Master Sciences de la matière École Normale Supérieure de Lyon Université Claude Bernard Lyon I Stage 2013–2014 Benjamin Roussel M2 Physique Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques Résumé : Durant mon stage, j’ai modélisé les expériences d’électrodynamique sur circuit menées par Benjamin Huard : j’ai décrit la dynamique stochastique quantique du système, en présence de mesures effectuées dans son environnement, selon différents schémas de détection. J’ai, par la suite, traité le cas d’un système en interaction avec un bain thermique et forcé par un opérateur extérieur (effacement de Landauer). En définissant des quantités thermodynamiques analogues au travail et à la chaleur dans le cas classique, et en effectuant des simulations numériques, j’ai montré que ces quantités sont contextuelles, c’est à dire dépendent des mesures effectuées dans l’environnement. La principale conclusion de ce stage est que, le domaine quantique, l’identification de quantités analogues au travail et à la chaleur avec des flux d’énergie n’a de sens que lorsque ceux-ci sont effectivement mesurés. Mots clefs : Thermodynamique, cohérences quantiques, électrodynamique en cavité Stage encadré par : Alexia Auffèves [email protected] / tél. (+33) 4 56 38 70 11 Institut Néel (UPR 2940) 25 rue des Martyrs BP 166 38042 Grenoble cedex 9, France http://neel.cnrs.fr 31 juillet 2014 L’immensité du laboratoire. Le bureau au frisbee. La fièvre de l’amplification. Auditions et lassitudes. Résultat, appaisement. Rencontres à Paris. Écriture. Hexapodes. Remerciements Et c’est ainsi que s’achèvent quatre mois de stage. Ces remerciements sont la touche finale, l’épilogue d’une période riche en émotions et en rencontres. Il va être difficile d’être exhaustif, et je prie ceux que je vais sans doute oublier de ne pas en être vexé. La visite à Paris fut captivante et enrichissante, et cela grâce aux expérimentateurs qui ont eu la patience de nous recevoir. Les quelques jours que nous avons passés en P13 étaient un véritable régal, même si parfois en quatre dimensions. Je tiens à remercier Gwendal Fève pour son accueil chaleureux, ainsi qu’Arthur Marguerite, Bernard Plaçais et Jean-Marc Berroir pour les bons moments que nous avons passé. Notre visite chez Benjamin Huard fut également très plaisante, et je l’en remercie, ainsi que Landry Bretheau, Philippe Campagne, Pierre Six, François Mallet et Pierre Rouchon, avec qui les discussions ont été très intéressantes. Un grand merci à Jean-Michel Raimond, qui a pris le temps de nous faire une visite impressionnante du Collège de France et de nous écouter parler de thermodynamique. Merci, enfin, à Clément. Il a eu l’extrême patience, l’extrême gentillesse de me supporter pendant une semaine entière, ainsi que de m’héberger durant quelques jours que j’ai rendu épuisants. J’ai également passé un certain temps au laboratoire de l’ENS Lyon, toujours bien accueilli. Je remercie ceux qui ont été obligé d’entendre mes idées folles, à propos d’aménagement de bureau, de robot hexapodes ou quoi que ce soit d’autre : Patrick Oswald, Antoine Naert, Caroline Crauste, Marius Tanase et sans doute d’autres que j’oublie. Merci à Sylvain Joubaud, Arnaud le Diffon et Michel Fruchart qui m’ont fait répéter l’audition pour l’école doctorale, et qui relèvent sans doute de la première catégorie également. Merci aussi à Étienne et Irénée, avec qui cela a été un plaisir de travailler. Je souhaite remercier Maxime Clusel, qui a rendu le travail agréable par ses encouragements. Il me faut remercier Alexandre, avec qui nous avons partagé lassitudes, inquiétudes et bonheurs, ainsi que quelques parties de babyfoot. Il fait aussi partie des gens les plus méritants pour écouter — et parfois exalter — mes délires créatifs, et ce fut un grand plaisir de les partager avec lui. Évidemment, je ne peux parler du laboratoire de l’ENS Lyon sans citer Pascal Degiovanni, qui va devoir me subir encore pendant trois longues années. Tout comme l’an dernier, je vous recommande sa cuisine. Les discussions y sont parfois folkloriques, mais toujours intéressantes. Je le remercie également pour son implication, parfois à distance, dans le travail qui est présenté dans ce rapport. Nous voilà de retour à Grenoble. Je remercie l’institut Néel pour son hospitalité. Merci à Sven, avec qui j’ai partagé le bureau, et à qui j’ai pu montrer ma nullité à lancer ou rattraper un frisbee. J’ai passé de très bons moments avec les optomécaniciens et je remercie Benjamin et Laure, pour les longues discussions lors de pauses café prolongées, ainsi que Clément avec qui j’ai pu partager mes doutes. Je veux également dire merci aux membres de l’équipe NANO, et tout particulièrement à Gaston et à Cyril. Ils ont su m’aiguiller dans le laboratoire, et répondre à mes questions parfois très bêtes. De même, travailler avec Giovanni a été aussi une expérience très enrichissante. Enfin, je dois mentionner Alexia Auffèves. Travailler sous sa direction a été une expérience très enrichissante, et je la remercie d’avoir écouté mes élucubrations quasi-hystériques sur les amplificateurs et autres choses moins sérieuses. C’est aussi une personne de bon conseil si vous avez besoin d’un restaurant. 2 Table des matières 1 Contexte 1.1 Thermodynamique des systèmes mésoscopiques classiques . . 1.1.1 Principe de Landauer . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.2 Vérification expérimentale du principe de Landauer . . 1.2 Vers la thermodynamique des systèmes quantiques . . . . . . 1.2.1 Trajectoires quantiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2.2 Expériences d’électrodynamique quantique sur circuit 2 Trajectoires dans les expériences d’électrodynamique sur 2.1 Le système et son environnement . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.1 Ligne de transmission . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.2 Qubit et ligne de transmission . . . . . . . . . . . . . 2.2 Différents dispositifs de mesure . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.1 Comptage de photon . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2 Mesure de la tension . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.3 Mesure des deux quadratures . . . . . . . . . . . . . 3 Effacement de Landauer pour un système quantique 3.1 Retour sur le principe de Landauer . . . . . . . . . . . 3.1.1 Effacement d’un qubit . . . . . . . . . . . . . . 3.1.2 Définition des quantités thermodynamiques . . 3.2 Distribution du travail pour différentes dynamiques . . 3.2.1 Dynamique de sauts quantiques . . . . . . . . . 3.2.2 Dynamique diffusive . . . . . . . . . . . . . . . 3.2.3 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 5 5 6 7 7 8 circuit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 10 10 11 12 12 13 14 . . . . . . . 16 16 16 17 18 18 19 19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A La ligne de transmission 22 B Amplificateur quantique B.1 États de sortie . . . . . B.2 Trajectoires . . . . . . . B.2.1 État à 0 photon . B.2.2 État à 1 photon . B.2.3 Trajectoires . . . 26 26 27 27 29 29 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Introduction Ces dernières années, des expériences spectaculaires de manipulation contrôlée d’états quantiques ont été conduites avec des photons en cavité qui interagissent avec des atomes naturel ou artificiels [8, 14]. Dans ces expériences d’électrodynamique quantique en cavité, les états quantiques sont une ressource informationnelle transportée par une à quelques particules qui, par ailleurs, véhiculent de l’énergie. Ces expériences permettent donc d’aborder de manière très concrète les problèmes de “conversion énergie/information” à l’échelle du quantum unique. La thermodynamique stochastique de Seifert et al [11, 12] fournit un cadre théorique adapté à l’étude de ces conversions pour de petits systèmes classiques. L’objectif de mon stage fut de la généraliser pour les systèmes mésoscopiques quantiques. Ce domaine est désormais l’objet d’un intérêt croissant tant sur un plan théorique qu’expérimental. Les problèmes importants sont la définition et l’étude des fluctuations de quantités thermodynamiques comme le travail ou la chaleur échangés avec un opérateur ou un réservoir. Comme nous allons le voir, cette généralisation pose des problèmes conceptuels non triviaux car, en mécanique quantique, n’ont de sens que des grandeurs effectivement mesurées. Discuter de quantités thermodynamiques pour une réalisation unique d’une expérience de manipulation d’états quantiques nécessite donc de disposer d’outils qui permettent effectivement de caractériser l’état