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la Revue Médico-Chirurgicale
du CHU de Charleroi
Numéro RMC 2016-1
Contacts : [email protected] - [email protected]
Dans ce numéro :
• Interactions médicaments-pamplemousse :
conséquences cliniques et pharmacocinétiques
Antonelle Pardo, Pierre Duez, Martine Generet, Serge Sténuit
• Interactions médicamenteuses : point sur le
ritonavir/cobicistat et les médicaments utilisés pour
traiter l’asthme et la BPCO.
A.Devillez, M. Generet, S. Sténuit
L’analyse des incidents… Une démarche essentielle
à la qualité des soins infirmiers
Christophe Meert, Sébastien Ninite, Francoise Bardiau
RMC 2016-1- http://www.chu-charleroi.be/RMC/
Éditorial
Nous vous souhaitons une excellente année 2016 ! Que la « Force » soit avec
vous…Nous mettrons d’emblée l’accent sur la SECURITE.
Nous débuterons ce trimestre par de brillants articles de nos pharmaciens. Il est
en effet sans doute peu commun de penser aux interactions médicamenteuses
entre des antiviraux oraux et les bronchodilatateurs utilisés dans l’asthme et la
COPD. Et pourtant, le risque d’arythmies pourrait se trouver décuplé selon le choix
de ces derniers…donc attention !
Les maraichers devront dorénavant mentionner sur leurs sachets : « Le pamplemousse nuit gravement à la santé ».
Mais heureusement nous pouvons compter sur notre équipe d’analyse des
risques qui travaille sans relâche dans notre CHU afin de prévenir les incidents
ou les anticiper.
A vos claviers !
Dr Olivier GILBERT, Rédacteur en Chef de la RMC,
Pneumologue, CHU de Charleroi
Comité de rédaction
2
Rédacteur en Chef
Docteur Olivier Gilbert
Rédacteurs Adjoints
Docteur Guy Bruninx
Docteur Philippe Rondeaux
Responsable Informatique
Docteur André Vandenberghe
Secrétariat
Madame Béatrice Pol
Maquette & mise en page
Monsieur Frédéric Noël
Service communication
Pauline Dehavay
Comité de la Revue
Docteur Sofiane Boulares
Docteur Dany Brohee
Docteur Eric Carlier
Docteur Nabil Daoudi
Docteur Didier Dequanter
Docteur Badih El Nakadi
Docteur Eric Guerin
Docteur Benoit Guillaume
Monsieur Lambert Lesoil
Docteur Thibaut Richard
Monsieur Serge Stenuit
RMC 2016-1 - http://www.chu-charleroi.be/RMC/
Interactions médicaments-pamplemousse :
conséquences cliniques et
pharmacocinétiques
Antonelle Pardo1,2 PharmD PhD,
Pierre Duez1 PharmD PhD, Martine Generet2 PharmD, Serge Sténuit2 PharmD
Laboratoire de Chimie Thérapeutique et Pharmacognosie, Université de Mons,
Place du Parc 20 - 7000 Mons - Belgique
2
Service Pharmacie, Hôpital Civil Marie Curie - CHU de Charleroi,
Chaussée de Bruxelles 140 - 6042 Lodelinsart - Belgique
1
Mots clés : Interactions médicaments-pamplemousse, furanocoumarines,
cytochrome p-450
Introduction
Suite aux nombreuses campagnes rappelant les bienfaits d’un petit-déjeuner équilibré, le fruit Citrus paradisi Macfad. (Fig. 1), de la famille des Rutaceae et couramment appelé pamplemousse, a été largement intégré dans l’alimentation humaine.
Le pamplemousse est ainsi consommé sous diverses formes, allant du fruit frais
entier au jus de fruit, confiture, jus de fruit lyophilisé, poudre du pamplemousse
entier, extrait de pépins de pamplemousse, extrait de la peau (zeste et peau) [1,2].
