Le GIEC sur l`évolution du climat

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SFEN/GR21
18 septembre 2014
Le GIEC
Exposé de Valérie MASSON-DELMOTTE - Laboratoire des Sciences du Climat et de
l’Environnement du CEA (LSCE) Institut Pierre Simon Laplace (CEA-CNRS-UVSQ)
Qu’est-ce que le GIEC ? Quelle est sa mission ?
Le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat (GIEC) a été mis en place par
l’OMM (Organisation Météorologique Mondiale) en 1988, dans le cadre d’une Convention ratifiée par
l’ONU. Il est chargé de faire la synthèse des connaissances sur l’évolution du climat et il publie tous
les 6 ans un rapport à l’intention des responsables politiques sur les données recueillies.
En France, ce sont environ 1.000 chercheurs qui sont impliqués pour ce rapport. Internationalement,
ce sont 20.000 scientifiques bénévoles qui dialoguent.
Il comprend trois groupes de travail sur les risques liés au changement climatiques (WG1), les
conséquences environnementales et socio-économiques (WG2) et les options d’adaptation et
d’atténuation (WG3).
Le rapport donne des informations scientifiques, techniques et économiques pour éclairer les
politiques publiques mais le GIEC a un mandat explicite de ne pas être prescriptif.
Le rapport du GIEC s’appuie sur 9200 publications citées et analysées (259 auteurs et 600
contributeurs). Les articles du rapport sont relus par des experts qui font leurs commentaires (54677
commentaires de 1089 experts).
Le rapport complet de plus de 1000 pages fait l’objet de 3 phases de relecture (plus de 100 relecteurs)
pour répondre à toutes les critiques une par une.
Il comprend un résumé de 14000 mots (20 pages) à l’intention des décideurs, approuvé mot par mot
au cours de la procédure d’approbation par les représentants des gouvernements. On peut constater
que le plus souvent, seuls les États-Unis et l’Europe apportent leur soutien aux scientifiques et à leur
conclusion, alors que les pays émergents contestent la formulation sur les quantités et les effets du
potentiels du CO2 (les chiffres ne sont pas changés, mais seulement la formulation qui fait l’objet de
compromis).
Les observations météorologiques
Les observations météorologiques ont régulièrement progressé aux XXème et XXIème siècles.
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les premières mesures météorologiques en France datent de 1880 ; celles dans le monde
à partir de la fin du XIXème siècle,
des observations atmosphériques verticales se sont développées avec l’utilisation des
avions, des ballons sonde et, depuis la fin des années 70, les satellites d’observation (50
sources satellitaires en fonctionnement) et ont permis d’affiner les connaissances (humidité,
température, GES, particules polluantes, etc.) qui ont un effet sur le rayonnement solaire et le
climat.
les Océans, qui sont la plus grande réserve de chaleur, ont fait également depuis 20 ans
l’objet d’observations coordonnées (mesures de salinité, couverture planétaire de mesures en
profondeur, caractéristiques des masses d’eau, stockage de chaleur, effets de la température
sur le niveau des océans, etc.).
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Compte tenu de la complexité des sciences du climat, elles sont aujourd’hui abordées par la
modélisation 3D de l’atmosphère et des échanges d’énergie et de rayonnement avec l’espace.
Au départ, les modélisations étaient pratiquées par mailles de 500 km. Aujourd’hui elles sont de 100
km; dans 10 ans, on espère atteindre 20 km. Sont ainsi mesurés les échanges atmosphériques et la
surface des continents (sources d’humidité), les GES et leurs effets sur l’atmosphère, les particules
polluantes (aérosols formés dans les déserts, volcans, trainées d’avions, activités humaines).
Aujourd’hui ce sont environ 40 modèles 3D qui servent à comprendre comment le climat réagit aux
modifications repérées (flux d’énergie, flux d’air, flux d’eau - évaporation, ruissellement -, flux de
carbone). Les résultats de ces codes de calcul sont régulièrement comparés pour tester leur validité,
puis on confronte les résultats des calculs aux observations les plus récentes (en Inde, Chine, Afrique
du Sud) pour tester leur robustesse.
