ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE LYON Année 2008 - Thèse n° Etude bibliographique de l’évolution du diagnostic clinique de l’hypothyroïdie et de l’utilisation de lévothyroxine dans l’espèce canine. THESE Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 30 septembre 2008 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire par HOURT Damien Né (e) le 08 décembre 1984 à MULHOUSE 2 3 4 A Monsieur le Professeur Claude GHARIB, De la Faculté de médecine de LYON, Qui nous a fait l’honneur d’accepter la présidence de notre jury de thèse, Hommages très respectueux. A Monsieur le Professeur Jean-Luc CADORE, De l’Ecole Nationale Vétérinaire de LYON, Qui nous a fait l’honneur et la faveur d’encadrer ce travail, Pour son aide dans les moments difficiles, Pour son humilité et ses très grandes qualités vétérinaires, mais également humaines, Très sincères remerciements A Madame le Professeur Jeanne-Marie BONNET, De l’Ecole Nationale Vétérinaire de LYON, Qui nous a fait l’honneur de participer au jugement de notre thèse, Sincères remerciements. 5 6 A mes parents, Pour m’avoir supporté pendant ces 23 années, Pour avoir fait de moi celui que je suis, Pour m’avoir initié aux « joies » de la randonnée, Et même si vous avez du mal à comprendre qu’un chien, ça se soigne, Je vous aime. A ma sœur, Pour tous les dimanches soirs ou tu m’as accueilli devant Urgences, Pour tous les moments forts passés ensemble, Parce que pour moi, tu seras toujours Natch’, Je te souhaite que du bonheur avec Lionel (et mes futurs neveux/nièces ☺)! A mes grands-mères, Mamie Claire, Mamie Jeanne, vous êtes les deux grands-mères dont tout le monde doit rêver, Même si l’on ne se voit surement pas assez souvent, Je pense beaucoup à vous. A Pépé, à mon grand père que je n’ai pas connu, J’espère que là ou vous êtes, vous êtes fiers de moi. A Vivi et Jésus, Parce que vous êtes ce qu’on peut espérer de mieux comme tata et tonton, Pour les dimanches ou vous m’avez supporté, peut-être un peu trop bougon !! Ce travail est aussi pour vous ! A Fafa, Fabrice et à l’ensemble de la famille Bidet, Merci pour tous les bons moments que nous avons pu passer ensembles. Aux autres membres des familles Hourt et Calvez, Je ne peux tous vous citer, mais je suis heureux de faire partie de vos familles. 7 8 AAurélie, Pour tous les bons moments que nous avons passé ensemble, Et pour tout ceux restant à venir, Parce qu’avec toi, la vie n’est plus la même et que c’est ainsi que je veux la vivre, Je t’aime. 9 10 A Cédric, Malgré la distance et les années qui passent, tu sais être là quand j’ai besoin de toi et j’espère réussir à en faire de même pour toi. Sois heureux avec Davina. Au Groupe 16, A Amélie (Pipo), le baby-sitting, c’est offert. Tu nous as rémunéré avec ton sourire et ta joie de vivre. Même si parfois, t’es un peu trop « haribo », je t’adore !!! A Heidi, merci pour tous les bons moments passés ensembles, du début de la prépa à maintenant et pour ceux à venir. A Béné, De supers moments passés ensembles, d’autres plus difficiles. Désolé pour les fois où j’ai manqué de compréhension. Tu comptes énormément pour moi. A Mel, pour ton mariage, pour notre T1 Pro avec nos supers copines de derrière, pour être ma deuxième maman et pour tout le reste, merci. A Muriel, même si l’on ne passe plus autant de temps ensemble qu’avant, tu comptes beaucoup pour moi. A RoG, pour beaucoup de gens, on est comme un couple, pour moi, t’es juste un lorrain… Malgré ça j’t’aime bien quand même. Des férias de Bayonne aux Inter-écoles, tu as toujours été là. J’espère que malgré le fait que tu sois un bouseux, ca restera comme ça. Le pélican me manquera a Paris. A Yac, car même si tu n’as pas pu être avec nous, pour moi, tu en faisais partie. A tous nos bons moments passés ensemble en P2, parfois la vie éloigne les gens et on sait pas pourquoi… Aux Tarvélien(ne)s, A Marion, co-présidente et tant d’autres choses, je regrette une chose, que tu aies manqué notre dernier rendez-vous avant ton départ. A Perrine, Cheval passion, mais tu compenses par ta bonne humeur perpétuelle, vivement qu’on se retrouve sur les pistes. Bon Québec, tu me manqueras ! A Doumé, au début, on s’aimait pas et au final en se connaissant, ben c’est pas si pire !! Et en plus, on a la chance de partir faire notre internat dans la meilleure école du monde ! A Garga, pourquoi t’aimes pas les chats ? A Lolo, vive le LOSC, les frites et la saison 2040 à PES, tu es vraiment quelqu’un de bien. A Loul, t’es vraiment un gars bien qui a su rester vrai. Avec toi, on a toujours l’impression de s’amuser, parce que nunchaku, pain de viande, c’te honte, bougresse et tant d’autres choses… A Tigrou, que dire ? De toute façon, je ne pourrais pas faire aussi bien que toi. A nos moments de délires, de préparations d’accueil et de revue, à « Comme des connards » et aux meilleurs sketchs de revue de tous les temps. It was legend-wait for it- dary. Tu es awesome. Je serai toujours prêt à être ton co-pilote. 11 12 Aux autres RHD A Ludi et Nanou, vous êtes un peu des RoG et Yoko en filles(en moins pires quand même). Merci à vous d’être comme ça les blondes !! A Lelia, que de bons moments passés ensembles, tu auras toujours une place dans mon cœur. A Tony, parce que des vétos-paysans comme toi, il en faudrait plus. A tous les autres : Albane (Félicitations par avance !) Tanplan (vive le tuning), Joss (voisin pendant 3 ans, c’est pas rien), Snoopy (que de dialogues sur les pseudos MSN de Ptichou), Franck (j’adore ton humour décalé), Marfion (employé de Peter Deals, c’est pas rien), FX (à quand le prochain barbec ?) Aux RHC, A Colombe, mon ancienne, tu étais parfaite. A Bertrand, tu as été plus qu’un parrain, merci. Je te souhaite énormément de bonheur avec Amélie. A Jérèm, t’es vraiment le mec le plus déjanté que je connaisse, mais tu possèdes tant d’autres qualités. A tous les autres, je ne peux vous citer, de peur d’en oublier, mais vous étiez magiques. A ma poulotte, Lucie, A tous les bons moments que nous avons passé ensemble, aux piles de sucre et a nos fronts, à nos fins de boum sans souvenirs. Tu es et resteras la meilleure poulotte imaginable au monde. Aux RHQ, A Beck, Spirou, JB, Sanders, Alex, Marie, Frankoi, Zouzou, Charass, Philippe, Dindin, Caro, Hortense, Fanny, Jerôme, Coline et à tous les autres. Vous êtes une promo de tarés, ne changez pas et faites un bon accueil (déjà fini quand vous lirez ça, mais pas maintenant quand je l’écris !!) Aux FBI-JJP, A Pierrick, Thiébaut, Lionel, Fredo, Chou, Bakou, Toinou, Clément, Grisou et tous les autres. Vous étiez mal partis, mais au final, le résultat est pas si mal… Les boums d’Alfort me sembleront bien fades sans vous. A la promotion RHD, Quoi que les autres puissent dire, on est et on restera à jamais les plus drôles !!! (Chacun son humour…) Merci pour cette revue. 13 14 Aux IDG, A Manue, ma maman de clinique qui m’a tout appris et si bien géré pendant un an. T’as vu au final, j’étais pas si pire ! A tout mon groupe de parents de clinique (Anne Laure, Anne, Arnaud, Bruno, Dron, Spycke) Merci pour cette super année de D2. A Piwi, pour moi, tu as accompli la chose la plus drôle du monde Jean-Phi, personne ne t’égalera, ta place dans le Magix Two restera à jamais disponible. Tu es et resteras un Gentleman, Mr 100%. A Marianne, aux réunions du cercle, aux chir de nuit en équine et à tes essais successifs pour me caser avec Tigrou. A Fifi, le premier intégré Véto avec qui je ne me souviens pas de ma soirée, tu resteras un monument à la gloire de Clan Campbell. A Jamy, 6 aller-retours… Tigrou a raison, tu vends du rêve… A mes carrés et co-bizuths Crédo, Scritch, Pep’s, Boubou, Fécès, Bernardo, Kity, Paf, Pacholle, Panpan, Mimou, Bip-bip, Milou, Splinter, Joly, Pitch, Patoche. Si je suis là, c’est aussi et beaucoup grâce à vous. Merci Pitch pour ton aide pendant cette année-là. A l’équipe de rugby de l’ENVL et tous ses membres, Toulouse et Centrale 1 s’en souviennent… Aux KVB (David, Yvan, Ugo, Claire, Esteban, JB et tous les autres) Vous êtes des croutes, mais on vous aime quand même… A la buvette, Certains l’ont rêvé, nous l’avons fait. A ma twingo, Pour tous ces bons moments passé ensembles. 15 16 Table des matières Introduction .......................................................................................................................................... 23 I. Présentation de la thyroïde et de son fonctionnement normal ................................................... 25 A. Anatomie............................................................................................................................... 25 B. Histologie .............................................................................................................................. 27 C. Physiologie ............................................................................................................................ 28 1. Biosynthèse des hormones thyroïdiennes ............................................................................ 28 2. Transport des hormones thyroïdiennes. .............................................................................. 31 3. Métabolisme et élimination des hormones thyroïdiennes .................................................. 31 4. Régulation de la sécrétion thyroïdienne ............................................................................... 32 5. Mécanisme d’action des hormones thyroïdiennes............................................................... 33 6. Effets des hormones thyroïdiennes sur l’organisme ............................................................ 34 Conclusion ......................................................................................................................................... 36 II. Etiologie et épidémiologie de l’hypothyroïdie. ............................................................................. 37 A. Etiologie et mécanismes pathogéniques .............................................................................. 37 1. Hypothyroïdie primaire ......................................................................................................... 38 a) Thyroïdite lymphocytaire .................................................................................................. 38 b) Atrophie idiopathique ....................................................................................................... 40 c) Lien entre thyroïdite lymphocytaire et atrophie idiopathique ......................................... 40 d) Néoplasmes thyroïdiens. .................................................................................................. 42 e) Hyperplasie des cellules folliculaires. ............................................................................... 43 f) Hypothyroïdie congénitale................................................................................................ 43 g) Hypothyroïdie iatrogénique .............................................................................................. 44 2. Hypothyroïdie secondaire ..................................................................................................... 44 a) Perte de la capacité sécrétrice en TSH .............................................................................. 45 b) Malformation congénitale de l’hypophyse ....................................................................... 45 17 c) Destruction de la zone pituitaire ...................................................................................... 46 3. Hypothyroïdie tertiaire ......................................................................................................... 46 4. Hypothyroïdie due à une carence en iode ............................................................................ 46 5. Hypothyroïdie fonctionnelle ................................................................................................. 47 a) Hypothyroïdie fonctionnelle induite par des maladies graves ou chroniques ................. 48 b) Hypothyroïdie fonctionnelle induite par d’autres endocrinopathies. .............................. 51 c) Hypothyroïdie fonctionnelle iatrogènique ....................................................................... 52 B. Epidémiologie ....................................................................................................................... 53 1. Age ........................................................................................................................................ 53 2. Race ....................................................................................................................................... 54 3. Sexe ....................................................................................................................................... 56 4. Autres facteurs ...................................................................................................................... 56 Conclusion ......................................................................................................................................... 57 III. Aspects cliniques de l’hypothyroïdie ............................................................................................ 59 A. Hypothyroïdie congénitale.................................................................................................... 59 B. Hypothyroïdie acquise .......................................................................................................... 60 1. Etat général ........................................................................................................................... 60 2. Troubles cutanés ................................................................................................................... 61 a) Pelage ................................................................................................................................ 62 b) Peau .................................................................................................................................. 63 c) Conséquences ................................................................................................................... 63 3. 18 Troubles neuromusculaires................................................................................................... 64 a) Polyneuropathie................................................................................................................ 64 b) Paralysie laryngée et mégaoesophage ............................................................................. 66 c) Syndrome vestibulaire périphérique ................................................................................ 66 d) Atteinte du système nerveux central................................................................................ 66 e) Myopathies ....................................................................................................................... 67 f) Myasthénie ....................................................................................................................... 67 g) Cas particulier : le coma myxoedémateux ........................................................................ 68 4. Troubles de la reproduction.................................................................................................. 68 a) Cas du mâle ....................................................................................................................... 69 b) Cas de la femelle ............................................................................................................... 69 5. Signes oculaires ..................................................................................................................... 70 6. Signes digestifs ...................................................................................................................... 70 7. Signes cardiovasculaires. ...................................................................................................... 71 a) Effet des hormones thyroïdiennes sur le tissu cardiaque................................................. 71 b) Conséquences d’un déficit en T3, T4 ................................................................................ 72 c) Troubles systémiques consécutifs .................................................................................... 72 8. Troubles hématologiques ..................................................................................................... 73 a) Anémie .............................................................................................................................. 74 b) Hyperlipémie et cholestérolémie...................................................................................... 74 c) Coagulopathies.................................................................................................................. 74 9. Troubles comportementaux ................................................................................................. 75 a) Dépression ........................................................................................................................ 75 b) Agressivité ......................................................................................................................... 76 c) Anxiété .............................................................................................................................. 77 Conclusion ......................................................................................................................................... 78 IV. Diagnostic expérimental ............................................................................................................... 79 A. B. Analyses non spécifiques ...................................................................................................... 79 1. Signes hématologiques ......................................................................................................... 80 2. Signes biochimiques .............................................................................................................. 80 3. Histologie cutanée ................................................................................................................ 81 4. Modifications hormonales non thyroïdiennes...................................................................... 81 Diagnostic expérimental spécifique ...................................................................................... 82 19 1. Modification physiologique de la concentration en hormone thyroïdienne ....................... 82 a) Age .................................................................................................................................... 82 b) Race ................................................................................................................................... 83 c) Variation journalière ......................................................................................................... 83 d) Etat d’oestrus ou de gestation .......................................................................................... 83 2. Exploration fonctionnelle de la thyroïde .............................................................................. 84 a) b) 3. 4. C. Exploration statique .......................................................................................................... 84 (1) Dosage de la T4 totale............................................................................................... 84 (2) Dosage de la T4 libre (fT4) ........................................................................................ 85 (3) Dosage de la T3 totale............................................................................................... 87 (4) Dosage de la reverse T3 ............................................................................................ 87 (5) Dosage de la thyréotropine canine (cTSH)................................................................ 87 Exploration dynamique ..................................................................................................... 89 Mesure des titres d’anticorps. .............................................................................................. 89 a) Anticorps anti-thyréoglobuline. ........................................................................................ 89 b) Cas des anticorps T3AA et T4AA ....................................................................................... 91 Biopsie thyroïdienne ............................................................................................................. 91 Méthodes diagnostiques d’avenir ........................................................................................ 92 1. Scintigraphie ......................................................................................................................... 92 2. Echographie .......................................................................................................................... 93 3. Diagnostic thérapeutique ..................................................................................................... 93 Conclusion ......................................................................................................................................... 96 V. Traitement de l’hypothyroïdie ...................................................................................................... 97 A. 20 Utilisation classique de la lévothyroxine .............................................................................. 97 1. Choix du traitement .............................................................................................................. 97 2. Ajustement du traitement .................................................................................................... 99 3. Complication du traitement : la thyréotoxicose ................................................................. 101 B. Perspectives d’avenir dans l’utilisation de la lévothyroxine : traitement de l’obésité ....... 102 1. Fonctionnement des protéines découplantes .................................................................... 103 2. Hormones thyroïdiennes et protéines découplantes ......................................................... 104 3. Une solution : les analogues thyroïdiens ............................................................................ 106 Conclusion ....................................................................................................................................... 107 CONCLUSION....................................................................................................................................... 108 Bibliographie ....................................................................................................................................... 109 21 22 Introduction L’hypothyroïdie est une dysendocrinie connue dans l’espèce canine depuis de nombreuses années. Elle a tout d’abord été identifiée comme une simple dermatose, l’expression cutanée étant le signe princeps de cette affection. Actuellement, elle est reconnue comme possédant de nombreux symptômes touchant l’ensemble des différents systèmes de l’organisme. Après quelques rappels touchant à l’anatomie et au fonctionnement de la glande thyroïde, nous allons étudier les différentes avancées scientifiques au niveau de la pathogénie de cette affection, avancées qui permettent dorénavant de regrouper la majorité des hypothyroïdies comme issues d’un seul et même mécanisme pathogénique, les différences s’expliquant par des stades d’évolution plus ou moins avancés dans l’affection. Dans un deuxième temps, nous nous attarderons sur les différentes expressions cliniques possibles de cette dysendocrinie. Nous essaierons d’étudier les modifications ayant pu avoir lieu au niveau de la fréquence d’expression des différents symptômes, en insistant sur les troubles récemment expliqués comme étant liés à l’hypothyroïdie. Puis, nous ferons le tour des différents outils diagnostiques mis à la disposition du praticien, avec un aperçu rapide des techniques de pointe pour l’instant réservées au domaine expérimental, mais qui, dans le futur, entreront peut-être dans l’arsenal diagnostique à notre disposition. Enfin, nous reverrons ensemble comment doit être mis en place un traitement correct de l’hypothyroïdie avec les contrôles à effectuer afin de vérifier l’efficacité de celui-ci, pour finir avec un petit aperçu d’une utilisation parallèle envisageable des hormones thyroïdiennes et des analogues thyroïdiens dans le traitement de l’obésité 23 24 I. Présentation de la thyroïde et de son fonctionnement normal A. Anatomie La glande thyroïde est, chez le chien, située entre le 3ème et le 7ème anneau trachéal. Elle se situe au niveau de la surface ventro-latérale de la trachée proximale. Elle est, chez la plupart des chiens, constituée de deux lobes distincts.[100] Cependant, chez les brachycéphales et chez certains chiens de grande race, on peut noter une persistance de l’isthme.[41, 81] Il faut noter que la présence de tissu thyroïdien ectopique est possible chez environ 50% des chiens. Ce tissu ectopique pourra être retrouvé près de l’os hyoïde, le long de la portion cervicale de la trachée, à la base de l’aorte, voire dans le médiastin.[81] Les lobes sont des structures ovoïdes dont la taille varie entre 1 et 3 cm selon les races et les individus. Le poids de la glande à l’âge adulte est également variable. La thyroïde est un des seuls organes à fonction endocrinienne pouvant être palpé lors de l’examen clinique (notamment lorsqu’elle présente une hypertrophie.) Chaque lobe est emballé dans un fascia intimement adhérent à la trachée, et est en relation avec le cartilage cricoïde du larynx, les 5ème et 6ème anneaux trachéaux, l’œsophage, l’artère carotide commune, la veine jugulaire interne et le tronc vago-sympathique. Dans chacun des lobes thyroïdiens sont incluses deux petites glandes parathyroïdiennes[100] La vascularisation de la thyroïde est assurée par deux artères : • L’artère thyroïdienne crâniale (ou supérieure) issue de l’artère carotide commune • L’artère thyroïdienne caudale (ou inférieure) issue de l’artère carotide commune ou exceptionnellement de l’artère cervicale superficielle. Les veines thyroïdiennes crâniale et caudale accompagnent le réseau artériel, le drainage lymphatique étant quant à lui assuré par des ganglions locorégionaux.[3] L’innervation est assurée par le nerf thyroïdien issu du nerf laryngé crânial.[47] 25 Vue postérieure des glandes thyroïdes et parathyroïdes et de leur vascularisation D’après ELIAS, H. 26 B. Histologie Une capsule peu épaisse entoure l’organe et émet des cloisons qui séparent la glande en différents lobules, ces cloisons formant également des divisions à l’intérieur des lobules : les follicules. On dénombre entre trente et quarante follicules thyroïdiens par lobule. Ils sont constitués d’un épithélium formé de cellules cubiques et reposant sur une basale ainsi que d’une cavité centrale remplie d’une substance amorphe : la colloïde. Les follicules sont entourés d’un réseau de tissu conjonctif où sont présents des capillaires sanguins fenestrés ainsi que des capillaires lymphatiques borgnes. Deux types de cellules sont présents dans l’épithélium : • Les cellules folliculaires (ou thyréocytes) qui sécrètent les hormones thyroïdiennes. • Les cellules parafolliculaires (ou cellules C) qui sécrètent la calcitonine à activité hypocalcémiante. Les cellules folliculaires ont un aspect différent selon le niveau d’activité physiologique de la glande : lors d’une forte activité, on observe une augmentation de volume des cellules accompagnée d’un rétrécissement de la cavité folliculaire. Lorsque la cellule est au repos, on observe des cellules aplaties et une colloïde en grande quantité.