FLASH PROBLÈMES STRUCTURELS RECHERCHE ÉCONOMIQUE 23 septembre 2014 – N°723 Que fait le FMI ? On a beaucoup entendu dans la période récente le FMI préconiser le maintien des stimuli monétaires, la prudence dans la réduction des déficits publics, en raison de la faiblesse de la reprise économique du Monde. Mais, au-delà de ce discours traditionnel keynésien, le FMI ne devrait-il pas plutôt s’occuper : - - des politiques de change non coordonnées (dépréciation du yen, accumulation de réserves de change jusqu’à une période récente en Chine, peut-être maintenant dépréciation de l’euro…) ; surtout de la croissance extravagante de la liquidité mondiale, avec le soutien de l’activité par les politiques monétaires très expansionnistes dans la majorité des pays. Le mandat essentiel du FMI ne devrait-il pas être de s’assurer que l’augmentation de la liquidité mondiale est convenable compte tenu de la croissance de l’activité mondiale ? Au contraire, le FMI pousse à une expansion monétaire déraisonnable qui finira dans d’autres crises financières. Rédacteur : Patrick ARTUS FLA S H Les préconisations récentes du FMI Dans la période récente, le FMI a surtout insisté sur la fragilité de la reprise mondiale (tableau 1, graphique 1), ce qui l’a amené à passer des messages de prudence aux gouvernements : Tableau 1 Prévisions de la croissance mondiale (en %) FMI Consensus Forecast NATIXIS 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 3,4 4 4 2,5 -1,0 5,0 3,7 3,0 2,9 2,8 3,3 2,9 3,4 - Sources: FMI, Consensus Forecast, NATIXIS Graphique 1 Monde : croissance du PIB (volume, GA en %) 6 6 4 4 2 2 0 0 -2 -2 Sources : Datastream, NATIXIS -4 -4 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 - ne pas durcir trop vite les politiques monétaires, ce qui n’est pas le cas avec la faiblesse des taux d’intérêt et la croissance de la base monétaire (graphiques 2 a/b) ; Graphique 2a Monde : taux d'intérêt et croissance du PIB nominal Taux d'intérêt à 3 mois (en %) Taux d'intérêt à 10 ans GOV (en %) PIB valeur (GA en %) 10 Graphique 2b Monde : base monétaire Niveau (en Mds de $, G) 10 GA en % (D) 20000 35 17500 30 15000 25 8 8 6 6 4 4 12500 20 2 2 10000 15 0 0 7500 10 -2 5000 5 -4 2500 -2 -4 Sources : Datastream, NATIXIS 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 - Flash 2014 – 723 - 2 Sources : Datastream, FED, BCE, ONS, BOJ, FMI, NATIXIS 0 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 ne pas réduire trop vite les déficits publics, particulièrement dans la zone euro hors Allemagne, recommandation qui semble aujourd’hui suivie par les Etats (graphique 3) ; FLA S H Graphique 3 Déficit public (en % du PIB valeur) France Italie Espagne* Portugal 4 4 2 2 0 0 -2 -2 -4 -4 -6 -6 -8 -10 -12 -8 (*) hors recapitalisation des banques -10 Sources : Datastream, prévisions, NATIXIS -12 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Mais ne devrait-on pas entendre autre chose que ce message de prudence keynésienne de la part du FMI ? Ce qui devrait normalement inquiéter le FMI #1 Les politiques de change non coordonnées Certains pays utilisent la dépréciation du change pour soutenir leur économie sans tenir compte des effets induits sur les voisins, par exemple dans la période récente : - la forte dépréciation du yen avec le Quantitative Easing au Japon (graphique 4a), ce qui conduit à une perte considérable de compétitivité des autres pays d’Asie (graphique 4b), et est utilisé par les autorités japonaises pour doper les exportations et les profits des entreprises japonaises (graphique 4c) ; Graphique 4a Japon : base monétaire et taux de change 300 Base monétaire (en trillions de yens, G) Taux de change dollar-yen (1$ = …Yens, D) 270 240 Graphique 4b Taux de change Yens / RMB (Chine, G) 140 18 130 17 120 16 110 15 100 14 90 13 80 12 70 11 Yens / Won (Corée, D) 0,14 0,12 210 180 0,10 150 120 90 60 Sources : Datastream, NATIXIS 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 0,08 Sources : Datastream, NATIXIS 0,06 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Flash 2014 – 723 - 3 FLA S H Graphique 4c Japon : exportations et indice boursier Exportations volume (GA en %, G) Nikkei (100 en 2002:1, D) 80 180 60 160 40 140 20 120 0 100 -20 -40 80 Sources : Datastream, NATIXIS 60 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 - jusqu’au printemps 2014, la forte accumulation de réserves de change en Chine visant à redéprécier le RMB (graphiques 5 a/b) ; Graphique 5a Chine : réserves de change (en Mds de $) Niveau (G) Graphique 5b Chine : taux de change contre le dollar (RMB/$) Variation sur 1 mois (D) 4200 300 3500 250 2800 200 2100 150 1400 100 700 50 0 0 -700 -1400 8,5 8,5 8,0 8,0 7,5 7,5 7,0 7,0 6,5 6,5 -50 Sources : Datastream, FMI, NATIXIS -100 6,0 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 - Sources : Datastream, NATIXIS 6,0 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 peut-être aujourd’hui la volonté de la BCE de déprécier l’euro (graphique 6a), seule technique encore disponible pour améliorer l’économie de la zone euro, alors que le crédit continue à reculer (graphique 6b) et que la zone euro est caractérisée par des effets de richesse très faibles. Graphique 6a Taux de change euro-dollar (1€=...$) 1,6 Graphique 6b Zone euro : crédit au secteur privé* (GA en %) 1,6 14 14 12 1,4 1,4 1,2 1,2 1,0 1,0 (*) Ménages + entreprises 10 10 8 8 6 6 4 4 2 2 0 0 -2 Sources : Datastream, NATIXIS 0,8 0,8 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Flash 2014 – 723 - 4 12 -4 -2 Sources : Datastream, BCE, NATIXIS 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 -4 FLA S H Normalement, le FMI devrait regarder si une dépréciation se justifie par un problème sérieux de compétitivité, devrait essayer d’obtenir des Banques Centrales l’absence de politiques de dépréciation non coopératives. #2 Plus grave, la croissance gigantesque de la liquidité mondiale La base monétaire du Monde a considérablement augmenté et continue à augmenter rapidement (graphiques 7 a/b). Graphique 7a Monde : base monétaire 22500 Niveau (en Mds de $, G) Graphique 7b Monde : base monétaire ( en % du PIB valeur) GA en % (D) 35 20000 30 17500 25 15000 20 12500 15 10000 10 7500 5 5000 2500 Sources : Datastream, Fed, BCE, ONS, BOJ, FMI, NATIXIS 0 -5 30 30 26 26 22 22 18 18 14 14 10 10 6 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Sources : Datastream, Fed, BCE, ONS, BOJ, FMI, NATIXIS 6 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Ceci vient à la fois des politiques monétaires expansionnistes des pays de l’OCDE et des politiques de change des pays émergents et exportateurs de pétrole (graphiques 8 a/b). Graphique 8a Base monétaire des pays de l'OCDE* et réserves de change mondiales (en Mds de $) 12000 OCDE* : base monétaire Réserves de change mondiales 10000 Graphique 8b Base monétaire des pays de l'OCDE* et réserves de change mondiales (en % du PIB valeur mondial) 12000 20 18 8000 8000 6000 6000 4000 0 18 10000 16 2000 20 OCDE* : base monétaire Réserves de change mondiales 4000 (*) Etats-Unis + Royaume-Uni + Zone euro + Japon Sources : Datastream, Fed, BCE, ONS, BOJ, FMI, NATIXIS 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 (*) Etats-Unis + Royaume-Uni + Zone euro + Japon 14 14 12 12 10 10 8 8 6 6 2000 4 0 2 4 Sources : Datastream, Fed, BCE, ONS, BOJ, FMI, NATIXIS 2 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 La hausse excessive de la liquidité mondiale conduit à la menace : - d’instabilité des taux de change (on voit par exemple, on l’a vu plus haut, le recul du yen depuis 2013, graphique 4a plus haut) ; - d’excès d’endettement, ce qui s’est produit de 2002 à 2007, se produit encore aujourd’hui dans les pays émergents (graphique 9) ; - de bulle sur les prix des actifs (graphique 10). Flash 2014 – 723 - 5 FLA S H Graphique 9 Crédit au secteur privé* (GA en %) Graphique 10 Monde : indice boursier et prix des maisons (100 en 1998:1) OCDE** Ensemble des émergents yc Russie et OPEP 25 (*) Ménages + entreprises (**) Etats-Unis + Royaume-Uni + Zone euro + Japon 250 190 190 160 160 130 130 0 100 100 -5 70 15 15 10 10 5 5 0 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 250 220 20 Sources : Datastream, NATIXIS Prix des maisons 220 20 -5 Indice boursier 25 Sources : Datastream, NATIXIS 70 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Normalement, le FMI devrait vérifier que l’alimentation du Monde en liquidité est convenable, ni trop lente, ni trop rapide, alors qu’elle est excessivement rapide depuis 2001 et surtout 2008 (graphique 7b plus haut). Synthèse : il faut une supervision monétaire du Monde Il faut une institution internationale qui vérifie : - que les pays ne viennent pas des politiques monétaires agressivement non coopératives ; que l’offre de liquidité mondiale augmente à une vitesse raisonnable compte tenu de la croissance mondiale. Il faut reconnaître que le FMI ne remplit aujourd’hui aucun de ces deux rôles. Flash 2014 – 723 - 6 FLA S H Flash 2014 – 723 - 7