Thermodynamique des systèmes quantiques

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Master Sciences de la matière
École Normale Supérieure de Lyon
Université Claude Bernard Lyon I
Stage 2013–2014
Benjamin Roussel
M2 Physique
Thermodynamique des systèmes quantiques
mésoscopiques
Résumé :
Durant mon stage, j’ai modélisé les expériences d’électrodynamique sur circuit menées par
Benjamin Huard : j’ai décrit la dynamique stochastique quantique du système, en présence
de mesures effectuées dans son environnement, selon différents schémas de détection. J’ai,
par la suite, traité le cas d’un système en interaction avec un bain thermique et forcé par
un opérateur extérieur (effacement de Landauer). En définissant des quantités thermodynamiques analogues au travail et à la chaleur dans le cas classique, et en effectuant des
simulations numériques, j’ai montré que ces quantités sont contextuelles, c’est à dire dépendent des mesures effectuées dans l’environnement. La principale conclusion de ce stage
est que, le domaine quantique, l’identification de quantités analogues au travail et à la
chaleur avec des flux d’énergie n’a de sens que lorsque ceux-ci sont effectivement mesurés.
Mots clefs : Thermodynamique, cohérences quantiques, électrodynamique en cavité
Stage encadré par :
Alexia Auffèves
[email protected] / tél. (+33) 4 56 38 70 11
Institut Néel (UPR 2940)
25 rue des Martyrs BP 166
38042 Grenoble cedex 9, France
http://neel.cnrs.fr
31 juillet 2014
L’immensité du laboratoire. Le bureau au frisbee. La
fièvre de l’amplification. Auditions et lassitudes. Résultat, appaisement. Rencontres à Paris. Écriture.
Hexapodes.
Remerciements
Et c’est ainsi que s’achèvent quatre mois de stage. Ces remerciements sont la touche finale, l’épilogue
d’une période riche en émotions et en rencontres. Il va être difficile d’être exhaustif, et je prie ceux que
je vais sans doute oublier de ne pas en être vexé.
La visite à Paris fut captivante et enrichissante, et cela grâce aux expérimentateurs qui ont eu
la patience de nous recevoir. Les quelques jours que nous avons passés en P13 étaient un véritable
régal, même si parfois en quatre dimensions. Je tiens à remercier Gwendal Fève pour son accueil
chaleureux, ainsi qu’Arthur Marguerite, Bernard Plaçais et Jean-Marc Berroir pour les bons moments
que nous avons passé. Notre visite chez Benjamin Huard fut également très plaisante, et je l’en remercie,
ainsi que Landry Bretheau, Philippe Campagne, Pierre Six, François Mallet et Pierre Rouchon, avec
qui les discussions ont été très intéressantes. Un grand merci à Jean-Michel Raimond, qui a pris le
temps de nous faire une visite impressionnante du Collège de France et de nous écouter parler de
thermodynamique.
Merci, enfin, à Clément. Il a eu l’extrême patience, l’extrême gentillesse de me supporter pendant
une semaine entière, ainsi que de m’héberger durant quelques jours que j’ai rendu épuisants.
J’ai également passé un certain temps au laboratoire de l’ENS Lyon, toujours bien accueilli. Je
remercie ceux qui ont été obligé d’entendre mes idées folles, à propos d’aménagement de bureau,
de robot hexapodes ou quoi que ce soit d’autre : Patrick Oswald, Antoine Naert, Caroline Crauste,
Marius Tanase et sans doute d’autres que j’oublie. Merci à Sylvain Joubaud, Arnaud le Diffon et
Michel Fruchart qui m’ont fait répéter l’audition pour l’école doctorale, et qui relèvent sans doute
de la première catégorie également. Merci aussi à Étienne et Irénée, avec qui cela a été un plaisir de
travailler. Je souhaite remercier Maxime Clusel, qui a rendu le travail agréable par ses encouragements.
Il me faut remercier Alexandre, avec qui nous avons partagé lassitudes, inquiétudes et bonheurs,
ainsi que quelques parties de babyfoot. Il fait aussi partie des gens les plus méritants pour écouter —
et parfois exalter — mes délires créatifs, et ce fut un grand plaisir de les partager avec lui.
Évidemment, je ne peux parler du laboratoire de l’ENS Lyon sans citer Pascal Degiovanni, qui va
devoir me subir encore pendant trois longues années. Tout comme l’an dernier, je vous recommande sa
cuisine. Les discussions y sont parfois folkloriques, mais toujours intéressantes. Je le remercie également
pour son implication, parfois à distance, dans le travail qui est présenté dans ce rapport.
Nous voilà de retour à Grenoble. Je remercie l’institut Néel pour son hospitalité. Merci à Sven,
avec qui j’ai partagé le bureau, et à qui j’ai pu montrer ma nullité à lancer ou rattraper un frisbee.
J’ai passé de très bons moments avec les optomécaniciens et je remercie Benjamin et Laure, pour les
longues discussions lors de pauses café prolongées, ainsi que Clément avec qui j’ai pu partager mes
doutes.
Je veux également dire merci aux membres de l’équipe NANO, et tout particulièrement à Gaston
et à Cyril. Ils ont su m’aiguiller dans le laboratoire, et répondre à mes questions parfois très bêtes. De
même, travailler avec Giovanni a été aussi une expérience très enrichissante.
Enfin, je dois mentionner Alexia Auffèves. Travailler sous sa direction a été une expérience très
enrichissante, et je la remercie d’avoir écouté mes élucubrations quasi-hystériques sur les amplificateurs
et autres choses moins sérieuses. C’est aussi une personne de bon conseil si vous avez besoin d’un
restaurant.
2
Table des matières
1 Contexte
1.1 Thermodynamique des systèmes mésoscopiques classiques . .
1.1.1 Principe de Landauer . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.1.2 Vérification expérimentale du principe de Landauer . .
1.2 Vers la thermodynamique des systèmes quantiques . . . . . .
1.2.1 Trajectoires quantiques . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2.2 Expériences d’électrodynamique quantique sur circuit
2 Trajectoires dans les expériences d’électrodynamique sur
2.1 Le système et son environnement . . . . . . . . . . . . . . .
2.1.1 Ligne de transmission . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.1.2 Qubit et ligne de transmission . . . . . . . . . . . . .
2.2 Différents dispositifs de mesure . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2.1 Comptage de photon . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2.2 Mesure de la tension . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2.3 Mesure des deux quadratures . . . . . . . . . . . . .
3 Effacement de Landauer pour un système quantique
3.1 Retour sur le principe de Landauer . . . . . . . . . . .
3.1.1 Effacement d’un qubit . . . . . . . . . . . . . .
3.1.2 Définition des quantités thermodynamiques . .
3.2 Distribution du travail pour différentes dynamiques . .
3.2.1 Dynamique de sauts quantiques . . . . . . . . .
3.2.2 Dynamique diffusive . . . . . . . . . . . . . . .
3.2.3 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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5
5
5
6
7
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8
circuit
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A La ligne de transmission
22
B Amplificateur quantique
B.1 États de sortie . . . . .
B.2 Trajectoires . . . . . . .
B.2.1 État à 0 photon .
B.2.2 État à 1 photon .
B.2.3 Trajectoires . . .
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Introduction
Ces dernières années, des expériences spectaculaires de manipulation contrôlée d’états quantiques
ont été conduites avec des photons en cavité qui interagissent avec des atomes naturel ou artificiels [8, 14]. Dans ces expériences d’électrodynamique quantique en cavité, les états quantiques sont
une ressource informationnelle transportée par une à quelques particules qui, par ailleurs, véhiculent
de l’énergie. Ces expériences permettent donc d’aborder de manière très concrète les problèmes de
“conversion énergie/information” à l’échelle du quantum unique.
La thermodynamique stochastique de Seifert et al [11, 12] fournit un cadre théorique adapté à
l’étude de ces conversions pour de petits systèmes classiques. L’objectif de mon stage fut de la généraliser pour les systèmes mésoscopiques quantiques. Ce domaine est désormais l’objet d’un intérêt
croissant tant sur un plan théorique qu’expérimental. Les problèmes importants sont la définition et
l’étude des fluctuations de quantités thermodynamiques comme le travail ou la chaleur échangés avec
un opérateur ou un réservoir.
Comme nous allons le voir, cette généralisation pose des problèmes conceptuels non triviaux car, en
mécanique quantique, n’ont de sens que des grandeurs effectivement mesurées. Discuter de quantités
thermodynamiques pour une réalisation unique d’une expérience de manipulation d’états quantiques
nécessite donc de disposer d’outils qui permettent effectivement de caractériser l’état d’une réalisation
individuelle. Comme dans le cas classique, le système physique auquel on s’intéresse est étudié en effectuant une mesure dans son environnement : dans les expériences de thermodynamique des petits
systèmes classiques, on image le mouvement d’une particule colloïdale. Dans le cas, quantique, on
effectue également des mesures contrôlées sur le rayonnement électromagnétique émis par le dispositif
considéré (ici un nanocircuit supraconducteur) Cependant, à la différence du cas classique, une telle
mesure rétroagit sur le système. La théorie des trajectoires quantiques fournit le cadre théorique qui
permet de décrire l’évolution de l’état associé à une seule réalisation expérimentale et conditionné
à des mesures effectuées dans l’environnement. Elle prend en compte naturellement les correlations
quantiques introduites par le couplage entre le système et le dispositif de mesure et donc la rétroaction quantique. C’est un point de départ naturel pour généraliser les travaux de Seifert au domaine
quantique.