d’une réalisation individuelle. Comme dans le cas classique, le système physique auquel on s’intéresse est étudié en effectuant une mesure dans son environnement : dans les expériences de thermodynamique des petits systèmes classiques, on image le mouvement d’une particule colloïdale. Dans le cas, quantique, on effectue également des mesures contrôlées sur le rayonnement électromagnétique émis par le dispositif considéré (ici un nanocircuit supraconducteur) Cependant, à la différence du cas classique, une telle mesure rétroagit sur le système. La théorie des trajectoires quantiques fournit le cadre théorique qui permet de décrire l’évolution de l’état associé à une seule réalisation expérimentale et conditionné à des mesures effectuées dans l’environnement. Elle prend en compte naturellement les correlations quantiques introduites par le couplage entre le système et le dispositif de mesure et donc la rétroaction quantique. C’est un point de départ naturel pour généraliser les travaux de Seifert au domaine quantique. La première partie de mon stage a donc consisté à me familiariser avec ce cadre conceptuel et à dériver les trajectoires quantiques pour une expérience d’électrodynamique en cavité menée par le groupe de Benjamin Huard au laboratoire Pierre Aigrain (ENS Paris) [4]. J’ai en particulier pris en compte les étages d’amplification à la limite quantique qui sont présents dans les expériences et montré que, en l’absence de bruit rajouté, ils ne modifiaient pas fondamentalement les trajectoires quantiques du système étudié. Cette modélisation des trajectoires quantiques pour un qubit en cavité couplé à une chaine de détection m’a ensuite permis d’obtenir au moyen de simulations Monte-Carlo quantique la distribution statistique de quantités définies au niveau de chaque trajectoire quantique par analogie avec la mécanique statistique. La définition de ces quantités généralise formellement les expressions classiques pour le travail et la chaleur au cas quantique. Je discuterai les résultats obtenus en partie 3 : ils montrent qu’il n’est possible de définir travail et chaleur qu’en précisant comment on mesure des flux d’énergie entre le système et les réservoirs avec lesquels il est connecté. C’est ce travail qui prolonge mon stage et qui constituera le début de mon travail de thèse. 4 Partie 1 Contexte 1.1 Thermodynamique des systèmes mésoscopiques classiques Ce stage s’inscrit dans le contexte de la thermodynamique des systèmes mésoscopiques, dans lesquels les fluctations jouent un rôle prépondérant. Cela a beaucoup été étudié pour les systèmes classiques, à la fois d’un point de vue expérimental et d’un point de vue théorique, et une façon adaptée de traiter ces systèmes est de définir les quantités thermodynamiques à l’échelle de la trajectoire microscopique suivie par le système. 1.1.1 Principe de Landauer L’opération d’effacement d’un bit d’information classique illustre très bien les concepts de la thermodynamique des petits systèmes. C’est également une question qui apparaît naturellement en physique de l’information, lorsque l’on cherche à connaître le coût thermodynamique d’un calcul. Ce sujet a suscité un vif intérêt au début des années 80 avec l’espoir de déterminer des limites physiques au calcul. Un résultat important fut obtenu par Landauer et Bennett qui ont montré que les seules opérations coûtant de l’énergie étaient en fait les opérations physiquement irréversibles. De plus, comme il est possible de fabriquer des portes logiques de manière réversible [13, 7], la seule opération véritablement irréversible est en fait l’opération d’effacement d’un bit [1]. 1 0 Figure 1.1 – L’effacement de Landauer consiste à déformer le potentiel du double puits de manière à amener à coup sûr la bille au fond du puits 0. Une manière pertinente de modéliser l’effacement d’un bit d’information consiste à utiliser une particule dans un double puits de potentiel dont les positions de chaque minimum encodent les états logique 0 et 1. On va maintenant modéliser l’effacement d’un bit d’information (voir figure 1.1). La procédure d’effacement est en fait une procédure de remise à zéro. Elle va donc consister à appliquer une force de manière à ce que la particule soit à l’instant final dans le puits 0. De plus, pour que l’information soit réellement effacée, il est nécessaire que l’opérateur extérieur ne prenne pas connaissance de l’état de la bille. Pour cela, il faut que la force appliquée soit indépendante de l’état initial. Étant donné que deux états initiaux différents mènent au même état final, le processus d’effacement est donc dissipatif. On modélise cette dissipation par des échanges de chaleur avec un bain thermique. De façon très générale, on peut se servir des flux d’information pour quantifier les flux d’énergie. En effet, si l’on part d’un état de désordre maximal pour l’état de la mémoire, l’entropie perdue par 5 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques la bille est nécessairement gagnée par le bain thermique. La chaleur dissipée dans le réservoir est alors donnée par la relation de Clausius. Comme les deux puits ont la même énergie, la variation d’énergie au cours d’un effacement est nulle, et en moyenne le travail fourni par l’opérateur est minoré par [9] : W = kB T ln 2 1.1.2 (1.1) Vérification expérimentale du principe de Landauer Bien que le principe de Landauer soit fondamental en physique de l’information, il n’a été testé expérimentalement que très récemment, via les expériences du groupe de Sergio Ciliberto à l’ENS Lyon [2]. Dans ces expériences, une particule colloïdale est piégée dans un double puits de potentiel formé par des pinces optiques. La forme du potentiel est altérée de telle sorte que la bille se retrouve dans le puits de droite à la fin du processus (voir figure 1.2). a 10 5 5 0 c Potential (kT) b 10 −0.5 0 0 0.5 d 10 10 5 5 0 −0.5 0 0 0.5 e 0 0.5 −0.5 0 0.5 f 10 10 5 5 0 −0.5 −0.5 0 0 0.5 Position (μm) −0.5 0 0.5 Position (μm) Figure 1.2 – Potentiel perçu par la bille au cours du temps dans les expériences de [2]. Une bille de colloïde est piégée à l’aide de pinces optiques, qui permettent d’altérer la forme du potentiel perçu par la bille. – Tiré de [2] Il est alors possible de mesurer la position x(t) de la bille au cours du temps. La question est de savoir comment on peut retrouver les quantités thermodynamiques à partir de là. En fait, la connaissance de la trajectoire de la particule colloïdale permet de remonter aux échanges d’énergie entre celle-ci et son environnement. Plus précisément, la variation d’énergie s’exprime comme la somme de deux termes. Le premier (1.2b) vient de la modification du potentiel perçu par la bille au cours du temps, et on identifie cela au travail. Le second terme (1.2c) s’identifie alors à la chaleur via le premier principe, et on peut montrer qu’il s’agit du travail fourni par les forces de friction entre la bille et le fluide. Finalement : ∆U [x] = H(tf , xf ) − H(ti , xi ) Z tf W [x] = ∂t H(t, x(t))dt ti Z tf ∇x H(t, x(t)) Q[x] = ti dx dt dt (1.2a) (1.2b) (1.2c) Ainsi, en mesurant la position de la bille au cours du temps, on peut déduire les grandeurs thermodynamiques pour chaque réalisation expérimentale. Cela nous donne accès non seulement à la valeur 6 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques moyenne de ces quantités, mais également à leur distribution de probabilité. En effet, d’une réalisation à l’autre, la particule subit des collisions aléatoires avec les molécules du fluide et on observe donc un ensemble statistique de trajectoires qui chacune donne lieu à un certain travail, une certaine chaleur et un certain changement d’énergie. Le principe de Landauer est alors vérifié en valeur moyenne mais ces quantités thermodynamiques fluctuent d’une réalisation à l’autre de l’expérience. Le cadre théorique dans lequel les grandeurs thermodynamiques sont définies à l’échelle de la trajectoire unique a été développé ces dernières années, en particulier par U. Seifert [11, 12]. La question que nous avons abordé dans ce stage est celle de l’extension d’une telle approche aux cas de petits systèmes quantiques. 1.2 Vers la thermodynamique des systèmes quantiques Pour étendre les notions de thermodynamique stochastique, nous devons être capable de décrire quantiquement chaque réalisation de l’expérience. Cela peut sembler contraire aux principes de la mécanique quantique car on nous enseigne que l’état d’un système quantique permet de prédire des propriétés statistiques et non pas des propriétés d’une réalisation unique. Mais comme nous allons le voir, il est possible de définir une notion de trajectoire quantique pour une réalisation unique et c’est en fait le concept de départ pour adapter l’édifice conceptuel de la thermodynamique stochastique au cas quantique. 