[92] 27 C. Physiologie 1. Biosynthèse des hormones thyroïdiennes Les hormones thyroïdiennes T3 et T4 sont des dérivés tri- ou tétra-iodés d’un acide aminé : la L-thyronine. Cinq composés différents peuvent être synthétisés dans la thyroïde, ceux-ci se différenciant entre eux par le nombre et la position des iodures qui leur confèrent ou non une activité au niveau biologique. On distingue 3 formes métaboliques majeures : • La T4 ou tétra-iodothyronine, peut être considérée comme une prohormone thyroïdienne. Elle est, sous cette forme, très faiblement active. Elle est iodée en 3, 5, 3’ et 5’. Elle est aussi appelée L-thyroxine ou simplement thyroxine (Elle constitue 80% de la production totale dans l’espèce canine). • La T3 ou tri-iodothyronine, forme majeure et à activité la plus importante, elle est iodée en 3, 5 et 3’. Elle ne représente initialement que 20 % de la sécrétion totale d’hormones thyroïdiennes, mais est la seule forme véritablement active. • La rT3 ou reverse tri-iodothyronine. C’est le métabolite inactif principal issu de la thyroxine, iodé en 3, 3’ et 5’. C’est une des formes intermédiaires de dégradation de la thyroxine. [98] Afin de permettre la production d’hormone thyroïdienne, l’ingestion d’iode est nécessaire. La synthèse des différents dérivés iodés va se faire au sein d’une grosse glycoprotéine constituée de différents acides aminés dont essentiellement de la tyrosine : la thyréoglobuline. Celle-ci sera stockée au niveau de la colloïde. La synthèse des hormones se déroule en 6 étapes : 28 • Captation de l’iodure plasmatique par les thyréocytes grâce à un cotransporteur spécifique Na+/I- situé sur les cellules folliculaires. Grâce à ces co-transports, la concentration en I - intracellulaire peut atteindre des niveaux 20 à 200 fois plus élevés que la concentration plasmatique. Les ions thiocyanates inhibent cette captation par un mécanisme de compétition. • Oxydation enzymatique des iodures par la peroxydase, ancrée dans la membrane apicale. Une fois cette oxydation effectuée, l’iode sous forme moléculaire est capable de se fixer à la thyréoglobuline. • Synthèse de la thyréoglobuline (Tg) qui se déroule dans les cellules folliculaires et est stockée dans la colloïde. • Incorporation de l’iode à la thyréoglobuline et formation des dérivés mono-iodés (mono-iodotyrosine ou MIT) ou di-iodés (di-iodotyrosine ou DIT) qui sont les précurseurs des hormones T4 et T3. • Couplage des MIT et des DIT sous l’action d’une seconde peroxydase (différente de celle intervenant auparavant). On a alors formation d’une petite quantité de T3 (environ 20% de la production) et surtout de T4 (80% de la production). Le stockage de la thyréoglobuline iodée va se faire dans la colloïde. • Transfert de la thyréoglobuline iodée à l’intérieur des cellules folliculaires. La TSH intervient entre-autre dans ce transfert. La colloïde est phagocytée sous forme de micro-goutelettes dans des vacuoles situées au pôle apical des thyréocytes et appelées phagosomes. Des endo et des exopeptidases vont alors hydrolyser la thyréoglobuline iodée afin de permettre la libération de T3 et T4. On a ensuite libération des hormones dans le courant circulatoire au niveau des capillaires sanguins situés à proximité.[68] 29 Le follicule thyroïdien D’après SOURDIN, E. 30 2. Transport des hormones thyroïdiennes. La grande majorité des hormones thyroïdiennes (environ 99%) est liée à des protéines plasmatiques qui vont les transporter : la Thyroxin Binding Globulin (TBG) qui fixe 60% de la T4 chez le chien, et la Thyroxin Binding PreAlbumin (TBPA) qui entre en jeu à hauteur de 17% environ pour la fixation des hormones thyroïdiennes. Des protéines de transport non spécifiques vont aussi entrer en jeu, notamment l’albumine (12%) et les High Density Lipoproteins (10%). Moins de 0,5% de la T4 va se trouver sous sa forme libre, seule forme étant capable de se fixer sur les récepteurs cellulaires ou susceptible d’être transformée en T3, forme véritablement active. Concernant T3, entre 0,5 et 1% de la T3 totale se retrouve sous forme libre dans le torrent sanguin. La majorité de la T3 est donc liée et non disponible pour le métabolisme. On peut noter que chez le chien, l’affinité des protéines de transport pour les hormones thyroïdiennes est plus faible que chez l’homme, de plus les protéines de transport sont présentes en plus faible quantité, ce qui explique la plus faible concentration plasmatique en hormone thyroïdienne, mais aussi et surtout le fait que leur demi-vie est plus courte et donc, que le turnover se fait plus rapidement, avec des variations au cours du cycle nycthéméral pouvant être importantes.[83] 3. Métabolisme et élimination des hormones thyroïdiennes La forme T4 peut être considérée comme une forme de stockage et de transport de T3, étant donné que seule cette dernière va véritablement agir au niveau cellulaire. La transformation de T4 en T3 se fait par désiodation, celle-ci pouvant avoir lieu dans tous les tissus de l’organisme. Toutefois, les hépatocytes semblent avoir une capacité supérieure à celles des autres cellules pour la désiodation. Seul 20% de la T3 circulante a pour origine la thyroïde, les 80% restants vont être élaborés à partir de la transformation de T4. La désiodation peut se faire de deux manières : • Désiodation en position 5’, ce qui représente la voie 1 et aboutit à la formation de T3 active. • Désiodation en position 5, ce qui est la voie 2 et qui aboutit à la formation de rT3 (ou reverse T3) qui est inactive au niveau biologique, en effet, sa configuration spatiale ne lui permet pas de se fixer sur les récepteurs spécifiques de la T3. 31 L’organisme possède la capacité de privilégier l’une ou l’autre de ces deux voies selon son état physiologique : il pourra, par exemple favoriser la voie 2 lorsqu’il doit limiter son métabolisme (comme en cas de jeûne ou de stress). Certains médicaments peuvent aussi modifier l’orientation des voies de désiodation (les glucocorticoïdes par exemple). On retrouve cela dans l’hypothyroïdie fonctionnelle aussi nommée « Euthyroid sick syndrom ». On a de plus, lors de ces phénomènes, une diminution de l’affinité entre hormones thyroïdiennes et protéines de transport, ce qui va augmenter la proportion de forme libre active et donc une hausse du rétrocontrôle sur la production (cf infra) de TSH et donc une baisse de T4 au final.[68, 92] Les hormones thyroïdiennes possèdent plusieurs voies d’élimination. La majorité de l’élimination de ces hormones a lieu au niveau fécal, après désiodation, conjugaison en sulfates ou en glucuronides solubles, puis excrétion au niveau de la bile et passage dans le cycle entéro-hépatique. Une part de T3-T4 va aussi être éliminée par voie urinaire, mais cela ne représente qu’une minorité. L’ensemble du réservoir extra-thyroïdien de T4 est éliminé en 24 heures chez le chien.[83] Le catabolisme, beaucoup plus élevé que chez l’homme, associé au faible recyclage de l’iode organique explique la plus grande quantité d’iode alimentaire nécessaire et les fortes doses nécessaires à la supplémentation lors de traitement chez le chien. 4. Régulation de la sécrétion thyroïdienne La connaissance et la compréhension des différents mécanismes de régulation de la sécrétion d’hormones thyroïdiennes sont fondamentales afin d’utiliser au mieux les différents outils diagnostiques à disposition. La synthèse et la sécrétion des hormones thyroïdiennes sont régulées à la fois par des mécanismes extra (axe hypothalamo-hypophysaire) et intrathyroïdiens (autorégulation). Le niveau de régulation le plus haut se situe au niveau des neurones spécialisés des noyaux paraventriculaires de l’hypothalamus. Ces cellules possèdent la capacité de sécréter de la TRH (Thyrotropin Releasing Hormone = thyréolibérine) qui est une neuro-hormone agissant à la fois sur les cellules hypophysaires sécrétant la prolactine (sans intérêt ici), mais aussi sur les cellules thyréotropes du lobe antérieur de l’hypophyse. Cette sécrétion de TRH subit un rétro-contrôle négatif à la fois par la fraction libre des hormones thyroïdiennes, mais aussi par la TSH (cf infra). La TRH va donc avoir un effet positif sur la sécrétion de TSH (Thyroid Stimulating Hormon) au niveau des cellules hypophysaires et activer la libération de TSH dans le flot sanguin. La TSH va à son tour, agir directement sur la thyroïde où elle va stimuler l’entrée d’iode en intra-cellulaire, activer la synthèse de thyréoglobuline, son stockage dans la colloïde et sa iodation, elle va également stimuler la 32 protéolyse de la thyréoglobuline, la désiodation de T4 en T3 ainsi que la sécrétion hormonale proprement dite. Elle va aussi favoriser la croissance en taille de la glande thyroïde. Les hormones T4 et T3 auront un effet feed back négatif directement sur la production de TSH.[83] Il ne faut pas oublier qu’en plus de tous ces mécanismes, la régulation de l’hormonogenèse est bien plus complexe que ça, notamment au niveau de l’hypothalamus. On y trouve un complexe de neurones étroitement imbriqués et interconnectés qui sont capables de sécréter nombre de neuro-hormones, dont certaines capables d’agir sur les sécrétions de TRH et TSH. On peut citer la somatostatine ayant un effet inhibiteur important, mais également les androgènes, l’hormone de croissance, la dopamine et les corticoïdes. Il n’est de plus pas possible de séparer le système endocrinien des systèmes nerveux et immunitaires. En effet, des neuromédiateurs tels que l’histamine, la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline, sécrétés par certains neurones centraux vont à leur tour agir sur l’hypothalamus et donc indirectement sur la production de TRH [37]. Certaines cellules immunitaires peuvent aussi avoir la capacité de sécréter de la TSH (les lymphocytes T en sont pourvus). On se retrouve donc en présence d’un équilibre permanent sous la dépendance de nombreuses interactions. La modification d’un seul de ces facteurs peut entraîner des modifications de sécrétion ce qui explique la fragilité du système sécrétoire thyroïdien.[94] 5. Mécanisme d’action des hormones thyroïdiennes Les hormones thyroïdiennes ont un mécanisme d’action intranucléaire en se liant à des récepteurs spécifiques selon les cellules cibles. La T3, dont l’affinité pour ces récepteurs est bien plus importante que celle de la T4, est, pour cette raison, la forme métaboliquement active. Cette transformation de T4 en T3 va se faire essentiellement au niveau des cellules cibles et, selon le type de cellule dans lequel on se trouve, la quantité d’enzymes capables d’effectuer cette désiodation sera plus ou moins importante en fonction de la capacité de réponse attendue. La réponse de la cellule à la stimulation thyroïdienne va se faire en deux temps : • La réponse précoce : fixation de T3 aux récepteurs (TRα et TRβ essentiellement), activation de gènes particuliers permettant la production de protéines primaires qui vont agir sur le reste du génome. Les récepteurs Trα activant préférentiellement des zones du génome contenant des gènes codant pour des protéines agissant majoritairement sur la fonction cardiaque. Les récepteurs β, eux, activent plutôt des zones codant pour des protéines jouant sur le métabolisme. 33 • La réponse secondaire (ou retardée) : stimulation ou inhibition de la production d’autres protéines par action des protéines primaires sur les gènes codant pour cette deuxième série de protéines. On peut donc remarquer que les hormones thyroïdiennes, même une fois éliminées et donc non détectables, vont continuer à agir sur l‘organisme par l’intermédiaire de la réponse secondaire et des protéines produites au cours de celle-ci. Cet effet est très important, car on peut avoir une persistance de l’effet de ces protéines alors même que la sécrétion thyroïdienne est altérée. On peut de plus avoir fixation des hormones thyroïdiennes sur des récepteurs cytoplasmiques de faible affinité, mais cette liaison ne sert qu’à garder un pool d’hormones au voisinage de leur site d’action. On peut enfin citer aussi la possibilité d’action des hormones T3 et T4 sur les différents organites cytoplasmiques, comme les mitochondries.[58, 135] 6. Effets des hormones thyroïdiennes sur l’organisme Les rôles des hormones thyroïdiennes sont nombreux et multiples. On va retrouver leurs effets à différents niveaux de l’organisme : 34 • Contrôle du développement : les rôles neurotrophiques des hormones thyroïdiennes sur le développement, notamment cérébral, sont nombreux. Une carence pendant le développement et/ou la maturation de l’encéphale entraîne un crétinisme profond. On peut remarquer que la sévérité du trouble est inversement proportionnelle à l’intervalle de temps séparant la naissance de l’installation de l’hypothyroïdie : plus ce temps est long, moins le crétinisme est présent. Le système squelettique est lui aussi sous l’influence de ces hormones, à travers à la fois la transcription du gène codant pour l’hormone de croissance (nanisme), mais aussi par leur action sur le turnover osseux en agissant directement sur les ostéoclastes, et de façon indirecte sur les ostéoblastes.[43] • Contrôle de la différenciation et de la multiplication cellulaire. Ces effets sont visibles à différents niveaux de l’organisme. Elles vont stimuler directement et indirectement l’action de l’érythropoïétine, d’où l’observation d’une anémie normocytaire normochrome chez les animaux hypothyroïdiens. Un effet sur le stade anagène (de croissance) des follicules pileux est aussi à noter, avec de plus une stimulation du processus de kératinisation et de la sécrétion sébacée.[7] De plus, les hormones thyroïdiennes vont intervenir à différents niveaux dans la fonction reproductrice, que ce soit au niveau de la multiplication ou de la croissance des gamètes, mais aussi au niveau de la gestation et de la néonatologie.[79] Toutefois, leur rôle dans la fertilité chez les mâles n’est peut-être pas fondamental, des animaux ayant une hypothyroïdie provoquée ne présentant pas d’altération de la fertilité deux ans après le début des troubles endocriniens.[77] • Contrôle du métabolisme général : action sur de très nombreux processus métaboliques au niveau protéique, lipidique et glucidique. Elles agissent en influençant la concentration et le nombre d’enzymes, le métabolisme de substrats, vitamines, minéraux et la réponse des tissus cibles. Elles augmentent la consommation tissulaire d’oxygène (à l’exception du cerveau adulte, des gonades, de l’utérus, des nœuds lymphatiques, de la rate et de l’hypophyse antérieur) et donc la production de chaleur par l’organisme par stimulation de la production en protéines découplantes). L’effet métabolique est rapide en ce qui concerne les glucides (hausse de l’absorption intestinale, de la néoglucogenèse, et la glycogénolyse hépatique et musculaire, potentialisation des effets hyperglycémiants des catécholamines et du glucagon)) et les lipides (stimulation de la lipolyse et diminution des concentrations plasmatiques en cholestérol et triglycérides, diminution des réserves adipeuses, les hormones thyroïdiennes ne semblent pas avoir d’effet sur les adipocytokines, telle la leptine[72]), tandis que pour les protéines (anabolisme et catabolisme protéique augmentés avec prédominance du catabolisme), l’effet ne sera pas immédiat (d’où la lenteur de l’amélioration pilaire par exemple). • Impact viscéral des hormones thyroïdiennes. On a notamment intervention dans l’équilibre énergétique du muscle : leur absence provoque une myopathie métabolique avec dégénérescence myofibrillaire et accumulation de glycogène et de lipides.[47, 68] Le cœur est lui aussi sous contrôle des hormones thyroïdiennes, cela est particulièrement visible au niveau du myocarde pour lequel on remarque une baisse de la contractilité par diminution de la sensibilité aux catécholamines en cas d’hypothyroïdie : on a un effet inotrope et chronotrope positif, une stimulation de l’hypertrophie myocardique, une augmentation de la réponse à la stimulation adrénergique (action sur les récepteurs β-adrénergiques) et une diminution des résistances périphériques artérielles et veineuses. Cette baisse de résistance artérielle est par exemple visible au niveau rénal où le débit de filtration glomérulaire est en partie régi par T3 et T4.[135] De plus, au niveau rénal, elles jouent un rôle de régulation au niveau de la production d’urine, en intervenant sur la réabsorption ou non des ions Na+et H+.[103] Le tractus digestif subit une augmentation du péristaltisme sous l’action des hormones thyroïdiennes et est donc aussi sous leur influence. 35 • Effet permissif sur l’action des autres hormones et des neurotransmetteurs. De nombreuses interrelations existent entre les systèmes hormonaux, nerveux et le système endocrinien thyroïdien. T3 et T4 ont par exemple une action neurostimulante pouvant provoquer à forte dose de l’agitation et de l’irritabilité. Certains des effets des hormones thyroïdiennes sur le système nerveux sont probablement dus à une sensibilité accrue aux catécholamines, mais ces interactions ne sont pas encore totalement connues dans l’espèce canine. Conclusion Nous avons donc vu que les hormones thyroïdiennes possèdent une physiologie relativement complexe. Les différents effets de ces hormones sont variés et peuvent intervenir à de très nombreux niveaux de l’organisme et sur la totalité de celui-ci. L’ensemble des mécanismes agissant sur l’axe de régulation sont nombreux et variés et interviennent afin de nuancer l’intensité de la réponse thyroïdienne en fonction des conditions de vie dans lequel se trouve l’organisme. Les interactions avec les autres systèmes de l’organisme (comme les systèmes nerveux et immunitaires) sont très nombreuses et variées, d’où des dérèglements de l’axe thyréotrope pouvant très facilement se produire, avec les conséquences que nous verrons par la suite. 36 II. Etiologie et épidémiologie de l’hypothyroïdie. Il est fondamental de connaître les mécanismes à l’origine d’une affection afin de pouvoir comprendre les différentes expressions cliniques possibles et surtout afin de pouvoir les reconnaître lorsqu’un animal atteint nous est présenté en consultation. Concernant l’hypothyroïdie canine, une évolution notable a été effectuée ces dernières années, étant donné que les deux grandes entités auparavant distinctes au niveau des mécanismes pathogéniques responsables de l’hypothyroïdie, tendent actuellement, comme nous allons le voir, à être réunies en un seul et même ensemble. A. Etiologie et mécanismes pathogéniques Une insuffisance au niveau de la production d’hormones thyroïdiennes peut résulter d’une anomalie présente à trois étages différents : • Une anomalie de la glande thyroïdienne elle-même. C’est ce que l’on nomme hypothyroïdie primaire. C’est de loin la cause la plus fréquente dans l’espèce canine (>95%). Elle peut être congénitale ou acquise. • Une anomalie concernant l’hypophyse. C’est l’hypothyroïdie secondaire, due à un défaut de production de TSH (<5%). On la retrouve le plus souvent associée à une tumeur de l’hypophyse. • Une anomalie de l’hypothalamus. C’est l’hypothyroïdie tertiaire par défaut de sécrétion de TRH. Cette troisième étiologie est rencontrée chez l’homme, mais n’a jamais pu être mise en évidence chez le chien. Il existe deux autres types de déficit hormonal thyroïdien que l’on va classer à part : d’une part, la carence en iode alimentaire d’où impossibilité de sécrétion. D’autre part, il existe des hypothyroïdies dites fonctionnelles qui sont dues à une diminution de la synthèse d’hormones thyroïdiennes, mais sans aucune atteinte de l’axe thyréotrope et qui donc peuvent être dues soit à une affection aigüe ou systémique (c’est ce que l’on classe en hypothyroïdie fonctionnelle), soit associées à d’autres endocrinopathies (comme par exemple un Cushing), soit d’origine iatrogénique. Une autre classification des types d’hypothyroïdie peut être faite : « primaire » signifiant alors que l’atteinte est une atteinte primitive de la 37 glande, par opposition à une atteinte « secondaire » ou hypothyroïdie fonctionnelle qui représente un ensemble de mécanismes agissant au niveau central (axe hypothalamo-hypophysaire) ou périphérique (transport, métabolisme) et donc modifiant la concentration en hormone circulante alors que la glande thyroïde conserve toute son intégrité.[120, 132] Cette deuxième classification ne sera pas celle utilisée ici. 1. Hypothyroïdie primaire C’est le type d’hypothyroïdie le plus fréquemment rencontré dans l’espèce canine. Il concerne plus de 95% des cas d’hypothyroïdie canine.[7, 57, 84] On peut dire que la quasi-totalité des affections hypothyroïdiennes d’apparition spontanée chez les adultes est corrélée à une destruction irréversible de la glande thyroïde et donc rentre dans cette catégorie. Histologiquement, on distingue deux types principaux d’hypothyroïdie primaire : la thyroïdite lymphocytaire et la dégénérescence idiopathique thyroïdienne (ou atrophie folliculaire idiopathique). D’autres formes moins fréquentes peuvent aussi être présentes comme l’hyperplasie folliculaire (secondaire à une dyshormonogénèse), la destruction par néoplasie thyroïdienne ou secondaire à un traitement contre l’hyperthyroïdie (ce dernier cas étant extrêmement rare). Ces trois formes, plus rares, seront abordées dans un second temps. A l’origine, la thyroïdite lymphocytaire et l’atrophie thyroïdienne idiopathique étaient bien séparées l’une de l’autre et constituaient deux entités bien distinctes au sein de l’hypothyroïdie primaire. Depuis quelques années, l’hypothèse d’un lien chronologique entre ces deux étiologies a été évoquée, et actuellement, il est communément admis que la thyroïdite lymphocytaire constitue le stade à l’origine de l’atrophie idiopathique. Celleci est en quelque sorte le stade terminal d’une thyroïdite lymphocytaire. Nous allons tout d’abord étudier ces deux formes séparément comme si elles constituaient véritablement deux entités différentes, puis nous essaierons de voir quel lien les relie. a) Thyroïdite lymphocytaire La thyroïdite lymphocytaire serait à l’origine de plus de la moitié des formes cliniques d’hypothyroïdie.[56] Histologiquement, elle est caractérisée par une infiltration diffuse de lymphocytes, de cellules plasmatiques et de 38 macrophages à l’intérieur de la glande thyroïde, entraînant une destruction progressive des follicules et une fibrose secondaire des tissus thyroïdiens. Généralement, les neutrophiles ne sont présents qu’en quantité modérée, voir absents, mais lorsqu’ils sont présents, ils sont associés à des zones nécrotiques. La destruction glandulaire se fait ainsi de manière progressive, et les signes cliniques ne sont visibles de manière évidente que lorsque plus de 75% de la glande sont détruits. Cette évolution se fait de façon progressive sur une durée de 3 à 4 ans pour atteindre, à terme, une destruction complète de la thyroïde, après un stade de dégénérescence et d’atrophie du parenchyme folliculaire. La présence de ce processus inflammatoire peut être détectée très tôt dans le sérum des animaux atteints par la mesure du taux d’anticorps dirigés contre les antigènes thyroïdiens.[57] Ce terme général est utilisé, car différents composants peuvent induire la production d’anticorps : il existe des anticorps anti-peroxydase intervenant lors de la synthèse (anti-TPO), des anticorps anticolloïde, anti-TSH, mais les anticorps prédominants dans l’espèce canine sont les anticorps anti-thyréoglobuline (TgAA). En réalité, ces anticorps possèdent deux variants différents : l’un ciblé contre T3 et l’autre contre T4 et sont assimilables à des anticorps anti-T3 et anti T4, même si ces hormones ne possédant pas un poids moléculaires suffisants (10-20 kD) pour induire une réponse humorale, c’est la forme liée à la thyréoglobuline qui va entraîner la production d’anticorps. On a de plus pu mettre en évidence par microscopie électronique, la présence de complexes antigène-anticorps dans les follicules thyroïdiens et la reproduction expérimentale de thyroïdite lymphocytaire confirme la nature auto-immune de cette affection.[56] Ces anticorps étant retrouvés dans 50 à 60% des cas d’hypothyroïdie canine.[61] La thyroïdite lymphocytaire est une maladie très probablement d’origine auto-immune. La maladie d’Hashimoto, étudiée chez les humains, présente certains mécanismes communs qui peuvent être appliqués à l’étude de la thyroïdite lymphocytaire canine. L’origine de ce trouble serait liée à un défaut de régulation de l’immunité faisant intervenir des clones de lymphocyte T suppresseur non fonctionnels, et donc une persistance de lymphocytes T CD4 activateur devant normalement être détruits. On a alors possibilité d’activation de lymphocytes T cytotoxiques et de lymphocytes B dont la production d’anticorps cible les antigènes thyroïdiens et donc évolution vers une thyroïdite lymphocytaire. Toutefois, il existe plusieurs différences entre ces deux affections qui nous obligent à garder une certaine retenue dans l’application de ce modèle humain. Tout d’abord, les anticorps les plus communs ne sont pas ceux dirigés contre la thyréoglobuline (qui n’interviennent que dans 20 à 50% des cas étudiés), les anticorps antiperoxydase étant les plus fréquents (plus de 90% des cas) dans l’espèce humaine. De plus, un goitre est le plus souvent associé à la maladie de Hashimoto, ce qui n’est pas le cas dans l’espèce canine. Différentes théories existent concernant le déclenchement de cette autoimmunité : les prédispositions génétiques semblent jouer un rôle important 39 comme la prédisposition de certaines races semblent le montrer (cf plus bas). L’exposition à certains agents bactériens (Yersinia enterolitica pourrait intervenir) ou viraux ainsi que certains agents chimiques polluants présents dans l’environnement ont été avancés comme explication à la genèse de cette auto-immunisation. L’hypothèse d’un lien entre vaccination répétée et déclenchement de cette auto-immunisation a plusieurs fois été avancée, mais actuellement, les études n’ont pas encore réussi à mettre un tel lien en évidence.[131] b) Atrophie idiopathique Microscopiquement, l’atrophie idiopathique est caractérisée par une perte du parenchyme thyroïdien et son remplacement par du tissu adipeux. On peut noter l’absence de tissus inflammatoires, même dans les zones où de petits follicules ou des vestiges de follicules sont encore présents et, de plus, les tests de correspondance avec la thyroïdite lymphocytaire sont négatifs. Cet état est parfois accompagné de la présence d’anticorps type TgAA, mais leur présence n’est pas systématique, contrairement au cas de la thyroïdite lymphocytaire où ils seront retrouvés dans 100% des cas. c) Lien entre thyroïdite lymphocytaire et atrophie idiopathique L’origine de l’atrophie idiopathique est encore discutée, plusieurs théories sont actuellement avancées. Il a tout d’abord été suggéré qu’elle résultait d’un trouble dégénératif primaire des follicules thyroïdiens. En effet, cette dégénérescence est visible précocement au niveau histologique. La taille des follicules diminue progressivement et ceux-ci sont alors remplacés par du tissu adipeux, mais il n’y aurait dans ce cas aucune intervention de cellules immunitaires et donc absence totale de réaction de type inflammatoire. Dans ces conditions, les premières lésions visibles accompagnant la dégénérescence cellulaire sont la dilatation du réticulum endoplasmique granuleux, un gonflement des mitochondries et un rétrécissement des noyaux cellulaires. Actuellement, cette hypothèse est passée au second plan. L’hypothèse actuellement reconnue est celle d’un lien chronologique entre thyroïdite lymphocytaire et atrophie (qui ne serait alors plus idiopathique) de la thyroïde. L’atrophie de la glande thyroïde représenterait le stade terminal de la thyroïdite lymphocytaire. Selon cette hypothèse, la thyroïdite lymphocytaire évoluerait selon une suite d’étapes définies [26, 57]: 40 • Thyroïdite subclinique (ou silencieuse) : les lymphocytes infiltrent la thyroïde de façon focale et périphérique, mais il n’est pas possible de les mettre en évidence d’un point de vue histologique. A ce stade, la seule anomalie est la présence de TgAA dans le sérum. L’animal ne présente aucun signe clinique d’hypothyroïdie.