La première partie de mon stage a donc consisté à me familiariser avec ce cadre conceptuel et
à dériver les trajectoires quantiques pour une expérience d’électrodynamique en cavité menée par le
groupe de Benjamin Huard au laboratoire Pierre Aigrain (ENS Paris) [4]. J’ai en particulier pris en
compte les étages d’amplification à la limite quantique qui sont présents dans les expériences et montré
que, en l’absence de bruit rajouté, ils ne modifiaient pas fondamentalement les trajectoires quantiques
du système étudié.
Cette modélisation des trajectoires quantiques pour un qubit en cavité couplé à une chaine de
détection m’a ensuite permis d’obtenir au moyen de simulations Monte-Carlo quantique la distribution
statistique de quantités définies au niveau de chaque trajectoire quantique par analogie avec la mécanique statistique. La définition de ces quantités généralise formellement les expressions classiques pour
le travail et la chaleur au cas quantique. Je discuterai les résultats obtenus en partie 3 : ils montrent
qu’il n’est possible de définir travail et chaleur qu’en précisant comment on mesure des flux d’énergie
entre le système et les réservoirs avec lesquels il est connecté. C’est ce travail qui prolonge mon stage
et qui constituera le début de mon travail de thèse.
4
Partie 1
Contexte
1.1
Thermodynamique des systèmes mésoscopiques classiques
Ce stage s’inscrit dans le contexte de la thermodynamique des systèmes mésoscopiques, dans lesquels
les fluctations jouent un rôle prépondérant. Cela a beaucoup été étudié pour les systèmes classiques, à
la fois d’un point de vue expérimental et d’un point de vue théorique, et une façon adaptée de traiter
ces systèmes est de définir les quantités thermodynamiques à l’échelle de la trajectoire microscopique
suivie par le système.
1.1.1
Principe de Landauer
L’opération d’effacement d’un bit d’information classique illustre très bien les concepts de la thermodynamique des petits systèmes. C’est également une question qui apparaît naturellement en physique
de l’information, lorsque l’on cherche à connaître le coût thermodynamique d’un calcul. Ce sujet a suscité un vif intérêt au début des années 80 avec l’espoir de déterminer des limites physiques au calcul.
Un résultat important fut obtenu par Landauer et Bennett qui ont montré que les seules opérations
coûtant de l’énergie étaient en fait les opérations physiquement irréversibles. De plus, comme il est
possible de fabriquer des portes logiques de manière réversible [13, 7], la seule opération véritablement
irréversible est en fait l’opération d’effacement d’un bit [1].
1
0
Figure 1.1 – L’effacement de Landauer consiste à déformer le potentiel du double puits de manière
à amener à coup sûr la bille au fond du puits 0.
Une manière pertinente de modéliser l’effacement d’un bit d’information consiste à utiliser une
particule dans un double puits de potentiel dont les positions de chaque minimum encodent les états
logique 0 et 1. On va maintenant modéliser l’effacement d’un bit d’information (voir figure 1.1). La
procédure d’effacement est en fait une procédure de remise à zéro. Elle va donc consister à appliquer une
force de manière à ce que la particule soit à l’instant final dans le puits 0. De plus, pour que l’information
soit réellement effacée, il est nécessaire que l’opérateur extérieur ne prenne pas connaissance de l’état
de la bille. Pour cela, il faut que la force appliquée soit indépendante de l’état initial. Étant donné que
deux états initiaux différents mènent au même état final, le processus d’effacement est donc dissipatif.
On modélise cette dissipation par des échanges de chaleur avec un bain thermique.
De façon très générale, on peut se servir des flux d’information pour quantifier les flux d’énergie.
En effet, si l’on part d’un état de désordre maximal pour l’état de la mémoire, l’entropie perdue par
5
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
la bille est nécessairement gagnée par le bain thermique. La chaleur dissipée dans le réservoir est alors
donnée par la relation de Clausius. Comme les deux puits ont la même énergie, la variation d’énergie
au cours d’un effacement est nulle, et en moyenne le travail fourni par l’opérateur est minoré par [9] :
W = kB T ln 2
1.1.2
(1.1)
Vérification expérimentale du principe de Landauer
Bien que le principe de Landauer soit fondamental en physique de l’information, il n’a été testé
expérimentalement que très récemment, via les expériences du groupe de Sergio Ciliberto à l’ENS
Lyon [2]. Dans ces expériences, une particule colloïdale est piégée dans un double puits de potentiel
formé par des pinces optiques. La forme du potentiel est altérée de telle sorte que la bille se retrouve
dans le puits de droite à la fin du processus (voir figure 1.2).
a
10
5
5
0
c
Potential (kT)
b
10
−0.5
0
0
0.5
d
10
10
5
5
0
−0.5
0
0
0.5
e
0
0.5
−0.5
0
0.5
f
10
10
5
5
0
−0.5
−0.5
0
0
0.5
Position (μm)
−0.5
0
0.5
Position (μm)
Figure 1.2 – Potentiel perçu par la bille au cours du temps dans les expériences de [2]. Une bille de
colloïde est piégée à l’aide de pinces optiques, qui permettent d’altérer la forme du potentiel perçu par
la bille. – Tiré de [2]
Il est alors possible de mesurer la position x(t) de la bille au cours du temps. La question est de savoir
comment on peut retrouver les quantités thermodynamiques à partir de là. En fait, la connaissance de
la trajectoire de la particule colloïdale permet de remonter aux échanges d’énergie entre celle-ci et son
environnement. Plus précisément, la variation d’énergie s’exprime comme la somme de deux termes. Le
premier (1.2b) vient de la modification du potentiel perçu par la bille au cours du temps, et on identifie
cela au travail. Le second terme (1.2c) s’identifie alors à la chaleur via le premier principe, et on peut
montrer qu’il s’agit du travail fourni par les forces de friction entre la bille et le fluide. Finalement :
∆U [x] = H(tf , xf ) − H(ti , xi )
Z tf
W [x] =
∂t H(t, x(t))dt
ti
Z tf
∇x H(t, x(t))
Q[x] =
ti
dx
dt
dt
(1.2a)
(1.2b)
(1.2c)
Ainsi, en mesurant la position de la bille au cours du temps, on peut déduire les grandeurs thermodynamiques pour chaque réalisation expérimentale. Cela nous donne accès non seulement à la valeur
6
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
moyenne de ces quantités, mais également à leur distribution de probabilité. En effet, d’une réalisation
à l’autre, la particule subit des collisions aléatoires avec les molécules du fluide et on observe donc un
ensemble statistique de trajectoires qui chacune donne lieu à un certain travail, une certaine chaleur
et un certain changement d’énergie. Le principe de Landauer est alors vérifié en valeur moyenne mais
ces quantités thermodynamiques fluctuent d’une réalisation à l’autre de l’expérience.
Le cadre théorique dans lequel les grandeurs thermodynamiques sont définies à l’échelle de la
trajectoire unique a été développé ces dernières années, en particulier par U. Seifert [11, 12]. La question
que nous avons abordé dans ce stage est celle de l’extension d’une telle approche aux cas de petits
systèmes quantiques.
1.2
Vers la thermodynamique des systèmes quantiques
Pour étendre les notions de thermodynamique stochastique, nous devons être capable de décrire
quantiquement chaque réalisation de l’expérience. Cela peut sembler contraire aux principes de la
mécanique quantique car on nous enseigne que l’état d’un système quantique permet de prédire des
propriétés statistiques et non pas des propriétés d’une réalisation unique. Mais comme nous allons le
voir, il est possible de définir une notion de trajectoire quantique pour une réalisation unique et c’est
en fait le concept de départ pour adapter l’édifice conceptuel de la thermodynamique stochastique au
cas quantique.
1.2.1
Trajectoires quantiques
La notion de trajectoire quantique fut introduite dans les années 1990 par K. Molmer, Y. Castin et
J. Dalibard afin de simuler efficacement un système quantique dissipatif [5, 10]. En fait, cet algorithme
de simulation est intimement lié à la notion d’intrication quantique. En effet, dès lors qu’un système
est couplé à son environnement (voir figure 1.3), des corrélations quantiques entre le système et son
environnement apparaissent et, pour cette raison, on ne peut pas associer d’état au système seul.
En revanche, si l’on effectue une mesure t 7→ x(t) dans l’environnement, on peut décomposer la partie
associée à l’environnement sur la base orthogonale associée à cette mesure et ce de manière non ambiguë.
Il devient alors possible d’associer un état au système considéré, état qui est conditionné au résultat de
la mesure effectuée dans l’environnement en réécrivant l’état intriqué complet relativement à la base
orthonormée associée aux mesures effectuées dans l’environnement :
Xp
|Ψ(t)iS+E =
p[x] |ψ(t|[x])iS ⊗ |[x]iE
(1.3)
[x]
Dans cette réécriture de l’état intriqué, p[x] n’est autre que la probabilité d’effectuer la mesure t 7→ x(t)
et |ψ(t|[x])i désigne l’état du système conditionné au résultat de la mesure effectuée dans l’environnement. Cet état quantique conditionné évolue au fur et à mesure que l’on continue d’enregistrer de
l’information dans l’environnement (mesures successsives) et la donnée de l’état conditionné en fonction du temps constitue ce qu’on appelle une trajectoire quantique du système conditionnée à un signal
dépendant du temps t 7→ x(t).