1.2.1 Trajectoires quantiques La notion de trajectoire quantique fut introduite dans les années 1990 par K. Molmer, Y. Castin et J. Dalibard afin de simuler efficacement un système quantique dissipatif [5, 10]. En fait, cet algorithme de simulation est intimement lié à la notion d’intrication quantique. En effet, dès lors qu’un système est couplé à son environnement (voir figure 1.3), des corrélations quantiques entre le système et son environnement apparaissent et, pour cette raison, on ne peut pas associer d’état au système seul. En revanche, si l’on effectue une mesure t 7→ x(t) dans l’environnement, on peut décomposer la partie associée à l’environnement sur la base orthogonale associée à cette mesure et ce de manière non ambiguë. Il devient alors possible d’associer un état au système considéré, état qui est conditionné au résultat de la mesure effectuée dans l’environnement en réécrivant l’état intriqué complet relativement à la base orthonormée associée aux mesures effectuées dans l’environnement : Xp |Ψ(t)iS+E = p[x] |ψ(t|[x])iS ⊗ |[x]iE (1.3) [x] Dans cette réécriture de l’état intriqué, p[x] n’est autre que la probabilité d’effectuer la mesure t 7→ x(t) et |ψ(t|[x])i désigne l’état du système conditionné au résultat de la mesure effectuée dans l’environnement. Cet état quantique conditionné évolue au fur et à mesure que l’on continue d’enregistrer de l’information dans l’environnement (mesures successsives) et la donnée de l’état conditionné en fonction du temps constitue ce qu’on appelle une trajectoire quantique du système conditionnée à un signal dépendant du temps t 7→ x(t). Système Environnement Mesure x(t) Hint Figure 1.3 – Pour pouvoir associer un état quantique bien défini au système, on doit effectuer des mesures non ambiguës dans son environnement. En pratique, on mesure une quantité dépendant du temps t 7→ x(t) qui détermine un vecteur d’état conditionné au fil du temps : c’est ce qu’on appelle une trajectoire quantique. 7 Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques Benjamin Roussel Si, historiquement, les trajectoires quantiques ont été introduites commme un algorithme de calcul, les récents progrès en terme de manipulation et de contrôle d’un état quantique et de son environnement les rendent d’autant plus pertinentes : en effet, dans les expériences d’électrodynamique en cavité ou d’électrodynamique sur circuit récentes, il est possible de suivre la trajectoire d’un système quantique simple au travers de mesures effectuées dans son environnement. Dans un tel contexte, la notion de trajectoire quantique cesse d’être un concept purement théorique pour devenir une notion expérimentalement accessible. C’est ce type d’expérience qui est développé dans le groupe de Benjamin Huard à l’ENS Paris et que nous allons maintenant décrire. 1.2.2 Expériences d’électrodynamique quantique sur circuit Les expériences d’électrodynamique en cavité ont permis d’explorer la physique de l’interaction lumière–matière entre un atome et un mode du champ électromagnétique. Historiquement menées au moyen d’atomes de Rydberg traversant des cavités supraconductrices à très haut facteur de qualité (experiences de S. Haroche à l’ENS Paris [8]), ce domaine a connu une véritable révolution en 2004 lorsque A. Blais et ses collaborateurs ont suggéré d’utiliser des atomes articiciels basés sur des nanostructures supraconductrices couplées à des résonateurs supraconducteurs sur puce [3]. La démonstration expérimentale suivit presque immédiatement [14] ouvrant ainsi le domaine de l’électrodynamique sur circuit. Ces expériences sur puce présentent deux avantages majeurs : d’une part, le temps d’interaction atome/champ n’est pas limité par le temps de transit au travers de la cavité vu que les atomes sont fixes. D’autre part, l’utilisation de circuits intégrés permet d’espérer la conception de dispositifs plus complexes qu’avec des jets atomiques. Pour bien comprendre comment sont conçues ces expériences d’électrodynamique sur circuit, rappelons qu’une caractéristique importante des atomes naturels est que les niveaux ne sont pas équidistants à cause de la non-harmonicité du potentiel coulombien. Cela permet d’adresser une transition bien précise et donc, de traiter l’atome comme un système à deux niveaux lorsqu’il est placé dans une cavité. C’est cette caractéristique que cherchent à reproduire les atomes artificiels. Pour cela, on peut réaliser, sur circuit, un oscillateur anharmonique. En fait, cela est possible grâce au seul composant non linéaire que l’on connaisse, la jonction Josephson. Celle-ci joue le rôle d’inductance non linéaire, et permet de réaliser un oscillateur LC anharmonique qui constitue un atome artificiel. Figure 1.4 – À gauche, la nanostructure qui joue le rôle d’atome artificiel. Il s’agit d’une jonction Josephson munie de deux antennes capacitivement couplées. À droite, la cavité, qui abrite l’atome artificiel en son centre : on aperçoit l’atome qui est la nanostructure supraconductrice gravée sur un substrat isolant (plaque de saphir). Le connecteur que l’on voit en haut permet de lire ou de modifier le champ dans la cavité. Dans les expériences de B. Huard, la jonction Josephson (figure 1.4, à gauche) est placée dans une cavité tridimensionnelle en aluminium ou en cuivre (figure 1.4, à droite). Cette jonction est couplée au champ de la cavité via deux antennes. La cavité est reliée à un câble coaxial via un connecteur, ce qui permet d’injecter ou de récupérer des photons. Ces derniers sont amplifiés puis mesurés grâce à un composant électronique qui permet d’accéder à des informations sur les deux quadratures du champ simultanément (voir figure 1.5). 8 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques Josephson qubit ADC circulator CHIP IN/OUT amplifiers ~ mixer microwave generator for readout Figure 1.5 – Schéma du dispositif expérimental : le qubit Josephson est capacitivement couplé à une ligne de transmission qui permet d’injecter des photons et de capter les photons renvoyés par le dispositif expérimental. Ceux-ci sont amplifiés au moyen d’un amplificateur à la limite quantique, puis rabaissés en fréquence au moyen d’un mixeur micro-ondes, puis de nouveau amplifiés et enfin analysés par une carte d’acquisition travaillant au GHz (ADC). 9 Partie 2 Trajectoires dans les expériences d’électrodynamique sur circuit Dans cette partie, nous allons décrire la dynamique suivie par l’atome artificiel conditionnée à la mesure de différentes observables dans son environnement électromagnétique. 2.1 Le système et son environnement La première étape consiste donc à modéliser l’environnement électromagnétique du qubit supraconducteur. Dans ces expériences, il est couplé au champ électromagnétique quantique par l’intermédiaire d’une cavité dont les modes propres sont couplés aux modes extérieurs par l’intermédiaire d’une ligne de transmission. Dans la limite où la largeur spectrale des modes de la cavité est grande devant la largeur spectrale du qubit, on peut alors éliminer la cavité et tout se passe comme si le qubit était directement couplé aux modes de la ligne de transmission. Même si en principe, nous pourrions nous affranchir de cette approximation, nous allons dans la suite de ce rapport développer une modélisation simple basée sur celle-ci. 2.1.1 Ligne de transmission Dans le régime considéré, l’environnement du qubit est principalement constitué par la ligne de transmission. Celle-ci est modélisée par un câble coaxial sans perte, dont l’état physique est décrit par la tension V (z, t) et le courant i(z, t) en un point z et un instant t donnés. En électrocinétique, un tel câble est décrit par deux ensembles d’oscillateurs harmoniques indépendants de fréquences positives, correspondant aux courants se déplaçant vers la droite et vers la gauche (voir annexe A). Pour chaque fréquence ω > 0, on a donc deux oscillateurs indépendants, dont on note les opérateurs d’annihilation aR (ω) et aL (ω). Néanmoins, cette représentation en fréquence n’est pas bien adaptée pour discuter les observables résolues en temps. Pour cela, on définit : Z ∞ dω aR/L (t) = aR/L (ω)e−iωt √ (2.1) 2π 0 qui n’est rien d’autre que la transformée de Fourier des opérateurs en fréquence. Les relations de commutation des aR/L (t) sont cependant non triviales. Si on suppose que le système émet dans une bande spectrale étroite, bien séparée des basses fréquences, on peut alors étendre l’intégrale 2.1 aux fréquences négatives. On a alors un oscillateur harmonique par pas de temps : cela correspond à l’approximation markovienne. Dans ce cas, les opérateurs aR/L (t) vérifient des relations de commutation particulièrement simples. Tout d’abord les modes L et les modes R commutent entre eux mais en plus, les modes à des temps différents commutent aussi entre eux. La seule relation de commutation non triviale est donnée par : h i aα (t), a†α0 (t0 ) = δα,α0 δ(t − t0 ) . (2.2) 10 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques z=0 z a(ω), a† (ω) c, c† Figure 2.1 – L’environnement du qubit est constitué par une ligne de transmission couplée à son extrémité au qubit. Le couplage prends alors la forme de Jaynes Cummings (voir équation 2.3d). En conséquence, cela signifie qu’à chaque instant, la ligne de transmission apparait cinématiquement comme un oscillateur harmonique quantique. Bien entendu, d’un point de vue dynamique, même en l’absence de couplage au qubit (ligne isolée), ces oscillateurs sont couplés : l’information se propage le long de la ligne. 