Cette large consommation du pamplemousse n’est pas uniquement attribuée à
sa valeur nutritive et son goût particulier mais repose sur une longue tradition
d’usage médicinal. Les résultats de récentes recherches médicales [3] montrent
une série d'effets biologiques associés au pamplemousse, notamment antibactériens [4], antioxydants, anti-inflammatoires et protecteurs contre le cancer [5] et
les maladies cardio-vasculaires [6,7]. Certaines de ces données sont en concordance avec diverses études in vitro qui ont montré une haute capacité des flavonoïdes présents dans le pamplemousse (i) à piéger les radicaux libres ; et (ii) à
interagir avec de multiples cibles biologiques, telles que des enzymes oxydatives
et des protéines de signalisation [8,9]. A haute dose, ces flavonoïdes, dont certains
sont également présents dans les oranges et les pommes, peuvent interagir avec
un petit nombre de médicaments via l’inhibition transitoire de certains transporteurs membranaires (OATPs, organic anion-transporting polypeptides) prédisposant à l’échec thérapeutique [10]. Outre les flavonoïdes, le pamplemousse contient
de nombreux autres composés actifs tels que des vitamines, des terpènes et des
furanocoumarines (souvent dénommées furocoumarines). Au début des années 2000,
l’équipe de Guo a clairement démontré le rôle majeur joué par les furanocoumarines dans
l’effet inhibiteur du pamplemousse sur le métabolisme intestinal de nombreux médicaments [11]. Les interactions médicaments-pamplemousse, connues depuis la fin des années 1980, s’expliquent principalement par une inhibition au niveau intestinal de la
sous-famille d’enzymes 3A4 du cytochrome P450 (CYP 3A4). Les CYP 3A4 étant impliqués dans le métabolisme de près de 50 % des médicaments, de nombreuses interactions
ont été recensées dont la plupart sont à la base d’effets indésirables souvent graves observés cliniquement et/ou étayés par des études pharmacocinétiques menées sur volontaires bien portants [2]. Cet article, basé sur des publications récentes de la littérature
scientifique, se focalisera sur l'interaction la plus connue et la plus étudiée qui est celle impliquant les enzymes CYP3A4. Quelques exemples d’interactions à haut risque d’effets
indésirables graves seront présentés ainsi que les messages à délivrer aux patients
sous traitement médicamenteux.
Fig. 1
Mécanisme d’action des furanocoumarines
Les furanocoumarines sont des agents photosensibilisants dont certains sont utilisés, en
association aux UVA, pour le traitement de problèmes cutanés tels que le psoriasis. Il s’agit
de métabolites secondaires identifiés dans le pamplemousse en quantité majeure dans la
pulpe comparativement à la peau et aux pépins (bergamottine ; bergamottine-6’,7’epoxide ; 6’, 7’- dihydroxybergamottine ; paradisine A ; paradisine B ; paradisine C).
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Aucune furanocoumarine n’a été recensée en quantités notables dans la plupart des autres
jus de fruit, suggérant une présence sélective dans le jus de pamplemousse. Cependant,
les oranges de Séville, le citron vert, le pomelo et quelques variétés croisées, ainsi que
d’autres plantes appartenant à la famille des Umbelliferae, Moraceae, et Leguminosae,
contiennent également des furanocoumarines. Une grande partie de ces plantes sont
consommées en tant que boissons, légumes ou plantes médicinales et sont également
susceptibles d’interactions médicamenteuses ; celles-ci semblent cependant moins puissantes que celles observées avec le pamplemousse. En effet, il a été démontré que l’interaction médicaments-pamplemousse est maximale car les différentes furanocoumarines
identifiées dans le pamplemousse agissent en synergie pour inhiber les CYP 3A4 intestinaux, certaines étant des inhibitrices particulièrement puissantes (paradisine A et B) et
d’autres étant présentes en plus grandes quantités (6’, 7’- dihydroxybergamottine et bergamottine) [11]. Pour de nombreux médicaments, l’inhibition enzymatique par les furanocoumarines apparaît dose-dépendante. Ainsi, un pamplemousse entier ou un verre
de jus (200-250 ml) par jour suffit à provoquer une interaction pharmacocinétique
pertinente avec la félodipine et l’effet pharmacocinétique s’accentue lorsque la
consommation augmente à 3 fois par jour [12]. A priori, de telles interactions présentent un développement et une réversibilité rapide (de l'ordre de 24 heures). En ce qui
concerne le pamplemousse cependant, l’inhibition enzymatique des CYP3A4 est dite irréversible car les furanocoumarines sont métabolisées par ces enzymes en réactifs intermédiaires qui se lient de façon covalente au niveau du site actif du cytochrome. Cela aurait
pour conséquence d’accélérer la dégradation des enzymes. Après l’ingestion de pamplemousse, les concentrations en CYP3A4 sont réduites de 47% en 4h et l’effet pharmacocinétique sur les médicaments est maintenu pendant au moins 24h, temps correspondant
à la demi-vie de récupération des enzymes suite à leur inhibition intestinale. L’effet ne
disparaît complètement que 3 jours après la dernière exposition au pamplemousse car il correspond au temps nécessaire pour le renouvellement total de
l’activité CYP3A4 intestinale [10,13].