Système
Environnement
Mesure x(t)
Hint
Figure 1.3 – Pour pouvoir associer un état quantique bien défini au système, on doit effectuer des
mesures non ambiguës dans son environnement. En pratique, on mesure une quantité dépendant du
temps t 7→ x(t) qui détermine un vecteur d’état conditionné au fil du temps : c’est ce qu’on appelle
une trajectoire quantique.
7
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
Benjamin Roussel
Si, historiquement, les trajectoires quantiques ont été introduites commme un algorithme de calcul,
les récents progrès en terme de manipulation et de contrôle d’un état quantique et de son environnement les rendent d’autant plus pertinentes : en effet, dans les expériences d’électrodynamique en
cavité ou d’électrodynamique sur circuit récentes, il est possible de suivre la trajectoire d’un système
quantique simple au travers de mesures effectuées dans son environnement. Dans un tel contexte, la
notion de trajectoire quantique cesse d’être un concept purement théorique pour devenir une notion
expérimentalement accessible. C’est ce type d’expérience qui est développé dans le groupe de Benjamin
Huard à l’ENS Paris et que nous allons maintenant décrire.
1.2.2
Expériences d’électrodynamique quantique sur circuit
Les expériences d’électrodynamique en cavité ont permis d’explorer la physique de l’interaction
lumière–matière entre un atome et un mode du champ électromagnétique. Historiquement menées au
moyen d’atomes de Rydberg traversant des cavités supraconductrices à très haut facteur de qualité (experiences de S. Haroche à l’ENS Paris [8]), ce domaine a connu une véritable révolution en 2004 lorsque
A. Blais et ses collaborateurs ont suggéré d’utiliser des atomes articiciels basés sur des nanostructures
supraconductrices couplées à des résonateurs supraconducteurs sur puce [3]. La démonstration expérimentale suivit presque immédiatement [14] ouvrant ainsi le domaine de l’électrodynamique sur
circuit. Ces expériences sur puce présentent deux avantages majeurs : d’une part, le temps d’interaction atome/champ n’est pas limité par le temps de transit au travers de la cavité vu que les atomes
sont fixes. D’autre part, l’utilisation de circuits intégrés permet d’espérer la conception de dispositifs
plus complexes qu’avec des jets atomiques.
Pour bien comprendre comment sont conçues ces expériences d’électrodynamique sur circuit, rappelons qu’une caractéristique importante des atomes naturels est que les niveaux ne sont pas équidistants
à cause de la non-harmonicité du potentiel coulombien. Cela permet d’adresser une transition bien
précise et donc, de traiter l’atome comme un système à deux niveaux lorsqu’il est placé dans une
cavité. C’est cette caractéristique que cherchent à reproduire les atomes artificiels. Pour cela, on peut
réaliser, sur circuit, un oscillateur anharmonique. En fait, cela est possible grâce au seul composant
non linéaire que l’on connaisse, la jonction Josephson. Celle-ci joue le rôle d’inductance non linéaire,
et permet de réaliser un oscillateur LC anharmonique qui constitue un atome artificiel.
Figure 1.4 – À gauche, la nanostructure qui joue le rôle d’atome artificiel. Il s’agit d’une jonction
Josephson munie de deux antennes capacitivement couplées. À droite, la cavité, qui abrite l’atome
artificiel en son centre : on aperçoit l’atome qui est la nanostructure supraconductrice gravée sur un
substrat isolant (plaque de saphir). Le connecteur que l’on voit en haut permet de lire ou de modifier
le champ dans la cavité.
Dans les expériences de B. Huard, la jonction Josephson (figure 1.4, à gauche) est placée dans une
cavité tridimensionnelle en aluminium ou en cuivre (figure 1.4, à droite). Cette jonction est couplée
au champ de la cavité via deux antennes. La cavité est reliée à un câble coaxial via un connecteur, ce
qui permet d’injecter ou de récupérer des photons. Ces derniers sont amplifiés puis mesurés grâce à un
composant électronique qui permet d’accéder à des informations sur les deux quadratures du champ
simultanément (voir figure 1.5).
8
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
Josephson qubit
ADC
circulator
CHIP
IN/OUT
amplifiers
~
mixer
microwave generator
for readout
Figure 1.5 – Schéma du dispositif expérimental : le qubit Josephson est capacitivement couplé à
une ligne de transmission qui permet d’injecter des photons et de capter les photons renvoyés par le
dispositif expérimental. Ceux-ci sont amplifiés au moyen d’un amplificateur à la limite quantique, puis
rabaissés en fréquence au moyen d’un mixeur micro-ondes, puis de nouveau amplifiés et enfin analysés
par une carte d’acquisition travaillant au GHz (ADC).
9
Partie 2
Trajectoires dans les expériences
d’électrodynamique sur circuit
Dans cette partie, nous allons décrire la dynamique suivie par l’atome artificiel conditionnée à la
mesure de différentes observables dans son environnement électromagnétique.
2.1
Le système et son environnement
La première étape consiste donc à modéliser l’environnement électromagnétique du qubit supraconducteur. Dans ces expériences, il est couplé au champ électromagnétique quantique par l’intermédiaire
d’une cavité dont les modes propres sont couplés aux modes extérieurs par l’intermédiaire d’une ligne
de transmission. Dans la limite où la largeur spectrale des modes de la cavité est grande devant la
largeur spectrale du qubit, on peut alors éliminer la cavité et tout se passe comme si le qubit était
directement couplé aux modes de la ligne de transmission. Même si en principe, nous pourrions nous
affranchir de cette approximation, nous allons dans la suite de ce rapport développer une modélisation
simple basée sur celle-ci.
2.1.1
Ligne de transmission
Dans le régime considéré, l’environnement du qubit est principalement constitué par la ligne de
transmission. Celle-ci est modélisée par un câble coaxial sans perte, dont l’état physique est décrit par
la tension V (z, t) et le courant i(z, t) en un point z et un instant t donnés. En électrocinétique, un tel
câble est décrit par deux ensembles d’oscillateurs harmoniques indépendants de fréquences positives,
correspondant aux courants se déplaçant vers la droite et vers la gauche (voir annexe A). Pour chaque
fréquence ω > 0, on a donc deux oscillateurs indépendants, dont on note les opérateurs d’annihilation
aR (ω) et aL (ω).
Néanmoins, cette représentation en fréquence n’est pas bien adaptée pour discuter les observables
résolues en temps. Pour cela, on définit :
Z ∞
dω
aR/L (t) =
aR/L (ω)e−iωt √
(2.1)
2π
0
qui n’est rien d’autre que la transformée de Fourier des opérateurs en fréquence. Les relations de
commutation des aR/L (t) sont cependant non triviales. Si on suppose que le système émet dans une
bande spectrale étroite, bien séparée des basses fréquences, on peut alors étendre l’intégrale 2.1 aux
fréquences négatives. On a alors un oscillateur harmonique par pas de temps : cela correspond à
l’approximation markovienne. Dans ce cas, les opérateurs aR/L (t) vérifient des relations de commutation
particulièrement simples. Tout d’abord les modes L et les modes R commutent entre eux mais en plus,
les modes à des temps différents commutent aussi entre eux. La seule relation de commutation non
triviale est donnée par :
h
i
aα (t), a†α0 (t0 ) = δα,α0 δ(t − t0 ) .
(2.2)
10
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
z=0
z
a(ω), a† (ω)
c, c†
Figure 2.1 – L’environnement du qubit est constitué par une ligne de transmission couplée à son
extrémité au qubit. Le couplage prends alors la forme de Jaynes Cummings (voir équation 2.3d).
En conséquence, cela signifie qu’à chaque instant, la ligne de transmission apparait cinématiquement
comme un oscillateur harmonique quantique. Bien entendu, d’un point de vue dynamique, même en
l’absence de couplage au qubit (ligne isolée), ces oscillateurs sont couplés : l’information se propage le
long de la ligne.
2.1.2
Qubit et ligne de transmission
On va maintenant considérer le couplage entre le qubit et la ligne de transmission. En fait, on se
place dans le régime où l’on peut éliminer la cavité de manière adiabatique, c’est-à-dire que le taux
de fuite de la cavité est grand devant le couplage entre la cavité et le qubit. En d’autres termes, la
cavité est presque transparente : on a un couplage effectif entre le système à deux niveaux et la ligne
de transmission qui s’écrit alors de manière locale (z = 0).
On note c (respectivement c† ) l’opérateur de descente (resp. de montée) du qubit et a(ω) = aR (ω)+
aL (ω). Le hamiltonien de couplage entre le qubit et la ligne de transmission est le hamiltonien de
Jaynes-Cummings [15] :
H = HS + HL + HSL
(2.3a)
†
(2.3b)
HS = ~ωeg c c
Z
HL = ~ ωa† (ω)a(ω)dω
Z dω
HSL = ~
g(ω)a(ω)c† + g ∗ (ω)a† (ω)c √ .