[108] • Thyroïdite subclinique compensée : à partir du moment où plus de 60% du tissu glandulaire est touché, une élévation compensatoire de la TSH a lieu afin de « sur stimuler » la part de la glande qui n’est pas encore touchée par la thyroïdite et de compenser la diminution de sécrétion. Les cellules folliculaires épithéliales réagissent à cette stimulation en modifiant leur forme : elles passent d’une structure cuboïde à une forme en colonne. Au niveau biochimique, on remarque toujours la présence de TgAA, mais à cela vient s’ajouter une hausse de concentration en TSH tandis que les concentrations en T3 et T4 restent à des niveaux normaux. Selon le degré d’avancement de destruction de la thyroïde, la concentration en T4 (et donc en T3) est plus ou moins basse, et on a une apparition progressive des symptômes typiques de l’hypothyroïdie avec souvent en premier lieu un surpoids et une apparition de léthargie[77]. • Hypothyroïdie déclarée positive aux anticorps : quand la quasi-totalité du tissu fonctionnel a été détruit, la production de T4 ne peut être maintenue à un niveau suffisant et on observe alors un effondrement de la concentration en T4, une augmentation de la concentration en TSH et les TgAA peuvent toujours être mis en évidence. On a pu en effet après avoir induit expérimentalement une hypothyroïdie par radiothérapie, mesurer le temps de latence avant l’apparition claire de symptômes d’hypothyroïdie et ceux-ci n’ont été clairement visibles qu’après une période de un an. [77] • Atrophie thyroïdienne non inflammatoire : l’état final serait atteint, toujours selon l’hypothèse développée, lorsque la totalité du tissu thyroïdien aurait été remplacée par du tissu adipeux et/ou fibreux et que la totalité des cellules inflammatoires lymphocytaires aurait disparu. L’absence d’inflammation entraînant probablement par la suite la disparition d’anticorps type TgAA de la circulation sanguine. Il reste encore à préciser si les cas d’hypothyroïdie avec absence d’anticorps anti-thyroïdien (ce que l’on nomme atrophie thyroïdienne idiopathique) sont bien tous issus de l’évolution d’une thyroïdite lymphocytaire. Il faut distinguer cette atrophie, qu’elle soit qualifiée d’idiopathique ou de consécutive à un phénomène auto-immun, de celle associée à une diminution de la sécrétion de TSH et donc associée à un trouble au niveau hypophysaire (classification dans les hypothyroïdies secondaires), dans laquelle les follicules sont tapissés de cellules épithéliales ne présentant aucun 41 signe de dégénérescence, mais uniquement de diminution d’activité due à une hypostimulation. d) Néoplasmes thyroïdiens. Dans le cas de néoplasmes thyroïdiens, des signes cliniques d’hypothyroïdie peuvent apparaître, mais uniquement après que 75% de la masse glandulaire ait été détruite par une tumeur (infiltrante ou autre).[85] Les tumeurs responsables de tels phénomènes peuvent avoir soit une origine thyroïdienne, soit être issues de métastases provenant de tissus extrathyroïdiens. Les tumeurs les plus fréquemment responsables de processus extensifs au niveau thyroïdien sont les carcinomes, (thyroïdiens ou épithéliaux). Les tumeurs thyroïdiennes auraient une plus forte prévalence chez les individus adultes ou âgés (âge moyen de 9,5 ans) mais ne présenteraient pas de prédisposition sexuelle. Généralement, elles sont asymptomatiques avant leur découverte, à l’exception de celles situées en région cervicale. Le problème étant que la majorité des tumeurs thyroïdiennes sont des carcinomes et sont donc malignes, d’où un pronostic réservé, voire plus que réservé si l’exérèse est impossible. La radiothérapie et la chimiothérapie sont des alternatives intéressantes dans le traitement de ces tumeurs,[1, 90] l’imagerie nucléaire étant un outil diagnostique très utile pour déterminer l’origine des tumeurs observées.[42] Il est difficile de déterminer les prédispositions raciales existantes, néanmoins les races boxer, épagneul breton, beagles et retriever semblent ressortir plus fréquemment dans différentes études. [1, 90] Chez la plupart des chiens, ces tumeurs sont non sécrétantes et donc les cas d’hyperthyroïdie consécutive sont relativement rares. Dans les études menées par E.C. Feldman et R.W. Nelson sur des chiens atteints de tumeurs thyroïdiennes, 55 à 60% des chiens atteints de néoplasie thyroïdienne avaient des concentrations sériques en hormone thyroïdienne normales et ne présentaient aucun signe de troubles thyroïdiens. 30 à 35% des animaux avaient des concentrations diminuées associées à des troubles de type hypothyroïdie et seul 10% des animaux avaient des valeurs au dessus des normes accompagnées de symptômes d’hyperthyroïdie.[43] Même si la plupart des tumeurs thyroïdiennes sont considérées comme « non-fonctionnelles », elles sont probablement à l’origine de la sécrétion d’une forme inactive ou altérée d’hormone thyroïdienne. Cette hormone anormale n’a pas d’action biologique directe et n’est donc pas responsable d’un phénomène de type thyréotoxicose. Elle n’est pas non plus détectable par les méthodes de détection biochimique actuelles. Cependant, elle 42 semblerait posséder un effet feed-back négatif sur la sécrétion de TSH et donc entraînerait une atrophie du tissu thyroïdien fonctionnel restant.[43] Une dernière hypothèse suggérerait qu’une grande partie des néoplasmes thyroïdiens pourraient être la conséquence d’une stimulation chronique par une concentration élevée en TSH résultant d’une thyroïdite lymphocytaire. e) Hyperplasie des cellules folliculaires. Chez certains chiens hypothyroïdiens, l’examen histologique de la thyroïde montre la présence de petits follicules thyroïdiens contenant une faible quantité de colloïde. On remarque aussi la présence de cellules folliculaires hypertrophiées. Dans aucun cas, la présence d’un quelconque phénomène inflammatoire ou d’anticorps anti-thyroïdien n’a pu être mise en évidence. Le mécanisme pathogénique à l’origine de cette forme d’hypothyroïdie est, pour le moment, toujours inconnu. Toutefois, les remaniements histologiques observés ressemblent à ceux que l’on trouve en cas de carence en iode ou chez les jeunes (chiens ou chats) présentant un déficit de biosynthèse hormonal thyroïdienne. La carence en iode est très peu probable actuellement étant donné que ces animaux sont nourris avec une alimentation industrielle et donc complémentée. Une explication possible serait donc l’existence d’un phénomène de dyshormonogénèse des cellules folliculaires (trouble fonctionnel au niveau enzymatique des cellules sécrétantes) résultant d’une thyroïde défectueuse. L’hyperplasie de ces cellules pourrait s’être développée secondairement à l’effet stimulant d’une hausse de sécrétion de TSH en réponse au déficit en hormones thyroïdiennes.[43] Il est intéressant de noter que le fait de nourrir un animal avec un aliment contenant un excès d’iode peut causer une diminution de la fonction thyroïdienne et donc une hypothyroïdie par inhibition de l’absorption et de l’assimilation des composés iodés, entraînant par la suite une hausse paradoxale de TSH.[18] f) Hypothyroïdie congénitale Chez l’homme, cette origine est fréquemment rencontrée chez les enfants. C’est un syndrome sporadique, hétérogène et familial (possédant donc sûrement une composante héréditaire). Il peut être le résultat de nombreuses causes, parmi lesquelles on peut citer aplasie ou hypoplasie de la glande thyroïde, ectopie thyroïdienne, ingestion de substances goitrigènes par la mère, radiothérapie à base d’iode chez la mère, déficit congénital en protéines de transport, … Chez le chien, l’incidence de l’hypothyroïdie congénitale est très faible, bien que son estimation soit difficile étant donnée 43 la forte mortalité de ces animaux dans les premières semaines de leur vie et donc l’insuffisance d’investigations. Dans de rares cas, les jeunes peuvent survivre et présentent alors, hormis les symptômes classiques de l’hypothyroïdie, un nanisme disharmonieux ainsi qu’un crétinisme marqué.[7, 85] g) Hypothyroïdie iatrogénique Etant donné la rareté de l’hyperthyroïdie dans l’espèce canine, l’hypothyroïdie iatrogénique due aux traitements antithyroïdiens, au traitement à base d’iode 131 ou à l’exérèse chirurgicale est très peu rencontrée dans l’espèce canine (la prévalence de l’hyperthyroïdie étant très basse). On peut citer pour mémoire la fréquence de l’hyperthyroïdie et donc d’une possible hypothyroïdie iatrogénique bien plus élevée dans l’espèce féline. Au contraire, il existe de nombreuses molécules thérapeutiques que l’on considère comme modificatrices de la concentration sérique en T3 et T4. Celles-ci sont très nombreuses, mais nous les aborderons plus tard au cours de cette présentation.[32] Les hypothyroïdies primaires représentent la majorité des hypothyroïdies observées dans l’espèce canine. Parmi elle, la thyroïdite lymphocytaire est la cause principale à l’origine de la destruction thyroïdienne. Si l’on admet que l’atrophie idiopathique est l’évolution terminale de la thyroïdite lymphocytaire, la thyroïdite lymphocytaire représente à elle seule plus de 95% des causes d’hypothyroïdie. 2. Hypothyroïdie secondaire L’hypothyroïdie secondaire résulte d’un défaut de sécrétion hypophysaire en TSH, la stimulation de la glande thyroïdienne devient alors insuffisante. Elle représente moins de 5% des cas d’hypothyroïdie rencontrés dans l’espèce canine.[7, 85] A l’histologie, on observe des follicules dilatés, bordés de cellules épithéliales cuboïdes et dont le contenu en colloïde est uniformément dense. Il y a absence de processus inflammatoire ou de signes dégénératifs cellulaires. Dans le cas d’une hypothyroïdie secondaire, les analyses biochimiques doivent normalement permettre de faire ressortir une concentration sérique de TSH diminué, voire non détectable. Malheureusement, les examens 44 biochimiques disponibles dans l’espèce canine ne permettent pas encore de différencier les concentrations normales des concentrations diminuées en TSH, ce qui rend le diagnostique d’hypothyroïdie secondaire difficile, lorsque les concentrations en T3, T4 sont dans les normes.[43] Les causes pouvant être à l’origine de ce trouble sont au nombre de trois : inactivation de la capacité thyréotrope de la zone pituitaire, malformation hypophysaire congénitale et destruction de la zone pituitaire. a) Perte de la capacité sécrétrice en TSH La cause la plus fréquente d’hypothyroïdie secondaire est la perte de capacité sécrétrice en TSH. En effet, il existe de très nombreuses substances médicamenteuses induisant une baisse de sécrétion de TSH. Les médicaments les plus connus sont les glucocorticoïdes. Leur prévalence est forte dans le déclenchement d’hypothyroïdie secondaire, sûrement liée à leur utilisation très fréquente dans l’espèce canine. Le phénobarbital, les sulfonamides, mais de très nombreuses autres substances thérapeutiques, telles que les androgènes, le furosémide, les œstrogènes, … peuvent être cités comme responsables dans le déclenchement des hypothyroïdies secondaires.[54, 62] b) Malformation congénitale de l’hypophyse La deuxième cause en terme de fréquence est la malformation congénitale de la glande pituitaire. Certaines races sont connues pour être prédisposées à de telles affections comme les bergers allemands, chez qui on retrouve une persistance kystique de la poche de Rathke comprimant les cellules pituitaires et empêchant donc la sécrétion de TSH[7]. Une absence de sécrétion de GH (« growth hormone ») accompagne bien souvent cette affection et on observe alors la présence d’un nanisme hypophysaire (ou nanisme harmonieux), affection que l’on retrouve notamment chez les races qualifiées de « toy ». Dans le cas où la sécrétion de GH n’est pas affectée, on se retrouve face à un animal présentant une hypothyroïdie associée à du crétinisme.[43] 45 c) Destruction de la zone pituitaire Enfin, la dernière cause est la présence d’une tumeur hypophysaire qui, par compression, va entraîner la destruction de la zone pituitaire responsable de la sécrétion de TSH. Cette cause est la moins fréquente. Dans la majorité des cas observés, des troubles endocriniens multiples accompagnent cette affection, avec une prédominance de l’hypercorticisme hypophysaire (donc du à une tumeur hypophysaire), ce qui correspond bien au mécanisme que nous venons d’expliquer. De même, la diminution de TSH peut être accompagnée d’une diminution de sécrétion en ACTH (« AdrenoCorticoTropic Hormone » , responsable de la stimulation de sécrétion de corticoïdes), en ADH (« Anti Diuretic Hormone », intervenant dans le maintien de la volémie) en LH (« Luteinic Hormone », intervenant dans le maintien du corps jaune et l’ovulation) et en FSH (« Follicule Stimulating Hormone », jouant un rôle dans la croissance des follicules ovariens) à l’origine d’une polydysendocrinie avec hypoadrénocorticisme, diabète insipide, anoestrus, …[43] L’origine traumatique peut être citée pour mémoire, mais n’est quasiment jamais décrite, l’animal présentant des troubles nerveux sévères et ceux-ci aboutissent à son euthanasie avant l’apparition de troubles endocriniens. 3. Hypothyroïdie tertiaire Elle résulte d’un déficit de sécrétion en TRH par les neurones des noyaux supra-optiques et paraventriculaires de l’hypothalamus, à l’origine d’un déficit de stimulation de l’hypophyse et d’un défaut de sécrétion en TSH, d’où un déficit de sécrétion thyroïdienne en T4 et en T3. Il s’agit d’une entité très rare chez le chien, pour laquelle il n’y aurait à ce jour, pas encore eu de publication. En théorie, la différenciation entre secondaire et tertiaire se ferait sur la l’absence ou non de modification de la concentration de TSH après injection de TRH.[43] 4. Hypothyroïdie due à une carence en iode 46 Actuellement, on n’observe plus d’hypothyroïdie liée à des carences en iode, étant donné que la majorité des animaux sont nourris avec des aliments industriels dont la composition est correctement adaptée à leur besoin. Il est encore possible d’en rencontrer chez des animaux en sous-nutrition ou pour lesquels les propriétaires préparent des rations alimentaires déséquilibrées ou inadaptées. Des signes cliniques d’hypothyroïdie peuvent apparaître pour des apports inférieurs à 40 µg/kg/j, sachant que les besoins normaux se situent autour de 140µg/kg/j (des variations existent en fonction de la taille, plus exactement de la surface corporelle de l’animal).[5] 5. Hypothyroïdie fonctionnelle L’hypothyroïdie fonctionnelle se définit comme un défaut d’apport de T4 aux différentes cellules cibles de l’organisme, alors qu’aucune lésion n’est visible, ni au niveau de la glande thyroïde, ni au niveau de l’axe thyréotrope. Différents mécanismes sont évoqués pour expliquer la pathogénie de l’hypothyroïdie fonctionnelle : • L’hypothèse qui était suspectée responsable de ce phénomène était celle d’un déficit de la conversion T4 T3 par inhibition de la 5’monodésiodase. Cela expliquait en grande partie la baisse de la T3 circulante lors de maladie systémique non thyroïdienne (on parle de « syndrome de la T3 basse », ce mécanisme étant en quelque sorte une adaptation de l’organisme aux mécanismes pathologiques. Il va diminuer son métabolisme basal afin de pouvoir se consacrer plus fortement au combat contre l’affection incriminée.[68] On observe dans ce cas une hypothyroïdie vraie alors que la concentration de T4 est normal. Cette hypothèse a été pendant un moment l’explication privilégiée concernant l’hypothyroïdie fonctionnelle, mais elle est dorénavant passée au second plan au profit de l’hypothèse abordée ci-dessous. • Une diminution de transport de T3 et de T4. On pourra lier cette diminution de transport, soit à la diminution du nombre de protéines de transport, situation rencontrée dans un grand nombre d’affections, parmi lesquelles on peut citer les affections hépatiques, rénales, bref, toute affection modifiant les concentrations plasmatiques en protéines …, soit au rôle inhibiteur des acides gras non estérifiés sur l’affinité des protéines transportrices. Actuellement, cette hypothèse de diminution des protéines de transport est celle acceptée par la communauté scientifique. Tout stress métabolique, qu’il soit secondaire à une affection systémique aiguë ou chronique, entraîne une libération de corticoïdes au niveau des glandes médullo-surrénales. Cette sécrétion de corticoïdes va activer le catabolisme protéique, réduisant ainsi la quantité de protéines de transport et donc par la même occasion la 47 quantité de T4 et de T3 circulante. La quantité de T4 et T3 libre n’est pas modifiée, mais augmente tout de même en proportion. • Une baisse de la production thyroïdienne, reliée à un mécanisme nerveux central entraînant une baisse de sécrétion de TRH, soit sous l’effet de neurotransmetteurs, soit de cytokines ou d’autres hormones du stress (cortisol, glucagon, …).[34] • Une résistance périphérique tissulaire aux hormones thyroïdienne. Celleci est parfois suspectée et se traduit cliniquement par une hypothyroïdie cliniquement déclarée avec des concentrations hormonales élevés. [92] L’origine de l’hypothyroïdie fonctionnelle peut être soit une maladie systémique « grave », c’est ce que l’on nomme « euthyroid sick syndrom » et qui correspond à l’ensemble des modifications de la concentration sérique en hormones thyroïdiennes observé au cours de maladies sévères non thyroïdiennes, soit en association avec d’autres endocrinopathies, soit iatrogène. L’intérêt de distinguer hypothyroïdie « classique » et hypothyroïdie fonctionnelle est essentiellement thérapeutique et va en partie influencer le pronostic médical de l’animal soigné. a) Hypothyroïdie fonctionnelle induite par des maladies graves ou chroniques De la même façon qu’en médecine humaine, il existerait un véritable « euthryoid sick syndrom » dans l’espèce canine. Toutefois, il existe des différences dans cette affection entre les deux espèces. Chez le chien, l’anormalité la plus fréquente serait une baisse de T4 associée la moitié du temps à une baisse de T3, alors que dans l’espèce humaine, on aurait plus tendance à observer l’inverse (baisse de T3 systématique accompagnée ou non d’une baisse de T4). De ce fait, le mécanisme à l’origine de cette affection serait plutôt à rechercher au niveau central qu’à une inhibition de la désiodase, mécanisme qui est le plus souvent observé en humaine. Le jeûne chez le chien va provoquer une baisse des hormones thyroïdiennes. Dans un premier temps, seule une baisse de T3 est visible, puis, on a une chute de T4 et de rT3 de manière transitoire et d’intensité faible. Cette diminution des concentrations thyroïdiennes entraînant par la suite une baisse de l’appétit pouvant aller jusqu’à l’anorexie (pouvant être en pratique associée avec une autre affection ayant des effets propres sur la sécrétion d’hormones thyroïdienne), le chien étant tout de même moins sensible que 48 l’homme face au jeûne (meilleure capacité physiologique à compenser une baisse ponctuelle de l’apport calorique).[94] L’état de cachexie est lui aussi un facteur déclenchant de l’hypothyroïdie fonctionnelle, avec un facteur de proportionnalité entre la gravité de la cachexie et la chute de concentration hormonale. On peut expliquer cette relation à l’aide du mécanisme pathogénique suivant : la cachexie entraîne une diminution des adipocytes et donc des facteurs tels la leptine ou le neuropeptide Y, ce qui inhibe la production de TRH. [137] Une infection (aiguë ou chronique) va elle aussi entraîner une modification des sécrétions thyroïdiennes. Différentes études à base d’injections d’endotoxines sur des animaux d’expérimentation, ont montré que, sur des chiens sains, ces injections entraînent une chute significative en hormone T3 associée a une hausse de rT3[118, 141]. Ces injections, mimant en quelque sorte une infection bactérienne importante à Gram–, induit donc une véritable hypothyroïdie fonctionnelle et donc, par extension, un état infectieux important ou chronique est bien susceptible d’induire une hypothyroïdie fonctionnelle. Le mécanisme pathogénique mis en jeu fait probablement intervenir un effet propre des endotoxines, avec une probable intervention des cytokines produites par les leucocytes. Par exemple, lors d’affections cutanées systémiques, l’hypothyroïdie est bien souvent proposée au niveau des hypothèses diagnostiques. Elle peut, en effet, être responsable de nombreuses modifications au niveau de la peau (alopécie, séborrhée, comédons, …) et donc prédisposer à l’apparition de pyodermites bactériennes récidivantes. La question que l’on peut se poser est de savoir si la relation entre hypothyroïdie et affection cutanée est à sens unique, ou si une affection ayant des répercussions systémiques telle que la pyodermite profonde peut entraîner une hypothyroïdie fonctionnelle. Il n’a pas été possible de mettre en évidence expérimentalement l’existence d’un lien à double sens[4], cela étant en partie du à l’impossibilité d’explorer de manière complète la fonction thyroïdienne dans l’espèce canine. On peut aussi relier la fréquence élevée de concentration en T3 et en T4 basse dans le cas d’animaux atteint d’affections cutanées à l’utilisation de médicaments ayant des effets importants sur l’axe thyréotrope, comme les corticoïdes, les sulfamides, …[54] Diverses affections cardiaques induisant ou non une insuffisance cardiaque en cas de décompensation peuvent entraîner une hypothyroïdie fonctionnelle. Différentes études ont pu montrer que lors d’insuffisance cardiaque spontanée ou provoquée, l’exploration des paramètres biochimiques montrait une diminution des concentrations sériques de T3 et de T4, avec une hausse de rT3 et une réponse conservée à la TSH.[22, 111, 117] De plus, on a souvent lors des insuffisances cardiaques évoluant depuis 49 un long moment, l’apparition de cachexie et une perte protéique importante, ce qui aggrave l’hypothyroïdie fonctionnelle lorsqu’elle est déjà présente. On peut signaler le rôle important des hormones thyroïdiennes dans le maintien de la fonction cardiaque (d’où les troubles cardiaques en cas d’hypothyroïdie comme nous le verrons plus tard) et donc la présence d’un cercle vicieux d’auto-aggravation des troubles cardiaques suite à l’hypothyroïdie fonctionnelle. On peut encore citer les insuffisances rénales, hépatiques, ainsi que certains types d’entéropathies qui, secondairement à une baisse des protéines plasmatiques (et donc des protéines de transport), entraîneront une diminution de T3 et T4 circulant, tout en augmentant la part de la fraction libre. L’ostéoarthrose pourrait aussi être un facteur entraînant une diminution des hormones T4 et T3, tout en restant dans les limites de la normale. L’existence d’un lien entre ces deux faits n’a jamais pu être mis en évidence dans des publications.[119] L’épilepsie peut aussi déclencher des états d’hypothyroïdie fonctionnelle chez le chien, et cela sans influence du traitement classique de l’épilepsie essentielle à base de phénobarbital.[138] D’autres affections, comme les pneumonies, certaines anémies hémolytiques ont été soupçonnées comme liées à de l’hypothyroïdie fonctionnelle, mais aucune étude n’a pu montrer l’existence de relation. Enfin, il faut noter la possibilité d’utiliser les valeurs de T3 et T4 comme valeur pronostique lors de certaines affections.[82] En effet, comme en médecine humaine, la baisse de T3 étant corrélée à la mortalité, on peut déduire que la concentration en T3 est un indicateur fiable de la gravité de l’affection mise en cause, même si en médecine vétérinaire, on ne dose que très peu souvent cette hormone. Plusieurs études ont montré l’utilité de ces dosages [9, 13, 38, 129, 138] et une utilisation plus approfondie de ce paramètre pourrait être encouragée dans les années à venir, notamment en tant que facteur pronostic dans le cadre du traitement de la parvovirose. Il est donc possible que dans un avenir proche, les dosages de T3 et T4 puissent représenter des facteurs pronostiques fiables afin de déterminer si la mise en place d’un traitement a ou non une bonne probabilité d’améliorer de façon durable la condition de l’animal. Il faudrait pour cela que des normes de concentration puissent être établies en fonction de la gravité de l’atteinte de l’animal et de sa race. 50 b) Hypothyroïdie fonctionnelle induite par d’autres endocrinopathies. Le système endocrinien est complexe, il possède de nombreux rétrocontrôles dans lesquels toutes les hormones interagissent les unes avec les autres. C’est pourquoi une dysendocrinie, surtout lorsqu’elle évolue depuis un certain temps, est rarement isolée, de sorte qu’il n’est pas étonnant qu’une hypothyroïdie puisse être associée à d’autres types de dysendocrinies. Toute la difficulté lors du diagnostic consiste à savoir si l’hypothyroïdie est la cause ou la conséquence de ces endocrinopathies. L’hypercorticisme est la première endocrinopathie responsable d’hypothyroïdie fonctionnelle en terme de fréquence. Le mécanisme exact d’action des corticoïdes sur la fonction thyroïdienne n’est pas totalement déterminé, leur action pourrait avoir lieu au niveau central, au niveau des capacités de transport (hypothèse la plus probable) ou au niveau de leur capacité d’excrétion. Mais il apparaît tout de même certain qu’ils agissent en diminuant les concentrations sériques basales en T3 et en T4. [45, 122] La glande thyroïdienne garde toutefois sa sensibilité à la TSH. Cet hypercorticisme peut être d’origine primaire (les corticoïdes vont agir directement), secondaire (tumeur hypophysaire et donc possibilité d’hypothyroïdie secondaire intercurrente), voire en réponse à un stress physique (affections graves, tumeurs, atteintes hépatiques,…), un stress chimique ou un stress émotionnel (troubles du comportement, mauvaises conditions d’entretien, …). Toutes ces causes pouvant être à l’origine d’un hypercorticisme, peuvent elles aussi entraîner une hypothyroïdie fonctionnelle. Dans certains cas, on peut avoir un hypercorticisme qui sera secondaire à une hypothyroïdie, mais dans la plupart des cas, la relation de cause à effet se fait dans l’autre sens.[69] Le diabète sucré est aussi une des causes pouvant être à l’origine d’hypothyroïdie fonctionnelle. Il s’agit en général de diabète sucré de type 2, non insulinodépendant. Associé à cette dysendocrinie, on a parfois en plus présence d’un hypercorticisme, conséquence ou non du diabète sucré.[46, 69] Il semblerait toutefois que dans un certain nombre de cas de diabète sucré, une hypothyroïdie est diagnostiquée, mais les vétérinaires traitants concluent bien souvent à une origine primaire, sans approfondir leur diagnostic. Les liens de cause à effet entre ces affections ne sont pas encore totalement élucidés. Il est toutefois possible d’émettre quelques hypothèses concernant les mécanismes pathogéniques. Tout d’abord les causes probables d’un diabète peuvent elles aussi être responsables de l’apparition d’une hypothyroïdie fonctionnelle, les dérèglements hormonaux à base de glucagon, cortisol ou hormone de croissance rentrent dans cette catégorie. 51 D’autres causes, telles que les infections bactériennes, entrent aussi en jeu. De plus, les conséquences d’un diabète mal soigné au niveau de l’organisme, sont aussi des facteurs favorisant l’apparition d’une hypothyroïdie fonctionnelle. On peut noter l’importance, dans ces conséquences, des atteintes rénales et hépatiques, la prédisposition aux infections bactériennes, les neuropathies et l’acidocétose qui sont des complications fréquentes pouvant provoquer des modifications des hormones thyroïdiennes. Le diabète peut donc induire une hypothyroïdie fonctionnelle et cela de différentes manières. Enfin, les modifications hormonales multiples observées chez les chiennes en dioestrus vont agir sur la totalité du système endocrinien et donc sur la fonction thyroïdienne. On peut observer dans de tels cas, en plus d’une diminution des hormones thyroïdiennes, une hyperréactivité corticosurrénalienne ainsi que parfois présence d’un diabète. Généralement, dans les semaines suivantes, on observe un retour à la normale de toutes ces sécrétions hormonales, une fois que les hormones gonadiques retrouvent leur niveau habituel. La période de dioestrus est donc susceptible d’entraîner l’apparition d’une hypothyroïdie réversible spontanément. c) Hypothyroïdie fonctionnelle iatrogènique On peut classer les hypothyroïdies iatrogèniques suite à des traitements ne visant pas à traiter une quelconque hyperthyroïdie dans la catégorie des hypothyroïdies fonctionnelles. Les molécules agissant de cette manière sont très nombreuses. Les molécules étant incriminées de manière la plus fréquente sont les glucocorticoïdes, d’une part du fait de leur utilisation très fréquente et d’autre part à cause de l’effet important qu’elles peuvent avoir sur l’axe thyréotrope (baisse de la sécrétion de TSH, inhibition de la sécrétion de TRH, baisse de la TBG, baisse de l’affinité entre protéines de transport et enzymes, inhibition de la conversion de T4 en T3, etc.