2.1.2 Qubit et ligne de transmission On va maintenant considérer le couplage entre le qubit et la ligne de transmission. En fait, on se place dans le régime où l’on peut éliminer la cavité de manière adiabatique, c’est-à-dire que le taux de fuite de la cavité est grand devant le couplage entre la cavité et le qubit. En d’autres termes, la cavité est presque transparente : on a un couplage effectif entre le système à deux niveaux et la ligne de transmission qui s’écrit alors de manière locale (z = 0). On note c (respectivement c† ) l’opérateur de descente (resp. de montée) du qubit et a(ω) = aR (ω)+ aL (ω). Le hamiltonien de couplage entre le qubit et la ligne de transmission est le hamiltonien de Jaynes-Cummings [15] : H = HS + HL + HSL (2.3a) † (2.3b) HS = ~ωeg c c Z HL = ~ ωa† (ω)a(ω)dω Z dω HSL = ~ g(ω)a(ω)c† + g ∗ (ω)a† (ω)c √ . 2π (2.3c) (2.3d) Afin de simplifier les choses, on va supposer que le couplage à l’environnement est markovien. En d’autres termes, cela signifie que le couplage est local en temps : g(ω) est donc constant. Cela se justifie par le fait que le qubit émet dans une gamme de fréquence resserrée, proche de sa fréquence de résonnance. Il est alors raisonnable de supposer que le couplage varie peu sur cette plage de fréquence, ce √ qui justifie les approximations markoviennes. On pose alors g(ω) = i γ, où γ est le taux de relaxation du qubit, le facteur i étant fixé par convention, cela étant permis par la symétrie de phase sur les opérateurs d’échelle du qubit. On se place alors en schéma d’interaction, de manière à réabsorber l’évolution libre de la ligne et du qubit. Le hamiltonien d’interaction prend alors une forme très simple en fonction des opérateurs temporels de la ligne et de l’opérateur c(t) = eiωeg t c : √ (2.4) HI (t) = i~ γ a(t)† c(t) − a(t)c† (t) Examinons maintenant ce qui se passe lors de l’interaction qubit–ligne. Lorsque la ligne est à température nulle, à chaque instant, un oscillateur harmonique local en temps interagit avec le qubit (voir figure 2.2). À la suite de cette interaction, on a la formation d’un état intriqué entre cet oscillateur harmonique et le qubit. Le qubit a donc imprimé une information dans son environnement électromagnétique de manière locale en temps. En mesurant chaque oscillateur local en temps, on peut ainsi espérer accéder à la dynamique du qubit conditionnée au signal expérimental enregistré. 11 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques t t + dt Oscillateur dans l’état vide Nouvel état intriqué État intriqué t x Qubit Figure 2.2 – A l’approximation Markovienne, au fil du temps, le qubit s’intrique avec tous les oscillateurs locaux en temps avec lesquels il a interagi par le passé. 2.2 Différents dispositifs de mesure On peut maintenant décrire la dynamique du qubit conditionnée à différents schémas de mesures effectuées dans l’environnement. Nous allons commencer par la mesure du nombre de photons qui correspond à une photodétection résolue en temps. Puis nous considérerons deux autres cas plus proches des mesures effectuées par l’équipe de Benjamin Huard et qui sont des mesures de tension électrique. 2.2.1 Comptage de photon Afin de décrire la dynamique pour une mesure du nombre de photon, il faut développer l’opérateur d’évolution en schéma d’interaction : √ 1 UI (t, t + dt) = exp γdt (2.5) HI (t)dt = exp a† (t)c(t) − a(t)c† (t) i~ En appliquant les règles du calcul stochastique d’Itô 1 , on peut développer cet opérateur d’évolution au premier ordre. Cela nous donne l’évolution suivante, où |ψ(t)i est l’état du qubit : p √ γdt † |ψ(t)i ⊗ |0t i → 1 − c c(t) |ψ(t)i ⊗|0t i + γdtc(t)|ψ(t)i ⊗ dta† (t)|0t i (2.6) | {z } 2 {z } | |ψ(t+dt,n(t)=1)i |ψ(t+dt,n(t)=0)i Si on effectue une mesure du nombre de photon n(t) résolue en temps, les deux états suivants sont possibles : – Si on ne mesure pas de photon à l’instant t (n(t) = 0), on a alors l’état |ψ(t + dt, n(t) = 0)i. – Si on mesure un photon à l’instant t (n(t) = 1), on a l’état |ψ(t + dt, n(t) = 1)i. Il faut noter que l’état |ψ(t + dt, n(t))i n’est pas normé. Sa norme au carré correspond à la probabilité d’obtenir le résultat n(t). On parle donc d’état joint, par analogie aux probabilités jointes. Si l’on considère l’état normé correspondant, que l’on note |ψ(t + dt|n(t))i, on parle d’état conditionné. A partir de là, il est possible d’établir une équation différentielle stochastique pour l’état joint à l’historique de mesure n(t) : p γdt † |ψ(t + dt, [n])i = 1 − c c(t) + n(t) γdtc(t) − 1 |ψ(t, [n])i (2.7) 2 où n(t) ∈ {0, 1} est une variable aléatoire stochastique dont la probabilité dépend de l’état du qubit à l’instant t : P n(t) = 0 |ψ(t)i = 1 − γdt hc† (t)c(t)i|ψ(t)i P n(t) = 1 |ψ(t)i = γdthc† (t)c(t)i|ψ(t)i (2.8) 1. En pratique, il s’agit de faire attention à l’ordre temporel des opérateurs et d’appliquer une règle subtile pour diviser par zéro : [a(t), a† (t)] = δ(0) = 1/dt. 12 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques On peut alors s’intéresser à l’émission spontannée du qubit : le qubit initialement dans l’état excité se désexcite à l’instant t en émettant un photon. C’est ce que l’on voit sur les simulations (voir figure 2.3). 1 0.5 hσ z i 0 -0.5 -1 -1 -0.5 -0.5 0 hσ x i 0.5 1 -1 1 0.5 0 hσ y i 1 0.5 0 1 0.5 0 -0.5 -1 n(t) hσ x i hσ y i hσ z i 0 0.5 1 1.5 2 2.5 t 3 3.5 4 4.5 5 Figure 2.3 – Trajectoire associée au comptage des photons : la partie gauche montre l’état du qubit dans la représentation de la sphère de Bloch. La partie droite montre le signal mesuré et l’évolution du qubit via les trois observables σ x , σ y et σ z . 2.2.2 Mesure de la tension Une autre possibilité consiste à mesurer la tention à chaque instant. La quantité mesurée est alors proportionnelle à la quadrature x de l’oscillateur au temps t. Pour trouver l’évolution conditionnée à une mesure de la tension, il suffit d’exprimer les états de la ligne de transmission dans la base √ orthogonale √ associée à cette mesure. On note |xt i les états propres de l’opérateur x̂t = (a + a† ) dt/ 2. Il faut alors décomposer l’état vide et l’état à un photon sur cette base ce qui donne : Z √ † √ Z |0t i = hxt |0t i|xt idxt dta (t)|0t i = 2 hxt |0t i|xt ix(t)dxt (2.9) Le produit scalaire hxt |0t i n’est rien d’autre que la fonction d’onde de l’état vide de l’oscillateur harmonique. Il s’agit donc d’une gaussienne centrée en zéro, dont la largeur est déterminée par les relations de commutation. Cette gaussienne reflète les fluctuations de la tension dans l’état vide de la ligne de transmission. Si l’on décompose l’état de la ligne de transmission sur cette base, on obtient alors l’équation de Schrödinger stochastique suivante : p 1 −x(t)2 /2 γdt † |ψ(t + dt, [x])i = 1 e 1− c c(t) + 2γdt c(t)x(t) |ψ(t, [x])i (2.10) 2 π4 On déduit de cette équation la probabilité de tirer un certain x(t) à l’instant t, conditionnée à l’état |ψ(t)i : !2 r 1 γdt P x(t)|ψ(t)i = √ exp − x − hc + c† i (2.11) 2 π Cette probabilité est donc une gaussienne décentrée de façon proportionnelle à hσ x i. Notons que les fluctuations du signal mesuré reflètent les fluctuation de l’état vide de la ligne de transmission. Pour cette observable, les trajectoires suivies par le qubit lors d’une émission spontannée sont plus complexes que dans le cas du comptage de photon (voir figure 2.4). En effet, on observe un mouvement diffusif avec apparition de cohérences (hσ x,y (t)i = 6 0) le long de la trajectoire. Cela s’explique par le fait que la trajectoire suivie par le qubit est continue, contrairement au cas du comptage de photon, à cause de la forme radicalement différente de l’équation décrivant la dynamique. On doit donc passer continûment de l’état excité à l’état fondamental, ce qui ne peut se faire qu’en générant des cohérences. 