Plusieurs études ont démontré que l’inhibition des CYP3A4 se focalise principalement au
niveau des entérocytes du petit intestin et du colon. Une inhibition mineure des CYP 3A4
hépatiques ne serait observée que lors d’une consommation chronique de 6 à 8 verres
par jour de jus de pamplemousse [12,13]. Par conséquent, la pharmacocinétique des
médicaments administrés par voie intraveineuse n’est pas affectée par une
consommation de quantités standards de pamplemousse. L’interaction concerne
principalement les médicaments administrés par voie extravasculaire et métabolisés par les CYP3A4. L’inhibition enzymatique intestinale augmente alors le pic de
concentration plasmatique (Cmax) de ces médicaments. Le temps d’élimination est donc
plus long puisque la demi-vie d’élimination n’est pas modifiée. Cela se traduit par une augmentation de l’aire sous la courbe (AUC), paramètre qui traduit l’exposition globale du
corps au médicament. Ces modifications pharmacocinétiques peuvent avoir des
conséquences dangereuses (cf. paragraphe suivant) [1,12,13].
En outre, il a été rapporté que la dihydroxybergamottine est également inhibitrice de l’enzyme CYP 1A2 et la paradisine A des CYP 1A2, 2A6, 2C9, 2C19, 2E1 et 2D6 [11]. Les
médicaments concernés par ces interactions sont notamment l’anagrélide (métabolisé par
le CYP 1A2) et certains antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de recapture de sérotonine
(métabolisés par le CYP 2D6) [2] dont les surdosages impliquent de graves effets indésirables.
Quelques études ont également démontré que certains furanocoumarines et flavonoïdes
présents dans le pamplemousse inhibent la glycoprotéine-P, un transporteur membranaire
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qui expulse de nombreux médicaments des entérocytes, empêchant ainsi leur absorption
intestinale [14-17]. Via cette interaction, une augmentation significative de la biodisponibilité
des médicaments reste à être démontrée avec le jus de pamplemousse. Toutefois, elle
est récemment apparue clairement significative avec le jus de fruit frais lyophilisé en augmentant la biodisponibilité orale du timolol maléate de 70% [15].
Médicaments en interaction avec le pamplemousse
L’importance des interactions médicaments-pamplemousse a récemment été analysée
par le pharmacologue D. Bailey de l’Université de Western Ontario [12]. Cette étude recense 85 médicaments capables d’interagir avec le pamplemousse. Parmi ceux-ci, 43
médicaments présentent une interaction telle qu’elle conduit à l’apparition de sérieux effets
indésirables. Les interactions avec le pamplemousse sont « médicament-spécifiques » et
non « classe-spécifiques » si bien qu’il majore le risque d’effets indésirables (EI) de certains
des médicaments appartenant aux classes suivantes: anticoagulants (EI : hémorragies),
antihypertenseurs antagonistes calciques (EI : hypotension, flush, céphalée), immunosuppresseurs (E I: néphrotoxicité), statines (EI : rhabdomyolyse), médicaments du système
nerveux central (EI : dépressions respiratoires, sédation, troubles mnésiques), antiarythmiques et anticancéreux inhibiteurs de tyrosine kinase (EI : torsades de pointes) [2,3,12].
Un groupe de pharmacologues à l’Hôpital Universitaire d’Helsinki a étudié l’interaction simvastatine-pamplemousse lors de l’ingestion concomitante du médicament (40 mg 1 fois
par jour) et du jus (200 mL 1 fois par jour) pendant 3 jours. Chez les dix sujets testés, le
jus de pamplemousse augmente considérablement les concentrations plasmatiques de
simvastatine, son AUC (de 3,6 fois) et sa Cmax (de 3,9 fois) [18]. Ces modifications sont
effectivement doses-dépendantes c'est-à-dire qu’elles s’accentuent lors de l’augmentation
de la dose, de la fréquence et/ou de la durée d’ingestion du jus. En 2004, un cas de rhabdomyolyse survenu après 10 jours de consommation concomitante a été rapporté [19].
Si l’élimination du pamplemousse de l’alimentation apparaît comme la solution
la plus simple pour éviter le risque d’interaction avec les médicaments, il pourrait
également être envisagé de substituer la molécule incriminée par une autre de la
même classe, qui n’interagisse pas avec le pamplemousse ; il serait ainsi possible
d’éviter le risque de rhabdomyolyse en substituant la simvastatine par la pravastatine ou
la rosuvastatine [12].
Des listes des médicaments concernés sont répertoriées dans la littérature [2,12] mais
elles sont souvent non exhaustives et rarement à jour, étant donné l’introduction fréquente
sur le marché de nouvelles formulations et entités chimiques. Les médicaments
incriminés possèdent 3 caractéristiques essentielles : ils sont administrés par
voie orale, leur biodisponibilité orale est inférieure à 50% et ils sont métabolisés
par les CYP3A4. La vigilance doit être accrue lorsqu’il s’agit de médicaments à
index thérapeutique étroit. L’importance clinique de l’interaction dépendra également
de la vulnérabilité du patient. En effet, la quantité de CYP3A4 actif exprimé dans l’intestin
varie d’un facteur 10 à 20 chez l’homme et ne peut pas être anticipée en pratique. Les
patients âgés de plus de 70 ans, les polymédiqués et les insuffisants hépatiques
sont également plus à risque d’interactions graves, voire mortelles, car les modifications pharmacocinétiques sont majorées chez ces patients [10,12].
