Commentaire sur le psaume 95 (96)
Paru dans Préludes, revue de l'ANFOL (Association Nationale de Formation des Organistes Liturgiques)
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Les versets et les citations font référence à la traduction liturgique du psautier
Le psaume se construit suivant le modèle classique de l'hymne, avec des reprises qui donnent l'im-
pression qu'il pourrait être la juxtaposition ou la synthèse de plusieurs prières :
- invitatoire ici très développée qui contient déjà le motif de louange (v.1-3)
- exposé du motif, assez condensé (v.4-6)
- nouvelle invitatoire encore plus développée qui débouche sur un appel au témoignage (v.7-10a)
- nouvel exposé du motif de la louange, très court (v.10bc)
- expression de louange qui associe toute la création dans une vision d'allégresse débordante et
communicative (v.11-13a)
- conclusion qui est un nouveau motif de louange (v.13bcd)
On notera que si les effets stylistiques de répétition abondent (même par trois dans les versets 1-2
et 7-8), les trois invitatoires et les trois exposés de motifs sont originaux ; le découpage des versets
est malheureusement artificiel et ne tient pas vraiment compte de la construction du psaume.
Observons les invitatoires :
- dans la première on trouve six phrases avec quatre verbes : chantez (répété trois fois avec trois
compléments différents), bénissez (associé au 3ème "chantez"), proclamez, racontez (une seule fois
mais avec deux compléments différents)
- la seconde comporte huit phrases avec six verbes, tous différents de ceux de la 1ère invitatoire :
rendez (au Seigneur, répété trois fois d'une manière très comparable à la 1ère invitatoire), apportez,
entrez, adorez, tremblez, allez dire. L'allusion aux offrandes, à la crainte ("tremblez") et à l'adoration
évoque une utilisation liturgique au temple de Jérusalem (évoqué au v.6). Elle termine avec une invi-
tation explicite au témoignage, qui est une charnière avec l'exposé du motif de louange qui suit.
- le 3ème est différent : ce n'est pas à proprement parler une invitatoire mais une vision d'allégresse
onirique : si le mugissement des mers est un phénomène naturel interprété comme une louange, voir
les arbres danser de joie nécessite pour le moins de l'imagination !
Le motif de la louange est ainsi découpé en trois, et les évocations sont fortes :
- les premières sont un peu convenues, opposant la grandeur de Dieu (grand, redoutable, créateur),
qui mérite louange, splendeur, majesté, puissance, beauté, par comparaison avec les autres
divinités, créations humaines qualifiées de néant.
- les deuxièmes évoquent succinctement l'action de Dieu au présent : il maintient la cohésion de la
création et mérite de régner sur la création.
- la dernière est une vision d'avenir et d'espérance : Dieu est au futur, mais un futur proche, en train
de se réaliser : il vient, il jugera ; ceci signifie qu'il révélera ce que chacun cache en lui, dans la jus-
tice et la vérité. C'est ce qui motive la joie débordante de la création qui n'a aucune raison d'avoir
peur (contrairement à ce que pourrait laisser croire le verbe "trembler" du v.9) : la création et les
hommes tremblent parce qu'ils sont saisis d'émotion.
Evidemment, l'utilisation de ce psaume à Noël ouvre une perspective vraiment nouvelle : à cette
occasion, Dieu vient, fort de sa faiblesse, redoutable dans son humilité : qui d'autre que Dieu pourrait
être à ce point "éblouissant de sainteté" quand il se révèle dans un enfant...
Joie au ciel et sur la terre : Dieu vient, il est là !
Alain Bonnet