3
Mots clés : Interactions médicaments-pamplemousse, furanocoumarines,
cytochrome p-450
Introduction
Suite aux nombreuses campagnes rappelant les bienfaits d’un petit-déjeuner équi-
libré, le fruit Citrus paradisi Macfad. (Fig. 1), de la famille des Rutaceae et couram-
ment appelé pamplemousse, a été largement intégré dans l’alimentation humaine.
Le pamplemousse est ainsi consommé sous diverses formes, allant du fruit frais
entier au jus de fruit, confiture, jus de fruit lyophilisé, poudre du pamplemousse
entier, extrait de pépins de pamplemousse, extrait de la peau (zeste et peau) [1,2].
Cette large consommation du pamplemousse n’est pas uniquement attribuée à
sa valeur nutritive et son goût particulier mais repose sur une longue tradition
d’usage médicinal. Les résultats de récentes recherches médicales [3] montrent
une série d'effets biologiques associés au pamplemousse, notamment antibac-
tériens [4], antioxydants, anti-inflammatoires et protecteurs contre le cancer [5] et
les maladies cardio-vasculaires [6,7]. Certaines de ces données sont en concor-
dance avec diverses études in vitro qui ont montré une haute capacité des flavo-
noïdes présents dans le pamplemousse (i) à piéger les radicaux libres ; et (ii) à
interagir avec de multiples cibles biologiques, telles que des enzymes oxydatives
et des protéines de signalisation [8,9]. A haute dose, ces flavonoïdes, dont certains
sont également présents dans les oranges et les pommes, peuvent interagir avec
un petit nombre de médicaments via l’inhibition transitoire de certains transpor-
teurs membranaires (OATPs, organic anion-transporting polypeptides) prédispo-
sant à l’échec thérapeutique [10]. Outre les flavonoïdes, le pamplemousse contient
de nombreux autres composés actifs tels que des vitamines, des terpènes et des
furanocoumarines (souvent dénommées furocoumarines). Au début des années 2000,
l’équipe de Guo a clairement démontré le rôle majeur joué par les furanocoumarines dans
l’effet inhibiteur du pamplemousse sur le métabolisme intestinal de nombreux médica-
ments [11]. Les interactions médicaments-pamplemousse, connues depuis la fin des an-
nées 1980, s’expliquent principalement par une inhibition au niveau intestinal de la
sous-famille d’enzymes 3A4 du cytochrome P450 (CYP 3A4). Les CYP 3A4 étant impli-
qués dans le métabolisme de près de 50 % des médicaments, de nombreuses interactions
ont été recensées dont la plupart sont à la base d’effets indésirables souvent graves ob-
servés cliniquement et/ou étayés par des études pharmacocinétiques menées sur volon-
taires bien portants [2]. Cet article, basé sur des publications récentes de la littérature
scientifique, se focalisera sur l'interaction la plus connue et la plus étudiée qui est celle im-
pliquant les enzymes CYP3A4. Quelques exemples d’interactions à haut risque d’effets
indésirables graves seront présentés ainsi que les messages à délivrer aux patients
sous traitement médicamenteux.
Mécanisme d’action des furanocoumarines
Les furanocoumarines sont des agents photosensibilisants dont certains sont utilisés, en
association aux UVA, pour le traitement de problèmes cutanés tels que le psoriasis. Il s’agit
de métabolites secondaires identifiés dans le pamplemousse en quantité majeure dans la
pulpe comparativement à la peau et aux pépins (bergamottine ; bergamottine-6’,7’-
epoxide ; 6’, 7’- dihydroxybergamottine ; paradisine A ; paradisine B ; paradisine C).
RMC 2016-1 - http://www.chu-charleroi.be/RMC/
Interactions médicaments-pamplemousse :
conséquences cliniques et
pharmacocinétiques
Antonelle Pardo1,2 PharmD PhD,
Pierre Duez1PharmD PhD, Martine Generet2PharmD, Serge Sténuit2PharmD
1 Laboratoire de Chimie Thérapeutique et Pharmacognosie, Université de Mons,
Place du Parc 20 - 7000 Mons - Belgique
2Service Pharmacie, Hôpital Civil Marie Curie - CHU de Charleroi,
Chaussée de Bruxelles 140 - 6042 Lodelinsart - Belgique
Fig. 1