Spécial Hôpital Expo 2006 Hospitalisation à domicile ARNAUD DELOGE MOTS-CLÉS HAD psychiatrie Charles-Perrens Praticien hospitalier BERNARD ANTONIOL Praticien hospitalier chef, département 347 Centre hospitalier Charles-Perrens, Bordeaux Psychiatrie L’expérience du centre hospitalier Charles-Perrens Malgré l’absence de cadre législatif, l’hospitalisation à domicile en psychiatrie existe depuis les années 1970. Elle demeure néanmoins peu développée : sa mise en œuvre la plus connue a eu lieu dans le service du Dr Amado, au centre hospitalier de la Queue-en-Brie 1. D’autres « HAD psy » ont été créées au cours de ces mêmes années, à l’hôpital de Libourne en particulier, par le biais de conventions signées avec les caisses de sécurité sociales départementales. Le département 347 du centre hospitalier Charles-Perrens est l’un des rares services français à proposer ce mode d’hospitalisation. É 1. VIDON G., «L’hospitalisation à domicile», Psychologie médicale, 1979, n° 11, 14011408. 60 viter les séjours hospitaliers à temps plein et préserver le cadre familial et social du malade, tels sont les premiers objectifs de l’HAD. Celle-ci peut en effet préparer, mais aussi réduire la durée d’hospitalisation. Elle en constitue éventuellement la suite logique. Dans ce cadre, le patient est suivi par le secteur de manière plus conventionnelle (visite à domicile ou consultation). Il existe en psychiatrie plusieurs indications d’hospitalisation à domicile : • démences, maintien du sujet dans ses repères habituels afin d’éviter ou de retarder le placement en milieu spécialisé ; • pathologies chroniques, psychotiques, névrotiques, à l’origine de nombreuses hospitalisations à temps complet. Il N ° 5 0 9 - M a r s - A v r i l s’agit d’enrayer le processus de « réhospitalisation » systématique en cas d’exacerbation de la pathologie ; • HAD « relais » faisant suite à une hospitalisation à temps complet ; • situations de « crise » chez des patients dont la symptomatologie et l’environnement relationnel ne sont pas en contre-indication avec l’HAD ; • refus d’hospitalisation à temps complet. Une nouvelle organisation des soins C’est sur l’initiative d’un médecin, le Dr Damon, qu’est né le service d’hospitalisation à domicile du département 347. En 1974, alors que la psychiatrie est en profonde mutation - sectorisation, réorganisation des établissements - 2 0 0 6 dix lits d’HAD voient le jour au centre hospitalier Étienne-Sabatié (Libourne), où le Dr Damon est médecin chef. En 1985, fort de l’expérience antérieure, le Dr Damon ouvre cinq lits d’hospitalisation à domicile sur le secteur de Mérignac, dont il est devenu médecin chef en 1977. Ceci dans un contexte de réduction des lits d’hospitalisation à temps complet et de redéploiement du personnel infirmier. Entre 1985 et 1991, 141 actes d’HAD sont réalisés dans l’unité. Cette activité est poursuivie par son successeur, le Dr Antoniol, qui créée, en décembre 2001, un département regroupant trois services d’hospitalisation à domicile pour une population de 190000 habitants. Modalités et conditions d’admission Une consultation par un psychiatre ou une hospitalisation à temps plein ou partiel est nécessaire pour être admis en HAD. L’admission est par ailleurs subordonnée à l’exigence de soins médicaux ou à la surveillance d’un traitement, ainsi qu’à une évaluation préalable de la situation psycho-socio-familiale. Elle est réalisée sur l’initiative des médecins du département, après avis du médecin traitant. Un exemplaire du règlement de l’HAD est remis au patient ou à sa famille avant toute admission. Il est également adressé au médecin généraliste référent choisi par le patient, accompagné d’un e v u e h o s p i t a l i è r e d e F r a n c e La durée de séjour est de 21 jours, renouvelable une fois, pour une période d’égale durée, après examen conjoint. La sortie est proposée par le psychiatre après avis du médecin généraliste. Elle peut être suivie de l’arrêt de toute intervention psychia- Fonctionnement du service Le patient reçoit