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Conclusions
Le pamplemousse est un exemple d’aliment considéré comme « sain » mais qui a le potentiel d’augmenter considérablement la biodisponibilité de médicaments oraux. Si une
bonne part des interactions médicaments-jus de pamplemousse est identifiée, les données
sont quasi inexistantes pour d’autres interactions possibles, par exemple les interactions
médicaments-plantes médicinales ou jus de pamplemousse-plantes médicinales. Etant
donné les effets pharmacocinétiques probables, il convient aux professionnels de santé
de développer des stratégies afin de ne pas exposer les patients à ces combinaisons potentiellement nocives. Dans les pays anglo-saxons, depuis les années 1970, ce type d’interaction médicamenteuse est principalement anticipé par une éducation thérapeutique
dispensée par des pharmaciens cliniciens. Depuis quelques années, ce modèle de pratique influence de façon croissante l’exercice de la pharmacie en Europe pour favoriser
l’utilisation la plus efficace des pharmaciens et compléter leur rôle de fournisseurs de soins
directs aux patients. Le rôle du pharmacien dans l’optimisation de l’efficacité et de la sécurité des traitements est aujourd’hui reconnu apporter une plus-value clinique et économique, aussi bien en médecine qu’en chirurgie [20,21].
Références
[1]
P.-F. Maffioletti, Le pamplemousse, un célèbre inhibiteur enzymatique, Actualités Pharmaceutiques 54 (2015) 45-48.
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(2012) 675.
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on inhibition of survival and adherence to intestinal epithelial cells of Salmonella enterica serovar
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the pharmacokinetics of simvastatin, Br. J. Clin. Pharmacol. 58 (2004) 56-60.
[19] J. Dreier, M. Endres, Statin-associated rhabdomyolysis triggered by grapefruit consumption.,
Neurology 62 (2004) 670.
[20] A. Jarfaut, Y. Nivoix, D. Vigouroux, P. Kehrli, J. Gaudias, J.F. Kempf, D. Levêque, B. Gourieux,
Pharmacie clinique et chirurgie : revue de la littérature, Ann. Pharm. Fr. 72 (2014) 152-163.
[21] J.E. Tisdale, K.W. Hall, La pharmacie hospitalière au Canada : une longueur d’avance, The
Canadian Journal of Hospital Pharmacy 65 (2012) 349-350.
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Interactions médicamenteuses : point sur
le ritonavir/cobicistat et les médicaments
utilisés pour traiter l’asthme et la BPCO.
A.Devillez (pharmacien, CS en pharmacie hospitalière, site Marie Curie)
M. Generet (Pharmacien hospitalier clinicien, site Marie Curie)
S. Sténuit (Pharmacien hospitalier, Chef de service, site Marie Curie)
Qu’entend-on par interaction médicamenteuse ?
Nous parlerons d’interactions médicamenteuses lorsque l’effet d’un médicament est modifié consécutivement à l’administration concomitante d’un autre médicament. [1]
Pour qu’une interaction médicamenteuse soit retenue dans la littérature, elle doit avoir une
traduction clinique significative, décrite ou potentiellement grave ; c’est-à-dire considérée
comme susceptible de provoquer ou de majorer des effets indésirables, ou d’entraîner
une diminution d’efficacité des traitements. [2]
Les interactions médicamenteuses sont classifiées selon quatre niveaux de contrainte :
- Contre-indication (ne doit jamais être transgressée)
- Association déconseillée (doit être le plus souvent évitée, sauf après examen approfondi
du rapport bénéfice/risque pour le patient)
- Précaution d’emploi (est possible si, dès le début du traitement, certaines recommandations simples sont mises en place)
- A prendre en compte (correspond à une addition d’effets indésirables mais aucune recommandation pratique ne peut être proposée). [2]
Deux mécanismes d’interactions médicamenteuses sont distinguées : pharmacodynamique et pharmacocinétique. [3]
L’interaction pharmacocinétique
L’interaction médicamenteuse pharmacocinétique survient lorsqu’un médicament modifie
l’absorption, le métabolisme ou l’élimination d’un autre médicament.
Ainsi, nous pourrons observer une augmentation ou une diminution de la concentration
plasmatique du médicament. [3]
Cette interaction n’entraîne pas nécessairement une modification significative de la réponse
clinique et les modifications mineures seront souvent sans conséquences.