Aujourd’hui, il n’y a pas moyen de dire quel est le meilleur des 40 modèles ; on peut seulement
identifier et écarter les plus mauvais.
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Relevé des constats
Le réchauffement climatique est aujourd’hui sans équivoque : l’énergie s’est accumulée dans
l’atmosphère et dans les océans, et l’ensemble des mesures effectuées (température, humidité, recul
des glaciers, niveau des mers, …) est cohérent avec ce diagnostic.
Les températures de la mer, en surface et en profondeur se sont élevées, ainsi que les températures
dans les régions arctiques. Les observations sont sans précédent.
Le climat se réchauffe plus au niveau des continents que dans les océans parce que ceux-ci ont une
plus grande inertie thermique, et que l’eau de mer réchauffée s’évapore. On constate plus de vagues
de chaleur sur les continents. En Arctique, le recul de la banquise accentue la perte de l’effet miroir de
la glace. Pour l’instant, on n’a pas constaté d’effet sur le Gulf Stream et sa circulation.
L’évolution des températures mesurée année par année depuis 1850 et considéré en moyennes sur
10 ans, indique une vague de réchauffement dans les dernières années 1970 (+1°C en France), la
période des 30 dernières années ayant été la plus chaude, marquée par :
• des coups de chaleur : El Nino, canicule de 2003.
• des phénomènes climatiques violents : ouragan Sandy aux USA, Xynthia en
France.
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A l’échelle régionale et dans l’hémisphère nord, la variabilité climatique est très influencée par les
éruptions volcaniques qui ont un impact important sur l’effet radiatif.
Le cycle de 11 ans d’activité du Soleil indique un écart de ± 0,1°C entre le minimum et le maximum
des variations de flux radiatif, qui détermine l’enveloppe extérieure qui arrive sur la Terre, ce qui n’est
pas significatif (une controverse concerne la moyenne des 10 dernières années où il est apparu un
ralentissement du rythme du réchauffement).
Le réchauffement océanique par l’augmentation de l’énergie emmagasinée représente plus de 90%
de l’énergie accumulée. De ce fait le niveau des mers est monté de 20cm au XXème siècle (on estime
la vitesse de montée à 3mm/an due au réchauffement de l’eau, la fonte des glaciers, la fonte de la
banquise).
Il est très probable que les régions à salinité élevée (où l’évaporation domine le bilan de l’eau en
surface) deviendront plus salées, alors que les régions à faible salinité (où les précipitations dominent)
verront une augmentation des précipitations :
Le cycle de l’eau subira une intensification :
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accroissement des pluies dans les régions humides et élargissement des saisons humides
diminution des pluies dans les régions sèches et élargissement des saisons sèches.
On constate déjà sur les trente dernières années (1980-2010) un changement de fréquence et
d’intensité des événements extrêmes.
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D’une manière générale les contrastes entre les régions vont s’accentuer.
Impact du CO2 et des gaz à effet de serre (GES)
La concentration atmosphérique du CO2, du méthane et des oxydes nitreux a augmenté
significativement depuis le début du XXème siècle pour atteindre des niveaux sans précédent depuis au
moins 800.000 ans. On constate une très forte accélération depuis 1950.
Les concentrations en CO2 ont augmenté de 40% depuis la période préindustrielle. Cette
augmentation s’explique en premier lieu par l’utilisation des combustibles fossiles et en second lieu
par des émissions nettes dues à des changements d’utilisation des sols.
L’océan a absorbé environ 30% des émissions de CO2 ce qui a entrainé son acidification. La capacité
des océans à absorber le CO2 augmente mais pas aussi vite que sa production.
Même si l’efficacité énergétique contribue à diminuer l’intensité Carbone, l’augmentation des
émissions de CO se poursuit (évolution de la démographie, la croissance économique des pays
émergents et utilisation croissante du charbon).
