dans Matamore.
En danse, après la troisième édition de Danse élargie, incomparable foyer de découvertes,
de nouveaux venus font également leur apparition: la Portugaise Tânia Carvalho, le Chinois
Tao Ye, ainsi que Jone San Martin, Ioannis Mandafounis et Fabrice Mazliah, issus de
la compagnie de William Forsythe. Soit autant de percées talentueuses, qui trouvent
naturellement abri au Théâtre de la Ville et dans le cercle de ses théâtres partenaires.
Jean-Marc Adolphe
1- « L’acte est vierge même répété », écrit René Char dans Les Feuillets d’Hypnos.
Au commencement était La Noce. Celle de petits
bourgeois entraînés par Brecht dans un maelström
burlesque autant qu’impitoyable, qui fait exploser
les hypocrisies, déglingue les relations convenues,
casse les meubles autant que les certitudes… Mais
quoi, il faut bien vivre, alors on continue.
On continue, et nous voilà face à la génération sui-
vante, chez Jean-Luc Lagarce. De nouveau en famille.
Plus précisément une famille d’amis, deux hommes
et une femme. Suffisamment liés pour, ensemble,
avoir acheté une maison où ils ont vécu de beaux
jours. Mais au fil du temps, se sont immiscés la las-
situde et le besoin d’autre chose. La femme et l’un
des hommes sont partis vivre de leur côté. Lautre
homme est resté, seul.
Et puis, vient un jour où la maison doit être vendue.
Les autres arrivent avec leurs conjoints respectifs.
Les retrouvailles sont amères, les vieilles rancœurs
s’entremêlent au désir de retrouver quelque chose
d’avant. Lambiance, pourtant, est totalement oppo-
sée à celle de La Noce. Nous sommes chez Jean-Luc
Lagarce, en un monde où l’impossible à dire passe
par la grâce d’un langage délicieusement ironique,
tendrement implacable. Derniers remords avant l’oubli,
le titre donne le ton.
C’est en fait par cette pièce que Julie Deliquet et le
collectif In Vitro ont entamé leur triptyque Des années
70 à nos jours. Pour la raison que tous sont trente-
naires, et que pour eux, Lagarce appartient à la géné-
ration de leurs parents, qui avaient vingt ans dans
les années 70/80 et dont ils voudraient tant com-
prendre les rêves, les motivations. « Ce que, dans ces
années d’utopie, ils cherchaient à conquérir, ce qu’ils
nous ont légué, et que nous voudrions maintenir. »
Est alors venu le désir de connaître également ce dont
ces mêmes parents ont hérité. Remontant le temps,
Julie Deliquet a lu des dizaines et dizaines de textes
avant de découvrir cette Noce insensée, écrite par un
tout jeune Brecht en pleine révolte familiale, et c’est
ce qui l’a séduite. Lopposition entre les deux pièces –
brutale folie chez Brecht, subtile détresse chez Lagarce
– a précisément focalisé l’attention du collectif.
Ils ont travaillé selon leur méthode, c’est-à-dire ensem-
ble. Car si Julie Deliquet fantasme sur les années
1970, ce nest pas pour retrouver léblouissante thé-
âtralité dont le langage, sous le « règne du metteur
en scène » pouvait passer par les somptueux éclai-
rages, les trouvailles scénographiques, les audaces
dramaturgiques, entre autres. Elle, compte sur les-
sentiel: la puissance de l’acteur en prise directe avec
les mots.
Pour La Noce comme pour Derniers remords avant
l’oubli, chacun s’est emparé des répliques, des per-
sonnages, est passé de l’un à l’autre avant de s’enga-
ger en un seul, a improvisé à partir des situations,
avant de revenir à la base.
«Jour après jour je les suivais, je prenais des notes,
nous en discutions, leur avis est essentiel, confie Julie
Deliquet. Ils ne sont pas seulement des interprètes, ils
inventent, ils écrivent ce qu’ils ressentent, et nous utili-
sons les enrichissements apportés par ce travail au
texte initial. Celui offert aux spectateurs car de toute
façon, le style et le talent d’un auteur comme Lagarce
sont irremplaçables. De même pour La Noce, dans la
mesure où la pièce est trop bien construite pour la
bousculer.
«Mais il y a des variantes. Une façon de ne pas forcé-
ment prendre chaque soir la même place, de ne pas for-
cément adresser les mêmes mots à la même personne.
Sans rien changer à la pièce, puisque de toute façon,
tous les personnages sont tout le temps présents sur
scène, écoutent, réagissent. Une façon de ne pas donner
chaque soir exactement la même représentation. »
C’est également ce qui se passe avec Nous sommes
seuls maintenant, entièrement créé à partir de situa-
tions et d’improvisations, aboutissant à ce que Julie
Deliquet appelle « l’écriture de plateau ».