13 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques 1 3 0 -3 1 0.5 0 -0.5 -1 0.5 hσ z i 0 -0.5 -1 -1 -1 -0.5 -0.5 0 x 0 hσ y i 0.5 1 1 0.5 hσ i x(t) hσ x i hσ y i hσ z i 0 0.5 1 1.5 2 2.5 t 3 3.5 4 4.5 5 Figure 2.4 – Trajectoire en quadrature : la partie gauche montre la trajectoire quantique suivie par le qubit sur la sphère de Bloch. La partie gauche représente le signal expérimental au cours du temps t 7→ x(t) ainsi que la position du qubit en coordonnées hσ x,y,z (t)i. 2.2.3 Mesure des deux quadratures On va maintenant s’intéresser à une situation plus proche de la situation expérimentale. En effet, dans les expériences de B. Huard, les deux quadratures du champ sont mesurées simultanément. Cela peut se modéliser par la mesure de la tension en sortie de chaque bras d’une lame séparatrice (voir figure 2.5). En effet, classiquement, si on envoie une onde en entrée de la lame, les ondes en sortie sont en quadrature de phase. Évidemment, cela implique qu’il y a un bruit sur les mesures, afin de satisfaire le principe d’Heisenberg. Ce bruit provient des fluctuations du vide venant de l’autre entrée de la lame séparatrice. xβ (t) xα (t) a(t), a† (t) ĉ, ĉ† b(t) b† (t) T =0K Figure 2.5 – Mesure des deux quadratures : le signal que l’on souhaite observer est envoyé sur une lame semi-réfléchissante où il se mélange aux fluctuations du vide. On détecte une quadrature sur chaque voie de sortie afin de récupérer de l’information sur les deux quadratures de a(t) en entrée. En fait, on peut fabriquer une variable complexe à partir des deux mesures de tension xα et xβ , qui va représenter les deux quadratures. On considère la combinaison linéaire suivante : √ S(t) = xα (t) − ixβ (t) = dt a(t) − ib† (t) (2.12) S(t) permet une mesure de a(t) plus une fluctuation venant du vide en entrée de la voie b de la lame séparatrice. C’est la présence de cette seconde voie qui évite de violer les inégalités de Heisenberg sur les deux quadratures de a(t). Par un raisonnement analogue à celui présenté précédemment, on peut alors établir une équation de Schrödinger stochastique conditionnée cette fois à la mesure de l’observable S(t) : p 1 −|S|2 /2 γdt † ∗ 1− c c(t) + γdtS (t)c(t) |ψ(t, [S])i (2.13) |ψ(t + dt, [S])i = √ e 2 π 14 Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques Benjamin Roussel où S(t) joue le rôle de variable stochastique dont la densité de probabilité associée dépend de l’état |ψ(t)i du système : 2 1 p P S(t)|ψ(t)i = exp − S(t) − γdthci . (2.14) π La moyenne de S(t) est donc proportionnelle à hci. Une fois de plus, les fluctations sont d’origine quantique et viennent de chacune des voies d’entrée de la lame séparatrice. Dans ce schéma de détection, on peut également ajouter un amplificateur idéal quantique avant la lame séparatrice. J’ai montré que cela ne change pas la dynamique (voir annexe B). 15 Partie 3 Effacement de Landauer pour un système quantique 3.1 Retour sur le principe de Landauer L’effacement d’un qubit présente quelques différences avec l’équivalent classique : ici le système considéré est un système à deux niveaux quantiques dont on contrôle le hamiltonien. Ce système est couplé à un environnement, ce qui va introduire de la dissipation. Nous allons maintenant présenter le protocole d’effacement quantique puis discuter d’une définition des quantités thermodynamiques que sont le travail et la chaleur par analogie avec ce qui se fait classiquement. 3.1.1 Effacement d’un qubit Pour effacer un qubit, on va considérer le protocole suivant (voir figure 3.1) : Tout d’abord, à l’instant initial, l’écart entre les niveaux est nul. L’interaction avec le bain thermique crée alors un état d’entropie maximale pour le qubit : les deux niveaux dégénérés sont peuplés de manière équiprobable. L’opérateur extérieur augmente alors l’écart entre les deux niveaux d’énergie de façon suffisamment lente pour que l’équilibre thermodynamique soit atteint à chaque pas de temps. À l’instant final, l’énergie du qubit est grande devant l’énergie associée au bain. Le qubit finit donc dans l’état |0i, et on a réalisé un effacement. Ici c’est le bain qui est responsable des effets dissipatifs. ~ωeg (t) kB T T 0 |0i |1i ti |0i ti |1i tf t tf Figure 3.1 – Effacement de Landauer pour un qubit : partant d’un système à deux niveaux dégénérés, on lève progressivement un des niveaux pour qu’il se dépeuple sous l’effet du couplage au réservoir thermique. On peut alors étudier le comportement suivi en moyenne par le qubit. Pour cela, une description en terme d’ensemble statistique est nécessaire et nous décrivons un tel ensemble par les probabilités d’occupation pe (gt) et pg (t) des deux niveaux du qubit. À l’équilibre thermodynamique, le rapport des probabilités pe (t)/pg (t) est donné par la loi de Boltzmann et l’état instantané de l’ensemble statistique 16 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques est donné par la matrice densité : 1 ρ(t) = eβ~ωeg (t) +1 0 0 ! 1 e−β~ωeg (t) +1 (3.1) Cependant, l’état ρ(t) caractérise un ensemble statistique qui décrit la dynamique moyenne du qubit. Or nous souhaitons ici discuter de la dynamique d’une réalisation unique. Pour cela, les concepts introduits dans la partie précédentes sont directement pertinents. L’état quantique d’une réalisation unique du système est alors donné par une équation de Schrödinger stochastique dont la forme dépend des mesures effectuées dans l’environnement du système. Nous allons maintenant voir comment définir les quantités thermodynamiques telles que le travail ou la chaleur ou encore l’energie interne pour une telle trajectoire quantique. 3.1.2 Définition des quantités thermodynamiques Pour définir les quantités thermodynamiques à l’échelle de la réalisation unique, on procéde par analogie avec la thermodynamique classique. Notons |ψ(t|[x])i l’état du système conditionné à l’historique de mesure t 7→ x(t). On définit alors la variation d’énergie comme étant la différence d’énergie entre l’état final et l’état initial. ∆U [x] = hH(tf )i|ψ(tf |[x])i − hH(ti )i|ψ(ti |[x])i . (3.2) On voit d’ores et déjà une différence avec le cas classique : cette valeur moyenne quantique ne correspond à une quantité effectivement mesurée que si on part d’un état propre du hamiltonien H(ti ) et que l’on arrive à la fin du protocole expérimental sur un état propre du hamiltonien H(tf ). Pour bien comprendre comment obtenir la distribution statistique de ∆U , il faut donc partir des différents états propres de H(ti ) et calculer l’évolution du système jusqu’au temps tf . On regarde alors l’histogramme des résultats de mesures de H(tf ) pour chacun de ces états initiaux et on les pondère par leurs probabilités initiales. Donc la distribution de probabilité du changement d’énergie est donnée par : X Prob (∆U = E) = hεni (ti )|ρ(ti )|εni (ti )i Prob (ni , ti 7→ nf , tf ) δ(E − εnf (tf ) + εni (ti )) (3.3) ni ,nf où |εn (t)i est l’état propre de H(t) avec énergie εn (t). Cette distribution de probabilité ne dépend pas des mesures effectuées dans l’environnement. On peut obtenir les probabilités de transition Prob (ni , ti 7→ nf , tf ) soit en résolvant une équation pilote pour l’opérateur densité du système avec comme condition initiale les projecteurs sur les états propres de H(ti ) soit en simulant des trajectoires qui partent des états propres de H(ti ). Par analogie avec le cas classique, nous allons exprimer cette variation comme la somme de deux termes : ∆U [x] = W [x] + Q[x] avec : Z tf W [x] = h∂t H(t)i|ψ(t|[x])i dt (3.4a) ti tf Z Q[x] = ψ(t|[x]) H(t) ∂t ψ(t|[x]) + h.c. dt (3.4b) ti Le terme 3.4a provient de la variation explicite du hamiltonien au cours du temps. On peut le comprendre comme le changement des niveaux d’énergie induit par l’opérateur extérieur, d’où l’identification formelle à un travail. Le terme 3.4b provient du changement de l’état le long de la trajectoire. Intuitivement, on peut le comprendre comme la contribution venant du réarrangement des populations (et des cohérences) sur les différents niveaux d’énergie. On l’identifie donc formellement à une chaleur. D’un point de vue purement formel, cette décomposition constitue la généralisation naturelle des définitions classiques de travail et de chaleur que l’on utilise en mécanique statistique classique. De plus, 17 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques un observateur qui, par ses mesures effectuées dans l’environnement du système, pourrait reconstruire la trajectoire quantique t 7→ |ψ(t|[x])i, pourrait calculer ces quantités à partir des données expérimentales. C’est d’ailleurs la transposition de ce qui est fait dans l’expérience d’effacement d’une mémoire classique menée au laboratoire de Physique de l’ENS Lyon : en accédant à la position de la particule au moyen d’une mesure optique, on calcule le travail et la chaleur. Cependant, dans le cas présent, rien n’indique sur les formules précédentes que les quantités que nous avons définies correspondent à des flux d’énergie observables au niveau du système seul. Pour approfondir cette question liée à l’interprétation physique de W [x] et Q[x], nous avons donc étudié la distribution statistique de ces deux quantités. En premier lieu, notons que le travail moyenné sur l’ensemble des trajectoires quantiques s’exprime très simplement comme : Z tf Z tf W = tr (ρ(t)∂t H) dt = ~ pe (t)ω̇eg (t)dt (3.5) ti ti Dans le cas où l’équilibre thermodynamique est réalisé à chaque instant, on retrouve donc la borne de Landauer : W = kB T ln 2. 