Chapitre 4 Les ressources fiscales des collectivités locales et les

Chapitre 4
Les ressources fiscales des collectivités locales et les
paiements des usagers
Une fois définis l'architecture institutionnelle, le cadre comptable et budgétaire
dans lequel inscrire leurs opérations et la partition des compétences (au double sens
de délégation et de volution), les collectivités décentralisées doivent pourvoir
disposer de ressources financières adéquates. Celles-‐ci doivent provenir à la fois de
ressources financières transférées par l'Etat (qui seront traitées au chapitre 5), et de
ressources propres sur le volume desquelles elles doivent pouvoir disposer d'un
pouvoir de décision, fût-‐il limité. Il n'y a pas de décentralisation effective sans
possibilité pour chaque collectivité locale de moduler, dans le respect de la loi, le
montant des impôts, taxes ou redevances locales de façon à financer la fourniture de
services collectifs locaux selon les modalités par elle souverainement choisies dans les
domaines de compétences dévolus ou délégués. Si tel n'était pas le cas, la
décentralisation se bornerait à reconnaître aux CTs une « autonomie financière » (ou
un pouvoir de « libre administration ») limités au seul pouvoir de répartir librement
entre des usages alternatifs des ressources financières décidées par l'Etat. Elles se
trouveraient alors dans une situation très voisine de celle des organes déconcentrés de
l'Etat disposant d'un budget global. Or la volution implique qu'une CT puisse, hors
mandats impératifs reçus de l'État pour lesquels elle agit comme délégataire, décider
de fournir plus ou moins de services collectifs qu'une autre, et de le faire selon des
modalités par elle choisies. Cela implique également qu'elle doive financer les
dépenses correspondantes en toute transparence et responsabili vis-‐à-‐vis du
contribuable et de l'usager en mobilisant à cet effet des impôts, taxes ou redevances
dont elle a le pouvoir d'ajuster le taux ou/et les modalités d'assiette. La question de la
flexibilité fiscale est donc consubstantielle à la décentralisation. Elle sera évoquée dans
le cas tunisien dans la dernière section de ce chapitre.
Une autre question essentielle, sinon de point de vue juridique, du moins du point
de vue économique, consiste à bien distinguer le cas des « impôts locaux »
prélèvements obligatoires requis des contribuables locaux sans relation directe avec la
fourniture d'un service public local individualisable, de celui des « taxes locales » qui
ont le caractère d'un paiement requis pour l'accès aux services offerts par la
collectivité, et de celui des redevances acquittées par les usagers. Comme la loi
tunisienne n'institue pas formellement d'imp6ts locaux mais seulement des « taxes »
locales et d'autres types de prélèvements (contributions et redevances), il est apparu
important de préciser les termes de la distinction.
C'est dans cette perspective d'ensemble que le système fiscal local tunisien est
analysé dans ce chapitre. Dans une première section (4.1 Les bases institutionnelles)
on rappelle sur quels textes législatifs et réglementaires se fondent le système tunisien
de ressources fiscales locales. Les termes utilisés pour caractériser et distinguer les
impôts des taxes et des redevances, de même que la classification utilisée dans les
textes légaux tunisiens portant à confusion, la deuxième section précise les termes qui
devraient être utilisés et le vocabulaire de référence. Dans une troisième section (4.3
Les impôts locaux) ont été rassemblées les principales « taxes » locales dont les
caractéristiques communes les font assimiler à des imp6ts locaux, c'est-‐à-‐dire dont le
paiement est découplé de toute fourniture individualisée de service collectif local. Une
quatrième section (4.4 Les taxes locales) traite des multiples taxes locales perçues en
tant que droits d'accès ou d'utilisation de services collectifs locaux. Une cinquième
section (4.5 Les redevances d'utilisation) traite des redevances perçues sur les usagers,
prélèvements qui peuvent etre assimilés au prix de la fourniture effective d'un service
et qui couvrent les coûts de la prestation. Une sixième section (4.6 Remarques et
questions ouvertes) présente les remarques et commentaires d'ensemble. Une
septième section présente les éléments statistiques collectés auprès de la DGCL.