La prudence sera cependant de mise lors de l’administration de médicaments à marge
thérapeutique étroite, c’est-à-dire des médicaments pour lesquels une légère différence
de dose ou de concentration peut entraîner des effets secondaires suite à un dépassement
du seuil toxique, ou au contraire une inefficacité thérapeutique à cause de la diminution
en dessous du seuil thérapeutique[3]
La généralisation à une classe médicamenteuse n’est pas possible car ce type d’interaction dépend des caractéristiques physicochimiques propres à chaque substance.
Elle dépend de différents facteurs propres au patient : équipement enzymatique, âge, pathologie sous-jacente... [4]
Les cytochromes sont des enzymes ubiquitaires intervenant dans le métabolisme de substances endogènes et exogènes (comme les médicaments) et se répartissent en différentes
familles et sous-familles.
Quelques isoenzymes assurent le métabolisme de la plupart des médicaments. [5]
Certaines substances sont dites inductrices enzymatiques : elles majorent la synthèse et
l’activité des enzymes concernés et cette augmentation d’activité risque de faire diminuer
la concentration d’un principe actif substrat, et donc une perte potentielle d’efficacité.
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Les substances inductrices les plus connues sont le tabac, l’alcool, le millepertuis, et autres
médicaments, tels que certains antiépileptiques et anti infectieux.
L’induction est souvent progressive et maximale à 10-15 jours.
De la même façon, cet effet disparaitra progressivement après arrêt de l’inducteur. [2], [5]
A l’inverse, certaines substances sont dites inhibitrices enzymatiques : elles diminuent la
synthèse et l’activité de ces enzymes et cette diminution d’activité peut entrainer une accumulation de concentration d’un principe actif substrat, et de ce fait une majoration du
risque de surdosage.
Les substances inductrices les plus connues sont les antifongiques azolés, les macrolides,
les inhibiteurs de protéase ainsi que le jus de pamplemousse.
L’inhibition, contrairement à l’induction, est rapide mais ne touche que certaines sous familles de cytochromes.
En fonction de leur degré d’affinité pour un cytochrome donné, certains médicaments peuvent dans ces conditions se comporter comme des inhibiteurs mais aussi avoir le métabolisme inhibé suite à la prise d’autres médicaments plus affins.[2], [5]
Le ritonavir et le cobicistat
Il n’existe toujours pas actuellement de moyen pour guérir l’infection par le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) mais les nouveaux traitements antirétroviraux (ARV) aux
mécanismes d’actions diversifiés peuvent réduire fortement la charge virale et contrer
l’émergence de résistance.
Le traitement de première ligne est consensuel et comporte une association d’au moins
trois antirétroviraux de deux groupes pharmacologiques différents. [6]
Les lignes directrices actuelles recommandent de choisir deux médicaments appartenant
à la classe des inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, et un médicament
de la classe des inhibiteurs nonnucléosidiques de la transcriptase inverse, ou d’un médicament de la classe des inhibiteurs de la protéase ou encore d’un médicament de la classe
des inhibiteurs de l’intégrase. [6]
Le ritonavir n’est pas utilisé en monothérapie mais cependant en faibles doses et en associations avec d’autres inhibiteurs de la protéase virale afin d’augmenter leur concentration plasmatique [6] car entraîne une forte inhibition du CYP3A4.
Un nouvel inhibiteur de CYP3A4 a été récemment commercialisé : le cobicistat, étant
donné qu’il joue le même rôle potentialisateur que le ritonavir dans l’association d’antirétroviraux. [7]
Le ritonavir est présent sur le marché belge dans les spécialités suivantes [3] :
- Seul : Norvir® comprimé 100 mg et solution orale 4000mg/5 ml,
- En combinaison antirétrovirale : Kaletra® comprimé (lopinavir 200mg + ritonavir 50mg)
ou solution orale (lopinavir 400mg + ritonavir 100mg / 5ml)
- En combinaison pour le traitement de l’hépatite B et C chronique : Viekirax® comprimé
(ombitasvir 12,5mg + paritaprévir 75mg + ritonavir 50mg)
Le cobicistat est présent sur le marché belge dans les spécialités suivantes [3] :
- Stribild® comprimé (cobicistat 150mg + elvitégravir 150mg + emtricitabine 200mg + ténofovir 245mg)
- Rezolsta® comprimé (darunavir 800mg + cobicistat 150mg)
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Leurs effets sur les corticostéroïdes inhalés (CSI)
Les 3 CSI utilisés en Belgique dans l’asthme et la BPCO sont : la béclométasone, le budésonide et la fluticasone. [3]
La fluticasone et le budésonide sont décrits comme substrats du CYP3A4 tandis que le
métabolisme de la béclométasone est effectué via un mécanisme d’estérification.