…), d’où la nécessité de cesser tout traitement à base de corticoïdes plusieurs semaines, voire plusieurs mois avant toute exploration thyroïdienne, si l’on veut que les résultats soient interprétables.[106] De nombreuses autres molécules dont nous avons déjà parlé auparavant interviennent de manière comparable, notamment les sulfamides, le phénobarbital, les androgènes, le furosémide, etc., les analogues hormonaux étant ceux dont l’effet est la plus important. Selon la molécule en cause, le mécanisme pathogénique est différent, soit au niveau du métabolisme périphérique (phénobarbital), une inhibition au niveau central (analogue dopaminergique) ou les deux à la fois (corticoïdes). Les modifications instaurées par ces traitements sont bien souvent réversibles à l’arrêt du 52 traitement, mais il faut parfois plusieurs semaines avant un retour à la normale. La majorité des hypothyroïdies est donc liée à une hypothyroïdie primaire consécutive à une thyroïdite lymphocytaire, dont les facteurs déclenchants ne sont pas encore correctement connus, mais à rechercher du côté des maladies auto-immunes. L’hypothyroïdie fonctionnelle est à classer à part et à ne pas confondre avec l’hypothyroïdie classiquement rencontrée dans l’espèce canine. Son traitement n’est pas à envisager comme celui de l’hypothyroïdie primaire avec une supplémentation à base de lévothyroxine, mais il faut tout d’abord résoudre le mécanisme (pathologique ou non) à son origine. L’intérêt de l’hypothyroïdie fonctionnelle dans la médecine vétérinaire résulte aussi de l’utilisation qu’il peut en être faite en tant que facteur pronostic lors d’affections systémiques graves. B. Epidémiologie L’hypothyroïdie semble être la dysendocrinie la plus fréquente dans l’espèce canine. Sa prévalence semble se situer actuellement entre 0,6 et 0,8%.[130] Néanmoins, la véritable prévalence de celle-ci reste inconnue, car un grand nombre d’animaux diagnostiqués comme hypothyroïdiens sont soit classés ainsi par erreur, soit entrent dans la catégorie de l’hypothyroïdie fonctionnelle et ne sont donc pas de véritables hypothyroïdiens. De plus, des recherches récentes ont essayé d’apporter un éclairage nouveau sur les prédispositions raciales de l’hypothyroïdie, qui n’influenceraient plus seulement la fréquence, mais aussi l’âge d’apparition de l’hypothyroïdie. Nous allons essayer de voir quelles sont les données épidémiologiques qui peuvent aider à ce diagnostic et quelles évolutions ces données épidémiologique ont subi, notamment concernant le facteur race. 1. Age Hormis les hypothyroïdies congénitales (malformation, très rare chez les chiens), il semblerait que l’hypothyroïdie soit une affection du chien adulte. La majorité des chiens atteints sont situés dans une fourchette entre 2 et 9 ans avec des moyennes variant entre 5 et 7 ans.[35, 102, 123] A priori, quand l’âge du patient augmente, la concentration en hormones thyroïdiennes 53 diminue de manière linéaire jusqu’à l’âge de 11 ans. Ensuite, l’apparition d’hypothyroïdie paraît bien moins probable de manière spontanée. En fonction de l’âge de l’animal, l’atteinte de la glande thyroïde est plus ou moins sévère, la sévérité augmentant avec l’âge du fait de l’évolution d’un processus comme la thyroïdite lymphocytaire. En fonction du degré d’atteinte de l’axe thyréotrope, l’expression clinique de l’affection serait différente : plus l’atteinte est forte, plus les modifications de T4 et T3 sont modifiées et plus l’expression des symptômes est importante (cf infra). En plus de cela le facteur race intervient énormément sur cette évolution, comme nous le verrons par la suite. Il est ainsi possible que des animaux d’âge inférieur à 2 ans souffrent déjà d’hypothyroïdie latente sous la forme d’un début de thyroïdite, mais que celle-ci n’atteigne qu’une part trop peu importante de la thyroïde pour qu’il y ait présence de signes cliniques. De plus, selon l’âge, les images histologiques accompagnant l’hypothyroïdie semble différer : chez les plus jeunes, il semblerait que la plupart des affections thyroïdiennes soit constituée de thyroïdites lymphocytaires ou de thyroïdites sub-cliniques, pour ensuite évoluer vers une majorité d’atrophie thyroïdienne idiopathique au fur et à mesure que l’âge augmente, ce qui correspondrait bien à l’hypothèse de l’évolution de la thyroïdite lymphocytaire vers un état amorphe de la thyroïde où celle-ci est remplacée par du tissu adipeux. Chez les vieux animaux, la recherche de TgAA est faite probablement trop tard pour pouvoir les mettre en évidence, et on conclue alors à une origine idiopathique. L’effet de l’âge sur l’hypothyroïdie est en fait bien plus complexe que ce qui était proposé auparavant où seuls les animaux âgés étaient atteints. En fonction de l’âge, les animaux ayant une prédisposition génétique vont être plus ou moins atteints, l’intensité de ces signes variant proportionnellement à l’âge, la race semblant influencer la précocité de cette évolution. L’existence d’un gène prédisposant les chiens à développer des hypothyroïdies à travers différents phénomènes auto-immuns est encore à démontrer mais semble être une piste sérieuse.[55] 2. Race De nombreuses études ont tenté de mettre en évidence l’existence des prédispositions de certaines races à l’hypothyroïdie. Toutefois, les auteurs n’arrivent pas à s’accorder sur leurs résultats qui sont bien souvent différents, voire contradictoires. Les populations servant à de telles études sont constituées d’animaux référés à des cliniques spécialisées, ce qui peut induire la présence de nombreux biais dans ces études. De plus, la dichotomie entre hypothyroïdie primaire et hypothyroïdie fonctionnelle n’est pas toujours faite, ce qui induit un biais supplémentaire dans ces études. 54 La taille de l’animal atteint semble avoir une incidence sur les sécrétions de T4 (plus élevée chez les animaux de petite taille que chez les animaux de moyenne et grande taille) et de T3 (plus élevée chez les animaux de taille moyenne que chez les animaux de taille grande ou petite) chez des animaux sains. Ces hypothèses semblent trouver écho chez la plupart des auteurs, accompagnant la prédisposition des races grandes et moyennes à l’hypothyroïdie.[123] Des études anciennes rapportées par Scarlett essaient de faire ressortir des races qui seraient, selon lui, surreprésentées chez les animaux atteints d’hypothyroïdie : les Chows-chows, les Bouledogues anglais, les Basenjis, les Epagneuls, les Pinschers moyens, les Lévriers, les Schnauzers, les Setters irlandais et les Boxers représenteraient 50% des animaux atteints dans ces études. L’absence de population de référence ne permet toutefois pas de confirmer la prédisposition de ces races, tout du moins uniquement grâce à ces études. Une autre étude, toujours rapportée par le même auteur, mais celle-ci avec utilisation d’une population de référence permet d’établir une liste peut-être un peu plus juste comprenant : les Goldens retrievers, les Pinschers moyens et miniatures, les Lévriers, les Bergers shetland, les Setters irlandais, les Bergers de poméranie, les Cockers et les Airedales. De plus, les races Labradors et Beagles sont elles aussi bien souvent rapportées dans de nombreuses publications, comme atteintes d’hypothyroïdie. Ce qui paraît toutefois étrange est l’absence du Berger allemand dans cette étude, alors que dans la littérature, cette race a tendance à souvent ressortir lorsque l’on parle d’hypothyroïdie.[127] Enfin, des travaux récents tendent à faire ressortir les mêmes races, auxquelles on peut ajouter le Setter anglais et le Rhodesian ridgeback. En effet, lors de recherche d’anticorps type TgAA, les mêmes races apparaissent fréquemment avec une préférence pour les grandes races. Les derniers travaux effectués apportent de nouveaux éléments concernant les prédispositions raciales suspectées. D’une race à l’autre, on peut observer des différences dans la répartition étiologique des hypothyroïdies observées, selon que celles-ci soient liées à une thyroïdite ou à une atrophie thyroïdienne. Par exemple, dans l’étude de Graham et al., les setters anglais ont une proportion d’animaux positifs aux TgAA de 84%. Cela signifie que 84% des hypothyroïdiens sont encore dans une phase active de thyroïdite lymphocytaire ou sont en train d’achever cette phase de thyroïdite. Seul 15% des setters anglais présentent une atrophie idiopathique et sont donc dans la phase terminale de l’hypothyroïdie. Au contraire, d’autre races comme les teckels, les border collie, présentent une majorité d’animaux avec une atrophie idiopathique. Comme nous l’avons vu auparavant le degré d’atteinte de l’hypothyroïdie (et donc le stade auquel se trouve la thyroïdite) influencent fortement l’expression des signes cliniques de l’animal. Des animaux comme le teckel présenteront donc en majorité des thyroïdites en stade terminal 55 (atrophie). Les signes cliniques présentés par l’animal seront donc plus prononcés dans ces races. De plus, la race va conditionner la vitesse et l’âge d’apparition des symptômes selon les mêmes mécanismes. Les races présentant une majorité d’atrophie pour un âge donné seront celles chez qui l’apparition des symptômes se fera de manière plus précoce et plus prononcée. Les races considérées comme les plus prédisposées seraient celles chez qui l’apparition des symptômes est la plus précoce, donc celles chez qui le taux de TgAA est le plus élevé à la base et qui ont donc les symptômes les plus visibles.[43, 57] 3. Sexe Le sexe ne semble pas influencer la quantité d’hormones thyroïdiennes dans l’organisme et l’appartenance à un sexe ne prédispose pas particulièrement à l’apparition d’une hypothyroïdie : la répartition des mâles et des femelles dans une population d’hypothyroïdiens est la même que dans une population normale.[123] La stérilisation, quand à elle, scinde la communauté scientifique autour de deux hypothèses différentes : pour certains, elle augmente la probabilité d’apparition d’une hypothyroïdie, particulièrement chez les femelles [102], alors que pour d’autres, elle n’a aucune influence sur l’hypothyroïdie.[41] 4. Autres facteurs La saison ainsi que la localisation géographique pourraient avoir leur rôle à jouer dans l’épidémiologie de l’hypothyroïdie, mais de plus amples recherches sont nécessaires afin de préciser quelle est exactement la part de leurs responsabilités dans le déclenchement de l’hypothyroïdie. Les facteurs épidémiologiques apportent un angle d’attaque nouveau, non seulement sur les prédispositions de certains races ou non à être atteinte d’hypothyroïdie, mais aussi sur les différences d’âge au moment de l’apparition de l’affection et sur les expressions variées en fonction des races concernées. 56 Conclusion L’hypothyroïdie dans l’espèce canine a donc pour origine quasi-exclusive une hypothyroïdie primaire (suite à un problème touchant directement la glande). La grande majorité de ces hypothyroïdies seraient consécutives à une affection auto-immune qui entraînerait une thyroïdite lymphocytaire, ellemême à l’origine dans un second temps d’une atrophie de la glande thyroïde (autrefois nommée atrophie idiopathique). La rapidité d’apparition et d’évolution de cette pathologie auto-immune semble très fortement corrélée à la race de l’animal, certaines races étant touché plus précocement que d’autres. L’hypothyroïdie fonctionnelle est une entité à part qui ne doit surtout pas être traitée comme une hypothyroïdie classique. Son utilisation en tant que facteur pronostique lors d’affection systémique est prometteuse pour l’avenir et doit être étudié, par la mise en place de grilles de concentrations plasmatiques en hormones thyroïdiennes en fonction de la race et de l’affection touchant l’animal considéré. 57 58 III. Aspects cliniques de l’hypothyroïdie Avant toute étude, il faut séparer les symptômes que l’on observera dans le cas d’une hypothyroïdie congénitale et dans le cas d’une hypothyroïdie acquise (quelle que soit son origine), la différence entre l’expression clinique de ces deux étiologies étant fondamentale. A. Hypothyroïdie congénitale Dans le cas de l’hypothyroïdie congénitale, les symptômes deviennent évidents entre la 3ème et la 8ème semaine pour les propriétaires. Les hormones thyroïdiennes étant nécessaires au bon développement des systèmes nerveux et squelettiques, un animal présentant un déficit congénital va présenter un statut de crétinisme accompagné d’un nanisme disharmonieux.[133] Morphologiquement, les anomalies peuvent donc être sévères, avec un animal qui aura une grosse tête, une taille réduite, une séborrhée, une altération du pelage avec persistance du pelage de chiot. Il présentera de plus de la constipation, une éruption dentaire retardée, des perturbations nerveuses (comme de l’ataxie, de la faiblesse, de l’indolence, de l’hyporéflectivité, et des tremblements musculaires) et une laxité ligamentaire. Le nanisme disharmonieux observé dans ce cas ne doit pas être confondu avec un nanisme hypophysaire que l’on observerait en cas de déficit en hormone de croissance, la différence pouvant être difficile à faire, car ces deux affections peuvent être couplées (soit à cause d’une anomalie au niveau de l’hypophyse, soit car un déficit en hormones thyroïdiennes peut entraîner un déficit de sécrétion en GH)[21, 124, 139]. De plus, on a bien souvent apparition d’un goitre du à une surproduction de TSH[49]. Le traitement peut parfois corriger la majorité des signes cliniques, même si certains symptômes vont parfois persister (petite taille, retard mentale) lorsque la thérapeutique tarde à être mise en place.[41, 43] 59 B. Hypothyroïdie acquise Etant donné le spectre d’activité particulièrement étendu des hormones thyroïdiennes, l’hypothyroïdie peut se traduire par une multitude de symptômes touchant tout l’organisme. Ceux-ci sont peu pathognomoniques et variables au niveau de leur fréquence et de leur intensité. De plus, leur apparition se fait très souvent de manière progressive et lente, du fait de la destruction progressive de la thyroïde, et cela rend le diagnostique plus complexe à établir, étant donné que les éléments diagnostiques peuvent parfois être présents depuis plusieurs mois avant que les propriétaires ne les remarquent et ne se décident à aller consulter un vétérinaire. Ils ne remarqueront parfois l’existence d’un problème qu’une fois que celui-ci aura disparu suite à une thérapie adaptée. Historiquement, l’hypothyroïdie s’exprime à travers des symptômes en relation avec des modifications aux niveaux métabolique et cutané. La prédominance de ces symptômes est peut-être liée au fait que ces modifications sont bien visibles par les propriétaires et donc entraînent le plus souvent une consultation afin d’en rechercher la cause. Mais actuellement, des manifestations cliniques moins connues apparaissent avec une fréquence de plus en plus importante, probablement car les vétérinaires (et les propriétaires) y sont actuellement plus sensibilisés qu’il y a quelques années. Entre les commencements de la biochimie clinique et l’état actuel de la discipline, de nombreuses découvertes ont été faites et ont élargi le champ de recherche de l’hypothyroïdie. Cela a permis de soigner certains cas pour lesquels il n’aurait pas été envisagé un quelconque lien avec l’hypothyroïdie il y a quelques années. De plus, on peut voir que, selon les races, l’expression des symptômes de l’hypothyroïdie sera variable, certaines ayant une prédominance des signes cutanés, alors que d’autres exprimeront surtout des signes nerveux, ce qui, dans certaines races où la prévalence de l’hypothyroïdie est élevée, amène à créer des liens de cause à effet non prouvés avec des affections fréquentes de cette race (exemple des cardiomyopathies chez les dobermans pinschers[115]). Nous allons tout d’abord rappeler les formes considérées comme « classiques » de l’hypothyroïdie, pour ensuite aborder des symptômes un peu moins fréquents et considérés récemment comme liés à l’hypothyroïdie. 1. Etat général Les modifications métaboliques représentent la première cause en termes d’importance concernant les animaux hypothyroïdiens présentés en consultations. L’animal atteint va présenter dans un premier temps des symptômes relativement discrets, telle que la baisse d’activité ou une légère 60 prise de poids. Ces symptômes ont toujours été, et sont encore actuellement, les plus fréquemment rencontrés.[43, 76, 93] Dans la plupart des cas, les propriétaires ne vont pas forcément les remarquer et vont considérer que ces changements sont tout simplement dus au fait que leur animal vieillit et donc diminue naturellement son activité.[99] Au fur et à mesure de l’évolution de l’hypothyroïdie, l’animal va devenir de plus en plus « calme », jusqu’à atteindre la léthargie. Les animaux atteints peuvent présenter dans certains cas une réticence, voire une intolérance à l’effort. En même temps, la baisse de la lipolyse et la lipogenèse associée à la diminution d’exercice vont encourage le gain de poids. Si les propriétaires n’ont pas le réflexe d’adapter les rations données à leur animal, on va retrouver des animaux en surpoids, voire obèses et cela sans augmentation particulière de la prise alimentaire.[97, 140] Du fait de la diminution du métabolisme, on observe de plus une diminution de la calorigenèse (modifications de l’activité des protéines découplantes, cf plus bas), qui est accompagnée parfois d’une intolérance au froid [60]. Ce symptôme n’est pas facilement observable dans l’espèce canine, car la recherche de chaleur est une attitude difficilement objectivable. Il apparaît toutefois que les chiens hypothyroïdiens sont plus souvent à la recherche de coins chauds que les chiens sains : un animal réticent à sortir lors des saisons froides n’est pas forcément catalogable, mais un animal qui recherchera systématiquement les coins les plus chauds dans une maison pourra être considéré comme intolérant au froid. Il est certain que ces modifications ne passent pas totalement inaperçues, mais de nombreux propriétaires estiment qu’elles sont tout à fait normales et en relation avec l’avancement de l’âge de leurs chiens et ne s’en préoccupent donc pas. Le rôle actuel des vétérinaires est d’essayer de dépister ces modifications de l’état général que les propriétaires relient peutêtre trop vite au vieillissement de leur chien. Lors de consultations de suivi gérontologique, il peut être bon, lorsque l’animal présente d’autres symptômes pouvant être reliés à l’hypothyroïdie, d’évoquer l’hypothèse d’une hypothyroïdie et d’en rechercher les signes. Une analyse hématologique classique pouvant entrer dans le cadre du suivi gérontologique permet déjà de détecter ou non la présence d’une anémie normochrome normocytaire. 2. Troubles cutanés Les problèmes cutanés sont les symptômes d’hypothyroïdie qui semblent, depuis longtemps, arriver en seconde position[43, 93]. Il est difficile de savoir si leur fréquence est véritablement si importante, ou si le désagrément visuel engendré entraîne plus facilement une consultation chez le vétérinaire que d’autres symptômes moins gênants pour le propriétaire. Les mécanismes à 61 l’origine de ces modifications sont connus et expliqués depuis quelques décennies. a) Pelage En temps normal, les hormones thyroïdiennes régularisent la kératinisation, la production sébacée, la croissance pilaire (initiation de la phase anagène) et la flore bactérienne. Elles vont agir en stimulant la croissance pilaire à travers la multiplication mitotique des cellules matricielles et une hausse de la vascularisation cutanée. Une diminution des hormones T3 et T4 entraîne une augmentation des follicules pileux en phase télogène (inactifs)[67]. La présentation classique de l’hypothyroïdie est celle du chien présentant une alopécie non prurigineuse, bilatérale et bien symétrique, débutant au niveau des flancs et s’étendant jusqu’à la partie ventrale du thorax et la queue, avec la classique (mais non pathognomonique) image de la queue de rat. On peut aussi avoir une alopécie se présentant essentiellement au niveau des zones de frottements. Le poil restant est souvent sec, terne, cassant facilement et avec présence de squames. L’apparition d’alopécie dans le cas d’hypothyroïdie induite expérimentalement n’est remarquée qu’après une période relativement longue (10 mois) [28], ce qui nous laisse supposer que les animaux présentant une alopécie bien marquée souffrent d’une hypothyroïdie évoluant depuis une durée très probablement supérieure à un an. Dans les premiers stades d’évolution de l’hypothyroïdie, cette alopécie n’est pas le signe clinique rencontré. On aura plus tendance à voir des chiens chez qui la repousse du poil ne se fait pas correctement ou très lentement après une tonte. Ces résultats sont à moduler en fonction de la race étudiée. En effet, ici, l’espèce étudiée était celle des Beagles et il est fort probable que, dans le cas d’espèces chez qui les caractéristiques morphologiques des poils sont différentes, on pourra avoir une expression différente de ces problèmes pilaires. Par exemple, dans des races à poils ras (telles que les Boxer ou les Dobermans pinscher), les lésions liées à l’hypothyroïdie seront des plages focales de pelage très dense localisées au niveau de la tête ou des extrémités. D’autres races auront une perte prédominante du sous poil. Les races types chiens arctiques, au contraire, subiront majoritairement une perte du poil (par opposition au sous-poil) et auront donc une fourrure d’aspect laineux. [43] Un bon élément de suspicion d’hypothyroïdie est donc une modification du pelage ou un retard de pousse après la tonte. 62 b) Peau La peau présente elle aussi de nombreuses modifications. On note une hyperkératose ainsi qu’une hyperpigmentation, particulièrement au niveau des zones d’alopécie ou de frottement. On a de plus, un retard de cicatrisation ainsi qu’une plus grande fragilité, dus à la diminution de l’activité fibroblastique, une baisse de la synthèse de collagène et du métabolisme protéique. Une séborrhée est aussi fréquemment rencontrée, même si, généralement, les glandes sébacées présentent une atrophie. Cet aspect séborrhéique provient souvent de la présence de comédons, d’une kératinisation anormale et de poils en phase télogène. Dans les cas plus avancés, on peut avoir une véritable lichénification.[130] La peau apparaît épaissie, sèche et froide au toucher. Une accumulation de polysaccharides et d’acide hyaluronique a lieu dans le derme, dans les cas les plus sévères, c’est ce qu’on appelle myxoedème dermique. C’est lui qui est responsable du « masque tragique » observé au niveau de la face des chiens hypothyroïdien. On parle de masque tragique, car l’animal présente une peau fine au niveau de la région temporale, autour des yeux et sur la face, alors que ses paupières et ses lèvres sont tombantes.[115] c) Conséquences Les lésions induites initialement par l’hypothyroïdie ne sont pas prurigineuses, mais un prurit peut se développer secondairement aux surinfections bactériennes. Les pyodermites secondaires sont en effet très fréquentes lors d’hypothyroïdie, d’une part à cause des modifications cutanées décrites ci-dessus, mais aussi car la diminution des hormones thyroïdiennes va diminuer l’action immunitaire des neutrophiles et des lymphocytes. On pourra ainsi avoir : • des pyodermites superficielles • des folliculites • des pyodermites récidivantes[115] • des pyodermites profondes • des surinfections à Malassezia[130] Dans tous les cas, le contrôle de ces affections cutanées secondaires ne pourra véritablement se faire qu’à partir du moment où l’affection thyroïdienne sera elle aussi bien contrôlée. Le praticien s’expose sinon à des récidives ou des affections qui lui sembleront résistantes aux traitements mis en place. 63 Des otites externes cérumineuses surviennent parfois, probablement liées à la modification dans la protection cutanée (excès de sébum, kératinisation anarchique, modification probable du système immunitaire, …) Il existe donc peu des signes cutanés véritablement pathognomoniques de l’hypothyroïdie. Souvent, ils ne sont pas directement causés par l’affection en elle-même mais ne sont que des conséquences secondaires. Le seul signe véritablement caractéristique étant la présence du « masque tragique ». La difficulté réside donc toujours dans la capacité à décerner quelle est véritablement la part de l’hypothyroïdie dans l’apparition des symptômes cutanés. Comme nous l’avons vu, l’apparition de troubles cutanés liés à l’hypothyroïdie ne se fait qu’après une période de plusieurs mois d’évolution. Les altérations de la croissance pilaire et du renouvellement cutané étant des procédés longs à se mettre en place. Le défi du vétérinaire est donc de réussir à diagnostiquer l’hypothyroïdie à partir de symptômes d’apparition plus précoce que nous allons détailler maintenant. 3. Troubles neuromusculaires. L’existence de troubles nerveux reliés à l’hypothyroïdie est suspectée depuis une vingtaine d’année. La réalité de ce lien n’est cependant confirmée que depuis peu et de plus en plus de neuropathies périphériques sont reliées à l’hypothyroïdie. Les causes exactes de ces affections ne sont pour le moment pas encore déterminées de manière exacte, il semblerait qu’une démyélinisation et une dégénération axonale soient à l’origine de ces troubles. Les systèmes nerveux périphériques et centraux peuvent tous les deux être affectés lors d’hypothyroïdie. La fréquence de ces affections varie entre 2 et 30% selon les études.[43, 73, 130] Ces chiffres sont à moduler étant donné que de nombreux biais peuvent entrer en jeu, notamment le fait que dans l’étude où environ 1/3 des cas d’hypothyroïdies présentaient des troubles nerveux, une partie des signes nerveux ne pouvaient pas être liée directement à l’hypothyroïdie.[130] a) Polyneuropathie Les atteintes nerveuses périphériques sont les plus fréquemment rencontrées dans l’espèce canine. Les chiens âgés de races grandes et géantes sont les plus souvent affectés par ces affections. Ils présentent alors une intolérance à l’exercice, une faiblesse généralisée, de l’ataxie et une 64 tétraparésie, voire une paralysie.[130] De l’anorexie et de la détresse respiratoire ont parois été rapportées en association avec ces symptômes, alors que paradoxalement, les signes cutanés et métaboliques classiques ne sont pas visibles chez les animaux atteints de troubles nerveux. La durée d’évolution des signes se fait généralement sur une durée de deux à huit jours avant que les propriétaires ne présentent leurs animaux en consultation, avec une progression lente des symptômes qui débutent par de légers déficits de la démarche évoluant progressivement jusqu’à la tétraparésie ou la paralysie, visibles sur la plupart des animaux lors de leur présentation en consultation. A l’examen clinique, on peut mettre en évidence une faiblesse généralisée, des déficits proprioceptifs au niveau des membres antérieurs (à 63%) et postérieurs (à 100%).avec une diminution des réflexes médullaires également sur les antérieurs (45%) et sur les postérieurs (90%). Généralement, les quatre membres sont affectés de façon simultanée, mais parfois on a une atteinte des antérieurs dans un premier temps, puis des postérieurs, ou uniquement des antérieurs. Lors d’examens électromyographiques, on peut observer une diminution de la vitesse de conduction des fibres nerveuses accompagnée de troubles de la polarisation nerveuse. Sur des biopsies nerveuses, on peut observer une démyélinisation des fibres concernées. Les troubles rencontrés peuvent rétrocéder après traitement à base de lévotyroxine, les premières améliorations étant visibles au bout d’une durée comprise entre deux et quatre jours avec une rémission totale en un à deux mois de traitement.