3.2 Distribution du travail pour différentes dynamiques Comme nous l’avons vu, à l’échelle de la trajectoire unique, la dynamique change radicalement selon les mesures effectuées dans l’environnement. Le choix de différentes mesures donne différentes équations de Schrödinger stochastiques qui redonnent la même évolution pour l’opérateur densité décrivant l’ensemble statistique des systèmes. Nous avons donc étudié les distributions du travail pour différentes dynamiques stochastiques quantiques afin de déterminer l’influence du processus d’observation du système sur la distribution de cette grandeur. Nous avons considéré deux dynamiques stochastiques simples qui reproduisent la même évolution au niveau de l’ensemble statistique. 3.2.1 Dynamique de sauts quantiques On va s’intéresser ici au cas où l’on verrait que le bain fait “sauter” le qubit, soit vers le haut, soit vers le bas. Une telle dynamique pourrait être obtenue dans un régime de couplage faible entre le bain et le qubit en observant les émissions ou les absorptions de quantas d’énergie entre le bain et le qubit. √ Pour décrire cette dynamique quantique stochastique, on introduit les opérateurs de sauts L+ = √ κ+ c† et L− = κ− c avec κ− = (nT + 1)κ κ+ = nT κ nT = 1 eβ~ωeg −1 (3.6) où κ est le couplage entre le bain thermique et le qubit et nT est le nombre moyen de photons à température T et à fréquence ωeg . Pour décrire la dynamique du qubit, on se place cette fois en schéma de Schrödinger. L’évolution du bain et du qubit est décrite à chaque instant par : κdt (nT + c† c) |ψ(t)i ⊗ |0iB (3.7a) |ψ(t)i ⊗ |0iB → 1 − iωeg (t)dt − 2 p (3.7b) + κ+ dtc† |ψ(t)i ⊗ |+iB p + κ− dtc|ψ(t)i ⊗ |−iB (3.7c) 18 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques On a donc trois évolutions possibles, conditionnées à la détection d’une transition ou non du qubit via l’observation du bain : κdt † |ψ(t + dt, B = 0)i = 1 − iωeg (t)dt − (nT + c c) |ψi (3.8a) 2 p |ψ(t + dt, B = +)i = κ+ dtc† |ψi (3.8b) p (3.8c) |ψ(t + dt, B = −)i = κ− dtc|ψi où la norme de l’état donne la probabilité du saut. À l’aide de simulations numériques, on peut donc déterminer la distribution de W [x] lors d’un processus d’effacement dans une dynamique de sauts. Ce résultat est montré sur la figure 3.2 à gauche. 3.2.2 Dynamique diffusive On va ici s’intéresser à une dynamique diffusive : les mesures sont associées à deux variables aléatoires continues, x+ (t) et x− (t), gaussiennes et indépendantes. La dynamique est donnée par l’équation de Schrödinger stochastique suivante : x+ (t)2 +x− (t)2 1 κdt 4 |ψ(t + dt, [x+ ], [x− ])i = √ e− 1 − iωeg (t)dt − (nT + c† c) (3.9) 2 2π p p + κ+ dtx+ (t)c† + κ− dtx− (t)c |ψ(t, [x+ ], [x− ])i où x+ (t) et x− (t) sont des variables gaussiennes réelles, de variance unité et dont la moyenne dépend de l’état du qubit. De nouveau, avec des simulations numériques on peut tracer l’histogramme de la distribution de probabilité de W [x]. Ce résultat est présenté sur la figure 3.2, à droite. On s’aperçoit que cette distribution dépend de la dynamique stochastique quantique. Cela signifie que le travail tel que défini par l’équation 3.4a est une quantité contextuelle : elle ne dépend pas uniquement du système et de son interaction avec l’environnement, mais également de ce qu’on mesure dans l’environnement ! Distribution du travail pour une dynamique diffusive 6 6 4 4 P (W ) P (W ) Distribution du travail pour une dynamique de saut 2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 W 1 1.2 2 0 0.2 1.4 0.4 0.6 0.8 W 1 1.2 1.4 Figure 3.2 – Distribution du travail pour différentes observables. À gauche, dans le cas où la dynamique est une dynamique de saut, à droite dans le cas d’une dynamique diffusive. Les paramètres sont adimensionnés : kB T /~κ = 1, κ2 ω̇eg = 0.05. Dans le régime, le travail moyen vaut W = (0.70 ± 0.02)kB T , qui est proche de la borne de Landauer. La courbe verte correspond à la loi log-normale la plus proche des données. 3.2.3 Discussion Le résultat présenté ici montre que les définitions de W [x] et de Q[x] posent un problème conceptuel profond : ces quantités ne sont pas intrinsèques au système et à son couplage à son environnement mais 19 Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques Benjamin Roussel dépendent des mesures effectuées dans l’environnement. Cette contextualité trouve son origine au coeur de la mécanique quantique, à savoir dans les correlations quantiques entre le système et son environnement qui entrainent que les trajectoires quantiques n’ont pas de réalité objective indépendantes du processus d’observation indirect du système au travers des mesures effectuées dans son environnement. Dit autrement, ce qu’on observe détermine et affecte l’état du système qui est nécessairement relatif aux résultats des mesures que l’on effectue [6]. Nous avons posé plus haut la question de savoir si W [x] et Q[x] pouvaient être identifiés à des flux d’énergies entre le système et un opérateur ou entre le système et son environnement (bain thermique). En fait, il n’en est probablement rien en général. Il n’est pas possible d’associer W et Q à des quantités intrinsèques au système, c’est à dire que l’on pourrait obtenir au moyen de mesures effectuées sur le système seul. En effet, si cela était le cas, alors en utilisant un grand nombre de dispositifs identiques, on pourrait utiliser l’information véhiculée par la différence des histogrammes de W [x] pour deux schéma de mesure différents pour transférer des messages instantanément. Imaginons en effet que Alice, qui est située près du système, dispose d’un moyen de mesurer W [x] et que le choix de la mesure dans l’environnement soit effectué par Bob, qui est séparé par Alice par un intervalle de genre espace. Si Alice et Bob disposent d’un grand nombre de réalisations de l’expérience en parallèle, et que Bob code un bit classique au travers du choix uniforme de la mesure effectuée dans l’environnement de toutes les réalisations, alors Alice serait informée de ce choix plus rapidement que par un signal électromagnétique. En conséquence, la conclusion qui s’impose est qu’Alice ne peut mesurer cette quantité W [x]. Elle pourrait l’estimer si Bob lui communique l’information classique nécessaire pour reconstruire la trajectoire quantique mais ce n’est pas une mesure effectuée sur le système seul ! Là réside une différence essentielle avec les formules classiques 1.2a–1.2c présentées précédemment. En classique, on sait que la donnée de la position permet de reconstruire un flux d’énergie physique. Si on effectuait une calorimétrie ultra-précise du fluide de manière à mesurer l’énergie dissipée par les forces de frictions on trouverait évidemment la chaleur donnée par 1.2c et elle ne dépend en rien du fait que l’on ait observé la position de la particule ou sa vitesse. Dans le cas quantique que nous avons étudié, on voit bien que la distribution statistique de W [x] dépend de ce qu’on observe : on dit que c’est une quantité contextuelle. Et donc, comme toutes les quantités contextuelles en mécanique quantique, W et Q ne sont accessible qu’au travers de mesures non locales, c’est à dire effectuées sur l’ensemble système + environnement 1 . 1. Il faut connaitre l’état initial du système pour remonter à la trajectoire grace aux mesures effectuées dans l’environnement. 