Master Sciences de la matière Stage 2013–2014
École Normale Supérieure de Lyon Benjamin Roussel
Université Claude Bernard Lyon I M2 Physique
Thermodynamique des systèmes quantiques
mésoscopiques
Résumé :
Durant mon stage, j’ai modélisé les expériences d’électrodynamique sur circuit menées par
Benjamin Huard : j’ai décrit la dynamique stochastique quantique du système, en présence
de mesures effectuées dans son environnement, selon différents schémas de détection. J’ai,
par la suite, traité le cas d’un système en interaction avec un bain thermique et forcé par
un opérateur extérieur (effacement de Landauer). En définissant des quantités thermody-
namiques analogues au travail et à la chaleur dans le cas classique, et en effectuant des
simulations numériques, j’ai montré que ces quantités sont contextuelles, c’est à dire dé-
pendent des mesures effectuées dans l’environnement. La principale conclusion de ce stage
est que, le domaine quantique, l’identification de quantités analogues au travail et à la
chaleur avec des flux d’énergie n’a de sens que lorsque ceux-ci sont effectivement mesurés.
Mots clefs :Thermodynamique, cohérences quantiques, électrodynamique en cavité
Stage encadré par :
Alexia Auffèves
[email protected] / tél. (+33) 4 56 38 70 11
Institut Néel (UPR 2940)
25 rue des Martyrs BP 166
38042 Grenoble cedex 9, France
http://neel.cnrs.fr
31 juillet 2014
Remerciements
L’immensité du laboratoire. Le bureau au frisbee. La
fièvre de l’amplification. Auditions et lassitudes. Ré-
sultat, appaisement. Rencontres à Paris. Écriture.
Hexapodes.
Et c’est ainsi que s’achèvent quatre mois de stage. Ces remerciements sont la touche finale, l’épilogue
d’une période riche en émotions et en rencontres. Il va être difficile d’être exhaustif, et je prie ceux que
je vais sans doute oublier de ne pas en être vexé.
La visite à Paris fut captivante et enrichissante, et cela grâce aux expérimentateurs qui ont eu
la patience de nous recevoir. Les quelques jours que nous avons passés en P13 étaient un véritable
régal, même si parfois en quatre dimensions. Je tiens à remercier Gwendal Fève pour son accueil
chaleureux, ainsi qu’Arthur Marguerite, Bernard Plaçais et Jean-Marc Berroir pour les bons moments
que nous avons passé. Notre visite chez Benjamin Huard fut également très plaisante, et je l’en remercie,
ainsi que Landry Bretheau, Philippe Campagne, Pierre Six, François Mallet et Pierre Rouchon, avec
qui les discussions ont été très intéressantes. Un grand merci à Jean-Michel Raimond, qui a pris le
temps de nous faire une visite impressionnante du Collège de France et de nous écouter parler de
thermodynamique.
Merci, enfin, à Clément. Il a eu l’extrême patience, l’extrême gentillesse de me supporter pendant
une semaine entière, ainsi que de m’héberger durant quelques jours que j’ai rendu épuisants.
J’ai également passé un certain temps au laboratoire de l’ENS Lyon, toujours bien accueilli. Je
remercie ceux qui ont été obligé d’entendre mes idées folles, à propos d’aménagement de bureau,
de robot hexapodes ou quoi que ce soit d’autre : Patrick Oswald, Antoine Naert, Caroline Crauste,
Marius Tanase et sans doute d’autres que j’oublie. Merci à Sylvain Joubaud, Arnaud le Diffon et
Michel Fruchart qui m’ont fait répéter l’audition pour l’école doctorale, et qui relèvent sans doute
de la première catégorie également. Merci aussi à Étienne et Irénée, avec qui cela a été un plaisir de
travailler. Je souhaite remercier Maxime Clusel, qui a rendu le travail agréable par ses encouragements.
Il me faut remercier Alexandre, avec qui nous avons partagé lassitudes, inquiétudes et bonheurs,
ainsi que quelques parties de babyfoot. Il fait aussi partie des gens les plus méritants pour écouter —
et parfois exalter — mes délires créatifs, et ce fut un grand plaisir de les partager avec lui.
Évidemment, je ne peux parler du laboratoire de l’ENS Lyon sans citer Pascal Degiovanni, qui va
devoir me subir encore pendant trois longues années. Tout comme l’an dernier, je vous recommande sa
cuisine. Les discussions y sont parfois folkloriques, mais toujours intéressantes. Je le remercie également
pour son implication, parfois à distance, dans le travail qui est présenté dans ce rapport.