2π
(2.3c)
(2.3d)
Afin de simplifier les choses, on va supposer que le couplage à l’environnement est markovien. En
d’autres termes, cela signifie que le couplage est local en temps : g(ω) est donc constant. Cela se
justifie par le fait que le qubit émet dans une gamme de fréquence resserrée, proche de sa fréquence de
résonnance. Il est alors raisonnable de supposer que le couplage varie peu sur cette plage de fréquence, ce
√
qui justifie les approximations markoviennes. On pose alors g(ω) = i γ, où γ est le taux de relaxation
du qubit, le facteur i étant fixé par convention, cela étant permis par la symétrie de phase sur les
opérateurs d’échelle du qubit. On se place alors en schéma d’interaction, de manière à réabsorber
l’évolution libre de la ligne et du qubit. Le hamiltonien d’interaction prend alors une forme très simple
en fonction des opérateurs temporels de la ligne et de l’opérateur c(t) = eiωeg t c :
√ (2.4)
HI (t) = i~ γ a(t)† c(t) − a(t)c† (t)
Examinons maintenant ce qui se passe lors de l’interaction qubit–ligne. Lorsque la ligne est à température nulle, à chaque instant, un oscillateur harmonique local en temps interagit avec le qubit (voir
figure 2.2). À la suite de cette interaction, on a la formation d’un état intriqué entre cet oscillateur
harmonique et le qubit. Le qubit a donc imprimé une information dans son environnement électromagnétique de manière locale en temps. En mesurant chaque oscillateur local en temps, on peut ainsi
espérer accéder à la dynamique du qubit conditionnée au signal expérimental enregistré.
11
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
t
t + dt
Oscillateur dans l’état vide
Nouvel état intriqué
État intriqué
t
x
Qubit
Figure 2.2 – A l’approximation Markovienne, au fil du temps, le qubit s’intrique avec tous les
oscillateurs locaux en temps avec lesquels il a interagi par le passé.
2.2
Différents dispositifs de mesure
On peut maintenant décrire la dynamique du qubit conditionnée à différents schémas de mesures
effectuées dans l’environnement. Nous allons commencer par la mesure du nombre de photons qui
correspond à une photodétection résolue en temps. Puis nous considérerons deux autres cas plus proches
des mesures effectuées par l’équipe de Benjamin Huard et qui sont des mesures de tension électrique.
2.2.1
Comptage de photon
Afin de décrire la dynamique pour une mesure du nombre de photon, il faut développer l’opérateur
d’évolution en schéma d’interaction :
√ 1
UI (t, t + dt) = exp
γdt
(2.5)
HI (t)dt = exp a† (t)c(t) − a(t)c† (t)
i~
En appliquant les règles du calcul stochastique d’Itô 1 , on peut développer cet opérateur d’évolution
au premier ordre. Cela nous donne l’évolution suivante, où |ψ(t)i est l’état du qubit :
p
√
γdt †
|ψ(t)i ⊗ |0t i → 1 −
c c(t) |ψ(t)i ⊗|0t i + γdtc(t)|ψ(t)i ⊗ dta† (t)|0t i
(2.6)
|
{z
}
2
{z
}
|
|ψ(t+dt,n(t)=1)i
|ψ(t+dt,n(t)=0)i
Si on effectue une mesure du nombre de photon n(t) résolue en temps, les deux états suivants sont
possibles :
– Si on ne mesure pas de photon à l’instant t (n(t) = 0), on a alors l’état |ψ(t + dt, n(t) = 0)i.
– Si on mesure un photon à l’instant t (n(t) = 1), on a l’état |ψ(t + dt, n(t) = 1)i.
Il faut noter que l’état |ψ(t + dt, n(t))i n’est pas normé. Sa norme au carré correspond à la probabilité d’obtenir le résultat n(t). On parle donc d’état joint, par analogie aux probabilités jointes. Si
l’on considère l’état normé correspondant, que l’on note |ψ(t + dt|n(t))i, on parle d’état conditionné.
A partir de là, il est possible d’établir une équation différentielle stochastique pour l’état joint à
l’historique de mesure n(t) :
p
γdt †
|ψ(t + dt, [n])i = 1 −
c c(t) + n(t)
γdtc(t) − 1 |ψ(t, [n])i
(2.7)
2
où n(t) ∈ {0, 1} est une variable aléatoire stochastique dont la probabilité dépend de l’état du qubit à
l’instant t :
P n(t) = 0 |ψ(t)i = 1 − γdt hc† (t)c(t)i|ψ(t)i
P n(t) = 1 |ψ(t)i = γdthc† (t)c(t)i|ψ(t)i
(2.8)
1. En pratique, il s’agit de faire attention à l’ordre temporel des opérateurs et d’appliquer une règle subtile pour
diviser par zéro : [a(t), a† (t)] = δ(0) = 1/dt.
12
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
On peut alors s’intéresser à l’émission spontannée du qubit : le qubit initialement dans l’état
excité se désexcite à l’instant t en émettant un photon. C’est ce que l’on voit sur les simulations (voir
figure 2.3).
1
0.5
hσ z i
0
-0.5
-1
-1
-0.5
-0.5
0
hσ x i 0.5 1 -1
1
0.5
0 hσ y i
1
0.5
0
1
0.5
0
-0.5
-1
n(t)
hσ x i
hσ y i
hσ z i
0
0.5
1
1.5
2
2.5
t
3
3.5
4
4.5
5
Figure 2.3 – Trajectoire associée au comptage des photons : la partie gauche montre l’état du qubit
dans la représentation de la sphère de Bloch. La partie droite montre le signal mesuré et l’évolution
du qubit via les trois observables σ x , σ y et σ z .
2.2.2
Mesure de la tension
Une autre possibilité consiste à mesurer la tention à chaque instant. La quantité mesurée est alors
proportionnelle à la quadrature x de l’oscillateur au temps t. Pour trouver l’évolution conditionnée à une
mesure de la tension, il suffit d’exprimer les états de la ligne de transmission dans la base
√ orthogonale
√
associée à cette mesure. On note |xt i les états propres de l’opérateur x̂t = (a + a† ) dt/ 2. Il faut
alors décomposer l’état vide et l’état à un photon sur cette base ce qui donne :
Z
√ †
√ Z
|0t i = hxt |0t i|xt idxt
dta (t)|0t i = 2 hxt |0t i|xt ix(t)dxt
(2.9)
Le produit scalaire hxt |0t i n’est rien d’autre que la fonction d’onde de l’état vide de l’oscillateur
harmonique. Il s’agit donc d’une gaussienne centrée en zéro, dont la largeur est déterminée par les
relations de commutation. Cette gaussienne reflète les fluctuations de la tension dans l’état vide de la
ligne de transmission. Si l’on décompose l’état de la ligne de transmission sur cette base, on obtient
alors l’équation de Schrödinger stochastique suivante :
p
1 −x(t)2 /2
γdt †
|ψ(t + dt, [x])i = 1 e
1−
c c(t) + 2γdt c(t)x(t) |ψ(t, [x])i
(2.10)
2
π4
On déduit de cette équation la probabilité de tirer un certain x(t) à l’instant t, conditionnée à l’état
|ψ(t)i :

!2 
r
1
γdt
P x(t)|ψ(t)i = √ exp − x −
hc + c† i 
(2.11)
2
π
Cette probabilité est donc une gaussienne décentrée de façon proportionnelle à hσ x i. Notons que les
fluctuations du signal mesuré reflètent les fluctuation de l’état vide de la ligne de transmission.
Pour cette observable, les trajectoires suivies par le qubit lors d’une émission spontannée sont plus
complexes que dans le cas du comptage de photon (voir figure 2.4). En effet, on observe un mouvement
diffusif avec apparition de cohérences (hσ x,y (t)i =
6 0) le long de la trajectoire. Cela s’explique par le
fait que la trajectoire suivie par le qubit est continue, contrairement au cas du comptage de photon,
à cause de la forme radicalement différente de l’équation décrivant la dynamique. On doit donc passer
continûment de l’état excité à l’état fondamental, ce qui ne peut se faire qu’en générant des cohérences.
13
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
1
3
0
-3
1
0.5
0
-0.5
-1
0.5
hσ z i
0
-0.5
-1
-1
-1 -0.5
-0.5
0
x
0
hσ y i 0.5 1 1 0.5 hσ i
x(t)
hσ x i
hσ y i
hσ z i
0
0.5
1
1.5
2
2.5
t
3
3.5
4
4.5
5
Figure 2.4 – Trajectoire en quadrature : la partie gauche montre la trajectoire quantique suivie par
le qubit sur la sphère de Bloch. La partie gauche représente le signal expérimental au cours du temps
t 7→ x(t) ainsi que la position du qubit en coordonnées hσ x,y,z (t)i.
2.2.3
Mesure des deux quadratures
On va maintenant s’intéresser à une situation plus proche de la situation expérimentale. En effet,
dans les expériences de B. Huard, les deux quadratures du champ sont mesurées simultanément. Cela
peut se modéliser par la mesure de la tension en sortie de chaque bras d’une lame séparatrice (voir
figure 2.5). En effet, classiquement, si on envoie une onde en entrée de la lame, les ondes en sortie sont
en quadrature de phase. Évidemment, cela implique qu’il y a un bruit sur les mesures, afin de satisfaire
le principe d’Heisenberg. Ce bruit provient des fluctuations du vide venant de l’autre entrée de la lame
séparatrice.
xβ (t)
xα (t)
a(t), a† (t)
ĉ, ĉ†
b(t)
b† (t)
T =0K
Figure 2.5 – Mesure des deux quadratures : le signal que l’on souhaite observer est envoyé sur une
lame semi-réfléchissante où il se mélange aux fluctuations du vide. On détecte une quadrature sur
chaque voie de sortie afin de récupérer de l’information sur les deux quadratures de a(t) en entrée.