[41, 73-75] Les symptômes correspondent à ceux de la maladie du neurone moteur. Les mécanismes pathogéniques à l’origine de ces troubles nerveux ne sont pas encore connus, mais différentes hypothèses ont été émises [30] : • un déficit de transport couplé Na/K, du à un manque d’ATP pourrait être à l’origine de ces neuropathies [43] • une démyélinisation • une dégénérescence axonale suite à des troubles métaboliques engendrés par l’hypothyroïdie est aussi soupçonnée [115] • des mécanismes semblables au dépôt de mucopolysaccharides rencontrés dans l’œdème myxoedémateux pourraient aussi rentrer en jeu • une dégénérescence des cellules de Schwann serait aussi une possibilité[130] 65 b) Paralysie laryngée et mégaoesophage Depuis une dizaine d’année, l’existence d’un lien entre ces deux affections et l’hypothyroïdie est fortement soupçonnée. Cette suspicion est renforcée par le fait que l’hypothyroïdie peut engendrer une polyneuropathie, cause fréquente de paralysie laryngée ou de mégaoesophage.[15, 67] Néanmoins, il n’a jamais pu être prouvé que ces deux dysfonctionnements étaient des conséquences de l’hypothyroïdie, et l’existence d’un lien reste très controversée, en grande partie du fait de la difficulté de prouver ce lien. En effet, il est vrai que des dosages de T3 et T4 ont permis de mettre en évidence des concentrations diminuées lors de mégaoesophage ou de paralysie laryngée, mais il est très probable que ces phénomènes résultent d’hypothyroïdies fonctionnelles, secondaires au traitements mis en place (corticothérapie ou anesthésie lors de paralysie laryngée) ou à des affections concomitantes (bronchopneumonies par fausse déglutition très fréquente dans le cas de mégaoesophage) Au contraire, les études récentes tendent à démontrer que ces affections ne sont pas significativement corrélées dans le sens nous intéressant.[52] Il existe néanmoins quelques cas pour lesquels un traitement à base de thyroxine semblerait avoir amélioré, voir résolu les problèmes [15, 71, 75], ce qui entretient toujours le doute sur la possible existence d’un lien. c) Syndrome vestibulaire périphérique On retrouve dans ce cas les signes cliniques classiques : tête penchée, nystagmus, strabisme, ataxie généralisée et tournis. Il en résulte des neuropathies localisées, accompagnées de paralysies du nerf facial. Devant de tels signes, il faut envisager toutes les autres possibilités d’affection avant de s’orienter vers une telle affection. Dans un premier temps, un examen correct des conduits auditifs externes est nécessaire afin d’éliminer la possibilité d’otites (externe ou interne). Comme pour les neuropathies, les symptômes rétrocèdent dans la majorité des cas après traitement à la lévotyroxine.[67, 70, 75] d) Atteinte du système nerveux central Il s’agit des mêmes symptômes que ceux rencontrés lors d’un syndrome vestibulaire : ataxie, hémiparésie, hypermétrie, nystagmus, inclinaison de la tête, marche en cercle et problèmes au niveau des nerfs crâniens (nerfs faciaux, trijumeaux et oculomoteurs touchés), dont une paralysie faciale. L’origine de ces troubles est encore inconnue, mais la prédisposition des 66 chiens hypothyroïdiens à l’athérosclérose cérébrovasculaire, associée à une hypoxie peut conduire à des affections du système nerveux central. Les hypothèses précédentes (dégénérescence axonale, des cellules de Schwann, …) abordées concernant les polyneuropathies sont aussi envisagées dans ce cas là.[43] Le traitement à base d’hormones thyroïdiennes est aussi efficace. e) Myopathies La myopathie est un symptôme rarement décrit dans l’espèce canine, bien qu’elle soit connue depuis assez longtemps.[14] Elle consiste en une dégénérescence myofibrillaire non spécifique avec faiblesse musculaire et réflexes retardés. A l’histologie, on observe une forte atrophie des fibres de type II avec prédominance des types I avec présence de bâtonnets de némaline à l’intérieur de ces fibres. Dans certains cas, on observe des troubles tels que faiblesse unilatérale du train arrière, voire même paralysie unilatérale (accompagnée d’atrophie du muscle supraspinal)[16]. Dans les cas subcliniques, la myopathie peut être détectée par biopsie musculaire ou électromyographie. Ces symptômes sont quelquefois très discrets et seule une légère amyotrophie et des difficultés à se lever sont remarquées.[43] f) Myasthénie Une myasthénie grave a été récemment décrite chez 5 chiens hypothyroïdiens. Chez l’homme, la présence d’un lien entre thyroïdite autoimmune et myasthénie grave acquise suite à l’hypothyroïdie existe, mais l’existence de ce lien n’a pas pu être prouvée dans l’espèce canine. De plus amples recherches doivent être effectuées dans cette voie.[115] Les expressions de l’hypothyroïdie au niveau du système nerveux sont connues depuis plus d’une dizaine d’années. Il semblerait qu’elles résultent d’une polyneuropathie et des conséquences qui en découlent. Il faut tout de même garder en tête que les affections nerveuses ne représentent qu’une part très petite des expressions cliniques possibles, mais devant une polyneuropathie, la recherche de signes éventuels d’hypothyroïdie n’est pas à oublier. 67 g) Cas particulier : le coma myxoedémateux Dans certains cas d’évolution très longue et chronique, il arrive dans certains cas que le myxoedème, dont nous avions parlé dans la partie traitant les troubles cutanés, atteigne le système nerveux central, il peut aboutir dans ce cas là à un coma d’évolution très rapide et le plus souvent fatal. Il correspond à une évolution terminale de l’état hypothyroïdien. Les signes cliniques observés sont : une importante dépression mentale, de la bradycardie, une hypotension, une hypoventilation, voire de l’apnée, une hypothermie sévère, tout cela pouvant aboutir au coma. Des modifications biochimiques sont également observées simultanément (baisse de la natrémie, de la lipémie, hausse du cholestérol et hypercapnie). Il arrive de rencontrer hypoglycémie et hypocortésolémie.[48] La conduite thérapeutique à mettre en place en cas de coma myxoedémateux est la même que dans les états de choc classiques (oxygénothérapie, fluidothérapie, mesures de réchauffement), à laquelle on ajoute une administration de lévotyroxine tout d’abord en voie intraveineuse, puis ensuite en relais par voie orale.[64] Le coma myxoedémateux est une conséquence d’une hypothyroïdie sévère et est souvent mis en évidence à l’occasion d’une anesthésie. Il existe donc des protocoles d’anesthésie particuliers à utiliser de manière adaptée pour les animaux hypothyroïdiens.[67] 4. Troubles de la reproduction Dans l’espèce humaine, les modifications de la fonction reproductrice sont considérées comme étant les signes principaux de l’hypothyroïdie. Des individus euthyroïdiens possédant des anticorps de type TgAA, mais sans expression clinique franche de l’hypothyroïdie, ne présentent toutefois pas de baisse de la fertilité.[59] Chez le chien, la fonction thyroïdienne a longtemps été suspectée comme très fortement liée à la fonction reproductrice, mais jusqu’à présent les données cliniques ne sont pas suffisantes pour confirmer cette hypothèse. Actuellement, la fréquence des troubles de la reproduction véritablement liés à l’hypothyroïdie est difficile à déterminer. Il semblerait que l’on a souvent surdiagnostique d’hypothyroïdie (problème reproductif autre accompagné d’hormones thyroïdiennes basses sans aucun lien de cause à effet). En réalité, ces symptômes seraient classés au 3ème rang avec une fréquence égale aux troubles nerveux (autour de 4%). Nous allons tout d’abord aborder les troubles liés à la sexualité masculine, puis nous aborderons le cas de la sexualité féminine. 68 a) Cas du mâle Historiquement, on pensait que l’hypothyroïdie était la cause d’une baisse de la libido, d’une atrophie testiculaire et de malformation au niveau du sperme allant de l’oligospermie à l’azoospermie chez le mâle.[76, 79] Mais actuellement, aucune étude n’a pu réussir à montrer de façon significative l’existence d’un lien entre ces phénomènes et la présence d’hypothyroïdie dans l’espèce canine. On peut se poser la question de savoir si la durée durant laquelle l’étude a eu lieu (2 ans) était suffisante, et des investigations plus poussées devraient être entreprises en ce sens afin de véritablement explorer cet aspect de l’hypothyroïdie[77]. Cependant, étant donné le rôle joué par les hormones thyroïdiennes lors de la croissance testiculaire, de la gamétogenèse et son influence sur la qualité de la semence, il est tout de même fort probable qu’un lien puisse un jour être mis en évidence.[78] b) Cas de la femelle Concernant les femelles, les troubles de la reproduction causés par l’hypothyroïdie sont plus largement reconnus, bien que les mécanismes ne soient pas encore clairement identifiés. Les hormones de l’axe thyroïdien influenceraient les productions de FSH, LH et auraient d’autres effets possibles dont un effet lutéotrope. La femelle hypothyroïdienne présenterait de l’infertilité, des anomalies dans les cycles ovariens allant de la simple irrégularité jusqu’à la suppression totale des cycles, en passant par des cycles oestraux répétés. De plus, probablement du fait des effets lutéogènes de T3 et T4, on peut aussi parfois observer la présence d’avortement en cas d’hypothyroïdie, ainsi que des chiots de poids plus faible à la naissance que chez des chiennes saines.[115] Enfin, la galactorrhée, se manifestant par une surproduction lactée en réponse à une gestation ou à un état de pseudo gestation (plus de 90 jour après l’oestrus) a été rapportée chez des femelles atteintes d’hypothyroïdie.[27] Les troubles de la fonction reproductrice liée à l’hypothyroïdie ont toujours été suspectés, mais actuellement, il n’a toujours pas été possible de mettre en évidence l’existence d’un quelconque lien entre hypothyroïdie et les troubles présentés ci-dessus. 69 5. Signes oculaires Les signes cliniques observés dans le cas de l’hypothyroïdie sont plus en rapport avec l’hyperlipémie secondaire qu’avec l’hypothyroïdie en ellemême. Cette expression de la maladie est connue depuis le début des années 80, mais d’expression relativement rare.[29, 86] Les symptômes rencontrés sont [7, 41, 43, 67, 115]: • Dépôts cornéens • Ulcères cornéens • Dystrophies cornéennes de type lipidose : la plus communément rencontrée chez le chien. On trouve alors des cristaux de sels dans la cornée, pouvant s’y loger dans n’importe quelle région. La pathogénie est inconnue mais serait reliée à l’hypercholestérolémie présente dans le cas d’hypothyroïdie • Uvéites antérieures et uvéites chroniques, par diffusion de lipides dans l’humeur aqueuse, probablement • Glaucome secondaire au passage des lipides dans l’humeur aqueuse • Rétinopathies comme le décollement rétinien • Kératoconjonctivites sèches (mais plutôt secondaire à une origine auto-immune étant aussi responsable de l’hypothyroïdie que secondaire à l’hypothyroïdie en elle-même). Les troubles ophtalmologiques pouvant être observés lors d’hypothyroïdie sont généralement très long à apparaître. Ils nécessitent une longue évolution de la maladie (une durée de 6 mois n’étant pas suffisante)[101]. Ces symptômes ne sont donc pas véritablement utiles pour le diagnostique, il représente plutôt des complications influençant le pronostic de récupération. 6. Signes digestifs Les signes cliniques associés au système gastro-intestinal sont très peu pathognomoniques. Ils sont de plus relativement peu fréquents et n’ont été que rarement décrits Des constipations vont être rencontrées. Elles sont probablement la conséquence de l’altération de l’activité des muscles responsables du transit intestinal. Des diarrhées vont aussi pouvoir survenir, même s’il est plus difficile de mettre en évidence une relation de cause à effet. Une hypothèse serait 70 l’existence d’une stimulation du système sympathique du fait de l’absence d’hormones thyroïdiennes, ce qui entraînerait une hypo motilité intestinale à l’origine de défauts de digestion et d’absorption des nutriments avec secondairement présence de cette diarrhée, pouvant être accompagnée de vomissements.[88] Expérimentalement, il est possible de mettre en évidence une diminution de l’activité myoélectrique et de la réponse mécanique de l’estomac et de l’intestin grêle chez un animal hypothyroïdien. Ces phénomènes pourraient être à l’origine des troubles décrits ci-dessus. Néanmoins, étant donné la forte fréquence des symptômes digestifs et le très faible pouvoir diagnostique qu’ils représentent, ces signes ne sont jamais utilisés par le clinicien pour des diagnostiques d’hypothyroïdie.[43, 115] 7. Signes cardiovasculaires. Historiquement, l’hypothyroïdie est considérée comme responsable de bradycardie, mais de manière inconstante, accompagnée d’une baisse d’intensité du pouls et donc probablement de la pression artérielle. [17, 76, 93] En réalité, nous allons voir que les modifications engendrées ne s’arrêtent pas simplement à une baisse de la fréquence cardiaque, mais aussi à d’autres modifications structurales et fonctionnelles. a) Effet des hormones thyroïdiennes sur le tissu cardiaque Le tissu myocardique est particulièrement sensible aux effets des hormones thyroïdiennes et aux diminutions et augmentations de la biodisponibilité de ces dernières. Leurs effets sont fondamentaux pour un bon fonctionnement cardiaque. Ils vont agir à différents niveaux [87, 115, 135]: • Des effets chronotropes et inotropes directs • Une stimulation de la croissance myocardique • Une augmentation de la réponse aux stimulations adrénergiques de type béta. • Stimulation de production des iso-enzymes V1, V2, V3, intervenant dans l’activité des ATPases à NA+/K+ et à Ca++ le rôle de ces protéines est fondamental dans la contractilité cardiaque, 71 b) Conséquences d’un déficit en T3, T4 Un déficit en T3, T4 va donc avoir de nombreuses conséquences sur la fonction cardiaque : • Sur les cellules myocardiques : diminution de l’activité des canaux calciques, et donc de l’activité de l’ATPase, baisse de la production des iso-enzymes, d’où une baisse de la contractilité cardiaque (hypocontractilité) et une augmentation du temps de repolarisation cardiaque. Baisse de la quantité de récepteurs β-adrénergique et de la sensibilité de ces récepteurs à l’action des catécholamines, d’où à nouveau une hypocontractilité cardiaque. • Sur la structure du myocarde : dépôt de mucopolysaccharides entre les fibres myocardiques entraînant un remaniement de ce tissu. • Sur le cœur dans sa globalité : augmentation des risques d’artériosclérose (due à l’hypercholestérolémie) et augmentation de l’activité α-adrénergique (vasoconstriction) entraînant une diminution des propriétés vasodilatatrices des artères coronaires. L’ensemble de ces lésions est responsable de la dilatation des cavités cardiaques (essentiellement ventriculaires, ainsi que de l’amincissement des parois. De plus, elles augmentent la probabilité d’apparition d’arythmies et d’arrêts cardiaques.[112] c) Troubles systémiques consécutifs La principale conséquence observable de ces lésions est une bradycardie et une diminution de la contractilité et des forces de contractions. On observe particulièrement une diminution du fonctionnement du ventricule gauche (visible à l’échographie).[112] D’autres symptômes cliniques peuvent être observés en cas d’hypothyroïdie, une diminution des bruits cardiaques et des arythmies sont également visibles. En plus de ces modifications directes au niveau cardiaque, l’hypothyroïdie va aussi entraîner des modifications au niveau du système vasculaire. On note en effet une hausse de la résistance vasculaire systémique couplée à une diminution du volume vasculaire total. L’ensemble de ces modifications a pour conséquences une diminution du débit cardiaque. Lors de l’examen électro-cardiographique, différentes modifications accompagnent ces troubles engendrés par l’hypothyroïdie. La présence de blocs atrio-ventriculaires de premier degré est parfois mise en évidence, mais 72 ce n’est pas l’anomalie la plus fréquente. Une hypocontractilité du myocarde, se traduisant sur l’électrocardiogramme par un hypovoltage des ondes QRS est l’anomalie la plus fréquemment rencontrée (elle pourrait être visible dans 75% des cas d’hypothyroïdie avec symptômes cardiaques), accompagné parfois d’un allongement de la durée de ces QRS [110, 112]. La cause exacte de cet hypovoltage n’est pas encore certaine, mais l’obésité, la perte des récepteurs béta pourraient entrer en jeu dans ce mécanisme. L’hypothyroïdie pourrait aussi entraîner des fibrillations atriales, mais il semblerait que cette affection ne soit pas uniquement due à l’hypothyroïdie et que d’autres facteurs prédisposant entreraient en jeu.[53] Les examens échographiques vont eux aussi révéler des anomalies au niveau des structures cardiaques visibles. Ces anomalies sont généralement localisées au niveau du ventricule et de l’atrium gauche. On note une dilatation cavitaire (atriale et ventriculaire), une diminution nette de la fraction de raccourcissement, un amincissement pariétal et une augmentation de la taille de l’atrium gauche.[95] Ces différents troubles cardiovasculaires ont amené à soupçonner l’existence d’un lien entre hypothyroïdie et cardiomyopathie congestive, mais actuellement, il n’a pas été possible de prouver le rôle exact joué par l’hypothyroïdie[112]. L’ensemble des auteurs semble toutefois d’accord sur le fait que l’hypothyroïdie serait incapable de déclencher à elle seule des troubles cardiaques ayant des manifestations cliniques visibles avec décompensation. L’existence préalable d’une affection cardiaque existante et compensée semble être nécessaire et l’hypothyroïdie ne serait qu’un facteur déclencheur de la décompensation. [22, 43, 95, 112, 115, 134] L’utilisation du terme de myocardiopathie dilatée est donc impropre, celui-ci étant réservé aux affections idiopathiques provoquant parfois des décompensations. Ces affections sont réversibles, suite à un traitement adapté en hormones thyroïdiennes. Il faut cependant se méfier de la complémentation systématique en hormones thyroïdiennes chez des animaux présentant de tels signes cardiaques. En effet, il est possible d’observer des signes de décompensation rapide dus à un déficit d’oxygène suite à une demande locale en hausse brusque. 8. Troubles hématologiques L’existence des modifications au niveau hématologiques est connue depuis de nombreuses années. L’utilité actuelle de ces facteurs est d’orienter le diagnostic en cas de suspicion clinique. Les tests spécifiques ne sont utilisés que dans un deuxième temps. 73 a) Anémie On a une stimulation de la sécrétion et de l’activation de l’érythropoïétine (EPO) qui se fait de façon directe et indirecte par les hormones T3 et T4. Ainsi, l’anémie est fréquemment décrite chez les animaux hypothyroïdiens. Il semblerait qu’elle soit présente dans environ 25 à 36% des cas selon les publications. [35, 115] C’est une anémie faiblement régénérative, normocytaire et normochrome. Elle résulte d’une diminution de la production érythrocytaire en premier lieu, suite à une diminution de la production d’EPO et de la réponse de la production érythrocytaire à la stimulation par l’EPO et un déficit d’action des hormones thyroïdiennes sur les cellules souches de la moelle osseuse.[115] b) Hyperlipémie et cholestérolémie Du fait de la diminution du métabolisme, on note une diminution de la consommation des lipides par l’organisme, d’où une clairance tissulaire des triglycérides diminuée. De plus, l’anabolisme du cholestérol est augmenté et son utilisation hépatique est diminuée. On a donc une hypercholestérolémie qui s’expliquerait de plus par une augmentation de l’absorption intestinale, une diminution de l’excrétion biliaire et une diminution de la cholestérolestérase. Ces mécanismes agissent de même sur la lipémie et entraînent donc une augmentation des concentrations plasmatiques en lipides ainsi qu’en lipoprotéines.[23, 35, 50, 125] Ces anomalies peuvent avoir des conséquences néfastes sur l’ensemble de l’organisme, l’hypercholestérolémie pouvant entraîner de l’athérosclérose, responsable de troubles importants au niveau cardiovasculaire, notamment au niveau des coronaires. c) Coagulopathies Des troubles de l’adhésion plaquettaire ont été rapportés chez l’homme, mais dans l’espèce canine, cela n’a encore jamais été rencontré. Ces troubles étaient suspectés, mais il a pu être prouvé que l’hypothyroïdie n’entraînait pas de coagulopathie secondaire. Par contre, on constate la présence de trombocytose (peut-être lié à la diminution d’érythropoïèse et donc à une baisse de compétition entre cellules au niveau de la moelle hématopoïétique), ce qui favoriserait la formation de plaquettes[113, 115]. 74 Pendant longtemps, on a suspecté que la maladie de von Willebrand (déficit en facteurs de von Willebrand nécessaires à la coagulation) était corrélée à l’hypothyroïdie comme cela a pu être observé dans l’espèce humaine. Mais il semblerait que dans l’espèce canine, l’hypothyroïdie n’ait pas spécialement de lien de cause à effet avec cette affection. Les quelques cas existants de cohabitation entre ces deux affections seraient plus probablement dues à des affections séparées à l’origine des deux affections.[113] En conclusion, les troubles hématologiques survenant lors d’hypothyroïdie dans l’espèce canine sont dominés par l’anémie et l’hyperlipémie. L’hémostase ne serait pas ou peu affectée, mais le manque de données expérimentales ne permet de conclure de manière ferme et définitive. Les affections associées chez l’homme paraissent ne pas être transposables chez le chien. 9. Troubles comportementaux Ces troubles font partie des derniers découverts dans le cadre de l’hypothyroïdie. Il existe chez le chien trois grands syndromes comportementaux que l’on peut relier de façon plus ou moins nette à l’hypothyroïdie. L’existence d’un lien entre ces affections comportementales et l’hypothyroïdie n’a pu être mise en évidence que récemment dans l’espèce canine. Il est certain que l’existence d’un lien entre dépression et hypothyroïdie était soupçonnée depuis longtemps, mais la présence de symptômes en hyper n’a été reliée à l’hypothyroïdie qu’au cours des 10 dernières années. a) Dépression La dépression existe aussi dans l’espèce animale. On distingue chez le chien adulte deux types d’état dépressif [10, 19]: • Dépression aiguë ou réactionnelle qui s’accompagne des symptômes suivants : hypersomnie, anorexie, diminution du comportement exploratoire, perte du plaisir et de l’intérêt pour des activités telles que le jeu), gémissements. 75 • Dépression chronique avec des symptômes tels que la dyssomnie (avec anxiété, avancement du sommeil paradoxal et réveils brutaux), la dysorexie (alternant des phases d’anorexie et de boulimie), la perte d’initiative ainsi qu’une perte des contrôles des réponses émotionnelles. Il existe différentes hypothèses physiopathologiques pour expliquer l’origine de cette dépression. Concernant la dépression aiguë, il semblerait qu’une hypoactivité sérotoninergique intervienne très probablement, mais cela ne serait pas le seul mécanisme entrant en jeu. Lors de dépression chronique, il semblerait que l’ensemble des systèmes monoaminergiques soit perturbé avec une hypoactivité noradrénergique et dopaminergique et une hypersensibilité sérotoninergique.[25, 37] Un chien atteint d’hypothyroïdie présentera généralement de la léthargie, de l’anhédonisme, de la dyssomnie, de la malpropreté, une diminution du comportement exploratoire et la perte de contrôle des réponses émotionnelles.[24, 126] b) Agressivité L’agressivité est un instinct naturel contribuant à la conservation de l’individu. Ce n’est donc pas une affection en elle-même. L’agression est l’acte physique qui la traduit. Elle peut être classée en 6 catégories : hiérarchique, prédatrice, par peur, territoriale, maternelle et enfin par irritation. C’est cette dernière catégorie qui nous intéresse dans le cas présent. L’agression par irritation peut être déclenchée par une douleur, une privation, une frustration ou la contrainte d’un contact physique prolongé malgré l’émission de signaux d’arrêt de la part du chien. Une dysendocrinie peut aussi intervenir dans le déclenchement de ce type d’agressivité. Dans ce cas, le chien concerné est un chien n’ayant jamais présenté de comportement agressif dans le passé. Elle suit une phase d’intimidation pendant laquelle l’animal a un comportement de dominé face à l’agresseur (grognements sourds, position couchée sur le côté, membres repliés, oreilles rabattues, yeux en mydriase). On a ensuite la morsure pouvant être multiple. Elle est en général peu vulnérante et est suivie par une fuite du chien sur ses membres fléchis avec la queue sous le ventre et les oreilles fléchies. Le propriétaire décrira cette agression comme le comportement d’un « chien hypocrite qui mord sans oser regarder puis qui part se cacher par remords ». Ce type d’agression évolue généralement vers une instrumentalisation (disparition des phases d’intimidation et d’apaisement), voire vers un développement de phobies. L’hypothèse principale au niveau du mécanisme physiopathologique soupçonne que l’hypothyroïdie entraîne une 76 diminution de l’activité sérotoninergique, entraînant à son tour ces agressions par irritation.[10, 19, 36] Les agressions relatives à l’hypothyroïdie peuvent se manifester sous différentes formes, il peut s’agir d’agressions par irritation, sans contexte défini, pouvant être dirigées contre des objets inanimés. Ces agressions peuvent par ailleurs être similaires à celles rencontrées lors des relations de dominance ; l’hypothyroïdie ne serait alors plus la cause primaire des agressions, mais seulement un facteur favorisant. c) Anxiété Le dernier symptôme comportemental observé lors d’hypothyroïdie est l’anxiété. Cela correspond à l’apparition de réactions émotionnelles analogues à celles de la peur, face à des situations anxiogènes dans lesquelles l’animal ne peut pas utiliser de comportement d’échappement, d’évitement ou de fuite. Il en résulte alors une perte des capacités d’autorégulation et d’adaptabilité de l’animal face à toute variation de l’environnement. Elle serait due à une augmentation progressive de l’activité sérotoninergique associée à une hypersensibilité des récepteurs sérotoninergiques postsynaptiques. Les animaux atteints présentent les symptômes de l’anxiété intermittente (tachycardie, tachypnée, mictions, défécations, vomissements, diarrhée, ptyalisme et tremblements accompagnant des activités substitutives telles que la polyphagie, la polydipsie et les comportements somesthésiques), celle-ci pouvant évoluer vers une anxiété permanente dans certains cas. Ces troubles de l’anxiété font partie des symptômes les plus précoces en cas d’hypothyroïdie.[10, 19] L’ensemble de ces troubles comportementaux peut vraisemblablement s’expliquer par une dérégulation des voies noradrénergiques et sérotoninergiques.[39, 40, 80] Il est certainement très réducteur d’associer tous ces troubles comportementaux aux modifications du seul système thyroïdien, étant donné la grande complexité des interactions existantes entre les groupes neuronaux. Ces troubles comportementaux seront les premiers signes à apparaître et donc, les détecter en l’absence de signes environnementaux pouvant expliquer les modifications comportementales observées doit amener le praticien à explorer la fonction thyroïdienne afin d’y déceler des altérations le cas échéant. Toutefois, la supplémentation en hormones thyroïdiennes ne doit se faire que dans les cas de affection thyroïdienne avérée, et il ne faut surtout pas complémenter à la légère en espérant une résolution quasi miracle des problèmes uniquement grâce a ce moyen. 77 Conclusion L’expression diagnostique de l’hypothyroïdie se fait au niveau de très nombreux systèmes de l’organisme. Les expressions classiques et anciennes que sont la baisse de l’activité et les troubles cutanés sont dorénavant bien connues, mais ne sont plus véritablement un défi diagnostique pour le praticien étant donné la durée d’évolution nécessaire à leur apparition et . Les modifications de la fonction de reproduction et les troubles neuromusculaires, de découverte un peu plus récente représentent déjà une approche plus intéressante des troubles liés à l’hypothyroïdie étant donné la plus faible fréquence à laquelle ces symptômes sont observés dans l’espèce canine. Enfin, les troubles comportementaux représentent une facette de l’hypothyroïdie qui n’est pour l’instant, pas encore totalement expliquée, ni explorée, leur mécanisme d’apparition reste encore à explorer, mais étant donné leur précocité d’apparition, leur détection permet un traitement très précoce de l’hypothyroïdie. 