Nous voilà de retour à Grenoble. Je remercie l’institut Néel pour son hospitalité. Merci à Sven,
avec qui j’ai partagé le bureau, et à qui j’ai pu montrer ma nullité à lancer ou rattraper un frisbee.
J’ai passé de très bons moments avec les optomécaniciens et je remercie Benjamin et Laure, pour les
longues discussions lors de pauses café prolongées, ainsi que Clément avec qui j’ai pu partager mes
doutes.
Je veux également dire merci aux membres de l’équipe NANO, et tout particulièrement à Gaston
et à Cyril. Ils ont su m’aiguiller dans le laboratoire, et répondre à mes questions parfois très bêtes. De
même, travailler avec Giovanni a été aussi une expérience très enrichissante.
Enfin, je dois mentionner Alexia Auffèves. Travailler sous sa direction a été une expérience très
enrichissante, et je la remercie d’avoir écouté mes élucubrations quasi-hystériques sur les amplificateurs
et autres choses moins sérieuses. C’est aussi une personne de bon conseil si vous avez besoin d’un
restaurant.
2
Table des matières
1 Contexte 5
1.1 Thermodynamique des systèmes mésoscopiques classiques ................ 5
1.1.1 Principe de Landauer ................................ 5
1.1.2 Vérification expérimentale du principe de Landauer ................ 6
1.2 Vers la thermodynamique des systèmes quantiques .................... 7
1.2.1 Trajectoires quantiques ............................... 7
1.2.2 Expériences d’électrodynamique quantique sur circuit .............. 8
2 Trajectoires dans les expériences d’électrodynamique sur circuit 10
2.1 Le système et son environnement .............................. 10
2.1.1 Ligne de transmission ................................ 10
2.1.2 Qubit et ligne de transmission ............................ 11
2.2 Différents dispositifs de mesure ............................... 12
2.2.1 Comptage de photon ................................. 12
2.2.2 Mesure de la tension ................................. 13
2.2.3 Mesure des deux quadratures ............................ 14
3 Effacement de Landauer pour un système quantique 16
3.1 Retour sur le principe de Landauer ............................. 16
3.1.1 Effacement d’un qubit ................................ 16
3.1.2 Définition des quantités thermodynamiques .................... 17
3.2 Distribution du travail pour différentes dynamiques .................... 18
3.2.1 Dynamique de sauts quantiques ........................... 18
3.2.2 Dynamique diffusive ................................. 19
3.2.3 Discussion ....................................... 19
A La ligne de transmission 22
B Amplificateur quantique 26
B.1 États de sortie ........................................ 26
B.2 Trajectoires .......................................... 27
B.2.1 État à 0 photon .................................... 27
B.2.2 État à 1 photon .................................... 29
B.2.3 Trajectoires ...................................... 29
Introduction
Ces dernières années, des expériences spectaculaires de manipulation contrôlée d’états quantiques
ont été conduites avec des photons en cavité qui interagissent avec des atomes naturel ou artifi-
ciels [8,14]. Dans ces expériences d’électrodynamique quantique en cavité, les états quantiques sont
une ressource informationnelle transportée par une à quelques particules qui, par ailleurs, véhiculent
de l’énergie. Ces expériences permettent donc d’aborder de manière très concrète les problèmes de
“conversion énergie/information” à l’échelle du quantum unique.
La thermodynamique stochastique de Seifert et al [11,12] fournit un cadre théorique adapté à
l’étude de ces conversions pour de petits systèmes classiques. L’objectif de mon stage fut de la gé-
néraliser pour les systèmes mésoscopiques quantiques. Ce domaine est désormais l’objet d’un intérêt
croissant tant sur un plan théorique qu’expérimental. Les problèmes importants sont la définition et
l’étude des fluctuations de quantités thermodynamiques comme le travail ou la chaleur échangés avec
un opérateur ou un réservoir.