En fait, on peut fabriquer une variable complexe à partir des deux mesures de tension xα et xβ ,
qui va représenter les deux quadratures. On considère la combinaison linéaire suivante :
√ S(t) = xα (t) − ixβ (t) = dt a(t) − ib† (t)
(2.12)
S(t) permet une mesure de a(t) plus une fluctuation venant du vide en entrée de la voie b de la lame
séparatrice. C’est la présence de cette seconde voie qui évite de violer les inégalités de Heisenberg sur
les deux quadratures de a(t).
Par un raisonnement analogue à celui présenté précédemment, on peut alors établir une équation
de Schrödinger stochastique conditionnée cette fois à la mesure de l’observable S(t) :
p
1 −|S|2 /2
γdt †
∗
1−
c c(t) + γdtS (t)c(t) |ψ(t, [S])i
(2.13)
|ψ(t + dt, [S])i = √ e
2
π
14
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
Benjamin Roussel
où S(t) joue le rôle de variable stochastique dont la densité de probabilité associée dépend de l’état
|ψ(t)i du système :
2 1
p
P S(t)|ψ(t)i = exp − S(t) − γdthci
.
(2.14)
π
La moyenne de S(t) est donc proportionnelle à hci. Une fois de plus, les fluctations sont d’origine
quantique et viennent de chacune des voies d’entrée de la lame séparatrice.
Dans ce schéma de détection, on peut également ajouter un amplificateur idéal quantique avant la
lame séparatrice. J’ai montré que cela ne change pas la dynamique (voir annexe B).
15
Partie 3
Effacement de Landauer pour un système
quantique
3.1
Retour sur le principe de Landauer
L’effacement d’un qubit présente quelques différences avec l’équivalent classique : ici le système
considéré est un système à deux niveaux quantiques dont on contrôle le hamiltonien. Ce système est
couplé à un environnement, ce qui va introduire de la dissipation. Nous allons maintenant présenter le
protocole d’effacement quantique puis discuter d’une définition des quantités thermodynamiques que
sont le travail et la chaleur par analogie avec ce qui se fait classiquement.
3.1.1
Effacement d’un qubit
Pour effacer un qubit, on va considérer le protocole suivant (voir figure 3.1) : Tout d’abord, à
l’instant initial, l’écart entre les niveaux est nul. L’interaction avec le bain thermique crée alors un état
d’entropie maximale pour le qubit : les deux niveaux dégénérés sont peuplés de manière équiprobable.
L’opérateur extérieur augmente alors l’écart entre les deux niveaux d’énergie de façon suffisamment
lente pour que l’équilibre thermodynamique soit atteint à chaque pas de temps. À l’instant final,
l’énergie du qubit est grande devant l’énergie associée au bain. Le qubit finit donc dans l’état |0i, et
on a réalisé un effacement. Ici c’est le bain qui est responsable des effets dissipatifs.
~ωeg (t)
kB T
T
0
|0i
|1i
ti
|0i
ti
|1i
tf
t
tf
Figure 3.1 – Effacement de Landauer pour un qubit : partant d’un système à deux niveaux dégénérés,
on lève progressivement un des niveaux pour qu’il se dépeuple sous l’effet du couplage au réservoir
thermique.
On peut alors étudier le comportement suivi en moyenne par le qubit. Pour cela, une description
en terme d’ensemble statistique est nécessaire et nous décrivons un tel ensemble par les probabilités
d’occupation pe (gt) et pg (t) des deux niveaux du qubit. À l’équilibre thermodynamique, le rapport des
probabilités pe (t)/pg (t) est donné par la loi de Boltzmann et l’état instantané de l’ensemble statistique
16
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
est donné par la matrice densité :
1
ρ(t) =
eβ~ωeg (t) +1
0
0
!
1
e−β~ωeg (t) +1
(3.1)
Cependant, l’état ρ(t) caractérise un ensemble statistique qui décrit la dynamique moyenne du
qubit. Or nous souhaitons ici discuter de la dynamique d’une réalisation unique. Pour cela, les concepts
introduits dans la partie précédentes sont directement pertinents. L’état quantique d’une réalisation
unique du système est alors donné par une équation de Schrödinger stochastique dont la forme dépend
des mesures effectuées dans l’environnement du système. Nous allons maintenant voir comment définir
les quantités thermodynamiques telles que le travail ou la chaleur ou encore l’energie interne pour une
telle trajectoire quantique.
3.1.2
Définition des quantités thermodynamiques
Pour définir les quantités thermodynamiques à l’échelle de la réalisation unique, on procéde par
analogie avec la thermodynamique classique. Notons |ψ(t|[x])i l’état du système conditionné à l’historique de mesure t 7→ x(t). On définit alors la variation d’énergie comme étant la différence d’énergie
entre l’état final et l’état initial.
∆U [x] = hH(tf )i|ψ(tf |[x])i − hH(ti )i|ψ(ti |[x])i .
(3.2)
On voit d’ores et déjà une différence avec le cas classique : cette valeur moyenne quantique ne correspond
à une quantité effectivement mesurée que si on part d’un état propre du hamiltonien H(ti ) et que l’on
arrive à la fin du protocole expérimental sur un état propre du hamiltonien H(tf ).
Pour bien comprendre comment obtenir la distribution statistique de ∆U , il faut donc partir des
différents états propres de H(ti ) et calculer l’évolution du système jusqu’au temps tf . On regarde alors
l’histogramme des résultats de mesures de H(tf ) pour chacun de ces états initiaux et on les pondère
par leurs probabilités initiales. Donc la distribution de probabilité du changement d’énergie est donnée
par :
X
Prob (∆U = E) =
hεni (ti )|ρ(ti )|εni (ti )i Prob (ni , ti 7→ nf , tf ) δ(E − εnf (tf ) + εni (ti ))
(3.3)
ni ,nf
où |εn (t)i est l’état propre de H(t) avec énergie εn (t). Cette distribution de probabilité ne dépend pas
des mesures effectuées dans l’environnement. On peut obtenir les probabilités de transition Prob (ni , ti 7→ nf , tf )
soit en résolvant une équation pilote pour l’opérateur densité du système avec comme condition initiale
les projecteurs sur les états propres de H(ti ) soit en simulant des trajectoires qui partent des états
propres de H(ti ).
Par analogie avec le cas classique, nous allons exprimer cette variation comme la somme de deux
termes : ∆U [x] = W [x] + Q[x] avec :
Z tf
W [x] =
h∂t H(t)i|ψ(t|[x])i dt
(3.4a)
ti
tf
Z
Q[x] =
ψ(t|[x]) H(t) ∂t ψ(t|[x]) + h.c. dt
(3.4b)
ti
Le terme 3.4a provient de la variation explicite du hamiltonien au cours du temps. On peut le comprendre comme le changement des niveaux d’énergie induit par l’opérateur extérieur, d’où l’identification formelle à un travail. Le terme 3.4b provient du changement de l’état le long de la trajectoire.
Intuitivement, on peut le comprendre comme la contribution venant du réarrangement des populations
(et des cohérences) sur les différents niveaux d’énergie. On l’identifie donc formellement à une chaleur.
D’un point de vue purement formel, cette décomposition constitue la généralisation naturelle des
définitions classiques de travail et de chaleur que l’on utilise en mécanique statistique classique. De plus,
17
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
un observateur qui, par ses mesures effectuées dans l’environnement du système, pourrait reconstruire la
trajectoire quantique t 7→ |ψ(t|[x])i, pourrait calculer ces quantités à partir des données expérimentales.
C’est d’ailleurs la transposition de ce qui est fait dans l’expérience d’effacement d’une mémoire classique
menée au laboratoire de Physique de l’ENS Lyon : en accédant à la position de la particule au moyen
d’une mesure optique, on calcule le travail et la chaleur. Cependant, dans le cas présent, rien n’indique
sur les formules précédentes que les quantités que nous avons définies correspondent à des flux d’énergie
observables au niveau du système seul. Pour approfondir cette question liée à l’interprétation physique
de W [x] et Q[x], nous avons donc étudié la distribution statistique de ces deux quantités.
En premier lieu, notons que le travail moyenné sur l’ensemble des trajectoires quantiques s’exprime
très simplement comme :
Z tf
Z tf
W =
tr (ρ(t)∂t H) dt = ~
pe (t)ω̇eg (t)dt
(3.5)
ti
ti
Dans le cas où l’équilibre thermodynamique est réalisé à chaque instant, on retrouve donc la borne de
Landauer : W = kB T ln 2.
3.2
Distribution du travail pour différentes dynamiques
Comme nous l’avons vu, à l’échelle de la trajectoire unique, la dynamique change radicalement
selon les mesures effectuées dans l’environnement. Le choix de différentes mesures donne différentes
équations de Schrödinger stochastiques qui redonnent la même évolution pour l’opérateur densité
décrivant l’ensemble statistique des systèmes.
Nous avons donc étudié les distributions du travail pour différentes dynamiques stochastiques quantiques afin de déterminer l’influence du processus d’observation du système sur la distribution de cette
grandeur. Nous avons considéré deux dynamiques stochastiques simples qui reproduisent la même
évolution au niveau de l’ensemble statistique.
3.2.1
Dynamique de sauts quantiques
On va s’intéresser ici au cas où l’on verrait que le bain fait “sauter” le qubit, soit vers le haut, soit
vers le bas. Une telle dynamique pourrait être obtenue dans un régime de couplage faible entre le bain
et le qubit en observant les émissions ou les absorptions de quantas d’énergie entre le bain et le qubit.