78 IV. Diagnostic expérimental L’hypothyroïdie a pendant longtemps été assimilée à une affection cutanée, malgré la diversité de ses symptômes. Elle peut s’exprimer avec une grande variété de symptômes, pouvant toucher quasiment tous les systèmes. Les expressions les plus fréquentes se faisant aux niveaux cutané et métabolique, mais comme nous l’avons vu auparavant les systèmes nerveux, reproducteurs, digestifs, etc peuvent eux aussi être touchés. Etant donné la complexité de cette affection et la diversité d’expression des symptômes, il est nécessaire d’avoir une démarche diagnostique complète et efficace afin de ne pas passer à coté de l’hypothyroïdie. Le diagnostique de l’hypothyroïdie commence tout d’abord par la recherche de signes cliniques évocateurs, permettant de s’orienter vers l’hypothyroïdie. Il est en effet nécessaire d’utiliser ces examens complémentaires uniquement dans les cas où il existe une très forte suspicion d’hypothyroïdie, afin de confirmer ces soupçons. Sorti de ce contexte de suspicion, les examens biochimiques à disposition perdent leur puissance diagnostique. Ces examens complémentaires sont toutefois très nombreux et il faut savoir lesquels choisir en fonction de la situation. Il existe des examens spécifiques et d’autres sensibles. Toutefois, aucun des examens disponibles, qu’il soit biochimique, hématologique, anatomopathologique n’est véritablement spécifique d’une hypothyroïdie, et même les dosages hormonaux doivent être utilisés de manière très prudente en gardant toujours en tête les signes cliniques enregistrés et l’anamnèse du patient [66, 84]. L’idéal serait de disposer d’un test sensible et spécifique à 100%, mais cela est évidemment impossible actuellement. Nous allons voir dans un premier temps quels sont les tests non spécifiques que l’on effectue afin de renforcer une suspicion d’hypothyroïdie, puis, nous étudierons les tests diagnostiques spécifiques en essayant de trouver une méthode diagnostique la plus fiable possible. A. Analyses non spécifiques Dans un premier temps, nous allons lister l’ensemble des signes non spécifiques détectables lors d’une hypothyroïdie et pouvant permettre, en cas d’absence, d’éliminer l’hypothèse d’hypothyroïdie. 79 1. Signes hématologiques Comme nous l’avons vu auparavant, une anémie normocytaire normochrome arégénérative (ou peu régénérative) est observée chez un grand nombre de chiens hypothyroïdiens. Cette anémie se retrouve avec une fréquence variant entre 25 et 36% [26, 35, 130], voire 50% pour certains auteurs.[43] 2. Signes biochimiques On note très souvent une hypercholestérolémie à jeun (30 à 75% des cas)[23, 29, 86, 130]. On mesure alors une cholestérolémie sanguine supérieure à 2,6g/L. Malheureusement, cette hausse du cholestérol sanguin n’est pas du tout spécifique de l’hypothyroïdie, c’est un signe que l’on retrouve dans de nombreuses affections (endocriniennes ou non), comme l’hypercorticisme, les affections rénales, hépatiques le diabète sucré, etc…[23, 46, 50] Toutefois, dans un contexte clinique évocateur, et à condition que le prélèvement ait bien été effectué après une diète respectée de 24 heures, une hypercholestérolémie sera un très bon signe afin de renforcer l’hypothèse d’une hypothyroïdie. Sorti d’un contexte clinique associé, il faut se méfier de ce signe très peu spécifique. D’autres paramètres biochimiques, eux aussi non spécifiques, peuvent être modifiés en cas d’hypothyroïdie, et donc permettent ou non de renforcer une suspicion d’hypothyroïdie. 80 • Une hypercalcémie modérée peut être mesurée chez des chiens hypothyroïdiens, elle est probablement secondaire à une modification de la régulation calcique avec hausse de l’absorption intestinale et diminution de l’excrétion urinaire.[43, 128] • Une élévation des fructosamines peut aussi être observée dans certains cas, probablement suite à une diminution de la vitesse des turn-overs glucidique et protéique.[35] • Une élévation modérée des créatines kinases (CK) est aussi visible dans un certain nombre de cas. Elle est très peu spécifique chez le chien et de plus, elle n’est pas systématiquement observée en cas de myopathie hypothyroïdienne. Elle serait plus vraisemblablement liée à une altération de l’anabolisme et du catabolisme musculaire ou à une altération de la perméabilité membranaire des cellules musculaires.[41, 66] • On note aussi une hausse des triglycérides et de certaines enzymes hépatiques, comme les alanines amino-transférases, mais ces signes ne sont pas non plus spécifiques et n’ont donc que peu d’utilité.[43, 50] 3. Histologie cutanée Les modifications cutanées peuvent être nombreuses dans le cas des dysendocrinies. En effet, la plupart de celles possédant des répercussions cutanées présenteront de nombreuses modifications structurelles : hyperkératose orthokératosique, kératose folliculaire, atrophie folliculaire, … Concernant l’hypothyroïdie, trois changements cutanés majeurs peuvent faire suspecter une hypothyroïdie : • Derme à épaisseur augmentée, avec présence de myxoedème • Vacuolisation et hypertrophie des muscles érecteurs du poil • Mucinose dermique Ces signes sont utiles pour confirmer une suspicion clinique forte. 4. Modifications hormonales non thyroïdiennes La sécrétion de nombreuses autres hormones peut être modifiée par l’action de l’axe hypotalamo-hypophysaire. La sécrétion d’hormone de croissance (GH) peut être très fortement diminuée, voire supprimée. La hausse de TSH secondaire, conduit à une stimulation de la production de prolactine avec les conséquences qui en découlent (lactations anormales). Les hormones sexuelles que sont LH et FSH sont aussi modifiées en cas d’absence d’hormones thyroïdiennes (d’où les problèmes reproductifs évoqués plus tôt). L’ensemble de ces signes ne peut pas confirmer de façon certaine l’existence d’une hypothyroïdie, mais ils peuvent renforcer des soupçons émis par le vétérinaire traitant avant de se lancer dans des analyses spécifiques aux coûts plus élevés. 81 B. Diagnostic expérimental spécifique Cela correspond à une exploration fonctionnelle de la thyroïde à travers différents dosages, biopsie et autres examens, notamment d’imagerie médicale. On utilise des dosages hormonaux, des dosages d’anticorps, ainsi que des tests d’exploration dynamique se basant sur la réactivité de l’axe thyréotrope. Au niveau des techniques plus invasives, il existe la possibilité d’utiliser la biopsie thyroïdienne. L’utilisation de l’imagerie médicale a ses partisans, mais reste toutefois difficile pour un imageur non expérimenté. Enfin, la dernière option possible est celle du diagnostique thérapeutique. 1. Modification physiologique de la concentration en hormone thyroïdienne Le premier test spécifique à effectuer afin de confirmer une hypothyroïdie est bien entendu un dosage de T4 (totale ou fraction libre, nous le verrons par la suite). Mais il faut savoir que différents facteurs physiologiques vont influencer la concentration en hormones thyroïdiennes. a) Age Chez le chien, la concentration en hormones thyroïdiennes varie au cours de la vie de manière inversement proportionnelle à l’âge, avec l’existence de 3 paliers [65]: 82 • Elle est élevée chez le chiot jusqu’à 18 mois : pendant les 3 premiers mois de la vie, les valeurs de T4 sont deux à cinq fois plus élevées que celles d’un adulte. Ensuite, T4 redescend à des niveaux normaux suite à la maturation du système endocrinien. On soupçonne que cette hausse est liée à une hausse de la TSH afin de permettre au chiot de maintenir sa température corporelle dans les normes à partir du 10ème jour. • Elle est ensuite normale entre 18 mois et 10 ans avec, chez certains chiens, une baisse de T4 apparaissant dès l’âge de 6 ans. • Elle est enfin à des niveaux subnormaux après 10 ans, avec une diminution de la réponse à la stimulation par la TSH, mais sans apparition de troubles particuliers. b) Race Comme vu auparavant, il semblerait que, selon les races, les concentrations en hormones thyroïdiennes chez des animaux sains, soient différents, les auteurs ayant du mal à s’accorder sur les caractéristiques des races ayant les concentrations les plus basses.[57, 66] Les lévriers sont reconnus comme ayant des niveaux hormonaux diminués de moitié par rapport à toutes les autres races. [127] Les races grandes et géantes auraient les niveaux hormonaux les plus bas. c) Variation journalière Au cours du nycthémère, les concentrations en hormones thyroïdiennes vont varier et ces variations seront mêmes visibles d’une heure à l’autre pour un animal donné. Ces variations peuvent modifier les concentrations hormonales pour des valeurs entre 7 et 34% au cours de la journée, ce qui n’est pas négligeable. Les valeurs les plus élevées se situant entre 10 et 14 heure, alors que les valeurs les plus basses se situeraient aux alentours de 2 heure du matin, donc quand l’activité de l’animal est la plus basse.[83] d) Etat d’oestrus ou de gestation Chez la femelle, les sécrétions de progestérone augmentent l’affinité des protéines plasmatiques pour les hormones thyroïdiennes, ce qui peut entraîner une hausse des concentrations totales en T4 et T3. Les chiennes en dioestrus ou en gestation ont une T4 supérieure aux chiennes en anoestrus, pro-oestrus ou en lactation. En oestrus, les oestrogènes vont diminuer les valeurs en T3 et T4. L’ensemble de tous ces facteurs physiologiques va faire varier les concentrations hormonales de manière non négligeable. Voilà pourquoi il est impossible de baser un diagnostique d’hypothyroïdie uniquement sur les valeurs des dosages hormonaux. Le clinicien doit dans tous les cas se baser dans un premier temps sur des signes cliniques évocateurs et ensuite utiliser le dosage des hormones thyroïdiennes à bon escient pour confirmer son 83 diagnostic, tout en tenant compte des facteurs physiologiques pouvant modifier ces résultats. 2. Exploration fonctionnelle de la thyroïde Les dosages hormonaux ont une place très importante dans le diagnostic de l’hypothyroïdie. Ils sont nécessaires, mais en aucun cas suffisants, chacun ayant ses limites d’interprétation. Ils sont dotés, d’une manière générale, d’une grande sensibilité, mais malheureusement d’une faible spécificité. De plus, leur coût n’est pas négligeable et il n’est pas possible de demander aux propriétaires d’assumer le coût de tout le panel de tests disponibles afin d’augmenter la spécificité des tests. Il est nécessaire de baser son diagnostic définitif sur la base d’un bon diagnostic clinique et expérimental et de pouvoir intégrer tous les facteurs non thyroïdiens pouvant entrer en compte et modifiant les concentrations en hormones thyroïdiennes (comme dans le cas de l’hypothyroïdie fonctionnelle). Lors d’hypothyroïdie primaire, l’organisme réagit face au déficit de production par la thyroïde en augmentant la sécrétion de TSH. On a alors une surstimulation de la glande thyroïde, hypertrophie des structures restantes, tandis que la part fonctionnelle de la thyroïde diminue progressivement. Les capacités sécrétoires en T3 et T4 diminuent alors petit à petit jusqu’à ce que les concentrations ne soient plus suffisantes et que l’on ait apparition progressive des signes cliniques en fonction du taux de destruction de la thyroïde.[57, 65] a) Exploration statique (1) Dosage de la T4 totale Il consiste en une mesure de la concentration plasmatique de la TT4 qui est la principale hormone produite par la thyroïde, sur une prise de sang isolée. La TT4 est en fait la totalité de la T4 (fraction liée aux protéines (TGB, TBPA et albumine) plus fraction libre de T4 (fT4)), donc de la pro-hormone à l’origine, après métabolisation, de la production de T3. Actuellement, deux méthodes de dosage sont disponibles : la méthode radio-immunologique : RIA (« radioimmunoassay ») et la méthode immunoenzymologique : ELISA (« enzyme linked immunosorbent assay »)[66]. La RIA est en temps normal préférable en raison de sa sensibilité supérieure. Il existe actuellement des tests disponibles en « version canine » c’est-à-dire adaptés 84 à l’espèce canine et il vaut mieux s’adresser à des laboratoires vétérinaires pour effectuer ces mesures. Les valeurs humaines en effet, sont 3 à 4 fois supérieures à celle mesurées chez le chiens [83]. Aucune condition particulière n’est nécessaire pour effectuer ces analyses. Les valeurs usuelles peuvent un peu fluctuer d’un laboratoire à un autre. Elles seront généralement exprimées en nanomole par litre (nmol/L). Selon les auteurs, les valeurs basses chez un animal sain (euthyroïdien) peuvent varier de 10 à 20 nmol/L et jusqu’à 45-55nmol/L pour les valeurs hautes.[65, 66, 84, 85] On peut donc voir que les valeurs ont une variabilité allant du simple au double (pour les valeurs basses tout du moins). De plus, il pourrait être fort utile de posséder des tables de références propres à chaque race, étant donné la grande variabilité existant entre celles-ci.[44] En cas de valeur de T4 normale ou élevée, la valeur diagnostique est très bonne : le chien a une très faible probabilité d’être hypothyroïdien. Il existe en effet très peu de faux négatifs, il faut tout de même noter que les traitements à base de certaines molécules (progestagènes, halothane, …) sont capables d’augmenter la valeur de TT4, de même que l’état d’oestrus, ou la présence de certains anticorps (sujet que nous aborderons tout à l’heure). Au contraire, en cas de valeur de T4 basse, la valeur diagnostique est très faible. Il est impossible de savoir quelle est l’origine de la diminution (affections intercurrentes, traitements mis en place, …) et si elle est véritablement liée à une hypothyroïdie. Il existe certains biais à cette méthode de dosage, car elle mesure la concentration totale en T4 et donc les résultats sont fortement liés à la fraction de T4 liée aux protéines de transport. En cas de diminution de ces dernières, on aura une baisse de TT4, alors que la fT4, forme pouvant être métabolisée, sera normale, voire augmentée. De plus, les anticorps antithyroxine peuvent modifier ces résultats, soit en les augmentant, soit en les diminuant. Le dosage de T4 est probablement un très bon examen complémentaire de première intention, même si il peut dans certains cas être difficile d’interpréter des valeurs basses de TT4, surtout lorsqu’elles sont proches des normes. (2) Dosage de la T4 libre (fT4) Cela consiste en une mesure de la concentration plasmatique en T4 libre (fT4) sur une prise de sang isolée. La T4 libre ne représente qu’une très faible minorité de la T4 totale (moins de 0.1%). C’est cette part uniquement qui est disponible pour les tissus de l’organisme pour y être transformée en T3. La part de T4 liée aux protéines est juste un réservoir et un tampon servant à 85 maintenir une concentration stable en fT4 dans le sang [65] (on remarque ce rôle notamment lors d’hypothyroïdie fonctionnelle, la part de T4 liée aux protéines diminue, tandis que la part de T4 libre, elle, reste stable). Plusieurs méthodes sont actuellement disponibles afin d’effectuer ce dosage de fT4 : • La dialyse à l’équilibre est la méthode de référence actuelle pour doser la T4 libre. Elle possède une sensibilité et une spécificité très élevée (au-dessus de 0.90). Cette technique d’analyse possède tout de même des désavantages. Elle nécessite beaucoup de temps pour être réalisée. De plus, elle est relativement coûteuse. Elle n’est donc pas adaptée à une utilisation commerciale en laboratoire. • La deuxième technique est basée sur des procédés radioimmunologiques (RIA) et est beaucoup plus adaptée à une utilisation à plus grande échelle en laboratoire. Son coût est, en effet, beaucoup moins élevé et la technicité de l’examen est plus simple et nécessite une durée de réalisation plus courte que pour la dialyse à l’équilibre. Malheureusement cette technique est basée sur des réactifs provenant des tests biochimiques de laboratoires de médecine d’humaine, la sensibilité et la spécificité sont donc moins bonnes • Enfin, la dernière technique disponible est en quelque sorte une association des deux précédentes : c’est la dialyse à l’équilibre modifiée. Elle débute par une courte phase de dialyse et utilise ensuite avec une technique de radio immunité plus sensible. Cette dernière technique allie les avantages des deux précédentes : une bonne sensibilité et une bonne spécificité alliées à un coût raisonnable et une durée de manipulation moins longue que la dialyse complète. [6, 44, 84] Néanmoins, les concentrations sériques en fT4 semblent moins influencées par des facteurs extra-thyroïdiens que la TT4. De plus, le dosage de la fT4 est moins modifié par la présence ou non d’anticorps anti-thyroïdien [31]. Les valeurs varient normalement entre 10 et 35 pmol/L [51, 120]. L’utilisation des résultats est sensiblement la même que pour la TT4 : très bonne valeur exclusive en cas de valeur élevée, mais faible valeur diagnostique en cas de valeur faible. 86 (3) Dosage de la T3 totale Cela consiste à mesurer la concentration plasmatique total en T3 (TT3). La T3 est la seule hormone véritablement active au niveau cellulaire, c’est elle seule qui peut activer les réponses au niveau cellulaire. Il paraît donc logique que le dosage de référence devrait être celui-ci afin de vérifier un bon fonctionnement thyroïdien. En réalité, ce paramètre n’est d’aucune utilité dans le diagnostic de l’hypothyroïdie. La majorité de la T3 est en effet produite directement au niveau cellulaire par désiodation de la T4. Les cellules cibles sont normalement toutes capables d’effectuer cette désiodation et donc les résultats du dosage de la T3 (que l’on dose la fraction libre ou liée) n’est en aucun cas l’image de l’activité thyroïdienne. Le dosage de TT3 de manière isolée n’est donc pas un test utile dans le diagnostic de l’hypothyroïdie, il n’apporte aucune indication diagnostique fiable sur la fonction thyroïdienne.[6, 44, 51, 66, 120] (4) Dosage de la reverse T3 On peut parler de l’existence d‘un test permettant de mesurer la concentration en reverse T3 (rT3). Ce composé est le produit de la dégradation de T4, par désiodation de la T4 en 5 lors du métabolisme des hormones thyroïdiennes. En temps normal, rT3 représente environ ¼ de la valeur totale de T3. La part de rT3 peut augmenter dans certains processus particuliers, comme dans le cas d’hypothyroïdie fonctionnelle où la voie métabolique produisant la rT3 sera favorisée vis-à-vis de celle entraînant la production de T3. Toutefois, ce dosage n’est réalisé que dans peu de laboratoires et n’est pas utilisé dans l’espèce canine du fait de son utilité quasi inexistante. (5) Dosage de la thyréotropine canine (cTSH) La thyréotropine est le modulateur majeur de l’activité thyroïdienne. Cette hormone est directement produite par l’hypophyse et agit de manière positive sur la sécrétion d’hormones thyroïdiennes. Sa production est directement sous régulation de la TRH (hormone produite par l’hypothalamus) et sous rétrocontrôle négatif des hormones T4 et T3. En cas d’hypothyroïdie, on peut donc logiquement s’attendre à une augmentation de la TSH, du fait de l’absence de rétrocontrôle négatif par T3 et T4. Depuis une dizaine d’années, la possibilité de doser la TSH canine endogène est disponible dans de nombreux laboratoires vétérinaires. Il a pendant un moment été question de réussir à utiliser le dosage de la TSH 87 comme test diagnostique unique concernant l’hypothyroïdie canine, de la même façon que l’utilisation qui en est faite en médecine humaine. Une telle utilisation nécessiterait une sensibilité de 100% pour ce test, c’est-à-dire, une capacité à détecter la totalité des animaux atteints, et malheureusement la sensibilité de celui-ci n’est pas à la hauteur pour une telle utilisation. En effet, on aurait approximativement ¼ des chiens présentant une hypothyroïdie primaire diagnostiquée avec certitude qui présenterait des concentrations de TSH dans les normes. Il existe actuellement plusieurs types de tests permettant le dosage de la TSH : • mesure immunologique utilisant des anticorps marqués radioactivement, • mesure immunologique utilisant des anticorps chimioluminescent • technique ELISA Les deux premières techniques sont actuellement les plus performantes et les plus utilisées dans la majorité des études effectuées. la technique par chimioluminescence proposée par « Diagnostic Products Corporation » semble être le procédé possédant le plus de précision dans ces mesures, et très probablement la plus grande sensibilité de détection [96]. Toutefois, lorsque l’on se retrouve en présence de valeurs de TSH basses (proches ou dans les normes), il semblerait que les trois techniques ne possèdent plus la précision nécessaire à une bonne mesure de la concentration en TSH. Ces trois tests utilisent des techniques de détection dites polyclonales, c’est-à-dire utilisant plusieurs types d’anticorps pour la fixation, ceci permettant d’augmenter la sensibilité du test, en diminuant malheureusement sa spécificité. Le problème dans la détection de l’hypothyroïdie par mesure de la TSH se situant au niveau de la sensibilité, il vaut mieux prendre cette option, plutôt que de partir sur un test de détection monoclonal qui possèdera, certes une meilleure spécificité, mais qui laissera non détectée une part des animaux atteints. Dans la majorité des cas, l’exploration statique de la fonction thyroïdienne sera suffisante pour le vétérinaire praticien classique. En se basant sur une forte suspicion clinique, il couplera l’utilisation des dosages de T4 (fraction totale la plupart du temps) et des dosages de la TSHc. En cas de difficulté dans le diagnostic, le dosage de la T4 libre en dialyse à l’équilibre sera envisagé, pour apporter des éléments d’interprétation supplémentaires en s’affranchissant des influences extra-thyroïdienne. 88 b) Exploration dynamique L’exploration dynamique a été pendant un moment considérée comme une grande avancée dans le domaine du diagnostique de l’hypothyroïdie. Elle semblait apporter un outil diagnostique puissant alliant à la fois sensibilité et spécificité. Néanmoins, l’interdiction d’utiliser de la TSH bovine pour la réalisation de ce test a rendu l’exploration dynamique de l’axe thyréotrope totalement obsolète, de plus, il faut rappeler que l’existence de réactions anaphylactiques très violentes, pouvant entraîner la mort de l’animal rendait déjà l’utilisation de ce test assez risquée. Il reste toutefois la possibilité d’utiliser de la TSH recombinante humaine pour effectuer ces tests. Son efficacité a été démontrée et elle possède les qualités nécessaires pour une utilisation dans l’espèce canine avec l’existence de protocoles codifiés pour son utilisation.[11, 12] Le coût extrêmement élevé (une boîte de deux ampoules permettant d’effectuer le test sur 25 à 30 chiens coûtent aux alentours de 450€ HT) et son utilisation réservée normalement au milieu hospitalier humain en rende l’utilisation utopique. L’épreuve de stimulation à le TRH n’apporte rien dans l’espèce canine, les résultats étant trop inconstant d’un chien à l’autre. 3. Mesure des titres d’anticorps. Concernant l’espèce humaine, l’antigène thyroïdien le plus commun entraînant la production d’anticorps lors de thyroïdite est la TPO, il s’agit de l’enzyme type peroxydase intervenant dans la production des hormones thyroïdiennes. Néanmoins, dans l’espèce canine, il n’a pas été possible de retrouver le rôle de cet antigène dans le déclenchement de thyroïdite. Les anticorps anti-TPO ne sont donc en aucun cas de bons marqueurs d’affections thyroïdiennes. D’autres anticorps sont présents et recherchés en cas de thyroïdite, c’est ce que nous allons aborder dans les paragraphes suivants. a) Anticorps anti-thyréoglobuline. On a pu détecter la présence d’anticorps anti-hormones thyroïdiennes (que l’on notera TgAA) dans l’espèce canine depuis les années 80 [20]. Cela a pu paraître paradoxale, étant donné que les hormones T3 et T4 ne possèdent pas un poids moléculaire suffisant pour déclencher la production d’anticorps. En effet, il faut en temps normal un poids moléculaire compris entre 10 et 20 000 Dalton afin de déclencher la production d’anticorps. Il 89 semblerait qu’une association se fasse entre ces hormones thyroïdiennes, et la thyroglobuline relachée hors de la thyroïde en cas de thyroïdite lymphocytaire, qui sert alors de molécule présentatrice d’antigène auprès du reste du système immunitaire. Ce couplage permet alors la production d’anticorps. Selon que la fraction de thyréoglobuline soit ou non encore reliée à un fragment de thyroxine iodée, on aura formation de différents types d’anticorps : • Soit de type T3AA lorsqu’ une tri-iodothyroxine est liée à la fraction de thyréoglobuline reconnue par le système immunitaire, cet anticorps étant dirigé contre T3. • Soit de type T4AA lorsqu’une tétra-iodothyroxine est liée à la fraction de thyréoglobuline reconnue par le système immunitaire • Soit, il arrive que la fraction de thyréoglobuline reconnue par le système immunitaire ne comporte aucune hormone thyroïdienne fixée et dans ce cas, on aura production de TgAA, anticorps n’étant pas dirigé contre l’une ou l’autre des hormones thyroïdiennes en particulier. La présence de ces anticorps anti-thyroïdien semble être un bon indice de thyroïdite lymphocytaire, que les symptômes soient déclarés ou latents.[107] Selon l’hypothèse de continuité entre thyroïdite lymphoplasmocytaire et atrophie idiopathique, ils sont un bon marqueur de l’intensité de la thyroïdite. L’intensité de la concentration en anticorps semble même être corrélée avec la gravité des symptômes observés. Ils sont même encore décelables dans certains cas d’atrophie idiopathique, mais la plupart du temps, on ne retrouve plus leurs traces lors des analyses, probablement à cause de l’ancienneté de la thyroïdite et donc d’absence de stimulation antigénique au moment de l’analyse (si l’on suit l’hypothèse de lien chronologique entre thyroïdite lymphocytaire et atrophie idiopathique). D’après les derniers travaux effectués, leur présence chez des chiens hypothyroïdiens varie selon la race à laquelle on a affaire. Ils ne peuvent donc pas être véritablement utilisés comme outil diagnostique de l’hypothyroïdie à cause de cette variabilité. Toutefois, on a pu mettre en évidence leur présence chez des animaux présentant une thyroïdite n’étant pas encore exprimée cliniquement. Ils peuvent donc être utilisés afin de prévoir en quelque sorte l’apparition d’une hypothyroïdie clinique.[57] Il ne faut toutefois pas négliger l’existence d’animaux présentant des anticorps anti-thyroïdien, mais sans aucun symptômes et n’ayant pas évolué vers l’hypothyroïdie [108]. Dans des cas tels que ceux-ci, la présence de ces anticorps n’a pas encore été élucidée. 90 b) Cas des anticorps T3AA et T4AA Le dosage des anticorps directement dirigés contre T3 et contre T4 ne semble toutefois pas véritablement posséder d’intérêt dans le diagnostic direct de l’hypothyroïdie. L’importance de leur présence est plus à rechercher du coté des dosages hormonaux (et de leurs résultats) effectués en première intention et que nous avons vu tout à l’heure.[57] Il semblerait en effet que dans les dosages par méthode immunologique (ELISA, RIA), la présence de ces anticorps pourrait modifier les résultats obtenus. Les interactions engendrées par ces anticorps peuvent être dans les deux sens et entraîner soit des hausses soit des baisses des valeurs mesurées (cela diffère en fonction de la méthode utilisée pour séparer les radio-ligants des anticorps.).[57] Il est nécessaire d’utiliser la technique de dialyse à l’équilibre pour mesurer les concentrations en T4 et T3 au mieux afin de pouvoir éliminer le biais pouvant être constitué par ces anticorps. La recherche de ces anticorps ne montre donc que très peu d’utilité en première intention pour le diagnostic de l’hypothyroïdie dans l’espèce canine. Le titrage des T3AA et T4AA peut tout de même avoir une grande utilité, par exemple dans les cas ayant une clinique très évocatrice et pour lesquels on retrouve des concentrations hormonales en T4 et T3 dans les normes (et que l’on aurait donc tendance à classer comme euthyroïdien) ou une absence de réponse à la stimulation par la TSH avec une concentration basale normale en T4. Le dosage des anticorps (TgAA ou anti-T3, anti-T4) ne peut donc pas être utilisé seul pour le diagnostic de l’hypothyroïdie, mais il peut être utile en association avec d’autres tests, ainsi que pour les diagnostics précoces de thyroïdite lymphocytaire. 