Comme nous allons le voir, cette généralisation pose des problèmes conceptuels non triviaux car, en
mécanique quantique, n’ont de sens que des grandeurs effectivement mesurées. Discuter de quantités
thermodynamiques pour une réalisation unique d’une expérience de manipulation d’états quantiques
nécessite donc de disposer d’outils qui permettent effectivement de caractériser l’état d’une réalisation
individuelle. Comme dans le cas classique, le système physique auquel on s’intéresse est étudié en ef-
fectuant une mesure dans son environnement : dans les expériences de thermodynamique des petits
systèmes classiques, on image le mouvement d’une particule colloïdale. Dans le cas, quantique, on
effectue également des mesures contrôlées sur le rayonnement électromagnétique émis par le dispositif
considéré (ici un nanocircuit supraconducteur) Cependant, à la différence du cas classique, une telle
mesure rétroagit sur le système. La théorie des trajectoires quantiques fournit le cadre théorique qui
permet de décrire l’évolution de l’état associé à une seule réalisation expérimentale et conditionné
à des mesures effectuées dans l’environnement. Elle prend en compte naturellement les correlations
quantiques introduites par le couplage entre le système et le dispositif de mesure et donc la rétroac-
tion quantique. C’est un point de départ naturel pour généraliser les travaux de Seifert au domaine
quantique.
La première partie de mon stage a donc consisté à me familiariser avec ce cadre conceptuel et
à dériver les trajectoires quantiques pour une expérience d’électrodynamique en cavité menée par le
groupe de Benjamin Huard au laboratoire Pierre Aigrain (ENS Paris) [4]. J’ai en particulier pris en
compte les étages d’amplification à la limite quantique qui sont présents dans les expériences et montré
que, en l’absence de bruit rajouté, ils ne modifiaient pas fondamentalement les trajectoires quantiques
du système étudié.
Cette modélisation des trajectoires quantiques pour un qubit en cavité couplé à une chaine de
détection m’a ensuite permis d’obtenir au moyen de simulations Monte-Carlo quantique la distribution
statistique de quantités définies au niveau de chaque trajectoire quantique par analogie avec la méca-
nique statistique. La définition de ces quantités généralise formellement les expressions classiques pour
le travail et la chaleur au cas quantique. Je discuterai les résultats obtenus en partie 3: ils montrent
qu’il n’est possible de définir travail et chaleur qu’en précisant comment on mesure des flux d’énergie
entre le système et les réservoirs avec lesquels il est connecté. C’est ce travail qui prolonge mon stage
et qui constituera le début de mon travail de thèse.
4
Partie 1
Contexte
1.1 Thermodynamique des systèmes mésoscopiques classiques
Ce stage s’inscrit dans le contexte de la thermodynamique des systèmes mésoscopiques, dans lesquels
les fluctations jouent un rôle prépondérant. Cela a beaucoup été étudié pour les systèmes classiques, à
la fois d’un point de vue expérimental et d’un point de vue théorique, et une façon adaptée de traiter
ces systèmes est de définir les quantités thermodynamiques à l’échelle de la trajectoire microscopique
suivie par le système.
1.1.1 Principe de Landauer
L’opération d’effacement d’un bit d’information classique illustre très bien les concepts de la thermo-
dynamique des petits systèmes. C’est également une question qui apparaît naturellement en physique
de l’information, lorsque l’on cherche à connaître le coût thermodynamique d’un calcul. Ce sujet a sus-
cité un vif intérêt au début des années 80 avec l’espoir de déterminer des limites physiques au calcul.
Un résultat important fut obtenu par Landauer et Bennett qui ont montré que les seules opérations
coûtant de l’énergie étaient en fait les opérations physiquement irréversibles. De plus, comme il est
possible de fabriquer des portes logiques de manière réversible [13,7], la seule opération véritablement
irréversible est en fait l’opération d’effacement d’un bit [1].
1 0
Figure 1.1 – L’effacement de Landauer consiste à déformer le potentiel du double puits de manière
à amener à coup sûr la bille au fond du puits 0.
Une manière pertinente de modéliser l’effacement d’un bit d’information consiste à utiliser une
particule dans un double puits de potentiel dont les positions de chaque minimum encodent les états
logique 0et 1. On va maintenant modéliser l’effacement d’un bit d’information (voir figure 1.1). La
procédure d’effacement est en fait une procédure de remise à zéro. Elle va donc consister à appliquer une
force de manière à ce que la particule soit à l’instant final dans le puits 0. De plus, pour que l’information
soit réellement effacée, il est nécessaire que l’opérateur extérieur ne prenne pas connaissance de l’état
de la bille. Pour cela, il faut que la force appliquée soit indépendante de l’état initial. Étant donné que
deux états initiaux différents mènent au même état final, le processus d’effacement est donc dissipatif.
On modélise cette dissipation par des échanges de chaleur avec un bain thermique.
De façon très générale, on peut se servir des flux d’information pour quantifier les flux d’énergie.
En effet, si l’on part d’un état de désordre maximal pour l’état de la mémoire, l’entropie perdue par
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