22 juin 2014 Culte avec baptêmes Deutéronome 8,1

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22 juin 2014
Culte avec baptêmes
Deutéronome 8,1-16 et Matthieu 4,2-4
(Notes de prédication)
Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et… Deutéronome…
C’est ce qui constitue la Torah, les livres fondateurs de la tradition juive et chrétienne.
Ils se réfèrent à des traditions orales anciennes, même si l’on sait maintenant qu’ils ont été écrits en exil ou
au retour de l’exil (entre le 8e et le 6e siècle), donc bien tardivement par rapport aux époques dont ils font
mémoire.
Et le livre du deutéronome, comme son nom l’indique (2eme loi) se veut une sorte de récapitulatif de toutes
les Paroles.
C’est pourquoi il est placé à cette époque charnière où le peuple d’Israël est aux portes du pays promis
(après avoir erré 40 ans dans le désert : une errance à valeur pédagogique, comme la vie met à l’épreuve
un adolescent qui se cherche avant de devenir adulte) et où Moïse récapitule, synthétise en un code
d’Alliance, toute l’aventure du peuple et les paroles qu’il a reçues depuis sa sortie d’Egypte, avant de les
laisser entrer dans ce pays où coulent le lait et le miel. Une sorte de sac-à-dos symbolique rempli de tout
le nécessaire pour partir dans cette nouvelle existence.
En hébreu, le Deutéronome s’appelle Devarim : les paroles. Indiquant et résumant les paroles que Moïse
adressa au peuple d’Israël depuis son départ d’Egypte.
Elles disent l’essentiel de la foi juive et chrétienne et ce n’est évidemment pas sans lien si l’évangile de
Matthieu reprend cette parole justement lorsque Jésus traverse le désert, justement pendant 4 jours, et
justement quand il est mis à l’épreuve... comme le peuple d’Israël.
Comme si l’évangile voulait nous dire : dans sa personne, juste après son baptême, Jésus rejoue ce que le
peuple hébreu a vécu après son passage de la mer : le temps de la mise à l’épreuve (l’épreuve de la vie et
de la liberté) dont on ne peut sortir que lorsqu’une Parole assez forte vous habite et vous détermine
intérieurement.
L’homme de vivre pas de pain seulement mais de toute parole qui sortira de la bouche de Dieu. (Dt 8,3 et
Mt 4,4) : c’est une question qui concerne donc notre existence.
Vous voyez que le baptême n’est pas très loin. Le baptême, en grec, signifie « être plongé dans… » ou,
éventuellement, « être aspergé ».
Le baptême donc comme une traversée de la mer vers la vie et la liberté.
Le baptême comme l’ouverture d’un à-venir, une route ouverte devant soi.
Mais une route balisée par la Parole divine transmise et reçue.
Jeudi dernier, nous avons passé du temps ensemble1 avec le Rabbin T.C. de la communauté que nous
recevons dans ce temple pour Rosh Hachana et Yom Kippour.
Et nous avons parlé du Mikvé (
) auquel on peut peut-être rattacher le baptême chrétien2.
Le mikvé est un bain de purification. Mais, me précisait mon rabbin préféré : non qu’il effacerait une faute
ou impureté, mais plutôt comme signe que l’on se tourne vers l’avenir, on oriente sa vie, on grandit en
1
Nous faisons cela environ une à deux fois par trimestre et c’est l’occasion d’échanger autour de questions
religieuses qui nous sont communes, de comparer nos traditions (qui sont plus proches qu’on ne l’imagine
parfois !) et de nous enrichir de nos lectures de la Bible.
2
Je n’ignore pas que, contrairement au Mikvé, le baptême ne se répète pas en tant que rituel pour
marquer le caractère définitif du don de l’amour de Dieu en Jésus Christ. Mais chaque geste, chaque culte,
et des actes comme la confirmation, nous invite à faire mémoire du baptême et nous le réapproprier.
sainteté au sens où l’on rapproche de la parole de Dieu et les uns des autres (et non au sens moral). C’est
pourquoi on pratique le Mikvé lors des recommencements.