4. Biopsie thyroïdienne Cette technique diagnostique est la meilleure méthode actuelle concernant le diagnostic d’hypothyroïdie. Elle est d’ailleurs la seule à avoir une valeur diagnostique quasiment égale à 100%. Le problème d’une utilisation systématique réside dans la difficulté de sa réalisation. Dans de nombreux cas d’hypothyroïdie, la glande thyroïdienne présentant une atrophie.[43, 51, 65] Elle nécessite en effet la nécessité d’une chirurgie exploratrice (la thyroïde pouvant en effet avoir une place variable le long de la trachée), avec hémi-thyroïdectomie afin d’obtenir un matériel suffisant afin d’obtenir des images et une interprétation correctes. D’autres techniques 91 préconisent la réalisation d’une biopsie à l’aiguille fine, mais dans ce cas-là, il peut parfois être plus difficile d’interpréter les images obtenues. Les images observées sont celles décrites précédemment : • Diminution ou disparition des follicules thyroïdiens lors d’hypothyroïdie primaire. Ces images peuvent être liées soit à une thyroïdite lymphocytaire, soit à une atrophie idiopathique. • Distension des follicules thyroïdiens par la substance colloïde lors d’hypothyroïdie secondaire (déficit en TSH, très rare dans l’espèce canine.) Les complications les plus fréquentes des biopsies thyroïdiennes sont le risque hémorragique et les altérations pouvant être faites aux glandes parathyroïdes.[92] Malgré le très fort pouvoir diagnostique de ce test, il n’est que très peu utilisé dans l’espèce canine du fait de la difficulté de sa réalisation et de son caractère invasif. C. Méthodes diagnostiques d’avenir Nous venons de voir quels étaient les outils diagnostiques actuellement à la disposition du clinicien dans le diagnostic de l’hypothyroïdie, mais il existe d’autres méthodes envisageables, qui sont pour l’instant encore réservée plus ou moins au champ expérimental, mais qui seront peut-être dans l’avenir des moyens diagnostiques classiques. 1. Scintigraphie Dans l’espèce canine, cette technique est réservée à des fins expérimentales. En effet, l’équipement nécessaire, l’utilisation de matériaux radioactifs (Iode131 ou Technetium99) et la technicité nécessaire rendent l’utilisation de la scintigraphie dans l’espèce canine impossible pour la médecine vétérinaire de routine. 92 Pour information, elle révèle une accumulation thyroïdienne très faible, voire nulle, du produit radioactif dans le cas d’hypothyroïdie, alors que celleci est normale chez des animaux euthyroïdiens. Toutefois, cette distinction est difficile à effectuer, l’accumulation de produit, même chez un animal euthyroïdien étant difficile à observer et il faut bien souvent utiliser un matériel de détection très précis pour avoir des mesures interprétables.[42] 2. Echographie Il semblerait que l’utilisation de l’échographie pour diagnostiquer l’hypothyroïdie puisse être envisagée. Cette technique est relativement difficile et couple 5 paramètres observables à l’échographie. Ces cinq paramètres sont : • Une diminution de l’échogénicité de la thyroïde • Une absence d’homogénéité au niveau de la thyroïde • Une perte de régularité de la capsule glandulaire • Une forme anormale des lobes de la thyroïde • Une diminution relative du volume de la thyroïde La sensibilité propre de chacun de ces paramètres se situe aux alentours de 75%, mais en couplant l’ensemble de ces paramètres, on arriverait à une sensibilité de 95%. L’utilisation de l’échographie pourrait donc permettre de disposer d’un examen complémentaire non invasif et ne nécessitant pas de disposer d’un laboratoire vétérinaire afin d’effectuer des analyses biochimiques précises.[136] Il reste tout de même un frein important à l’utilisation de cet examen en routine pour diagnostiquer l’hypothyroïdie : les sondes échographiques nécessaires pour un tel examen coûtent extrêmement chères et la technicité requise par l’imageur est très élevée. 3. Diagnostic thérapeutique Lorsque l’on se retrouve face à une forte suspicion d’hypothyroïdie clinique et/ou biochimique mais que le doute subsiste tout de même ou quand les propriétaires ne veulent pas assumer le coût d’examens complémentaires biochimiques, il est possible de procéder alors à une supplémentation en hormones thyroïdiennes de 8 à 12 semaines et d’en observer les effets et conséquences sur les troubles observés et soupçonnés comme étant secondaires à une hypothyroïdie. 93 Les effets d’une supplémentation d’une telle durée chez des animaux sans déficit en hormones thyroïdiennes ne semblent pas avoir de conséquences véritablement délétères pour des chiens sains. On observe tout au plus quelques troubles digestifs et comportementaux, disparaissant à l’arrêt de la supplémentation. Ce type de diagnostic thérapeutique doit néanmoins rester exceptionnel, étant donné son intérêt scientifique tout de même limité du fait de l’effet non spécifique des hormones thyroïdiennes sur la pousse du poil et le métabolisme en général [116] et de l’utilisation abusive pouvant avoir lieu de la part dé vétérinaires peu compétents. Ce procédé doit rentrer dans une démarche diagnostique correcte et suivie et doit répondre à certaines règles [66]: • Eliminer les causes possibles d’hypothyroïdie fonctionnelle • Donner la bonne dose de L-thyroxine (10 à 20 µg/kg 2 fois/j) pendant une période suffisamment longue (8 à 12 semaines) • Faire un contrôle avant et 5 heures après la prise du traitement de la thyroxinémie et interpréter le résultat en fonction de la clinique observée • Arrêter la supplémentation au bout d’un temps et regarder si l’on a retour des signes cliniques ou si ceux-ci ont rétrocédé sans rapport avec le traitement mis en place (attention durée parfois longue avant la réapparition de symptômes (plusieurs semaines)) • Garder en tête le fait qu’une supplémentation longue et irréfléchie peut tout de même causer des dommages Comme nous pouvons donc le voir, il existe de nombreux moyens diagnostiques à la disposition du praticien afin de diagnostiquer l’hypothyroïdie, tous n’ayant pas la même efficacité, ni la même disponibilité pour le praticien. Le praticien doit avoir sa propre approche diagnostique efficace et claire et devra être capable de l’adapter en fonction de sa clientèle et du budget dont celle-ci dispose. Voici une approche diagnostique pouvant être proposée afin d’aboutir à un diagnostic correct : 94 Chien présentant des signes cliniques suggérant l’hypothyroïdie Résultats d’hématologie et biochimie compatibles avec l’hypothyroïdie et/ou excluant la présence d’une maladie systémique T4T > 15 mmol/L T4T > 15 mmol/L Euthyroïdie Dosage de la TSH T4T dim (<15 mmol/L) et TSH aug (>0,6mg/mL) Résultats discordants T4T dim, TSH Norm Hypothyroïdie Répéter les tests 4 à 8 semaines plus tard et/ou combiner T4L et TSH 95 Conclusion Pour aboutir à un diagnostic correct d’hypothyroïdie, le praticien ne doit surtout pas se jeter à l’aveuglette dans le panel de tests à sa disposition. Il doit tout d’abord, grâce à un examen clinique correctement effectué, s’orienter ou non vers une hypothèse d’hypothyroïdie. Une fois celle-ci clairement établie, il pourra alors avoir recours aux différents tests disponibles afin de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse émise auparavant. Ceux-ci sont nombreux et ne possèdent pas tous la même puissance diagnostique. De plus, pour le praticien classique, la totalité des examens complémentaires de point ne sont pas forcément disponibles ; certains restent en effet réservés au domaine de la recherche. Il lui faudra donc apprendre à utiliser correctement les différents examens complémentaires à sa disposition afin de pouvoir en tirer le maximum d’information pertinentes en fonction des signes cliniques qu’il aura pu observer auparavant. Même s’il existe des tests aussi performants que la scintigraphie, la biopsie thyroïdienne ou l’échographie de la glande thyroïde, actuellement, le dosage de T4 couplé à celui de TSH semble suffisant afin d’obtenir un bon diagnostique de l’hypothyroïdie. 96 V. Traitement de l’hypothyroïdie Comme nous l’avons vu, l’hypothyroïdie est due à un manque d’hormones thyroïdiennes suite à la destruction (ou à l’atrophie) de la glande thyroïde. Dans un premier temps, nous allons voir comment s’effectue le traitement de l’hypothyroïdie, puis nous allons étudier la possibilité d’utiliser des hormones et des analogues thyroïdiens dans le traitement de l’obésité. On peut citer pour mémoire le traitement du coma myxoedémateux (état « terminal » de l’hypothyroïdie en quelque sorte), pour lequel on procède à l’administration de L-thyroxine en intra-veineux couplé aux mesures de réanimation classique (oxygénation, perfusion, etc…)[64]. A. Utilisation classique de la lévothyroxine Le traitement consiste en une supplémentation hormonale à mettre en place à vie. Il faut toutefois différencier les hypothyroïdies fonctionnelles pour lesquelles le traitement de la cause sous-jacente est primordial avant toute supplémentation.[6, 43] Dans tous les cas, des contrôles réguliers doivent être effectués afin d’ajuster le traitement. 1. Choix du traitement Il a, pendant un temps, été envisagé l’existence de différentes possibilités de traitement, notamment dans le choix des hormones à administrer. Actuellement, il n’est plus concevable d’administrer à un animal une supplémentation autre qu’à base de L-Thyroxine. L’administration de T3 pose en effet de nombreux problèmes rendant son utilisation impossible (durée de vie très courte, risque de thyréotoxicose plus élevés, impossibilité d’adaptation de l’animal au traitement, etc). L’utilisation de T3 peut même être considérée par certains comme étant une faute professionnelle. La lévothyroxine sodique est actuellement la molécule à utiliser. Elle est issue d’une production synthétique, plus stable que les produits d’origine naturelle. Il existe plusieurs produits disponibles actuellement, soit sous forme solide (Levothyrox ND, médicament provenant de l’humaine et dont le dosage est peu adapté, Forthyron ND), soit sous forme liquide (Leventa ND, AMM valable en France, mais produit non encore commercialisé, disponible dans un futur proche). Chacune de ces présentations ayant ses avantages et 97 ses inconvénients, la forme liquide permettant un dosage plus précis et une facilitée d’administration augmentée. L’absorption de la lévothyroxine lors d’un traitement réalisé per os est relativement faible et tourne autour de 20% de la substance administrée oralement. De plus, si ce traitement n’est pas réalisé chez un animal à jeun, l’absorption diminue encore de 50% et seul 10% de la T4 seront absorbés au niveau intestinal.[120] Concernant la dose et le rythme d’administration, différentes possibilités se présentent au vétérinaire traitant qui va souvent adapter le traitement en fonction de l’animal. Classiquement, on utilise une dose de départ de 20 µg/kg/j que l’on administre en deux fois au démarrage du traitement, pour ensuite passer à une administration quotidienne. D’autres recommandations préconisent une dose adaptée à l’animal, non pas en fonction du poids de celui-ci, mais de sa surface corporelle. La dose recommandée étant alors de 0,5mg/m².Il n’a pas encore été possible de trancher entre une administration uni ou biquotidienne. En effet, si l’on veut obtenir des concentrations en hormones thyroïdiennes sous forme de plateau, l’administration doit se faire à demi-dose, deux fois par jour afin d’obtenir une concentration stable. Toutefois, la sécrétion d’hormones thyroïdiennes semble se faire de manière pulsatile,[83] voilà donc pourquoi la prise quotidienne est conseillée par une autre partie de la communauté scientifique : des concentrations hormonales en plateau vont avoir un rétrocontrôle négatif sur les sécrétions de TSH (ce qui est sans conséquences) mais aussi sur la sécrétion de TRH (qui elle aussi joue aussi un rôle dans la régulation d’autres hormones telles la mélatonine, la prolactine,…). Suivant cette hypothèse, il est recommandé de procéder à une administration unique du traitement, à la dose de 20 µg/kg le matin, pour permettre à l’animal de disposer d’une concentration maximale en hormone thyroïdienne aux moments de la journée où celui-ci est le plus actif.[120] Les animaux présentant des facteurs de risque tels que des problèmes cardiaques, une insuffisance rénale sous-jacente, du diabète, etc, doivent faire l’objet d’une surveillance particulière lors de la mise en place de ce traitement, et chez eux, l’administration du traitement peut se faire en deux prises plutôt qu’une et de plus, à une dose plus faible que l’on pourra augmenter par la suite en cas de non réponse ou de réponse incomplète de la part de l’animal. 98 2. Ajustement du traitement Afin d’adapter le traitement, il faut pour le praticien se baser à la fois sur les signes cliniques et leur amélioration, mais aussi sur des paramètres biochimiques précis. Une amélioration des signes cliniques généraux devrait normalement être visible 1 à 4 semaines après le début du traitement. La hausse de l’activité générale et l’amélioration du comportement, avec une disparition de la faiblesse et de la léthargie pouvant être visibles dès la fin de la première semaine de traitement [120]. Toutefois, ces améliorations peuvent mettre quelques semaines à apparaître.[2, 68] Les réponses cutanées (repousse du poil, amélioration de la qualité de la peau) prennent plus de temps. Elles peuvent nécessiter des durées entre 3 et 6 semaines avant qu’une amélioration ne soit visible, la résolution complète de l’alopécie, de l’hyperpigmentation et de la séborrhée pouvant durer quelques mois.[28, 114] Concernant les troubles cardio-vasculaires, ceux-ci sont plus longs à disparaître après la mise en place du traitement, une durée de 2 à 3 mois ne paraît pas anormal pour un retour à des paramètres échographiques et électro cardiographiques normaux.[53, 68, 95, 112] Les problèmes relatifs au système nerveux répondent, eux, relativement rapidement au traitement, les premiers signes d’amélioration étant visibles au bout de durées comprises entre 4 et 8 semaines, mais un retour complet à la normale sera lui beaucoup plus long à obtenir et pourra s’étaler sur une durée allant jusqu’à plus d’un an, surtout concernant le système nerveux central.[8, 70, 74, 104, 105] Bien que la durée de rémission soit très longue, toutes ces affections nerveuses ont un excellent pronostic de récupération sous supplémentation hormonale. Les contrôles biologiques doivent être effectués après une durée de traitement suffisamment longue pour permettre à l’organisme d’atteindre des concentrations sanguines hormonales suffisantes. Il lui faut, en plus du temps d’absorption et de normalisation de la concentration en T4, le temps de réagir au niveau physiologique à cette hausse de concentration au niveau de son métabolisme général. La conversion de T4 en T3 va aussi modifier ces concentrations sanguines. Une durée de 1 mois semble correcte afin de laisser à l’organisme le temps de s’adapter au traitement. Les dosages effectués seront les mêmes que ceux entrant en jeu dans la mise en place d’un diagnostic : dosage de T4 (Totale ou libre), de T3, de la TSH, … Et de la même manière que précédemment, le clinicien va choisir le test le plus approprié. Les dosages de la T4 ou de la TSH sont les tests à utiliser en priorité, de la même manière que lors de la recherche diagnostique. Cela permettra d’adapter le traitement et d’éviter des surdosages pouvant être 99 nocifs et entraîner des thyréotoxicoses en cas de surdosage à long terme. Il permettra donc de mettre en évidence un surdosage, un sous-dosage, ou un rythme d’administration inadapté. Le principe est de doser la concentration en T4 dans le sang avant et 4 à 6 heures après la prise du traitement. On devra normalement trouver des valeurs normales ou basses à T0 et des valeurs normales à hautes à T+6h. L’interprétation des résultats biochimiques doit toujours se faire en corrélation avec la clinique de l’animal : • Amélioration clinique, test biologique normal : le traitement est poursuivi selon la prescription actuelle et un prochain contrôle est effectué 6 mois plus tard. • Amélioration clinique, test biologique révélant des concentrations en T4 élevées : diminution de la dose de L-Thyroxine prescrite ou passage à une prise unique dans les cas à 2 prises. Contrôle 4 à 6 semaines plus tard pour réévaluer l’animal. Recherche de signes de thyréotoxycose • Amélioration clinique moyenne, test normal : poursuivre le même traitement pendant 6 semaines et recontrôler à ce moment-là • Amélioration clinique moyenne, test montrant des concentrations en T4 élevées : envisager une erreur diagnostique possible, les effets positifs du traitement peuvent être reliés aux effets non spécifiques des hormones thyroïdiennes sur le métabolisme • Absence d’amélioration clinique, test montrant des concentrations en T4 normales ou élevées : effectuer une nouvelle recherche diagnostique, dans ce cas, il est fort possible que le clinicien se soit mal orienté lors de son diagnostic • Amélioration clinique moyennement satisfaisante, tests biologiques révélant des concentrations en T4 basses : augmenter la dose de LThyroxine de 50% et réévaluer l’animal dans 6 semaines. • Aucune amélioration clinique, tests révélant des valeurs de T4 basses : discuter avec le propriétaire de la rigueur d’administration du traitement à son animal, vérifier les erreurs et les biais pouvant entrer en jeu. Doubler la dose et repartir sur une durée de traitement de 6 semaines, puis réévaluer. En cas de persistance de telles anomalies, il faut peut-être envisager de changer de traitement et de passer à une autre forme de supplémentation (T3 ou association T4, T3) Une absence de modification au niveau des symptômes et de l’état général du chien après une durée de traitement de 6 à 8 semaines (à condition, bien entendu que celui-ci ait été correctement effectué), doit toujours amener le clinicien à remettre en cause son diagnostic et à rechercher quelles peuvent être les causes de l’échec de ce traitement (mauvaise prise des comprimés, lassitude du propriétaire, coût trop élevé, 100 mauvaise absorption intestinale, défaut de conversion périphérique, …). En cas de problème d’absorption ou de défaut de conversion au niveau périphérique, il va falloir comme dit précédemment modifier la nature de la supplémentation hormonale en passant peut-être à une forme mixte T3-T4. Les affections intercurrentes ou un traitement concomitant peuvent aussi être responsables d’échec. L’échographie peut être utilisée comme outil de contrôle, à condition que celle-ci ait déjà été utilisée lors du diagnostic afin de pouvoir avoir des éléments de comparaison entre les images pré et post-traitement. Une diminution de la taille et du volume de la thyroïde serait observable dans le cas d’un traitement adapté.[136] 3. Complication du traitement : la thyréotoxicose On appelle thyréotoxicose l’intoxication consécutive à un surdosage d’hormones thyroïdiennes. Celle-ci peut s’accompagner de valeurs sanguines de T4 dans les normes. Il faut donc se fier plus à la présence ou non de signes évocateurs. Les symptômes de la thyréotoxycose sont [2, 68, 92]: • Troubles du comportement en hyper : anxiété, agitation, agressivité • Tremblements • Polypnée, très commune, parfois à relier à des possibles troubles cardio-vasculaires de type congestifs • Polyuro-polydypsie • Polyphagie • Hyperthermie • Amaigrissement rapide • Diarrhée • Tachycardie Ces symptômes sont ceux observés dans les premiers temps lors d’une supplémentation trop importante. Lorsque celle-ci persiste durant une longue durée, des dommages cardiaques et rénaux vont être déclenchés par l’action des hormones thyroïdiennes. Au niveau cardiovasculaire tout d’abord ; de sévères affections peuvent être induite. Une auscultation anormale est rapidement observable, avec apparition de souffles systoliques et de bruits de galop lorsque la durée du traitement est longue. L’origine de ces souffles peut être recherchée du côté 101 des régurgitations mitrales et tricuspides ou de celui des obstructions systoliques. A l’examen électrocardiographique, on peut mesurer des anomalies telles que des tachycardies sinusales ou des hypervoltages de l’onde R. A la radiographie, une cardiomégalie gauche est dans ce cas presque toujours observée. La conséquence de cet état est l’insuffisance cardiaque congestive qui se présente dans les cas les plus graves. Dans tous les cas, ces modifications seront accompagnées de hausses de la pression artérielle pouvant entraîner rétinopathies et autres affections oculaires. Des troubles rénaux sont également déclenchés lors d’administration de doses trop élevées ou non nécessaires lors du traitement de l’hypothyroïdie. On a une baisse du débit de filtration glomérulaire qui va être à l’origine de l’installation d’une insuffisance rénale par glomérulopathie. Celle-ci pouvant entraîner l’animal vers une insuffisance rénale aigue.[135] Il est relativement rare d’observer des complications et des effets secondaires chez le chien, étant donné le turnover rapide des hormones thyroïdiennes dans cette espèce.[83] Des lésions cardiaques, un diabète sucré et des modifications du comportement peuvent toutefois être déclenchés en cas d’administration inadéquate, injustifiée et prolongée[92, 135]. Les complications surviennent souvent suite à une dose inadéquate ou excessive. Il convient alors de suspendre le traitement jusqu’à disparition des symptômes de thyréotoxicose, puis de le redémarrer à 75% de la dose précédemment prescrite en suivant régulièrement l’évolution de l’animal. B. Perspectives d’avenir dans l’utilisation de la lévothyroxine : traitement de l’obésité Etant donné le mode d’action des hormones thyroïdiennes et les effets qu’elles peuvent avoir sur le métabolisme, de nouvelles utilisations pourraient être envisagées. Lors d’une hypothyroïdie, le symptôme le plus fréquent est représenté par des modifications métaboliques entraînant une prise de poids sans augmentation de la prise alimentaire. De plus, depuis les années 90, on a pu montrer qu’une hyperthyroïdie provoquée chez des rats avait pour conséquence une augmentation de la consommation énergétique par les muscles.[33] L’idée d’utiliser des hormones thyroïdiennes chez des animaux 102 en surpoids peut paraître une solution pour traiter le surpoids et l’obésité chez les carnivores domestiques. 1. Fonctionnement des protéines découplantes Au niveau cellulaire, la transformation des métabolites en énergie sous forme d’ATP se fait essentiellement à deux niveaux : cytoplasmique et mitochondrial. Nous allons nous intéresser aux processus ayant lieu au niveau de la mitochondrie, plus particulièrement de la membrane mitochondriale : au niveau de la chaîne respiratoire. Le rôle majeur joué par la mitochondrie dans le métabolisme énergétique est du aux nombreuses voies métaboliques localisées dans cet organite et à sa capacité à convertir l’énergie en molécules d’ATP. Cette conversion se fait par l’intermédiaire des oxydations phosphorylantes. Le transport d’électrons ayant lieu le long de la chaîne respiratoire permet la mise en place d’un gradient protonique de part et d’autre de la membrane mitochondriale. La dissipation de ce gradient protonique par l’ATP synthétase, à partir d’ADP, va permettre la production d’ATP. Cette production est donc très dépendante du fonctionnement de la chaîne respiratoire on parle alors de respiration mitochondriale « couplée ». Afin d’établir ce gradient protonique, il est nécessaire que la membrane interne de la mitochondrie soit imperméable. Dans le cas contraire, la fuite protonique est possible et la totalité de l’énergie est alors dispersée librement. Dans la majorité des cellules de l’organisme cette perméabilité est présente et on a alors un fonctionnement normal de l’ensemble de la mitochondrie. Il existe toutefois un certain nombre de cellules pour lesquelles il existe une modification au niveau de la membrane mitochondriale. Il s’agit des adipocytes bruns spécialisés dans la calorigenèse. Les mitochondries de ces cellules possèdent une particularité : la présence de protéines dites découplantes (notées UCP dans la littérature anglo-saxone). Elles vont créer des pores dans la membrane entraînant une dissipation du gradient protonique. L’énergie libérée lors de ce passage des protons l’est sous forme de chaleur. Ces protéines découplantes sont des transporteurs ioniques agissant comme des canaux à protons rendant la membrane mitochondriale perméable.[109] On a donc une dissipation de l’énergie produite sous forme de chaleur à partir des métabolites par l’intermédiaire de l’action de ces protéines découplantes sur les mitochondries. 103 Fonctionnement des protéines découplantes D’après Nibbelink et al. (2002) 2. Hormones thyroïdiennes et protéines découplantes Comme nous l’avons énuméré dans la partie initiale de ce travail, les hormones thyroïdiennes interviennent dans la production de chaleur. La T3, issue de la transformation de T4 au niveau du cytoplasme, va agir directement sur le matériel nucléaire en activant la synthèse d’ARNm codant pour les protéines découplantes. A l’origine, l’existence de protéines découplantes était uniquement suspectée au niveau des adipocytes bruns (cellules appartenant à la graisse brune chez les mammifères en possédant, spécialisée dans la thermogenèse). En réalité, ces protéines découplantes sont présentes dans la quasi-totalité des cellules de l’organisme (graisse blanche, muscle squelettique, rate, etc…)[109] D’un organe à l’autre le type de protéine découplante varie. Actuellement, on a pu mettre en évidence 5 types différents de protéines ayant chacun une localisation particulière : • 104 La protéine UCP1 est essentiellement retrouvée au niveau de la graisse brune, elle intervient au niveau de la calorigenèse. • La protéine de type UCP2 est retrouvée dans la rate, les poumons l’estomac et la graisse génitale et intervient majoritairement lors de phénomènes inflammatoires [121]. • Le type UCP3 est retrouvé dans une grande variété de tissus, mais sa localisation préférentielle semble être au niveau des muscles squelettiques et dans le cœur à un moindre niveau. Il semblerait que le rôle du type 3 soit majoritairement lié aux variations métaboliques, comme par exemple celles du métabolisme lipidique. • La protéine UPC4 est essentiellement retrouvée au niveau cérébral, tout comme le type 5 que l’on retrouve également dans le rein. Les types 2 et surtout 3 jouent un rôle essentiel au niveau du métabolisme lipidique. Ils interviennent dans la régulation de l’oxydation lipidique, mais ce rôle n’est pas encore totalement prouvé. Il a tout de même pu être montré que lors de hausse du métabolisme lipidique dans les muscles squelettiques, on observe en même temps une hausse de la production d’ARNm codant pour l’UCP3. De plus la production de l’UCP3 est très sensible vis-à-vis des concentrations lipidiques. On a donc bien une association entre métabolisme lipidique et expression des UCP2 et 3.[91] La T3 agit sur les cellules cibles par l’intermédiaire des récepteurs thyroïdiens (TR). Ces récepteurs ne se trouvent pas uniquement au niveau du noyau. Ils sont également présents au niveau de l’ADN mitochondrial à l’intérieur duquel ils vont également réguler la transcription. La régulation de cette transcription n’est pas uniquement sous déterminisme des hormones thyroïdiennes, on a en plus intervention du système nerveux sympathique, particulièrement au niveau de la graisse brune où l’intervention des médiateurs du système sympathique (noradrénaline par exemple) collabore avec les hormones thyroïdiennes. Il a été démontré que l’administration expérimentale de T3 chez des rats a entraîné une augmentation de l’expression des protéines UCP2 et 3, et donc par conséquence, une hausse de l’activité de découplage.