La fluticasone et le budésonide peuvent donc voir leur concentration plasmatique augmentée par l’inhibition d’activité du CYP3A4 par le ritonavir [5], [8], [9].
Le Centre belge de pharmacovigilance a reçu des notifications de syndrome de Cushing
chez des patients infectés par le VIH qui étaient traités par du ritonavir conjointement à la
fluticasone, plaçant cette association au rang de contre-indication.
D’autres cas de syndrome de Cushing ont été rapportés lors de la prise concomitante de
budésonide et ritonavir et, ce, par la même voie de métabolisation de ce CSI. [10]
La fluticasone est comportent cependant plus de risques car elle a une T1/2 vie de liaison
avec les récepteurs beaucoup plus longue que le budésonide et serait 300 fois plus lipophile [11]
Une étude transversale (n = 11 783) suggère la prévalence moins élevée d’insuffisance
surrénalienne avec la béclométasone qu’avec les autres corticostéroïdes actuellement disponibles sur le marché. Cette différence est due à sa métabolisation plus indépendante
par rapport au CYP3A4.
Des études pharmacocinétiques avec la béclométasone et le ritonavir ou la combinaison
darunavir/ritonavir ont démontré qu’il n’y avait pas d’interaction pharmacocinétique cliniquement significative. [12], [13]
La béclométhasone est présent sur le marché belge dans les spécialités suivantes [3] :
- Seul :
Beclophar aerolizer® (béclométasone 400µg)
Qvar autohaler® (béclométasone 50µg ou 100 µg)
- En association avec un beta2 mimétique de longue durée d’action :
Inuvair aerosol doseur® ou nexthaler® (béclométasone 100 µg + formotérol 10 µg)
Leurs effets sur les bêta-2 mimétiques à courte durée d’action (SABA) et à longue durée
d’action (LABA)
Les différents LABA utilisés en Belgique sont : le formotérol, l’indacatérol, le salmétérol et
le vilantérol
Les différents SABA utilisés en Belgique sont : le fénotérol et le salbutamol [3]
Le salmétérol et l’indacatérol sont décrits comme substrats du CYP3A4.
Ils peuvent donc voir leur concentration plasmatique augmentée par l’inhibition d’activité
du CYP3A4 par le ritonavir [5], [8], [9].
L’augmentation de la concentration plasmatique du salmétérol est associée à un risque
d’allongement de l’intervalle QT qui pourrait causer une torsade de pointe et éventuelle10
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ment un arrêt cardiaque, et ce, particulièrement pour les patients qui présentent des facteurs de risques
tels que des désordres électrolytiques, de la bradycardie ou la prise d’autres médicaments
pouvant prolonger l’intervalle QT. [14]
Une étude évaluant le potentiel d’interaction médicamenteuse chez 15 sujets en bonne
santé, avec l’administration concomitante de salmétérol (50 μg BID) combiné au kétoconazole (400 mg QD), un autre puissant inhibiteur du CYP 3A4, pendant 7 jours a mis en
évidence une augmentation significative de l'exposition au salmétérol (AUC 15 fois plus
élevée et Cmax 1,4 fois plus élevée).
Trois sujets ont dû arrêter l’étude en raison d’effets beta-adrénergiques (prolongation de
l’intervalle QT pour deux et palpitations accompagnées de tachycardie sinusale pour le
troisième).
En raison du risque potentiel de toxicité cardiaque, l’association du salmétérol avec un
puissant inhibiteur du CYP 3A4 n’est donc pas recommandée. [8], [9], [14].
En ce qui concerne l’indacatérol, les résultats suggèrent que la clairance systémique de
l'indacatérol est influencée par la modulation des activités du CYP3A4 et que l'exposition
systémique à l'indacatérol est pratiquement doublée (surface sous la courbe) lors de l’administration concomitante du kétoconazole, autre puissant inhibiteur connu du CYP3A4.
L'augmentation de l'exposition à l’indacatérol observée n'est cependant pas jugée préoccupante sur le plan de l'innocuité étant donné que les études cliniques ont analysé celleci pendant des périodes allant jusqu'à un an et à des doses plus élevées (jusqu'à 600
mcg) [8], [9], [15]
Le salmétérol est présent sur le marché belge dans les spécialités suivantes. [3] :
- Seul : Serevent evohaler® (salmétérol 25 µg) ou diskus® ( salmétérol 50 µg)
- En association avec un CSI :
Sérétide aérosol doseur® (salmétérol 25µg +fluticasone 50µg ou salmétérol 25µg + fluticasone 125µg ou salmétérol 25µg + fluticasone 250µg)
Sérétide diskus® (salmétérol 50µg + fluticasone 100µg ou salmétérol 50µg + fluticasone
250µg ou salmétérol 50µg + fluticasone 500µg)
Salmeterol/fluticasone Cipla® aérosol doseur (salmétérol 25µg + fluticasone 125µg ou salmétérol 25µg + fluticasone 250µg)
Les anticholinergiques à courte durée d’action (=SAMA) et à longue
durée d’action (= LAMA)
Le SAMA utilisé(-) en Belgique est : l’ipratropium
Les différents LAMA utilisés en Belgique sont : le glycopyrronium, le tiotropium et l’uméclidinium [3]
Aucun LAMA ou SAMA n’est repris comme étant susceptible de subir une augmentation
ou une diminution de concentration due à une interaction médicamenteuse. [5], [8], [9]
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Que doit-on retenir ?