√
Pour décrire cette dynamique quantique stochastique, on introduit les opérateurs de sauts L+ =
√
κ+ c† et L− = κ− c avec
κ− = (nT + 1)κ
κ+ = nT κ
nT =
1
eβ~ωeg
−1
(3.6)
où κ est le couplage entre le bain thermique et le qubit et nT est le nombre moyen de photons à
température T et à fréquence ωeg .
Pour décrire la dynamique du qubit, on se place cette fois en schéma de Schrödinger. L’évolution
du bain et du qubit est décrite à chaque instant par :
κdt
(nT + c† c) |ψ(t)i ⊗ |0iB
(3.7a)
|ψ(t)i ⊗ |0iB → 1 − iωeg (t)dt −
2
p
(3.7b)
+ κ+ dtc† |ψ(t)i ⊗ |+iB
p
+ κ− dtc|ψ(t)i ⊗ |−iB
(3.7c)
18
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
On a donc trois évolutions possibles, conditionnées à la détection d’une transition ou non du qubit via
l’observation du bain :
κdt
†
|ψ(t + dt, B = 0)i = 1 − iωeg (t)dt −
(nT + c c) |ψi
(3.8a)
2
p
|ψ(t + dt, B = +)i = κ+ dtc† |ψi
(3.8b)
p
(3.8c)
|ψ(t + dt, B = −)i = κ− dtc|ψi
où la norme de l’état donne la probabilité du saut.
À l’aide de simulations numériques, on peut donc déterminer la distribution de W [x] lors d’un
processus d’effacement dans une dynamique de sauts. Ce résultat est montré sur la figure 3.2 à gauche.
3.2.2
Dynamique diffusive
On va ici s’intéresser à une dynamique diffusive : les mesures sont associées à deux variables aléatoires continues, x+ (t) et x− (t), gaussiennes et indépendantes. La dynamique est donnée par l’équation
de Schrödinger stochastique suivante :
x+ (t)2 +x− (t)2 1
κdt
4
|ψ(t + dt, [x+ ], [x− ])i = √ e−
1 − iωeg (t)dt −
(nT + c† c)
(3.9)
2
2π
p
p
+ κ+ dtx+ (t)c† + κ− dtx− (t)c |ψ(t, [x+ ], [x− ])i
où x+ (t) et x− (t) sont des variables gaussiennes réelles, de variance unité et dont la moyenne dépend
de l’état du qubit.
De nouveau, avec des simulations numériques on peut tracer l’histogramme de la distribution
de probabilité de W [x]. Ce résultat est présenté sur la figure 3.2, à droite. On s’aperçoit que cette
distribution dépend de la dynamique stochastique quantique. Cela signifie que le travail tel que défini
par l’équation 3.4a est une quantité contextuelle : elle ne dépend pas uniquement du système et de son
interaction avec l’environnement, mais également de ce qu’on mesure dans l’environnement !
Distribution du travail
pour une dynamique diffusive
6
6
4
4
P (W )
P (W )
Distribution du travail
pour une dynamique de saut
2
0
0.2
0.4
0.6
0.8
W
1
1.2
2
0
0.2
1.4
0.4
0.6
0.8
W
1
1.2
1.4
Figure 3.2 – Distribution du travail pour différentes observables. À gauche, dans le cas où la
dynamique est une dynamique de saut, à droite dans le cas d’une dynamique diffusive. Les paramètres sont adimensionnés : kB T /~κ = 1, κ2 ω̇eg = 0.05. Dans le régime, le travail moyen vaut
W = (0.70 ± 0.02)kB T , qui est proche de la borne de Landauer. La courbe verte correspond à la
loi log-normale la plus proche des données.
3.2.3
Discussion
Le résultat présenté ici montre que les définitions de W [x] et de Q[x] posent un problème conceptuel
profond : ces quantités ne sont pas intrinsèques au système et à son couplage à son environnement mais
19
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
Benjamin Roussel
dépendent des mesures effectuées dans l’environnement. Cette contextualité trouve son origine au coeur
de la mécanique quantique, à savoir dans les correlations quantiques entre le système et son environnement qui entrainent que les trajectoires quantiques n’ont pas de réalité objective indépendantes du
processus d’observation indirect du système au travers des mesures effectuées dans son environnement.
Dit autrement, ce qu’on observe détermine et affecte l’état du système qui est nécessairement relatif
aux résultats des mesures que l’on effectue [6].
Nous avons posé plus haut la question de savoir si W [x] et Q[x] pouvaient être identifiés à des flux
d’énergies entre le système et un opérateur ou entre le système et son environnement (bain thermique).
En fait, il n’en est probablement rien en général. Il n’est pas possible d’associer W et Q à des quantités
intrinsèques au système, c’est à dire que l’on pourrait obtenir au moyen de mesures effectuées sur le
système seul.
En effet, si cela était le cas, alors en utilisant un grand nombre de dispositifs identiques, on pourrait
utiliser l’information véhiculée par la différence des histogrammes de W [x] pour deux schéma de mesure
différents pour transférer des messages instantanément. Imaginons en effet que Alice, qui est située près
du système, dispose d’un moyen de mesurer W [x] et que le choix de la mesure dans l’environnement soit
effectué par Bob, qui est séparé par Alice par un intervalle de genre espace. Si Alice et Bob disposent
d’un grand nombre de réalisations de l’expérience en parallèle, et que Bob code un bit classique au
travers du choix uniforme de la mesure effectuée dans l’environnement de toutes les réalisations, alors
Alice serait informée de ce choix plus rapidement que par un signal électromagnétique. En conséquence,
la conclusion qui s’impose est qu’Alice ne peut mesurer cette quantité W [x]. Elle pourrait l’estimer si
Bob lui communique l’information classique nécessaire pour reconstruire la trajectoire quantique mais
ce n’est pas une mesure effectuée sur le système seul !
Là réside une différence essentielle avec les formules classiques 1.2a–1.2c présentées précédemment.
En classique, on sait que la donnée de la position permet de reconstruire un flux d’énergie physique.
Si on effectuait une calorimétrie ultra-précise du fluide de manière à mesurer l’énergie dissipée par les
forces de frictions on trouverait évidemment la chaleur donnée par 1.2c et elle ne dépend en rien du
fait que l’on ait observé la position de la particule ou sa vitesse.
Dans le cas quantique que nous avons étudié, on voit bien que la distribution statistique de W [x]
dépend de ce qu’on observe : on dit que c’est une quantité contextuelle. Et donc, comme toutes les
quantités contextuelles en mécanique quantique, W et Q ne sont accessible qu’au travers de mesures
non locales, c’est à dire effectuées sur l’ensemble système + environnement 1 .
1. Il faut connaitre l’état initial du système pour remonter à la trajectoire grace aux mesures effectuées dans l’environnement.
20
Conclusion
Durant ce stage de M2, j’ai travaillé sur la dynamique des petits systèmes quantiques ouverts
qui sont observés via des mesures effectuées dans leur environnement. Dans le cas de mesures non
ambiguës, il est possible d’associer un état quantique bien défini à une réalisation du système. Cet état
est conditionné aux résultats des mesures dans l’environnement et son évolution au cours du temps est
appelée une trajectoire quantique.
La première partie de mon travail de stage a donc constitué à décrire ces trajectoires pour les
expériences menées par B. Huard au laboratoire Pierre Aigrain. Ces expériences consistent à observer le
champ électromagnétique quantique émis par un qubit supraconducteur placé dans une cavité. J’ai pris
en compte la chaine d’amplification et de mesure placée en sortie de cavité et modélisé les trajectoires
quantiques sous l’hypothèse d’une détection idéale. Une fois la dynamique quantique stochastique
déterminée, j’ai implémenté un outil numérique permettant de simuler cette dynamique efficacement.
Ensuite, j’ai étudié des quantités définies pour chaque trajectoire quantique par analogie avec le
travail et la chaleur en mécanique statistique. Au moyen de simulations numériques, j’ai pu déterminer
leur distribution de probabilité et montrer que celles-ci dépendent des mesures effectuées dans l’environnement. Ceci montre que ces quantités sont contextuelles : elles se rapportent pas uniquement au
système et à son couplage à l’environnement, mais également à la façon dont on effectue les mesures sur
cet environnement. Mais cela implique que, contrairement au cas classique, ces définitions ne peuvent
être associées au système seul. En fait, de manière générique, elles ne correspondent pas à des flux
d’énergie entre le système et son environnement. On voit là apparaitre une différence essentielle avec
la thermodynamique stochastique classique.
Ce dernier point essentiel provient du fait que les quantités non mesurées n’ont pas de sens en
mécanique quantique. Ainsi, les grandeurs thermodynamiques, telles que le travail et la chaleur, n’ont
de sens en tant que flux d’énergie que si les-dits flux sont mesurés par le dispositif expérimental.
Deux perspectives claires s’ouvrent alors : tout d’abord, il est naturel de rechercher un schéma
expérimental illustrant ce point sans ambiguïté, de la même façon que le test des inégalités de Bell
a montré qu’on ne pouvait assigner de valeur à des observables non mesurées. Ensuite, il est naturel
d’étudier des situations où le flux d’énergie est effectivement mesuré. On peut par exemple effectuer une
calorimétrie du réservoir thermique ou bien délivrer de l’énergie au système au moyen d’une batterie
quantique, c’est-à-dire d’un dispositif fournissant de l’énergie de façon ordonnée (photon par photon).
La difficulté pratique est que de telles expériences impliquent des mesures d’énergie avant et après.