au moins une visite quotidienne infirmière, une visite ou consultation hebdomadaire du médecin psychiatre et, éventuellement de son médecin généraliste. De 20 heures à 8 heures, en cas d’urgence, il est fait appel au Service d’accueil et d’admission d’urgences (SAU) de l’hôpital référent. Du samedi 13 heures au lundi 9 heures, les médecins du département sont sous astreinte. N ° Organisation administrative La centralisation des informations administratives s’effectue dans l’un des trois centres médicaux psychologiques (CMP) du département. Chacun a la charge d’assurer la gestion des entrées et sorties des patients « HAD » de son secteur (mise en réseau informatique des CMP). 5 0 9 - M a r s - A v r i l 2 0 0 6 International Tribune libre Hospitalisation à domicile Achats 61 En librairie Le centre hospitalier Charles-Perrens fournit au patient l’ensemble des prestations nécessaires au traitement de l’affection ayant motivé l’hospitalisation à domicile : • délivrance des médicaments, exécution des examens complémentaires (biologie, radiologie…). • prestations spécialisées (psychothérapeute, psychologue…). • réponse aux appels d’urgence selon des modalités déterminées et établies auprès de chaque patient hospitalisé. Offres d’emploi trique, d’une prise en charge dans le cadre du soin à domicile, ou d’un placement en établissement spécialisé (centre de réadaptation, CHS…). Au cours de son hospitalisation à domicile, le patient est autorisé à s’absenter sur avis médical, en conformité avec les horaires autorisés en cas d’arrêt de travail. << Psychiatrie L’expérience du centre hospitalier Charles-Perrens Modalités de sortie © dessin: Courtesy Françoise Pétrovitch courrier l’informant du début de la prise en charge. Un compte rendu d’hospitalisation est également envoyé au médecin traitant à l’issue de l’hospitalisation. Toutes les pathologies psychiatriques prises en charge en hospitalisation libre sont éligibles à l’hospitalisation à domicile. Sont toutefois exclues les conduites addictives en état aigu (en particulier l’état de manque et les encéphalopathies alcooliques) ; les patients suicidaires en état aigu ; les patients exprimant des troubles majeurs du comportement. L’HAD est réservée aux patients du secteur desservi par le département. L’environnement social et/ou familial occupe une place prépondérante dans le choix de ce mode d’hospitalisation. Il est évalué sur visite préalable d’un infirmier et par un entretien avec la famille. L’HAD peut être prononcée du lundi au vendredi matin. Ceci exclut sa mise en place en fin de semaine, l’objectif étant d’assurer la continuité des soins et d’éviter une évaluation insuffisante avant la période de week-end. Accompagnement Qualité de vie des situations au travail de violence Management et innovation Actualités Réformes Hôpital Expo Intermedica 2006 R Spécial Hôpital Expo Hospitalisation à domicile 2006 Organisation médicale secteur, qui exercent en binômes dans la mesure du possible. Le week-end, une permanence infirmière est assurée au centre médico-psychologique, en liaison avec le médecin d’astreinte. L’amplitude horaire d’intervention s’étend de 8 heures à 18 heures. Afin d’améliorer les transmissions, l’infirmier travaille le vendredi précédent et le lundi suivant sa permanence. Chaque patient admis en HAD peut contacter l’infirmier référent, équipé d’un téléphone portable, tant la semaine que le week-end et les jours fériés. Un médecin coordonnateur, en collaboration avec le cadre de santé, veille à l’adéquation et à la permanence des prestations, à la transmission du dossier patient, dans le cadre de la continuité des soins. En semaine, le médecin prescripteur à l’origine de l’hospitalisation à domicile assure le suivi des soins. Le weekend, le médecin d’astreinte du département assure la réponse aux urgences et questions des personnels infirmiers de permanence. Afin de répondre à la nécessité d’une hospitalisation complète en urgence, le département tient à disposition un lit d’accueil, du vendredi 