CSI : De nombreuses bases de données désignent la béclométasone comme CSI
le plus sécuritaire lors d’une administration concomitante avec du ritonavir par la
diminution de risque d’insuffisance surrénalienne avec la béclométasone. [5], [8],
[9]
Ce raisonnement peut être étendu à l’administration concomitante de cobicistat
et CSI vu la puissance d’inhibition du CYP3A4 du cobicistat équivalente à celle
du ritonavir. [7]
SABA et LABA : De nombreuses bases de données prônent le remplacement du
salmétérol par un autre LABA lors d’une administration concomitante avec du
ritonavir à cause du risque augmenté d’allongement de l’intervalle QT lors d’une
surexposition au salmétérol. [5], [8], [9]
Ce raisonnement peut être étendu à l’administration concomitante avec du cobicistat vu la puissance d’inhibition du CYP3A4 et du cobicistat équivalente à celle
du ritonavir. [7]
Concernant l’indacatérol, il est recommandé de surveiller l’apparition d’effets secondaires. [15]
SAMA et LAMA : aucun n’est repris comme étant susceptible de subir une interaction médicamenteuse avec l’administration concomitante avec le ritonavir ou le
cobicistat [5], [8], [9]
Sources
1 : Bonnabry P., 2001, Les interactions médicamenteuses : injections de rappel, ptt, Société de
pharmacie du Canton de Genève, Suisse
2 : Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé,2015, Le thésaurus des
interactions médicamenteuses, France
3 : Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique (C.B.I.P), 2015, Répertoire commenté des
médicaments, Belgique
4 : Denooz R, 2015, Spécialisation en pharmacie d’hôpital : Influence des états pathologiques sur
la biodisponibilité des médicaments et sur leur toxicité, ptt, Belgique
5 : Prescrire, 2015, Eviter les effets indésirables par interactions médicamenteuses : comprendre et
décider, Epub et Pdf version, France, viewed and doawloaded 17/02/2015, www.prescrire.org
6 : PORTAIL VIH / sida du Québec, 2012, L’Essentiel du VIH/sida, 2e édition, Canada
7 : Prescrire, septembre 2015, Cobicistat : analogue du ritonavir, sans activité rétrovirale et sans
plus, Revue Prescrire, tome 35, n°383, p.648, France
8 : Rachel Therrien, B.Pharm M. Sc., Le guide thérapeutique VIH/VHC, www.guidetherapeutiquevih.com, consulté en octobre 2015, Canada
9 : The University of Liverpool, HIV drugs interaction, www.hiv-drugsinteractions.org, consulté en
octobre 2015, Angleterre
12
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10 : Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique (C.B.I.P), Folia Pharmacotherapeutica décembre 2013, Syndrome de Cushing avec des corticostéroïdes par voie non systémique chez
des patients sous traitement antirétroviral, www.cbip.be, Belgique
11 : Foisy MM, et al., Adrenal suppression and Cushing’s syndrome secondary to an interaction
between ritonavir and fluticasone: a review of the literature. HIV Med, 2008, 9(6) : 389-396.
12 : Boyd A, et al., Darunavir/ritonavir Does Not Significantly Increase Plasma Concentrations of
Orally Inhaled Beclomethasone in Healthy Volunteers. Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections, Seattle, 2012, Abstract 611
13 : Boyd A, et al. Co-administration of Orally Inhaled Beclomethasone Dipropionate and HIV Protease Inhibitor Does Not Significantly Alter Adrenal Function in Healthy Volunteers. Conference
on Retroviruses and Opportunistic Infections, Seattle, 2012, Abstract 610.