D’ailleurs la racine du mot « mikvé » (« ») signifie l’espoir.
On ne s’étonnera donc pas que, branché sur cette signification, le baptême chrétien soit rattaché à la
conversion ou à la repentance car au sens étymologique, cela signifie : se retourner, changer de mentalité.
Bref orienter sa vie vers l’à-venir.
Mais il y a plus. Tom Cohen me disait qu’en bonne tradition juive, le Mikvé, le bain, le baptême, devait se
faire dans de l’eau vive, rattachée à une source. A l’image de Jean Baptiste qui baptise dans le Jourdain.
Pourquoi ? Parce que l’eau-vive est le symbole par excellence de… la Parole de Dieu, de la loi.
Le Mikvé et le baptême prennent ici le même sens, ne sont pas seulement orienter sa vie vers l’avenir,
mais aussi arrimer cet avenir à la Parole.
Nous y voilà à nouveau : l’homme ne vivra pas de pain seulement mais de toute parole qui sortira de la
bouche de Dieu.
Quelle est donc cette Parole que symbolise l’eau baptismale comme celle du Mikvé ?
Dans l’évangile de Matthieu, elle est clairement cette parole fondatrice, parole de référence, à laquelle on
s’accroche quand la vie vous met à l’épreuve ou lorsqu’on est divisé en soi-même.
Après son baptême, dit le texte, Jésus est emmené au désert par l’Esprit et le diable le met à l’épreuve.
Le Diable, est une figure de la division. Il n’est que la représentation de ce qui nous habite souvent : on ne
sait pas, on est divisé, qu’est-ce qui va orienter mon existence ? Et la mise à l’épreuve de la vie et de la
liberté (je le disais déjà, comme ado affrontant la vie adulte) permet de mettre en évidence, à soi-même et
aux autres, ce qui nous structure intimement, quelle Parole nous détermine profondément.
Pour l’homme Jésus mis à l’épreuve, reprenant la tradition du Deutéronome : l’être humain ne vivra pas de
pain seulement mais de toute parole qui sortira de la bouche de Dieu.
C’est la vérification que ce qui l’habite est d’abord (et même totalement, c’est sa caractéristique) la Parole
de Dieu. Cette parole qui est plantée, annoncée, proclamée par le baptême, et dont l’eau est le symbole.
C’est dire, mais faut-il le préciser, que le baptême n’est pas tant le rituel de l’eau en soi, mais ce que nous
en ferons, la parole que nous relayerons auprès de nos enfants pour qu’ils soient structurés par elle
jusqu’à pouvoir s’orienter avec sagesse dans la vie.
Mais cette parole n’est pas la nôtre. Et, pour filer la métaphore de l’eau, comme l’eau vive nous vient
toujours d’ailleurs (n’est-elle pas déjà là dans les poèmes de la création ?), cette parole qui structurera nos
enfants à partir de leur baptême, nous vient d’ailleurs aussi, de ce Dieu qui ne nous laisse pas patauger
dans la vie ni nous perdre dans nos déserts mais nous donne une parole qui oriente notre marche.
Je tire trois caractéristiques de cette Parole, que je puise dans notre extrait du Deutéronome :
1- Dans notre passage, c’est d’abord une parole qui s’inscrit dans le réel et la pratique de la vie (v1).
Ce n’est pas une parole théorique, une espèce d’option intellectuelle, mais une parole-acte,
concrète, qui s’inscrit dans le « faire » de l’existence. « Tu feras la parole » pourrait-on paraphraser.
Car il n’y a pas d’un côté la parole (théorique) et de l’autre sa mise en pratique. Non, une seule
parole-acte.
2- Ensuite, la parole est une parole de mémoire : tu te souviendras (v2). C'est-à-dire une Parole qui
fait tradition et donc traduction (il faut sans cesse la traduire, la reformuler) et transmission.