Or, le principe d’incertitude de Heisenberg en temps/énergie nous dit que de telles mesures ne sont
pas instantanées. Il nous faut donc raffiner la notion de trajectoire quantique en conditionnant l’état
du système à des quantités intégrées dans le temps. Pour cela, nous sommes en train de développer
une approche des trajectoires quantiques totalement générale basée sur l’intégrale de chemin. De plus,
cette approche devrait permettre de comprendre plus aisément la limite classique et donc comment le
lien avec la thermodynamique stochastique classique se fait.
21
Annexe A
La ligne de transmission
On va d’abord décrire la ligne de transmission, modélisée par un câble coaxial sans perte. Ici, on
va partir de la description classique et quantifier le tout afin d’obtenir notre modèle d’environnement
quantique. Comme nous allons le voir, cela revient à écrire une théorie des champs 1D, dont l’équation
du mouvement est l’équation de Klein-Gordon à masse nulle.
Les deux variables auxquelles on va s’intéresser pour décrire la ligne sont les champs q(z, t) et
i(z, t), qui sont respectivement la densité de charge linéique et le courant. Dans le modèle classique, on
associe à la ligne une capacité ainsi qu’une inductance linéiques, L et C. Les équations du mouvement
pour les champs sont alors :
1 2
1 2
2
2
∂ − ∂z q(z, t) = 0
∂ − ∂z i(z, t) = 0
(A.1)
v2 t
v2 t
√
où v = 1/pLC est la vitesse de propagation. Une autre grandeur importante est la résistance de
la ligne, R = L/C.
Afin de quantifier ces champs, on écrit l’action en terme des champs i et q :
(
R
Z
Emag = 12 Li2 (z, t) dz
R 2
(A.2)
S = (Emag − Eélec ) dt avec
dz
Eélec = 12 q (z,t)
C
Les champs i et q étant contraints, on change de variable pour utiliser le champ Qt (z) qui est l’accumulation de charge entre −∞ et z :
Z z
Qt (z) =
q(z 0 , t)dz 0
(A.3)
−∞
On a alors :
i(z, t) = −∂t Qt (z)
q(z, t) = ∂z Qt (z)
L’action devient :
Z Z 1
1
vR
1
2
2
2
2
S=
(∂t Q) − (∂z Q) dzdt
L (∂t Q) − (∂z Q) dzdt =
2
C
2
v2
(A.4)
(A.5)
ce qui est l’action de Klein-Gordon à masse nulle pour un boson scalaire (L = ∂µ ϕ∂ µ ϕ).
Q étant un champ bosonique, car quadratique en fermions, on suit exactement la même procédure
de quantification que pour le boson scalaire : On va décomposer le champ en série de Fourier, résoudre
les équations du mouvement et utiliser les relations de commutations canoniques pour se ramener à
des variables normales. On écrira ensuite le hamiltonien du système.
On écrit donc :
Z
dω dk
Qt (z) = Q̃(k, ω)e−i(ωt−kz)
(A.6)
2π 2π
22
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
en utilisant l’équation d’onde ainsi que le fait que Qt est réel, on obtient :
Q̃(k, ω) = −2iπδ(ω 2 − k 2 v 2 )α(k, ω) = −
2iπ
(δ(ω − |k|v)α(k) − δ(ω + |k|v)α∗ (−k))
2|ω|
où l’on a fixé la phase de α(k) de manière à ce que V (k) soit proportionnel à α(k) + α∗ (k).
En posant ω(k) = |k|v, on obtient :
Z
dk
1 Qt (z) = −i
α(k)e−i(ω(k)t−kz) − α∗ (k)ei(ω(k)t−kz)
2ω(k)
2π
(A.7)
(A.8)
On veut maintenant calculer les relations de commutations des opérateurs α et α† . Pour cela, il est
nécessaire de déterminer Πt (z), le moment conjugué de Qt (z) :
Πt (z) =
δS
R
= L∂t Qt = ∂t Qt
δ(∂t Qt )
v
(A.9)
On a alors :
[Qt (z), Πt (z 0 )] = i~δ(z − z 0 )
v
[Qt (z), ∂t Qt (z 0 )] = i~ δ(z − z 0 )
R
On peut alors réexprimer α(k) en fonction de Qt et ∂t Qt
Z
α(k)e−iω(k)t = (ω(k)Qt (z) + i∂t Qt (z))eikz dz
(A.10)
(A.11)
On calcule ainsi aisément le commutateur
entre α et α† . On se ramener à des variables normales a
p
†
et a avec la transformation α(k) = 4π~ω(k)v/Ra(k). On a les relations de commutation suivantes :
[a(k), a(k 0 )] = 0
Et le champ s’écrit alors :
r
Qt (z) = −i
~v
4πR
[a† (k), a† (k 0 )] = 0
Z [a(k), a† (k 0 )] = δ(k − k 0 )
(A.12)
dk
a(k)e−i(ω(k)t−kz) − a† (k)ei(ω(k)t−kz) p
ω(k)
(A.13)
On va découper cela en opérateurs aR (resp. aL ) qui correspondent aux k > 0 (resp. aux k < 0),
et donc aux modes qui se propagent vers la droite (resp. vers la gauche). On pose :
aR (k) = a(k) k > 0
aL (k) = −a(−k) k > 0
(A.14)
†
†
aR (k) = a (k) k > 0
a†L (k) = −a† (−k) k > 0
L’origine du signe pour aL , bien que peu claire pour la charge accumulée se comprend aisément sur
la densité de charge et sur le courant, comme nous allons le voir. Ces opérateurs ont les relations de
commutation non nulles suivantes :
[aα (k), a†α0 (k 0 )] = δαα0 δ(k − k 0 ) avec α, α0 ∈ {L, R}
On décompose alors Qt (z) en modes L et R, avec Qt (z) = QR (z − vt) − QL (z + vt) où
r
Z ∞
dk
~
aR (k)eikz − a†R (k)e−ikz √
QR (z) = −i
4πR 0
k
r
Z ∞
~
dk
QL (z) = −i
aL (k)e−ikz − a†L (k)eikz √
4πR 0
k
23
(A.15)
(A.16)
(A.17)
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
Benjamin Roussel
Si, de plus, on suppose que les états sont résonnants autour d’une fréquence ω0 , on peut prolonger
les opérateurs aR/L , et on a :
r
Z +∞ ~v
†
ikz
−ikz
QR (z) = −i
aR (k)e − aR (k)e
dk
(A.18)
4πRω0 −∞
r
Z +∞ ~v
QL (z) = −i
aL (k)e−ikz − a†L (k)eikz dk
(A.19)
4πRω0 −∞
Dans le cadre de cette approximation, on peut écrire les champs i(z, t) et V (z, t) = q(z, t)/C. On
a:
i(z, t) = iR (z − vt) − iL (z + vt)
(A.20)
avec
r
iR (z) =
r
iL (z) =
~vω0
4πR
Z aR (k)eikz + a†R (k)e−ikz dk
(A.21)
~vω0
4πR
Z aL (k)e−ikz + a†L (k)eikz dk
(A.22)
Et pour V (z, t) :
V (z, t) = VR (z − vt) + VL (z + vt)
(A.23)
avec
r
VR (z) =
r
VL (z) =
~Rω0 v
4π
Z aR (k)eikz + a†R (k)e−ikz dk
(A.24)
~Rω0 v
4π
Z aL (k)e−ikz + a†L (k)eikz dk
(A.25)
On va maintenant établir l’expression du hamiltonien classique. On la déduit à partir du formalisme
lagrangien via :
Z
Z v
1
2
2
Hc = (Πt ∂t Qt − L)dz =
(Πt ) + R(∂z Q) dz
(A.26)
2
R
où L est la densité lagrangienne.
Il suffit alors de réinjecter nos expressions de Πt et Qt , puis de prendre l’ordre normal pour en
déduire le hamiltonien quantique :
Z
Z ∞ †
H = ~ ω(k)a (k)a(k)dk = ~v
k a†R (k)aR (k) + a†L (k)aL (k) dk
(A.27)
0
Si l’on s’intéresse à l’aspect temporel, le détecteur étant fixe (on négligera la phase introduite par
sa position sur la ligne), il est judicieux de passer à des opérateurs en fréquence.
Pour cela, et afin de satisfaire les bonnes relations de commutation, on note :
1
aR/L (ω) = √ aR/L (k)
v
(A.28)
On introduit l’opérateur aR/L (t), qui est la transformée de Fourier des opérateurs en fréquence :
Z ∞
dω
aR/L (t) =
aR/L (ω)e−iωt √
(A.29)
2π
0
Le qubit va avoir tendance à rayonner à sa fréquence propre, généralement grande devant les autres
fréquences caractéristiques. On peut donc étendre nos opérateurs aR/L (ω) aux fréquences négatives,
de façon à ce que la seule relation de commutation non nulle pour les opérateurs en temps soit :
[aα (t), a†α0 (t0 )] = δαα0 δ(t − t0 )
24
(A.30)
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
Benjamin Roussel
Dans le cas où le qubit rayonne à une fréquence étroite, on peut utiliser les approximations que
l’on a faites sur la ligne de transmission pour exprimer la tension en terme des opérateurs aR/L (t) et
a†R/L (t) :
r
Z dω
aR/L (ω)e−iωt + a†R/L (ω)eiωt √
2π
r
p
~Rω0
(aR/L (t) + a†R/L (t)) = ~Rω0 xR/L (t)
VR/L (t) =
2
√
où xR/L (t) = (aR/L (t) + a†R/L (t))/ 2.