[91] De plus, les signes d’intolérance au froid souvent rapportés en cas d’hypothyroïdie confirme l’existence d’un lien entre hormones thyroïdiennes et protéines découplantes. Comme nous avons montré que cette activité de découplage était étroitement liée au catabolisme lipidique et étant donné que l’administration de T3 entraîne une activation de cette activité de découplage, on peut proposer l’utilisation d’hormones thyroïdiennes afin d’augmenter le catabolisme lipidique pour accompagner les mesures diététiques mises en place lors d’obésité dans l’espèce canine.[89] 105 Il ne faut toutefois pas oublier le fait que l’administration d’hormones thyroïdiennes peut avoir sur le long terme des conséquences fâcheuses sur la santé de l’animal étant donné les possibilités de développement d’une thyréotoxicose. Les fonctions cardiaque et rénale peuvent en effet être très fortement altérées par ce traitement. 3. Une solution : les analogues thyroïdiens Les hormones thyroïdiennes agissent sur l’organisme par l’intermédiaire de récepteurs intranucléaires ou intra-mitochondriaux que l’on note TR. Schématiquement, il existe deux grands types de récepteurs ayant chacun des implications particulières : • Les TRα, qui agissent majoritairement sur l’activité cardio-vasculaire. • Les TRβ agissant principalement sur le métabolisme. Les TRa sont responsables de la majorité des effets péjoratifs en cas de thyréotoxicose. Ce sont eux qui vont entraîner les différents effets au niveau de l’appareil cardiovasculaire, comme la tachycardie ou l’altération de la contractilité cardiaque. L’utilisation de T3 dans le traitement du surpoids entraîne, en plus des effets bénéfiques sur le métabolisme lipidique obligatoirement l’apparition de ces effets délétères pour l’animal traité.[63] Les TRB vont stimuler, en collaboration avec le système sympathique, le métabolisme. Ils vont activer la synthèse des protéines découplantes, mais aussi agir sur le métabolisme hépatique du cholestérol et des lipides en activant le catabolisme du cholestérol. Il est donc possible d’utiliser les effets B des hormones thyroïdiennes en plus des mesures hygiéniques dans le cadre d’un protocole de régime dans l’espèce canine. Il a donc paru nécessaire de trouver un moyen de stimuler uniquement les récepteurs de type β sans les effets délétères de type a. La différence entre récepteur a et B est minime, ils ne diffèrent que par un seul acide aminé. La création d’un agoniste des hormones thyroïdiennes capable d’activer de manière sélective un seul de ces récepteurs a été une tâche relativement difficile. A l’heure actuelle, il existe plusieurs agonistes pouvant activer les récepteurs B de manière sélective : on peut citer parmi celles-ci les molécules KB-141 et GC-1. Ces deux thyromymétiques sont ceux ayant montré les meilleurs résultats pour une utilisation dans ce cadre. En effet, leur effet bénéfique sur les concentrations sanguines de cholestérol et sur la consommation d’O2 (et donc d’énergie) au niveau cellulaire, ont prouvé que ces deux molécules permettaient de provoquer artificiellement une hausse du catabolisme lipidique, et cela sans que les animaux auxquels ces molécules étaient administrées ne souffrent des effets néfastes provoqués au 106 niveau cardiaque par une supplémentation en hormones thyroïdiennes classiques. Il reste toutefois un point négatif à l’utilisation de ces molécules. En effet, il n’est pas possible de supprimer le rétrocontrôle négatif exercé par ces molécules. L’administration à long terme d’un tel traitement entraîne par conséquence une diminution de la sécrétion TSH et une hypothyroïdie modérée pouvant toucher un certain nombre de tissus. Paradoxalement, il faudra parfois administrer une complémentation en lévothyroxine pour combattre cet effet secondaire problématique. Conclusion La lévothyroxine est la molécule à utiliser afin de traiter les animaux atteints d’hypothyroïdie, ceci à des doses et des fréquences pouvant varier d’un animal à l’autre et qui devront donc être adaptées au cas par cas. De part ces effets sur l’organisme, il a pendant un moment été envisager d’utiliser la lévothyroxine chez des animaux euthyroïdiens afin de modifier certaines caractéristiques physiologiques, comme par exemple la composante métabolique. Après avoir envisagé l’utilisation de la lévothyroxine comme traitement d’appoint ajouté à des mesures diététiques, la profession vétérinaire peut dorénavant se tourner vers des analogues thyroïdiens ne possédant pas les effets délétères des hormones thyroïdiennes classiques. Ces molécules ne sont pas encore disponibles sur le marché, mais la tendance actuelle à la sédentarité chez nos animaux domestiques et les problèmes de surpoids qui en découlent devraient assurer à ces molécules un avenir très prometteur. 107 108 109 110 Bibliographie 1. BARBER, L.G., (2007) Thyroid tumors in dogs and cats. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 37: 755-73. 2. BARLERIN, L., (1997) Thérapeutique de l'hypothyroïdie canine. Action vétérinaire, 1414: 15-20. 3. BARONE, R., (1996) Angiologie, in Anatomie comparée des mammifères domestiques, Vigot: Paris. 904. 4. BEALE, K.M., K. KEISLING, and S. FORSTER-BLOUIN, (1992) Serum thyroid hormone concentrations and thyrotropin responsiveness in dogs with generalized dermatologic disease. Journal of American Veterinary Medical Association, 201: 1715-9. 5. BELSHAW, B.E., T.B. COOPER, and D.V. BECKER, (1975) The iodine requirement and influence of iodine intake on iodine metabolism and thyroid function in the adult beagle. Endocrinology, 96: 1280-91. 6. BENSIGNOR, E. and D. GROUX, (1998) Hypothyroïdie canine. Diagnostic et traitement. Action vétérinaire, 1449: 22-26. 7. BENSIGNOR, E. and D. GROUX, (1998) Hypothyroïdie canine. Etiopathogénie et signes cliniques. Action vétérinaire, 1448: 19-24. 8. BICHSEL, P., G. JACOBS, and J.E. OLIVER, Jr., (1988) Neurologic manifestations associated with hypothyroidism in four dogs. Journal of American Veterinary Medical Association, 192: 1745-7. 9. BOGICEVIC, M., et al., (1993) Thyroid hormone profiles in experimental acute renal failure. Renal Failure, 15: 173-9. 10. BONNAFOUS, L., (1999) Hypothyroïdie et troubles du comportement chez le chien. Ecoles nationales vétérinaires françaises, Paris. 61+59 (cas cliniques). 11. BORETTI, F.S., et al., (2006) Evaluation of recombinant human thyroid-stimulating hormone to test thyroid function in dogs suspected of having hypothyroidism. American Journal of Veterinary Research, 67: 2012-6. 111 12. BORETTI, F.S., et al., (2006) Comparison of the biological activity of recombinant human thyroid-stimulating hormone with bovine thyroid-stimulating hormone and evaluation of recombinant human thyroid-stimulating hormone in healthy dogs of different breeds. American Journal of Veterinary Research, 67: 1169-72. 13. BORKOWSKI, J., et al., (2005) Assessment of the release of thyroid hormones in septic shock--prognostic significance. Pol Merkur Lekarski, 18: 45-8. 14. BRAUND, K.G., et al., (1981) Hypothyroid myopathy in two dogs. Veterinary Pathology, 18: 589-98. 15. BRUCHIM, Y., A. KUSHNIR, and M.H. SHAMIR, (2005) L-thyroxine responsive cricopharyngeal achalasia associated with hypothyroidism in a dog. Journal of Small Animal Practice, 46: 553-4. 16. BUDSBERG, S.C., G.E. MOORE, and K. KLAPPENBACH, (1993) Thyroxine-responsive unilateral forelimb lameness and generalized neuromuscular disease in four hypothyroid dogs. Journal of American Veterinary Medical Association, 202: 1859-60. 17. CAPEN, C.C., B.E. BELSHAW, and L.J. MARTIN, (1975) Endocrine disorders, in Textook of Veterinary Internal medicin, S.J. ETTINGER, Editor, Saunders: BERKELEY. 1349-152. 18. CASTILLO, V.A., et al., (2001) Commercial diet induced hypothyroidism due to high iodine. A histological and radiological analysis. Veterinary Quarterly, 23: 218-23. 19. CHAPELIN, F., (2003) Contribution à l'étude des relations entre hypothyroïdie canine et troubles du comportement Thèse de Doctorat Vétérinaire, Université Paul Sabatier, Toulouse, 104 20. CHASTAIN, C.B., (1989) Anti-triodothyronine antibodies associated with hypothyroidism and lymphocytis. Journal of American Veterinary Medical Association, 194: 531-534. 21. CHASTAIN, C.B., et al., (1983) Congenital hypothyroidism in a dog due to an iodide organification defect. American Journal of Veterinary Research, 44: 1257-65. 112 22. CHETBOUL, V., (1993) Affections du myocarde, ELSEVIER: Paris. 234-241. 23. CHRISTOPHER, M.M., (1997) Hyperlipidemia and other clinicopathologic abnormalities associated with canine hypothyroidism. Canine Practice, 22: 37-38. 24. CLEARE, A.J., et al., (1996) Thyroxine replacement increases central 5-hydroxytryptamine activity and reduces depressive symptoms in hypothyroidism. Neuroendocrinology, 64: 65-9. 25. CLEARE, A.J., A. McGREGOR, and V. O'KEANE, (1995) Neuroendocrine evidence for an association between hypothyroidism, reduced central 5-HT activity and depression. Clinical Endocrinology (Oxf), 43: 713-9. 26. CONAWAY, D.H., et al., (1985) Clinical and histological features of primary progressive, familial thyroiditis in a colony of borzoi dogs. Veterinary Pathology, 22: 439-46. 27. CORTESE, L., et al., (1997) Hyperprolactinaemia and galactorrhoea associated with primary hypothyroidism in a bitch. Journal of Small Animal Practice, 38: 572-5. 28. CREDILLE, K.M., et al., (2001) The effects of thyroid hormones on the skin of beagle dogs. Journal of Veterinary Internal Medicine, 15: 539-46. 29. CRISPIN, S.M. and K.C. BARNETT, (1978) Arcus lipoides corneae secondary to hypothyroidism in the Alsatian. Journal of Small Animal Practice, 19: 127-42. 30. CUDDON, P.A., (2002) Acquired canine peripheral neuropathies. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 32: 207-49. 31. DAMINET, S., (2000) Hypothyroïdie canine, revue et nouveautés. Médecine Vétérinaire québecoise, 30: 96-101. 32. DAMINET, S. and D.C. FERGUSON, (2003) Influence of drugs on thyroid function in dogs. Journal of Veterinary Internal Medicine, 17: 463-72. 113 33. DE LUISE, M. and M. HARKER, (1989) Skeletal muscle metabolism: effect of age, obesity, thyroid and nutritional status. Hormon Metabolism Research, 21: 410-5. 34. DIAZ ESPINEIRA, M.M., et al., (2007) Assesment of thyroid function in dogs with low plasma thyroxine concentration. Journal of Veterinary Internal Medicine, 21: 25-32. 35. DIXON, R.M., S.W. REID, and C.T. MOONEY, (1999) Epidemiological, clinical, haematological and biochemical characteristics of canine hypothyroidism. Veterinary Record, 145: 481-7. 36. DRAMARD, V. and E. BENOIT, (2004) Endocrinologie canine et féline. Comportement : une approche des dysendocrinies. Le Point Vétérinaire, N° Spécial : les traitements en comportement du chat et du chien (35): 40-43. 37. DUVAL, F., et al., (1999) Thyroid axis activity and serotonin function in major depressive episode. Psychoneuroendocrinology, 24: 695-712. 38. ELLIOT, D.A., L.G. KING, and C.A. ZERBE, (1998) Thyroid hormone concentrations in critically ill canine intensive care patient. Journal of Veterinarian Emergency and Criticale Care, 5: 17-23. 39. ENGUM, A., et al., (2002) An association between depression, anxiety and thyroid function--a clinical fact or an artefact? Acta Psychiatr Scand, 106: 27-34. 40. ENGUM, A., et al., (2005) Thyroid autoimmunity, depression and anxiety; are there any connections? An epidemiological study of a large population. Journal of Psychosom Research, 59: 263-8. 41. ETTINGER, S.J. and E.C. FELDMAN, (2005) Thyroid disease, in Textbook of veterinary internal medicine. Diseases of the dog and the cat., SAUNDERS, Editor: Saint Louis. 912. 42. FEENEY, D.A. and K.L. ANDERSON, (2007) Nuclear imaging and radiation therapy in canine and feline thyroid disease. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 37: 799-813. 43. FELDMAN, E.C. and R.W. NELSON, (2004) Canine and feline endocrinology and reproduction. 3rd Edition, 1089: Philadelphia. 114 44. FERGUSON, D.C., (2007) Testing for hypothyroidism in dogs. veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 37: 647-669. 45. FERGUSON, D.C. and M.E. PETERSON, (1992) Serum free and total iodothyronine concentrations hyperadrenocorticism. American Journal of Veterinary Research, 53: 1636-40. in dogs with 46. FORD, S.L., et al., (1993) Insulin resistance in three dogs with hypothyroidism and diabetes mellitus. Journal of American Veterinary Medical Association, 202: 1478-80. 47. FORRESTER, S.D. and W.E. MONROE, (1997) Diseases of the thyroid Philadelphia. 48. FRITSCH, N., et al., (2007) The myxoedema coma exists, we met it. Ann Fr Anesth Reanim, 26: 795-8. 49. FYFE, J.C., et al., (2003) Congenital hypothyroidism with goiter in toy fox terriers. Journal of Veterinary Internal Medicine, 17: 50-7. 50. GARNIER, F. and E. BENOIT, (1993) Exploration fonctionnelle de l'hypothyroïdie, in Encyclopédie Vétérinaire, ELSEVIER, Editor: Paris. 200. 51. GARNIER, F. and E. BENOIT, (1999) Exploration fonctionnelle de l'hypothyroïdie du chien, in Encyclopédie vétérinaire, ELSEVIER, Editor: Paris. 1400. 52. GAYNOR, A.R., F.S. SHOFER, and R.J. WASHABAU, (1997) Risk factors for acquired megaesophagus in dogs. Journal of American Veterinary Medical Association, 211: 1406-12. 53. GERRITSEN, R.J., W.E. VAN DEN BROM, and A.A. STOKHOF, (1996) Relationship between atrial fibrillation and primary hypothyroidism in the dog. Vet Q, 18: 49-51. 54. GOOKIN, J.L., L.A. TREPANIER, and S.E. BUNCH, (1999) Clinical hypothyroidism associated with trimethoprim-sulfadiazine administration in a dog. Journal of American Veterinary Medical Association, 214: 1028-31, 1021. 55. GRAHAM, P.A. (Year) Ethiopathogenesis of canine hypothyroidism. in ACVIM Forum. San Antonio: Content Management.467-470. 115 56. GRAHAM, P.A., R.F. NACHREINER, and A.L. PROVENCHER-BOLLINGER, (2001) Lymphocytic thyroiditis. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 31: 915-933. 57. GRAHAM, P.A., K.R. REFSAL, and R.F. NACHREINER, (2007) Etiopathologic findings of canine hypothyroidism. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 37: 617-631. 58. GRAMMER, D.K., (1995) Hormones thyroïdiennes, in Précis de biochimie 8ème édition, HARPER, Editor. 582-588. 59. GRASSI, G., et al., (2001) Thyroid autoimmunity and infertility. Gynecology and Endocrinology, 15: 389-96. 60. GRECO, D.S., et al., (1998) The effect of levothyroxine treatment on resting energy expenditure of hypothyroid dogs. Journal of Veterinary Internal Medicine, 12: 7-10. 61. GROUX, D., (2001) Endocrinologie : L'hypothyroïdie canine (I). Action vétérinaire, 1580: 18-21. 62. GROUX, D., (2001) Endocrinologie : l'hypothyroïdie canine (II). Action vétérinaire, 1581: 15-21. 63. GROVER, G.J., (2005) Selective thyroid hormone agonists : A strategy for treating metabolic syndrome. Drug discover today : Therapeutic strategies., 2: 137-142. 64. HENIK, R.A. and R.M. DIXON, (2000) Intravenous administration of levothyroxine for treatment of myxedema coma complicated by severe hypothermia in a dog. Journal of American Veterinary Medical Association, 216: 713-7, 685. suspected 65. HERIPRET, D., (1997) Diagnostic biologique de l'hypothyroïdie canine. Pratique Médicale et Chirurgicale des Animaux de Compagnie., 32: 31-42. 66. HERIPRET, D., (2000) Hypothyroïdie canine : le diagnostic et ses difficultés. Le Point Vétérinaire, N° Spécial : Endocrinologie clinique (31): 87-93. 67. HERIPRET, D., (2000) L'hypothyroïdie du chien : quand faut-il y penser? Le Point Vétérinaire, N° Spécial : Endocrinologie clinique (31): 81-85. 116 68. HERIPRET, D., (2000) Thérapeutique de l'hypothyroïdie canine. Le Point Vétérinaire, N° Spécial : Endocrinologie clinique (31): 95-99. 69. HESS, R.S. and C.R. WARD, (1998) Diabetes mellitus, hyperadrenocorticism, and hypothyroidism in a dog. Journal of the American Veterinary Animal Hospital Association, 34: 204-7. 70. HIGGINS, M.A., J.H. ROSSMEISL, Jr., and D.L. PANCIERA, (2006) Hypothyroid-associated central vestibular disease in 10 dogs: 1999-2005. Journal of Veterinary Internal Medicine, 20: 1363-9. 71. HUBER, E., et al., (2001) Resolution of megaesophagus after treatment of concurrent hypothyroidism in a dog. Schweiz Arch Tierheilkd, 143: 512-4. 72. IGLESIAS, P. and J.J. DIEZ, (2007) Influence of thyroid dysfunction on serum concentrations of adipocytokines. Cytokine, 40: 61-70. 73. JAGGY, A., T. GLAUS, Jr., and A. TIPOLD, (1994) Neurologic symptoms in relation to hypothyroidism in the dog: review of the literature and case reports. Schweiz Arch Tierheilkd, 136: 257-64. 74. JAGGY, A. and J.E. OLIVER, (1994) Neurologic manifestations of thyroid disease. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice 24: 487-94. 75. JAGGY, A., et al., (1994) Neurological manifestations of hypothyroidism: a retrospective study of 29 dogs. Journal of Veterinary Internal Medicine, 8: 328-36. 76. JEANNERET, L., (1985) L'hypothyroïdie canine : mise au point des connaissances actuelles en matière de diagnostic et traitement. Thèse de Doctorat Vétérinaire, Université Claude Bernard, Lyon, 77. JOHNSON, C., et al., (1999) Effect of 131I-induced hypothyroidism on indices of reproductive function in adult male dogs. Journal of Veterinary Internal Medicine, 13: 104-10. 78. JOHNSON, C.A., (1994) Reproductive manifestations of thyroid disease. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 24: 509-514. 79. JOHNSON, C.A., (2002) Thyroid issues in reproduction. Clinical Techniques in Small Animal Practice, 17: 129-32. 117 80. JOLIVET-CHAPAS, F., (1987) Manifestations psychiatriques de l'hypothyroïdie ; rôle du système bétaadrénergique Thèse de Doctorat, Faculté de Médecine de Besançon, Besançon, 126 81. KALLFELZ, F.A., (1977) Thyroid function in the dog. Veterinary Clinics of North America, 7: 497-512. 82. KANTROWITZ, L.B., et al., (2001) Serum total thyroxine, total triiodothyronine, free thyroxine, and thyrotropin concentrations in dogs with nonthyroidal disease. Journal of American Veterinary Medical Association, 219: 765-9. 83. KAPTEIN, E.M., M.T. HAYS, and D.C. FERGUSON, (1994) Thyroid hormone metabolism. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 24: 431-463. 84. KEMPPAINEN, R.J. and E.N. BEHREND, (2001) Diagnosis of canine hypothyroidism. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 31: 951-963. 85. KEMPPAINEN, R.J. and T.P. CLARK, (1994) Etiopathogenesis of canine hypothyroidism. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 24: 467-476. 86. KERN, T.J. and R.R. RIIS, (1980) Ocular manifestations of secondary hyperlipidemia hypothyroidism ans uveitis in the dog. Journal of American Animal Hospital Association, 16: 907. associated with 87. KIENLE, R., (1997) The effects of hyporthyroidism on the cardiovascular system. Canine Practice, 22: 33-34. 88. KOWALEWSKI, K. and A. KOLODEJ, (1977) Myoelectrical and mechanical activity of stomach and intestine in hypothyroid dogs. American Journal of Digestion Disfunctions, 22: 235-40. 89. KROTKIEWSKI, M., (2002) Thyroid hormones in the pathogenesis and treatment of obesity. European Journal of Pharmacology, 440: 85-98. 90. LAGADIC, M. and F. COHN-BENDIT, (1995) Tumeurs malignes de la thyroïde chez le chien : étude rétrospective de 137 cas. Pratique Médicale et Chirurgicale des Animaux de Compagnie., 30: 85-92. 118 91. LANNI, A., et al., (2003) Thyroid hormone and uncoupling proteins. FEBS LEtters, 543: 5-10. 92. LEGEAY, Y., (1999) Hypothyroïdie canine., in Encyclopédie vétérinaire, ELSEVIER, Editor: Paris. 1400. 93. LIEVRE, E., (1976) Contribution à l'étude de l'hypothyroïdisme chez le chien Thèse de Doctorat Vétérinaire, Faculté de Médecine, Creteil, 91 94. LIGER, D., (2004) L'hyporthyroïdie fonctionelle chez le chien : étude rétrospective à partir de 500 dossiers Thèse de Doctorat Vétérinaire, Faculté de Médecine, Nantes, 177 95. MAILLES, A., et al., (1996) Hypothyroïdie et complications cardio-vasculaires chez une chienne schnauzer. Recueil de médecine vétérinare: 339-343. 96. MARCA, M.C., et al., (2001) Evaluation of canine serum thyrotropin (TSH) concentration: comparison of three analytical procedures. J Vet Diagn Invest, 13: 106-10. 97. MARTIN, L.J., et al., (2006) Hormonal disturbances associated with obesity in dogs. Journal of Animal Physiology and Animal Nutrition (Berl), 90: 355-60. 98. MEDAILLE, C., (1996) Les hormones thyroïdiennes : thyroxine (T4) et tri-iodothyronine (T3). Pratique Médicale et Chirurgicale des Animaux de Compagnie., 31: 411-412. 99. MEEKING, S.A., (2005) Thyroid disorders in the geriatric patient. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 35: 635-53. 100. MILLER, M.E. and H. EVANS, (1993) Thyroid glands, in Millers anatomy of the dog. 3rd Edition. 101. MILLER, P.E. and D.L. PANCIERA, (1994) Effects of experimentally induced hypothyroidism on the eye and ocular adnexa of dogs. American Journal of Veterinary Research, 55: 692-7. 102. MILNE, K.L. and H.M. HAYES, Jr., (1981) Epidemiologic features of canine hypothyroidism. Cornell Vet, 71: 3-14. 119 103. MOHEBBI, N., et al., (2007) Thyroid hormone deficiency alters expression of acid-base transporters in rat kidney. American Journal of Physiology : Renal Physiology, 293: F416-27. 104. MONZANI, F., et al., (1999) Neuromuscular symptoms and dysfunction in subclinical hypothyroid patients: beneficial effect of L-T4 replacement therapy. Clinical Endocrinology (Oxf), 51: 237-42. 105. MONZANI, F., et al., (1993) Subclinical hypothyroidism: neurobehavioral features and beneficial effect of Lthyroxine treatment. Clinical Investigation, 71: 367-71. 106. MOORE, G.E., D.C. FERGUSON, and M. HOENIG, (1993) Effects of oral administration of anti-inflammatory doses of prednisone on thyroid hormone response to thyrotropin-releasing hormone and thyrotropin in clinically normal dogs. American Journal of Veterinary Research, 54: 130-5. 107. NACHREINER, R.F., et al., (2002) Prevalence of serum thyroid hormone autoantibodies in dogs with clinical signs of hypothyroidism. Journal of American Veterinary Medical Association, 220: 466-71. 108. NACHREINER, R.F., et al., (1998) Prevalence of autoantibodies to thyroglobulin in dogs with nonthyroidal illness. American Journal of Veterinary Research, 59: 951-5. 109. NIBBELINK, M., et al., (2002) La protéine du tissu adipeux brun (UCP1) : la fin des dogmes. Médecine/Science, 18 110. NIJHUIS, A.H., et al., (1978) ECG changes in dogs with hypothyroidism. Tijdschr Diergeneeskd, 103: 736-41. 111. O'BRIEN, P.J., et al., (1993) Clinical pathologic profiles of dogs and turkeys with congestive heart failure, either noninduced or induced by rapid ventricular pacing, and turkeys with furazolidone toxicosis. American Journal of Veterinary Research, 54: 60-8. 112. PANCIERA, D.L., (1994) An echocardiographic and electrocardiographic study of cardiovascular function in hypothyroid dogs. Journal of American Veterinary Medical Association, 205: 996-1000. 120 113. PANCIERA, D.L., (1997) Does abnormal hemostasis occur in canine hypothyroidism. Canine Practice, 22: 31-32. 114. PANCIERA, D.L., (1997) Treatment of hypothyroidism. Canine Practice, 22: 57-58. 115. PANCIERA, D.L., (2001) Conditions associated with canine hypothyroidism. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 31: 935-949. 116. PANCIERA, D.L., et al., (1990) Thyroid function tests in euthyroid dogs treated with L-thyroxine. American Journal of Veterinary Research, 51: 22-6. 117. PANCIERA, D.L. and K.R. REFSAL, (1994) Thyroid function in dogs with spontaneous and induced congestive heart failure. Canadian Journal of Veterinary Research, 58: 157-62. 118. PANCIERA, D.L., J.W. RITCHEY, and D.L. WARD, (2003) Endotoxin-induced nonthyroidal illness in dogs. American Journal of Veterinary Research, 64: 229-34. 119. PARADIS, M., et al., (2003) Effects of moderate to severe osteoarthritis on canine thyroid function. Canadian Journal of Veterinary Research, 44: 407-12. 120. PASTOR, M., et al., (2007) Hypothyroïdie chez le chien : quand la suspecter et comment la diagnostiquer? La Dépèche Vétérinaire, N° 106 Supplément technique: 9-14. 121. PECQUEUR, C., et al., (2001) Uncoupling protein 2, in vivo distribution, induction upon oxidative stress, and evidence for translational regulation. Journal of Biology and Chemology, 276: 8705-12. 122. PETERSON, M.E., et al., (1984) Effects of spontaneous hyperadrenocorticism on serum thyroid hormone concentrations in the dog. American Journal of Veterinary Research, 45: 2034-8. 123. REIMERS, T.J., et al., (1990) Effects of age, sex, and body size on serum concentrations of thyroid and adrenocortical hormones in dogs. American Journal of Veterinary Research, 51: 454-7. 124. ROBINSON, W.F., et al., (1988) Congenital hypothyroidism in Scottish Deerhound puppies. Australian Veterinary Journal, 65: 386-9. 121 125. ROSENBERG, D. and P. DE FORNEL, (2003) Vade-mecum d'endocrinologie vétérinaire. Med'Com, Paris. 127. 126. SAMAILLE, J.P., (1996) Thyroïde et troubles du comportemet chez le chien en hypo, chez le chat en hyper. Action vétérinaire, 1377: 21-22. 127. SCARLETT, J.M., (1994) Epidemiology of thyroid diseases of dogs and cats. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 24: 477-494. 128. SCHENCK, P.A., (2007) Calcium homeostasis in thyroid diseases in dogs and cats. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 37: 693-708. 129. SCHOEMAN, J.P., A. GODDARD, and M.E. HERRTAGE, (2007) Serum cortisol and thyroxine concentrations as predictors of death in critically ill puppies with parvoviral diarrhea. Journal of American Veterinary Medical Association, 231: 1534-9. 130. SCOTT-MONCRIEFF, J.C., (2007) Clinical signs and concurrent diseases of hypothyroidism in dogs and cats. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 37: 709-722. 131. SCOTT-MONCRIEFF, J.C., et al., (2006) Lack of association between repeated vaccination and thyroiditis in laboratory Beagles. Journal of Veterinary Internal Medicine, 20: 818-21. 132. SENECAT, O., (2007) Affections de la glande thyroïdienne. Encyclopedie Vétérinaire, Paris. IV. 200. 133. SILIART, B., (1996) Endocrinologie. Le Point Vétérinaire, N° SPécial : Affections héréditaires et congénitales carnivores domestiques (28): 139. 134. STEPHAN, I., I. NOLTE, and H.O. HOPPEN, (2003) The effect of hypothyroidism on cardiac function in dogs. Deutsch Tierarztlische Wochenschreibung, 110: 231-9. 135. SYME, H.M., (2007) Cardiovascular and renal manifestations of hyperthyroidism. Veterinary Clinics of North America : Small Animal Practice, 37: 724-743. 136. TAEYMANS, O., et al., (2007) Pre- and post-treatment ultrasonography in hypothyroid dogs. Veterinary Radiology Ultrasound, 48: 262-9. 122 137. VAIL, D.M., D.L. PANCIERA, and G.K. OGILVIE, (1994) Thyroid hormone concentrations in dogs with chronic weight loss, with special reference to cancer cachexia. Journal of Veterinary Internal Medicine, 8: 122-7. 138. VON KLOPMANN, T., et al., (2006) Euthyroid sick syndrome in dogs with idiopathic epilepsy before treatment with anticonvulsant drugs. Journal of Veterinary Internal Medicine, 20: 516-22. 139. WATSON, A.D., (1991) Congenital hypothyroid dwarfism in a family of giant schnauzers. Journal of Veterinary Internal Medicine, 5: 306-7. 140. WEISS, M., (2007) Diabetes--renal failure--obesity--osteoporosis. How the thyroid gland controls metabolism. MMW Fortschr Med, 149: 10-2. 141. YU, A.A., R.J. KEMPPAINEN, and J.M. McDONALD, (1998) Effect of endotoxin on hormonal responses to thyrotropin and thyrotropinreleasing hormone in dogs. American Journal of Veterinary Research, 59: 186-91. 123 124 NOM PRENOM : HOURT Damien TITRE : Etude bibliographique de l’évolution du diagnostic clinique de l’hypothyroïdie et de l’utilisation de lévothyroxine dans l’espèce canine Thèse Vétérinaire : Lyon , 30 septembre 2008 RESUME : Après des rappels concernant le fonctionnement de la glande thyroïde, l’auteur aborde les nouveautés concernant l’étiologie de l’hypothyroïdie canine, puis les différents éléments cliniques pouvant servir au diagnostic et l’évolution de l’approche de cette dysendocrinie par le praticien. Enfin, ce travail se termine, après une revue des méthodes diagnostiques, par des utilisations futures possibles des analogues thyroïdiens comme traitement d’appoint du surpoids dans l’espèce canine. MOTS CLES : -Hypothyroïdie -Chien -Symptômes cliniques -Evolution -Traitement JURY : Président : Monsieur le Professeur GHARIB 1er Assesseur : 2ème Assesseur : Monsieur le Professeur CADORE Madame le Professeur BONNET DATE DE SOUTENANCE : 30 septembre 2008 ADRESSE DE L’AUTEUR : 14, rue de la Tuilerie 68440 ESCHENTZWILLER 125