20 Conclusion Durant ce stage de M2, j’ai travaillé sur la dynamique des petits systèmes quantiques ouverts qui sont observés via des mesures effectuées dans leur environnement. Dans le cas de mesures non ambiguës, il est possible d’associer un état quantique bien défini à une réalisation du système. Cet état est conditionné aux résultats des mesures dans l’environnement et son évolution au cours du temps est appelée une trajectoire quantique. La première partie de mon travail de stage a donc constitué à décrire ces trajectoires pour les expériences menées par B. Huard au laboratoire Pierre Aigrain. Ces expériences consistent à observer le champ électromagnétique quantique émis par un qubit supraconducteur placé dans une cavité. J’ai pris en compte la chaine d’amplification et de mesure placée en sortie de cavité et modélisé les trajectoires quantiques sous l’hypothèse d’une détection idéale. Une fois la dynamique quantique stochastique déterminée, j’ai implémenté un outil numérique permettant de simuler cette dynamique efficacement. Ensuite, j’ai étudié des quantités définies pour chaque trajectoire quantique par analogie avec le travail et la chaleur en mécanique statistique. Au moyen de simulations numériques, j’ai pu déterminer leur distribution de probabilité et montrer que celles-ci dépendent des mesures effectuées dans l’environnement. Ceci montre que ces quantités sont contextuelles : elles se rapportent pas uniquement au système et à son couplage à l’environnement, mais également à la façon dont on effectue les mesures sur cet environnement. Mais cela implique que, contrairement au cas classique, ces définitions ne peuvent être associées au système seul. En fait, de manière générique, elles ne correspondent pas à des flux d’énergie entre le système et son environnement. On voit là apparaitre une différence essentielle avec la thermodynamique stochastique classique. Ce dernier point essentiel provient du fait que les quantités non mesurées n’ont pas de sens en mécanique quantique. Ainsi, les grandeurs thermodynamiques, telles que le travail et la chaleur, n’ont de sens en tant que flux d’énergie que si les-dits flux sont mesurés par le dispositif expérimental. Deux perspectives claires s’ouvrent alors : tout d’abord, il est naturel de rechercher un schéma expérimental illustrant ce point sans ambiguïté, de la même façon que le test des inégalités de Bell a montré qu’on ne pouvait assigner de valeur à des observables non mesurées. Ensuite, il est naturel d’étudier des situations où le flux d’énergie est effectivement mesuré. On peut par exemple effectuer une calorimétrie du réservoir thermique ou bien délivrer de l’énergie au système au moyen d’une batterie quantique, c’est-à-dire d’un dispositif fournissant de l’énergie de façon ordonnée (photon par photon). La difficulté pratique est que de telles expériences impliquent des mesures d’énergie avant et après. Or, le principe d’incertitude de Heisenberg en temps/énergie nous dit que de telles mesures ne sont pas instantanées. Il nous faut donc raffiner la notion de trajectoire quantique en conditionnant l’état du système à des quantités intégrées dans le temps. Pour cela, nous sommes en train de développer une approche des trajectoires quantiques totalement générale basée sur l’intégrale de chemin. De plus, cette approche devrait permettre de comprendre plus aisément la limite classique et donc comment le lien avec la thermodynamique stochastique classique se fait. 21 Annexe A La ligne de transmission On va d’abord décrire la ligne de transmission, modélisée par un câble coaxial sans perte. Ici, on va partir de la description classique et quantifier le tout afin d’obtenir notre modèle d’environnement quantique. Comme nous allons le voir, cela revient à écrire une théorie des champs 1D, dont l’équation du mouvement est l’équation de Klein-Gordon à masse nulle. Les deux variables auxquelles on va s’intéresser pour décrire la ligne sont les champs q(z, t) et i(z, t), qui sont respectivement la densité de charge linéique et le courant. Dans le modèle classique, on associe à la ligne une capacité ainsi qu’une inductance linéiques, L et C. Les équations du mouvement pour les champs sont alors : 1 2 1 2 2 2 ∂ − ∂z q(z, t) = 0 ∂ − ∂z i(z, t) = 0 (A.1) v2 t v2 t √ où v = 1/pLC est la vitesse de propagation. Une autre grandeur importante est la résistance de la ligne, R = L/C. Afin de quantifier ces champs, on écrit l’action en terme des champs i et q : ( R Z Emag = 12 Li2 (z, t) dz R 2 (A.2) S = (Emag − Eélec ) dt avec dz Eélec = 12 q (z,t) C Les champs i et q étant contraints, on change de variable pour utiliser le champ Qt (z) qui est l’accumulation de charge entre −∞ et z : Z z Qt (z) = q(z 0 , t)dz 0 (A.3) −∞ On a alors : i(z, t) = −∂t Qt (z) q(z, t) = ∂z Qt (z) L’action devient : Z Z 1 1 vR 1 2 2 2 2 S= (∂t Q) − (∂z Q) dzdt L (∂t Q) − (∂z Q) dzdt = 2 C 2 v2 (A.4) (A.5) ce qui est l’action de Klein-Gordon à masse nulle pour un boson scalaire (L = ∂µ ϕ∂ µ ϕ). Q étant un champ bosonique, car quadratique en fermions, on suit exactement la même procédure de quantification que pour le boson scalaire : On va décomposer le champ en série de Fourier, résoudre les équations du mouvement et utiliser les relations de commutations canoniques pour se ramener à des variables normales. On écrira ensuite le hamiltonien du système. On écrit donc : Z dω dk Qt (z) = Q̃(k, ω)e−i(ωt−kz) (A.6) 2π 2π 22 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques en utilisant l’équation d’onde ainsi que le fait que Qt est réel, on obtient : Q̃(k, ω) = −2iπδ(ω 2 − k 2 v 2 )α(k, ω) = − 2iπ (δ(ω − |k|v)α(k) − δ(ω + |k|v)α∗ (−k)) 2|ω| où l’on a fixé la phase de α(k) de manière à ce que V (k) soit proportionnel à α(k) + α∗ (k). En posant ω(k) = |k|v, on obtient : Z dk 1 Qt (z) = −i α(k)e−i(ω(k)t−kz) − α∗ (k)ei(ω(k)t−kz) 2ω(k) 2π (A.7) (A.8) On veut maintenant calculer les relations de commutations des opérateurs α et α† . Pour cela, il est nécessaire de déterminer Πt (z), le moment conjugué de Qt (z) : Πt (z) = δS R = L∂t Qt = ∂t Qt δ(∂t Qt ) v (A.9) On a alors : [Qt (z), Πt (z 0 )] = i~δ(z − z 0 ) v [Qt (z), ∂t Qt (z 0 )] = i~ δ(z − z 0 ) R On peut alors réexprimer α(k) en fonction de Qt et ∂t Qt Z α(k)e−iω(k)t = (ω(k)Qt (z) + i∂t Qt (z))eikz dz (A.10) (A.11) On calcule ainsi aisément le commutateur entre α et α† . On se ramener à des variables normales a p † et a avec la transformation α(k) = 4π~ω(k)v/Ra(k). On a les relations de commutation suivantes : [a(k), a(k 0 )] = 0 Et le champ s’écrit alors : r Qt (z) = −i ~v 4πR [a† (k), a† (k 0 )] = 0 Z [a(k), a† (k 0 )] = δ(k − k 0 ) (A.12) dk a(k)e−i(ω(k)t−kz) − a† (k)ei(ω(k)t−kz) p ω(k) (A.13) On va découper cela en opérateurs aR (resp. aL ) qui correspondent aux k > 0 (resp. aux k < 0), et donc aux modes qui se propagent vers la droite (resp. vers la gauche). On pose : aR (k) = a(k) k > 0 aL (k) = −a(−k) k > 0 (A.14) † † aR (k) = a (k) k > 0 a†L (k) = −a† (−k) k > 0 L’origine du signe pour aL , bien que peu claire pour la charge accumulée se comprend aisément sur la densité de charge et sur le courant, comme nous allons le voir. Ces opérateurs ont les relations de commutation non nulles suivantes : [aα (k), a†α0 (k 0 )] = δαα0 δ(k − k 0 ) avec α, α0 ∈ {L, R} On décompose alors Qt (z) en modes L et R, avec Qt (z) = QR (z − vt) − QL (z + vt) où r Z ∞ dk ~ aR (k)eikz − a†R (k)e−ikz √ QR (z) = −i 4πR 0 k r Z ∞ ~ dk QL (z) = −i aL (k)e−ikz − a†L (k)eikz √ 4πR 0 k 23 (A.15) (A.16) (A.17) Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques Benjamin Roussel Si, de plus, on suppose que les états sont résonnants autour d’une fréquence ω0 , on peut prolonger les opérateurs aR/L , et on a : r Z +∞ ~v † ikz −ikz QR (z) = −i aR (k)e − aR (k)e dk (A.18) 4πRω0 −∞ r Z +∞ ~v QL (z) = −i aL (k)e−ikz − a†L (k)eikz dk (A.19) 4πRω0 −∞ Dans le cadre de cette approximation, on peut écrire les champs i(z, t) et V (z, t) = q(z, t)/C. On a: i(z, t) = iR (z − vt) − iL (z + vt) (A.20) avec r iR (z) = r iL (z) = ~vω0 4πR Z aR (k)eikz + a†R (k)e−ikz dk (A.21) ~vω0 4πR Z aL (k)e−ikz + a†L (k)eikz dk (A.22) Et pour V (z, t) : V (z, t) = VR (z − vt) + VL (z + vt) (A.23) avec r VR (z) = r VL (z) = ~Rω0 v 4π Z aR (k)eikz + a†R (k)e−ikz dk (A.24) ~Rω0 v 4π Z aL (k)e−ikz + a†L (k)eikz dk (A.25) On va maintenant établir l’expression du hamiltonien classique. On la déduit à partir du formalisme lagrangien via : Z Z v 1 2 2 Hc = (Πt ∂t Qt − L)dz = (Πt ) + R(∂z Q) dz (A.26) 2 R où L est la densité lagrangienne. Il suffit alors de réinjecter nos expressions de Πt et Qt , puis de prendre l’ordre normal pour en déduire le hamiltonien quantique : Z Z ∞ † H = ~ ω(k)a (k)a(k)dk = ~v k a†R (k)aR (k) + a†L (k)aL (k) dk (A.27) 0 Si l’on s’intéresse à l’aspect temporel, le détecteur étant fixe (on négligera la phase