L’outil biblique qui soutient cette mémoire, c’est l’Ecriture (cf les tables de la loi). Comme toute
Ecriture, elle appelle une lecture et donc une interprétation. Et qui dit interprétation dit débat,
rencontre avec d’autres pour y trouver ensemble le sens de notre actualité.
Cette Parole-mémoire nous renvoie donc sans cesse d’un côté à l’Ecriture (la source) et d’un autre
côté aux autres. C’est pourquoi, dans le judaïsme comme dans le christianisme, l’assemblée
(synagogue ou ecclésia) est au centre de la pratique : on y lit ensemble les Ecritures, on l’interprète
pour aujourd’hui.
3- Puis encore, une parole d’ancrage. La mise à l’épreuve, dit le texte biblique, c’est pour faire
émerger ce que tu as dans les tripes (v2) et vérifier comment cette parole t’habite réellement.
Parce que dans le pays que tu vas habiter, il y aura d’autres paroles, d’autres idoles, d’autres
divinités qui t’entoureront. C’est bien cela la vie, n’est-ce pas ? Nous sommes sollicités de tous
côtés par toutes sortes de paroles, de propositions, dans lesquelles on nous demande de mettre
notre confiance, qu’on nous présente comme des absolus de la vie, des choses nécessaires pour
être vraiment humains et faire notre chemin dans l’humanité. Comment allons-nous faire le tri si
aucune référence ne nous habite ? Et quelle référence ? Celles que nous nous fabriquons, à la
manière des idoles anciennes ? Ou bien cette Parole qui traverse les siècles et que le Deutéronome
vient de résumer une nouvelle fois (ch4) en 10 paroles (qu’on appelle de manière inappropriée « les
10 commandements »). Il nous faut, à nous et à plus forte raison nos enfants, une parole
d’ancrage. Et le baptême nous dit : la voilà, elle sort de la bouche de Dieu, de ce Dieu dont on ne
prononce pas le nom mais qui nous donne assez de paroles pour nous structurer et nous orienter.
Ces 3 caractéristiques ont pour le Deutéronome, une importance capitale (v1b) car c’est cette parole qui
permet de vivre, de se multiplier et d’entrer dans le pays promis. Nous avons ainsi la racine de la vie, la
transmission intergénérationnelle de la vie et l’ouverture, la promesse d’un avenir.
Le Deutéronome n’y va pas par 4 chemins (mais l’épisode de la tentation de Jésus nous le montre aussi) :
sans cette parole, vous disparaîtrez… Rien que cela. Dans cette parole se joue non pas une option de vie,
mais la vie elle-même, la nôtre et celle de nos enfants. D’où l’importance de cette mémoire, de garder
cette parole vivante en nous-mêmes, ou comme le disait hier un de mes collègues à la formation des
prédicateurs laïcs, faire mémoire au sens de « méditer, ruminer, décanter »
Je voudrais terminer sur cette figure parentale :
Sache donc, dit le texte « que le Seigneur ton Dieu (
) t’instruit comme un homme instruit son
fils » (v5).
Fonction parentale liée à la parole qui nous dit que c’est lorsque nous, parents, nous nous laissons
instruire par ce Dieu qui se veut Père pour nous, que nous pouvons alors transmettre le meilleur à nos
enfants : cette Parole qui oriente dans la vie et leur offre la promesse d’un avenir.
Nous ne pourrons transmettre cette Parole de vie et d’adoption (tu es mon enfant : il y a toujours/il faut
toujours un moment d’adoption qui accueille un enfant) que si nous-mêmes sommes enfants de Dieu
recevant cette parole jusqu’à ce que, ancrée au plus profond de nous-mêmes, elle habite nos actes et
nos paroles au milieu de la communauté des humains qui commence par notre famille.
Ainsi, le baptême de nos enfants nous place à notre tour dans la situation d’être ces fils et ses filles à
l’écoute de leur Père (c’est pourquoi nous disons à Dieu « Notre Père »). C’est notre mission de parents (et
grands parents, et de tous les adultes) pour nos enfants.
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