18 heures au lundi 9 heures. Atouts et bénéfices La pratique de l’hospitalisation à domicile a plusieurs avantages. Elle permet : • d’écourter ou d’éviter les hospitalisations et déscolarisations, favorisant ainsi le maintien de l’insertion et/ou l’aide à la réinsertion sociale ; • d’éviter les hospitalisations traumatisantes ; Organisation infirmière En semaine, les hospitalisations à domicile sont intégrées dans le travail hebdomadaire des infirmiers de File active - 1er janvier 1998 - 31 décembre 2005 | Année |File active | 1998 | 1999 | 2000 | 2001 | 2002*| 2004 | 2005 | | 38 | 24 | 22 | 19 | 5 | 24 | 46 | Source: département 347, centre hospitalier Charles-Perrens * Le service d’HAD a été interrompu du 20 février 2002 au 1er mars 2004 par défaut de personnel, suite à la mise en place des 35 heures. L’échantillon est de 178 patients, dont 81 femmes et 97 hommes. L’augmentation de la file active, significative en 2005, s’explique par le fait que l’HAD a été étendue aux trois secteurs initiaux qui ont constitué le département 347 du centre hospitalier Charles-Perrens. Diagnostics | F06 | | 1 | F10 | F30 | | 5 | F31 15 21 | | F11 | | F32 30 9 | | F13 | | F33 4 6 | | F19 | | F34 2 1 | | F20 | | F41 31 2 | | F21 | | F43 3 1 | | F22 | | F45 3 1 | | F23 | | F48 6 1 | | F25 | | F54 1 1 | | F28 | | F68 1 1 | | | | F98 1 | | Source: département 347, centre hospitalier Charles-Perrens Il s’agit des diagnostics renseignés (à 82,5%) sur le mode de la cotation CIM –10 (classification internationale des troubles mentaux et des troubles du comportement). Les diagnostics F10 (troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’alcool), F11 (troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’opiacés), F20 (schizophrénie), F31 (troubles affectifs bipolaires) présentent une forte prévalence. Ils constituent 65,9% de l’échantillon. La proportion relativement élevée de la cotation F11 est liée au fait que l’HAD a été souvent utilisée pour initier des traitements de substitution aux opiacés. 62 N ° 5 0 9 - M a r s - A v r i l 2 0 0 6 • de diminuer l’hospitalisation des personnes âgées et de préserver leur autonomie ; • de proposer une alternative en cas de refus d’hospitalisation à temps complet et de réduire le nombre des hospitalisations sous contrainte ; • de diminuer les hospitalisations in situ, dans un contexte de crise de disponibilité de lits d’accueil « intramuros » ; • de conserver au patient son réseau relationnel et les soins préalablement établis ; • de travailler en lien et réseau avec la famille, le médecin généraliste, les intervenants sociaux et médicosociaux ; • d’établir un lien de proximité renforcé avec l’équipe soignante et un contrat thérapeutique plus solide dans ses fondements ; • d’ouvrir un travail d’accueil en secteur et d’optimiser les liens avec les acteurs médicaux et sociaux ; • d’offrir de meilleures conditions d’observance thérapeutique ; • d’assurer un relais à l’hospitalisation complète et d’en diminuer les durées. Par son travail en réseau et la multiplicité de ses lieux d’intervention, l’HAD contribue également à la prévention primaire et secondaire ; elle aide à déjouer la « stigmatisation » traditionnellement attachée à la maladie mentale. Ce mode d’hospitalisation est aussi une forme de délégation de responsabilité et de gestion de la procédure de soins mise en œuvre dans le milieu environnemental du patient. À ce titre, il est très investi par le personnel soignant auquel il apporte une grande richesse d’informations sur les conditions d’existence du sujet et les problématiques psychosociales. L’HAD, comme forme d’immersion « in situ », permet par ailleurs d’intervenir de manière non agressive dans les dysfonctionnements familiaux et inter- e v u e h o s p i t a l i è r e d e F r a n c e Bibliographie • VIDON G., «L’hospitalisation à domicile», Psychologie médicale, 1979, n° 11, 1401-1408 Accompagnement Qualité de vie des situations au travail de violence n° 701318 du 31 décembre 1970, www.journal-officiel.gouv.fr • Circulaire de la CNAMTS, n° 207 du 29 octobre 1974 • Circulaire du 12 mars 1986 du ministère des Affaires sociales • Circulaire DHOS/O/n° 44 du 4 février 2004 relative à l’hospitalisation à domicile << 50 ans d’histoire En 1956, le Pr Denoix (Villejuif) initie un système d’hospitalisation à domicile pour les patients souffrant de néoplasie. L’année suivante, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris crée un service d’HAD. En 1968, l’HAD se développe dans plusieurs villes de province et services de médecine. La loi du 31 décembre 1970 stipule que «les services des centres hospitaliers peuvent se prolonger à domicile, sous réserve du consentement du malade ou de sa famille, pour continuer le traitement avec le concours du médecin traitant». La Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD) est créée en 1973. En 1985 se tient à Nantes le premier congrès de l’HAD. Le 12 mars 1986, le ministre des Affaires sociales publie une circulaire précisant que « l’hospitalisation à domicile recouvre l’ensemble des soins médicaux délivrés à domicile à des malades dont l’état ne justifie pas le maintien au sein d’une structure hospitalière. Ces soins doivent être d’un nombre et d’une intensité comparables à ceux qui étaient susceptibles d’être prodigués dans le cadre d’une hospitalisation traditionnelle» 2. Cette forme de soins s’inscrit dans le mouvement de «désinstitutionalisation» des années 70/80. Elle constitue une innovation dans les pratiques de soins. 2. Extension de l’admission dans les structures d’HAD à tous les malades à l’exception des malades mentaux. Achats Textes réglementaires • JO du 3 janvier 1971, alinéa de l’article 4 de la loi de réforme hospitalière, Le 4 février 2004, la circulaire n° 44 de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) précise les missions et modalités de l’HAD. N ° 5 0 9 - M a r s - A v r i l 2 0 0 6 63 Hospitalisation à domicile • Tribune libre • International • En librairie Une résistance des équipes face à ce mode d’hospitalisation peut toutefois survenir en raison des conséquences, présumées, d’ordre médico-légal. Nous avons bien précisé le mode d’engagement contractuel du patient et de sa famille dans cette forme de programme, lequel diffère peu du contrat de soins en hospitalisation complète. Les formes actuelles de l’accréditation devraient permettre d’établir un référentiel de l’HAD et d’éviter son dévoiement : « pseudo-suivi traditionnel » de secteur, manque de rigueur dans le suivi, indication détournées… On peut espérer une conférence de consensus qui offrira des bases de fonctionnement référencées à une pratique qui peut se révéler lourde de conséquences médico-légales. Ces dernières constituent en effet un obstacle majeur à son développement, et sont défavorables à un meilleur engagement des équipes. Ceci n’obère en rien le travail conduit au sein du département 347 du centre hospitalier Charles-Perrens : le succès du dispositif mis en œuvre laisse prévoir une très prochaine augmentation des places. ■ n° 175/176 CHARLES M., ALLAIRE D. et LE PHILIPPE C. «Pratique de l’hospitalisation à domicile», Soins en psychiatrie, n° 175/176 NIZARD M., MESSAGER A.-M. et MARAIS J.-C., «Intérêt clinique de l’hospitalisation à domicile», Soins en psychiatrie, n° 175/176 LOISEAU J., L’hospitalisation à domicile en psychiatrie: 6 ans de pratique: 19851991, mémoire, université Bordeaux II, 1991 Organisation mondiale de la santé, CIM-10/ICD-10, classification internationale des troubles mentaux et des troubles du comportement, critères diagnostiques pour la recherche, Éd. Masson, 1994 Offres d’emploi • Précautions à prendre Management et innovation • LUNDH K., « L’hospitalisation à domicile en psychiatrie », Soins en psychiatrie, Psychiatrie L’expérience du centre hospitalier Charles-Perrens personnels. L’indice de satisfaction des patients et de leurs familles est élevé, bien que non encore validé par des outils scientifiques (évaluation en projet). Actualités Réformes Hôpital Expo Intermedica 2006 R