introduite par sa position sur la ligne), il est judicieux de passer à des opérateurs en fréquence. Pour cela, et afin de satisfaire les bonnes relations de commutation, on note : 1 aR/L (ω) = √ aR/L (k) v (A.28) On introduit l’opérateur aR/L (t), qui est la transformée de Fourier des opérateurs en fréquence : Z ∞ dω aR/L (t) = aR/L (ω)e−iωt √ (A.29) 2π 0 Le qubit va avoir tendance à rayonner à sa fréquence propre, généralement grande devant les autres fréquences caractéristiques. On peut donc étendre nos opérateurs aR/L (ω) aux fréquences négatives, de façon à ce que la seule relation de commutation non nulle pour les opérateurs en temps soit : [aα (t), a†α0 (t0 )] = δαα0 δ(t − t0 ) 24 (A.30) Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques Benjamin Roussel Dans le cas où le qubit rayonne à une fréquence étroite, on peut utiliser les approximations que l’on a faites sur la ligne de transmission pour exprimer la tension en terme des opérateurs aR/L (t) et a†R/L (t) : r Z dω aR/L (ω)e−iωt + a†R/L (ω)eiωt √ 2π r p ~Rω0 (aR/L (t) + a†R/L (t)) = ~Rω0 xR/L (t) VR/L (t) = 2 √ où xR/L (t) = (aR/L (t) + a†R/L (t))/ 2. VR/L (t) = ~Rω0 2 25 (A.31) (A.32) Annexe B Amplificateur quantique On va voir dans ce chapitre que l’introduction d’un amplificateur quantique ne modifie pas la dynamique pour une mesure des deux quadratures. B.1 États de sortie On va considérer maintenant les états qui sortent d’un amplificateur quantique. Il s’agit d’un composant à quatre ports, deux ports d’entrée a et b, ainsi que deux ports de sortie α et β. L’amplificateur réalise, entre les voies d’entrée et de sortie la transformation suivante : √ √ α a g g−1 √ √ = (B.1) g−1 g β† b† √ qui est une transformation de Bogoliubov de paramètre r, tel que cosh r = g, g étant le gain de l’amplificateur. On va considérer que la voie b est reliée à un réservoir à température nulle. Le but va être de pouvoir ensuite relier l’amplificateur au système qubit–ligne. Il est donc nécessaire d’exprimer ce que donnent les états |00iab et a† |00iab en sortie de l’amplificateur. Pour étudier l’état de sortie lorsque chacune des voies d’entrée contient le vide, on décompose l’état de sortie |vi sur la base des états de Fock : X |vi = vi,j |i, ji (B.2) i,j Et on se sert des relations a|00iab = b|00iab = 0. Cela donne q g−1 † † 1 X g − 1 n/2 1 α β |vi = √ |n, niαβ = √ e g |0, 0iαβ g n g g (B.3) Toutefois, la voie β n’est a priori pas observée. On obtient au final la matrice densité suivante : 1X g−1 n ρ|vi = |nihn| (B.4) g n g Cela revient à dire que ce qui sort de la voie α de l’amplificateur est un état thermique avec : kB T = ~ω ∼ ~ωg g g1 ln g−1 (B.5) On va maintenant s’intéresser au cas de l’état a† |00iab en entrée de l’amplificateur. En fait, cela revient à créer une excitation sur l’état |vi : 1 a† |0, 0iab → √ α† |vi g 26 (B.6) Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques On peut alors exprimer la matrice densité de ce “photon thermique” ρα† |vi B.2 1 X g − 1 n−1 n|nihn| = 2 g n g (B.7) Trajectoires On va maintenant regarder ce que cela donne en terme de trajectoires. Pour cela, on distingue trois régions : 0. La région en entrée de l’amplificateur, caractérisée par les modes a0 (sortie du qubit), d0 (réservoir à T = 0 de l’amplificateur) et f0 (réservoir à T = 0 du beamsplitter). 1. La région entre l’amplificateur et le beamsplitter, caractérisée par les modes a1 (sortie “signal” de l’amplificateur), d1 (sortie “idle” de l’amplificateur), et f1 = f0 (entrée du beamsplitter). 2. La région en sortie du beamsplitter, caractérisée par les modes α (sortie par transmission de a1 ), β (sortie par réflexion de a1 ) et d2 = d1 (sortie “idle” de l’amplificateur). xβ (t) d1 , d2 β Gain g a0 c α a1 xα (t) f0 , f1 d0 T =0K T =0K Nous allons maintenant regarder ce qu’il en est pour les opérateurs temporels dont les relations de commutation sont des δ de Dirac. En sortie du qubit, l’environnement est caractérisé par deux états : ( |E0 i = |0ia0 ⊗ |0id0 ⊗ |0if0 √ |ψ(t)i ⊗ |E0 i → (U0 |ψ(t)i) ⊗ |E0 i + (U1 |ψ(t)i) ⊗ |E1 i avec |E1 i = dta†0 |0ia0 ⊗ |0id0 ⊗ |0if0 (B.8) B.2.1 État à 0 photon Pour calculer ce que cela donne en sortie, on va faire franchir chacun des composants aux états |E0 i et |E1 i. Commençons par |E0 i, qui est le plus simple. Dans la région 1, cet état va s’écrire : r g−1 † † 1 d1 a1 |0, 0, 0i1 (B.9) |E0 i = √ exp dt g g Pour exprimer cet état dans la région 0, il suffit de réexprimer l’opérateur a1 en terme des opérateurs α et β, le vide étant invariant : r 1 g−1 † † † d α + iβ |E0 i = √ exp dt |0, 0, 0i2 (B.10) g 2g 2 Pour simplifier autant que possible l’expression, afin de se ramener dans la base |xα , xβ iαβ , on va exprimer le mode d2 dans la base des états cohérents. On commence par redéfinir les états cohérents pour un continuum de modes comme : √ dtd(t)|δi = δ|δi (B.11) 27 Benjamin Roussel Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques L’expression d’un état cohérent en terme d’opérateurs de création sur le vide prend alors la forme suivante : √ 2 † |δi = e−|δ| /2 e dtδd (t) |0i (B.12) On se sert ensuite de l’identité suivante : Z 2 d δ |δihδ| 1= π d2 δ = d<(δ)d=(δ) (B.13) On trouve alors : r √ ∗ g−1 † d2 δ † |0, 0iαβ |δid2 hδ|0i exp dtδ α + iβ π 2g p Pour plus de simplicité, on pose η(δ) = δ ∗ (g − 1)/2g. On a : Z 2 1 d δ 2 |E0 i = √ hδ|0ie|η| |η, iηiαβ |δid2 g π Z (B.14) (B.15) Ou encore, dans la base |Siαβ = |xα , xβ iαβ : 1 |E0 i = √ g d2 δ 2 2 d Shδ|0ie|η| hS|η, iηi|Siαβ |δid2 π Z (B.16) On va ensuite exprimer le produit scalaire hx|ηi. Pour cela, on décompose les états cohérents sur la base des états de Fock, et on utilise le fait que le produit scalaire hx|ni est de la forme : hx|ni = √ 1 − x2 1 2 H (x) n 1 e 2n n! π 4 (B.17) Et on utilise l’égalité suivante : X tn n! n On obtient : hx|ηi = 1 1 π4 Ou encore : Hn (x) = exp(−t2 + 2tx) −|η|2 /2 e √ 1 2 2 exp − (η + x − 2 2xη) 2 (B.18) |S|2 √ 1 2 ∗ hS|η, iηi = √ e−|η| e− 2 e 2S η π L’état de l’environnement s’exprime alors en terme du signal complexe S = xα − ixβ : Z 2 1 d δ 2 − |δ|2 − |S|2 √2S ∗ η |E0 i = √ d Se 2 e 2 e |Siαβ |δid2 πg π Une fois qu’on a une telle intégrale, on va utiliser la formule : Z π 2 d2 ze−a|z| eαz̄ eβz = eαβ/a a On trouve alors que l’état de l’environnement s’écrit : r Z g−1 ∗ 1 2 −|S|2 /2g |E0 i = √ d Se |Siαβ ⊗ S πg g d2 28 (B.19) (B.20) (B.21) (B.22) (B.23) Thermodynamique des systèmes quantiques mésoscopiques B.2.2 Benjamin Roussel État à 1 photon On effectue les mêmes manœuvres pour l’état |E1 i. Cela donne l’état suivant, en sortie du beamsplitter : Z 2 √ † † 1 d δ |E1 i = √ hδ|0i α† + iβ † eη dt(α +iβ ) |0, 0iαβ |δid2 (B.24) π 2g √ On va ici utiliser le fait que α† = 2xα − α, ainsi que la formule B.11, ce qui nous permet d’aboutir à: Z 2 1 d δ 2 2 |E1 i = d S hδ|0ie|η| S ∗ hxα , xβ |η, iηi|Siαβ |δid2 (B.25) g π Ou encore, une fois enlevés les produits scalaires : Z 2 1 d δ 2 S ∗ − |δ|2 − |S|2 √2S ∗ η |Siαβ |δid2 |E1 i = √ d S√ e 2 e 2 e πg π g (B.26) Et quand on intègre : 1 |E1 i = √ πg B.2.3 Z r g−1 ∗ S ∗ −|S|2 /2g d S√ e |Siαβ ⊗ S g g d2 2 (B.27) Trajectoires Maintenant qu’on a grandement simplifié le problème, on peut décrire les trajectoires pour le qubit : s ! r Z g−1 ∗ 1 γdt † γdt ∗ 2 −|S|2 /2g |Ψ(t + dt)i = √ d Se c c(t) + S c(t) |ψ(t)i ⊗ |Siαβ ⊗ S 1− πg 2 g g (B.28) On obtient alors : p 1 −|S|2 dt/2g γdt † S∗ |ψ(t + dt, S)i = √ e 1− c c(t) + γdt √ c(t) |ψ(t)i (B.29) πg 2 g On en déduit : 1 −|S|2 /g e P (S|ψ(t)) = πg s 1+ ! 2 ! p S 1 γdt ∗ † hS c(t) + Sc (t)i = exp − √ − γdthci g πg g (B.30) Dans ce schéma de mesure, l’amplificateur conserve exactement la même dynamique. Au chan√ gement de variable S → gS près, on a la même équation de Schrödinger stochastique que sans amplificateur. 29 Bibliographie [1] C.H. Bennett and R. Landauer. Fundamental physical limits of computation. Scientific American, 285 :48 – 56, July 1985. [2] A. Berut, A. Arakelyan, A. Petrosyan, S. Ciliberto, R. Dillenschneider, and E. Lutz. Experimental verification of Landauer’s principle linking information and thermodynamics. Nature, 483(7388) :187–189, Mar 2012. [3] A. Blais, R.-S. Huang, A. Wallraff, S.M. Girvin, and R.J. Schoelkopf. Cavity quantum electrodynamics for superconducting electrical circuits : an architecture for quantum computation. Phys. Rev. A, 69 :062320, 2004. [4] P. Campagne-Ibarcq, E. Flurin, N. Roch, D. Darson, P. Morfin, M. Mirrahimi, M. H. Devoret, F. Mallet, and B. Huard. Persistent control of a superconducting qubit by stroboscopic measurement feedback. Phys. Rev. X, 3 :021008, May 2013. [5] J. Dalibard, Y. Castin, and K. Molmer. 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