14 : Résumé caractéristique du produit, 2008, salmeterol (Serevent) : Prescribing Information,
GlaxoSmithKline
15 : Résumé caractéristique du produit, 2012, Indacaterol (Onbrez Breezhaler), prescribing information, Novartis Pharma
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L’analyse des incidents…
Une démarche essentielle à la qualité des soins
infirmiers
Christophe Meert*, Sébastien Ninite*, Francoise Bardiau**
* Infirmier chef de service, Hôpital Civil Marie Curie, CHU de Charleroi - ISPPC
** Directrice du Département Infirmier Hôpitaux Généraux, CHU de Charleroi - ISPPC
L’hôpital est une entreprise à haut risque dans laquelle les praticiens professionnels doivent offrir des prestations de services de qualité et ce en toute
sécurité1. En 2008, un premier plan annuel de 5 ans a été proposé aux hôpitaux par le SPF Santé Publique. La culture « patient safety » se développe
depuis lors au sein de notre département et s’intègre dans notre vision de
promotion de la qualité des soins. Nous avons participé aux formations organisées par le SPF Santé Publique visant à améliorer la gestion des événements indésirables ainsi que leur analyse par la méthode PRISMA, acronyme
de Prevention and Recovery Information System for Monitoring and Analysis.
Cet objectif se retrouve dans un des
4 axes de notre Balanced Scored
Card.
Afin d’améliorer la sécurité de nos patients, nous déclarons tout événement indésirable via le SIM2 et
analysons les incidents critiques sur
base du modèle PRISMA3.
Cette méthode permet de réunir, reconstruire et comprendre l’événement indésirable de
manière structurée.
A partir de ces données nous pouvons définir les causes et les classer pour formuler des
recommandations et des procédures (= actions d’amélioration).
Un rapport d’analyse est donc rédigé par l’infirmier en chef et l’infirmier chef de service de
l’unité concernée en intégrant les informations obtenues auprès des personnes impliquées
(enquête de terrain).
Ce rapport contient :
• La date de l’incident ;
• L’unité et le site concerné ;
• L’empreinte de l’unité qui reprend le nombre de patients présents le jour de l’incident
ainsi que la charge de travail ;
• Le personnel concerné ;
• La description de l’incident ;
• Les conséquences ;
• L’arbre des causes ;
• Les actions d’amélioration.
1
art 5 de la Loi sur les droits du patient – 22/08/2002
Système d’Information Médicale
3
Prevention and Recovery Information System for Monitoring and Analysis – SPF Santé Publique, cellule Qualité
et Sécurité
2
14
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L’arbre des causes permet de rendre de manière visuelle l’incident et ses causes. Il fait
ainsi apparaître des relations de causes à effets.
Exemple :
A partir de ce schéma, des actions d’amélioration sont dégagées :
• Rédaction ou mise à jour de procédures ;
• Rencontre avec le patient et sa famille ;
• Rappels concernant le savoir, savoir être et savoir faire ;
• Sensibilisation des équipes à la problématique vécue ;
• Présentation de l’analyse en réunion d’infirmier en chef
• Amélioration des ressources matérielles ;
• Supports scientifiques (EBN – EBM) pour l’équipe ;
• Amélioration de l’organisation des soins ;
•…
Afin de favoriser la déclaration volontaire des événements indésirables, nous avons développé au sein du département infirmier la culture « sans blâme ». Celle-ci, ouverte et transparente, permet à notre organisation et aux personnes qui y travaillent de tirer des
enseignements des erreurs afin d'éviter leur répétition. Cependant, certaines erreurs sont
répréhensibles et exigent une responsabilisation. C’est pourquoi nous travaillons actuellement au développement du concept de « culture juste ». Elle permet de mettre l’accent
sur les problèmes systémiques qui conduisent les individus à adopter des comportements
occasionnant un danger. La « culture juste » a pour but une responsabilisation individuelle
en établissant une tolérance zéro pour tout comportement imprudent. Celle-ci fait une
distinction entre l’erreur humaine, le comportement à risque et le comportement imprudent.
Pour conclure, l’analyse des incidents est une démarche essentielle à la qualité des soins
infirmiers.
Cette approche, idéalement pluridisciplinaire, se veut constructive et non répressive !
Notre expérience a permis de constater le bénéfice que cette méthodologie peut offrir
pour la sécurité des patients et pour l’amélioration du professionalisme des équipes.
« Errare humanum est, perseverare diabolicum » 4
4
Locution latine selon Sénèque signifiant « L'erreur est humaine, persévérer dans son erreur est diabolique »
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Références
Revues
• Gestion des risques associés aux soins. Saintoyant V., Duhamel G., Minvielle E. Pratique
et organisation des soins. Janvier – mars 2012. Volume 43 n°1 p.35 – 45.
Workshop
• SPF Santé publique Qualité et Sécurité – Février 2015
• Évaluation de la sécurité du patient. Accréditation Canada International. Simon Racine.
Institut universitaire en santé mentale. Quebec, Canada. SPF Santé publique Qualité et
Sécurité -Janvier 2015
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