VR/L (t) =
~Rω0
2
25
(A.31)
(A.32)
Annexe B
Amplificateur quantique
On va voir dans ce chapitre que l’introduction d’un amplificateur quantique ne modifie pas la
dynamique pour une mesure des deux quadratures.
B.1
États de sortie
On va considérer maintenant les états qui sortent d’un amplificateur quantique. Il s’agit d’un composant à quatre ports, deux ports d’entrée a et b, ainsi que deux ports de sortie α et β. L’amplificateur
réalise, entre les voies d’entrée et de sortie la transformation suivante :
√
√
α
a
g
g−1
√
√
=
(B.1)
g−1
g
β†
b†
√
qui est une transformation de Bogoliubov de paramètre r, tel que cosh r = g, g étant le gain de
l’amplificateur.
On va considérer que la voie b est reliée à un réservoir à température nulle. Le but va être de
pouvoir ensuite relier l’amplificateur au système qubit–ligne. Il est donc nécessaire d’exprimer ce que
donnent les états |00iab et a† |00iab en sortie de l’amplificateur.
Pour étudier l’état de sortie lorsque chacune des voies d’entrée contient le vide, on décompose l’état
de sortie |vi sur la base des états de Fock :
X
|vi =
vi,j |i, ji
(B.2)
i,j
Et on se sert des relations a|00iab = b|00iab = 0. Cela donne
q
g−1 † †
1 X g − 1 n/2
1
α β
|vi = √
|n, niαβ = √ e g
|0, 0iαβ
g n
g
g
(B.3)
Toutefois, la voie β n’est a priori pas observée. On obtient au final la matrice densité suivante :
1X g−1 n
ρ|vi =
|nihn|
(B.4)
g n
g
Cela revient à dire que ce qui sort de la voie α de l’amplificateur est un état thermique avec :
kB T =
~ω
∼ ~ωg
g
g1
ln g−1
(B.5)
On va maintenant s’intéresser au cas de l’état a† |00iab en entrée de l’amplificateur. En fait, cela
revient à créer une excitation sur l’état |vi :
1
a† |0, 0iab → √ α† |vi
g
26
(B.6)
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
On peut alors exprimer la matrice densité de ce “photon thermique”
ρα† |vi
B.2
1 X g − 1 n−1
n|nihn|
= 2
g n
g
(B.7)
Trajectoires
On va maintenant regarder ce que cela donne en terme de trajectoires. Pour cela, on distingue trois
régions :
0. La région en entrée de l’amplificateur, caractérisée par les modes a0 (sortie du qubit), d0 (réservoir
à T = 0 de l’amplificateur) et f0 (réservoir à T = 0 du beamsplitter).
1. La région entre l’amplificateur et le beamsplitter, caractérisée par les modes a1 (sortie “signal”
de l’amplificateur), d1 (sortie “idle” de l’amplificateur), et f1 = f0 (entrée du beamsplitter).
2. La région en sortie du beamsplitter, caractérisée par les modes α (sortie par transmission de a1 ),
β (sortie par réflexion de a1 ) et d2 = d1 (sortie “idle” de l’amplificateur).
xβ (t)
d1 , d2
β
Gain g
a0
c
α
a1
xα (t)
f0 , f1
d0
T =0K
T =0K
Nous allons maintenant regarder ce qu’il en est pour les opérateurs temporels dont les relations de
commutation sont des δ de Dirac. En sortie du qubit, l’environnement est caractérisé par deux états :
(
|E0 i = |0ia0 ⊗ |0id0 ⊗ |0if0
√
|ψ(t)i ⊗ |E0 i → (U0 |ψ(t)i) ⊗ |E0 i + (U1 |ψ(t)i) ⊗ |E1 i
avec
|E1 i = dta†0 |0ia0 ⊗ |0id0 ⊗ |0if0
(B.8)
B.2.1
État à 0 photon
Pour calculer ce que cela donne en sortie, on va faire franchir chacun des composants aux états |E0 i
et |E1 i. Commençons par |E0 i, qui est le plus simple. Dans la région 1, cet état va s’écrire :
r
g−1 † †
1
d1 a1 |0, 0, 0i1
(B.9)
|E0 i = √ exp dt
g
g
Pour exprimer cet état dans la région 0, il suffit de réexprimer l’opérateur a1 en terme des opérateurs
α et β, le vide étant invariant :
r
1
g−1 † †
†
d α + iβ
|E0 i = √ exp dt
|0, 0, 0i2
(B.10)
g
2g 2
Pour simplifier autant que possible l’expression, afin de se ramener dans la base |xα , xβ iαβ , on va
exprimer le mode d2 dans la base des états cohérents. On commence par redéfinir les états cohérents
pour un continuum de modes comme :
√
dtd(t)|δi = δ|δi
(B.11)
27
Benjamin Roussel
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
L’expression d’un état cohérent en terme d’opérateurs de création sur le vide prend alors la forme
suivante :
√
2
†
|δi = e−|δ| /2 e dtδd (t) |0i
(B.12)
On se sert ensuite de l’identité suivante :
Z 2
d δ
|δihδ|
1=
π
d2 δ = d<(δ)d=(δ)
(B.13)
On trouve alors :
r
√ ∗ g−1 †
d2 δ
†
|0, 0iαβ |δid2
hδ|0i exp
dtδ
α + iβ
π
2g
p
Pour plus de simplicité, on pose η(δ) = δ ∗ (g − 1)/2g.
On a :
Z 2
1
d δ
2
|E0 i = √
hδ|0ie|η| |η, iηiαβ |δid2
g
π
Z
(B.14)
(B.15)
Ou encore, dans la base |Siαβ = |xα , xβ iαβ :
1
|E0 i = √
g
d2 δ 2
2
d Shδ|0ie|η| hS|η, iηi|Siαβ |δid2
π
Z
(B.16)
On va ensuite exprimer le produit scalaire hx|ηi. Pour cela, on décompose les états cohérents sur
la base des états de Fock, et on utilise le fait que le produit scalaire hx|ni est de la forme :
hx|ni = √
1 − x2
1
2 H (x)
n
1 e
2n n! π 4
(B.17)
Et on utilise l’égalité suivante :
X tn
n!
n
On obtient :
hx|ηi =
1
1
π4
Ou encore :
Hn (x) = exp(−t2 + 2tx)
−|η|2 /2
e
√
1 2
2
exp − (η + x − 2 2xη)
2
(B.18)
|S|2 √
1
2
∗
hS|η, iηi = √ e−|η| e− 2 e 2S η
π
L’état de l’environnement s’exprime alors en terme du signal complexe S = xα − ixβ :
Z 2
1
d δ 2 − |δ|2 − |S|2 √2S ∗ η
|E0 i = √
d Se 2 e 2 e
|Siαβ |δid2
πg
π
Une fois qu’on a une telle intégrale, on va utiliser la formule :
Z
π
2
d2 ze−a|z| eαz̄ eβz = eαβ/a
a
On trouve alors que l’état de l’environnement s’écrit :
r
Z
g−1 ∗
1
2
−|S|2 /2g
|E0 i = √
d Se
|Siαβ ⊗ S
πg
g
d2
28
(B.19)
(B.20)
(B.21)
(B.22)
(B.23)
Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques
B.2.2
Benjamin Roussel
État à 1 photon
On effectue les mêmes manœuvres pour l’état |E1 i. Cela donne l’état suivant, en sortie du beamsplitter :
Z 2
√
†
†
1
d δ
|E1 i = √
hδ|0i α† + iβ † eη dt(α +iβ ) |0, 0iαβ |δid2
(B.24)
π
2g
√
On va ici utiliser le fait que α† = 2xα − α, ainsi que la formule B.11, ce qui nous permet d’aboutir
à:
Z 2
1
d δ 2
2
|E1 i =
d S hδ|0ie|η| S ∗ hxα , xβ |η, iηi|Siαβ |δid2
(B.25)
g
π
Ou encore, une fois enlevés les produits scalaires :
Z 2
1
d δ 2 S ∗ − |δ|2 − |S|2 √2S ∗ η
|Siαβ |δid2
|E1 i = √
d S√ e 2 e 2 e
πg
π
g
(B.26)
Et quand on intègre :
1
|E1 i = √
πg
B.2.3
Z
r
g−1 ∗
S ∗ −|S|2 /2g
d S√ e
|Siαβ ⊗ S
g
g
d2
2
(B.27)
Trajectoires
Maintenant qu’on a grandement simplifié le problème, on peut décrire les trajectoires pour le qubit :
s
!
r
Z
g−1 ∗
1
γdt †
γdt ∗
2
−|S|2 /2g
|Ψ(t + dt)i = √
d Se
c c(t) +
S c(t) |ψ(t)i ⊗ |Siαβ ⊗ S
1−
πg
2
g
g
(B.28)
On obtient alors :
p
1 −|S|2 dt/2g
γdt †
S∗
|ψ(t + dt, S)i = √ e
1−
c c(t) + γdt √ c(t) |ψ(t)i
(B.29)
πg
2
g
On en déduit :
1 −|S|2 /g
e
P (S|ψ(t)) =
πg
s
1+
!
2 !
p
S
1
γdt ∗
†
hS c(t) + Sc (t)i =
exp − √ − γdthci
g
πg
g
(B.30)
Dans ce schéma de mesure, l’amplificateur conserve exactement la même dynamique. Au chan√
gement de variable S → gS près, on a la même équation de Schrödinger stochastique que sans
amplificateur.
29
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