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Mesuré en W/m2, le forçage radiatif total est positif et a conduit à une absorption d’énergie par le
système climatique net depuis 1750, et par la part accrue des activités humaines à partir de 1850. Le
phénomène est encore plus évident depuis 1970 (augmentation des GES, réchauffement observé,
effet distributif des pluies et accroissement du niveau des mers).
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Il faut constater qu’il n’y a aujourd’hui aucune étude qui explique le réchauffement climatique
par autre chose que l’activité humaine.
Comment évaluer les risques futurs ?
Trois scénarios de perturbation ont été envisagés. Ils sont basés sur des hypothèses d’augmentation
du flux radiatif (par rapport à 1750) exprimée en W/m2 :
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Fortes émissions de GES : 8,5 W/m²
Stabilisation des émissions de GES : 4,5 à 6 W/m²
Contrôle des émissions de GES : 2,6 W/m².
D’ores et déjà on peut annoncer une augmentation moyenne de la température de 1,5°C pour la fin du
XXIème siècle. Il est probable que ce réchauffement se poursuivra au-delà de 2100.
Plus de 20% du CO2 émis par les activités humaines restera dans l’atmosphère plus de 100ans
après l’arrêt des rejets (durées nécessaire aux puits de carbone pour absorber ce CO2).
La plupart des caractéristiques du changement climatique persisteront après l’arrêt des rejets de GES.
Le contraste des précipitations entre régions sèches et régions humides et entre saisons sèches et
saisons humides va s’accentuer.
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Les vagues de chaleur deviendront plus fréquentes et dureront plus longtemps. Les phénomènes de
précipitions extrêmes seront plus intenses et plus fréquents sur les continents de moyenne latitude
(effet d’élargissement des tropiques).
Un océan arctique sans glace en septembre avant le milieu du siècle est probable d’après le scénario
+8,5 W/m² (degré de confiance moyen) avec les conséquences que l’on peut envisager sur le trafic
maritime dans cette région et l’exploitation des fonds marins.
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En France, la situation actuelle devrait se traduire par une augmentation des pluies dans le Nord et
une diminution dans le Sud. L’été 2003 sera un phénomène courant en 2050.
Un stress-test a été conduit pour ce qui concerne les centrales nucléaires sur une période de 30 ans
mettant en avant :
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les sols argileux entraînant de nouvelles normes de construction (si +8°C)
la nécessité de capacités de refroidissement accrues.
Pour ce qui concerne les bâtiments, il ne sera plus possible de construire sur le littoral comme
aujourd’hui car l’on prévoit une élévation du niveau de la mer de +40 cm en étant optimiste, sinon
de +80 cm à1 m (réchauffement des océans, fonte des glaciers et des calottes glaciaires).
Les enjeux sont donc particulièrement importants pour l’habitat car les digues seraient insuffisantes en
cas de crue.
Le changement climatique va créer de nouveaux risques pour les systèmes naturels et humains et
amplifier les risques existants. Plus l’amplitude et la vitesse du changement climatique seront
importants et plus la probabilité de dépasser les limites d’adaptation augmente.
L’adaptation et la mitigation sont des stratégies complémentaires pour réduire et gérer les risques dus
au changement climatiques.
Le total des émissions de CO2 cumulées détermine dans une large mesure la moyenne globale du
réchauffement en surface de la Terre vers la fin du XXIème siècle.
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Fin 1990, 15 à 20 millions de tonnes de CO2 étaient rejetées dans l’atmosphère ; aujourd’hui, ce sont
38 millions de tonnes annuelles ;
Les actions urgentes à mener sont en particulier les recherches sur la séquestration du CO2 (sans
succès aujourd’hui) lié à l’utilisation croissante du charbon comme source d’énergie, et l’option de la
poursuite du développement de l’énergie nucléaire (l’option 100% d’énergies renouvelables étant
impossible).
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