Le thème: les relations familiales, toujours. La situa-
tion: les héritiers des années 1970-80, devenus à
leur tour parents d’une fille de 20 ans. Ils ont atteint
un âge où il serait normal de rentrer dans le rang,
comme dirait Lagarce, mais eux veulent commencer
une autre vie. En l’occurrence, à la campagne. Ils
achètent une maison dans les Deux-Sèvres où ils
convoquent parents et amis. Les voilà tous autour
d’une table, se portant des toasts, évoquant un ave-
nir de rêves écologiques, un passé guerrier, avec un
vieux copain argentin qui les a accompagnés dans
leur combat contre la dictature chilienne.
Mais qu’y a-t-il d’authentiquement sincère dans ces
utopies militantes? Qu’y a-t-il de sincèrement authen-
tique dans des projets d’avenir, conformes, eux aussi,
à l’air du temps?
La question reste posée.
Colette Godard
JULIE DELIQUET BOURGEONNEMENTS D’AUTOMNE 5
septembre-octobre 2014
LA SAGA DES FAMILLES
Avec Nous sommes seuls maintenant, l’écriture de plateau, marque de fabrique de Julie Deliquet et du collectif
In Vitro, conclut un triptyque qui passe par La Noce de Brecht et les Derniers remords avant l’oubli de Lagarce
pour remonter le cours du temps, des années 1970 à aujourd’hui.
THÉÂTRE DES ABBESSES IA
18 <28 SEPTEMBRE
INTÉGRALE
COLLECTIF IN VITRO I
JULIE DELIQUET
Triptyque
« Des années
70 à nos jours »
LA NOCE
DE Bertolt Brecht
TRADUCTION Magali Rigaill © LARCHE ÉDITEUR
MISE EN SCÈNE Julie Deliquet
ASSISTÉE DE Julie Jacovella
SCÉNOGRAPHIE Charlotte Maurel
LUMIÈRES Jean-Pierre Michel
AVEC Julie André,Gwendal Anglade,
Anne Barbot,Olivier Faliez, Pascale
Fournier, Jean-Christophe Laurier,
Agnès Ramy,Richard Sandra,David
Seigneur
PRODUCTION Collectif In Vitro. AVEC LE SOUTIEN DArcadi,
du Théâtre de Vanves (cie en résidence) et du Théâtre
d’Alfortville.
DERNIERS REMORDS AVANT L’OUBLI
DE Jean-Luc Lagarce
MISE EN SCÈNE & SCÉNOGRAPHIE Julie Deliquet
VIDÉO Mathilde Morières
LUMIÈRES Richard Fischler &J.-P. Michel
SON David Georgelin
AVEC Julie André, Gwendal Anglade,
Éric Charon,Olivier Faliez,Agnès Ramy,
Annabelle Simon
PRODUCTION Collectif In Vitro. AVEC LE SOUTIEN DArcadi,
de l’Adami, de la mairie de Paris et du Théâtre
de Vanves (cie en résidence). Prix du Public Jeunes
metteurs en scène 2009 du Théâtre 13.
NOUS SOMMES SEULS MAINTENANT
création collective
MISE EN SCÈNE Julie Deliquet
SCÉNOGRAPHIE Charlotte Maurel
&Julie Deliquet
LUMIÈRES Jean-Pierre Michel
ASSISTÉ DE Laura Sueur
AVEC Julie André,Gwendal Anglade,
Anne Barbot,Éric Charon, Olivier Faliez,
Pascale Fournier,Julie Jacovella,
Jean-Christophe Laurier, Agnès Ramy,
Richard Sandra, David Seigneur,
Annabelle Simon
PRODUCTION Collectif In Vitro. COPRODUCTION Théâtre
Romain Roland de Villejuif – Théâtre Gérard Philipe de
Champigny-sur-Marne. AVEC LAIDE À LA PRODUCTION
du ministère de la Culture et de la Communication-
Drac Île-de-France, et d’Arcadi. AVEC LE SOUTIEN DU
Fonds SACD Théâtre, du conseil général du Val-de-
Marne-94, et de l’Adami. AVEC LE SOUTIEN DU Théâtre
de Vanves – Studio-Théâtre de Vitry – la Comédie
de Valence – la Ferme du Buisson, scène nationale
de Marne-la-Vallée – Théâtre de la Ville-Paris.
PRODUCTION, ADMINISTRATION Cécile Jeanson,
Bureau FormART. CORÉALISATION Théâtre de la Ville-
Paris – Festival d’Automne à Paris.
BIOGRAPHIE
Après le Conservatoire de
Montpellier et l’École du Studio
d’Asnières, Julie Deliquet entre
dans la Compagnie Jean-Louis
Martin-Barbaz, fonde avec Émilie
Reignier la compagnie Tais toi
ma Langue, passe par l’École
Jacques Lecoq, poursuit sa
carrière de comédienne, monte
l’Homosexuel de Copi, fonde en
2009 le collectif In Vitro, à présent
associé au TGP de St-Denis,
avec lequel elle monte le triptyque
Des années 70 à nos jours.
22 INTERMITTENTS: ARTISTES
& TECHNICIENS, SUR SCÈNE
ET EN COULISSE, CHAQUE SOIR.
La Noce / Derniers remords avant l’oubli / Nous sommes seuls maintenant © SABINE BOUFFELLE
Nous sommes seuls maintenant © SABINE BOUFFELLE
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