4.1 Les bases institutionnelles
Hormis les transferts en provenance de l'Etat ou d'autres institutions
(internationales notamment), les ressources des collectivités locales tunisiennes sont
constituées de ressources fiscales, de taxes diverses, de paiements et redevances
effectués par les usagers des services publics fournis par les collectivités et des revenus
du domaine.
Le cadre juridique de la fiscalité des collectivités locales tunisiennes (communes et
conseils régionaux) s'est constitué par étapes. Au début du 20ième siècle notamment
(1902 avec la création de la taxe sur la valeur locative des immeubles), en 1914-‐15-‐20,
puis dans les années 50 et 60 avec la création de quelques prélèvements
supplémentaires. Plus récemment, ce sont les lois organiques de 1975 et 2007 (Loi
organique du budget des collectivités locales en 1975 puis Loi organique2007-‐65 du
18 décembre 2007) qui ont, dans l'article 11 (de la Loi 2007-‐65) défini le cadre
d'ensemble des ressources locales, qui sont "alimentées par les taxes instituées par le
Code de la fiscalité locale ainsi que par toute ressource instituée ou affectée au profit
des collectivités locales en vertu de la gislation en vigueur".29 Entretemps, en 1997,
l'ensemble avait été réfor à l'occasion de la promulgation du «Code la fiscalité
locale » (loi n°97-‐11 du 3 février 1997) dont les dispositions s'appliquent "aux impôts,
taxes et redevances qui y sont prévus ainsi qu'aux imp6ts, taxes et redevances qui
seraient instituées par des lois ultérieures relatives aux collectivités locales". À cette
occasion, tous les textes contraires antérieurement promulgués ont été abrogés
notamment ceux figurant en grisé dans le tableau 4-‐1 ci-‐après. La réforme visait alors
à simplifier le système fiscal, à rationaliser les assiettes, à réduire les taux d'imposition
et à améliorer le recouvrement.
29 Le schéma 2-‐4, chapitre 2, section 2.3 énumère la liste des ressources des CTs donnée dans les lois organiques
de 1975 et 2007 portant sur le budget des Collectivités Locales.
L'édifice fiscal local, rénové en 1997, est donc resté sensiblement stable jusqu'à
2011, date à laquelle la Révolution a perturbé considérablement les comportements
individuels, les activités économiques et celles des administrations publiques, dont
celles concernant l'établissement et la collecte des imp6ts locaux. Depuis cette date,
les modifications apportées l'ont été pour l'essentiel dans le cadre des lois de finances
pour 2012 et surtout la loi de finances pour 2013.
Ce chapitre a été rédigé à partir du Code de la fiscalité locale mis à jour au 1er juin
2012 ainsi que des documents collectés et des entretiens alisés aux Ministères de
l'Intérieur (direction des finances locales à la direction générale des collectivités
locales), et des Finances (direction générale de la législation fiscale et direction de la
comptabilité publique). Les tableaux 4-‐1, 4-‐2 et 4-‐3 recensent tous les textes
législatifs (4-‐1), d'application (4-‐2) et les textes législatifs et réglementaires
intéressant le champ de la fiscalité locale mais non incorporés au Code de la fiscalité
locale.
Tableau 4-‐1
Les dispositions légales servant de référence à l'étude des ressources
fiscales locales et paiements des usagers
1887 décret du 31 janvier relatif à la contribution foncière des propriétaires riverains (et les
modifications et ajouts subséquents)
1902 décret du 16 septembre relatif à la taxe sur la valeur locative des immeubles, tel que modifié
et complété par les textes subséquents, hormis les abandons de créances fiscales prévues à
cet effet pour les années 1996 et antérieurement pour les contribuables nécessiteux et
pour les impôts de faible montant
1914 décret du 15 janvier (articles 1,2, 6 et 9) relatifs à la taxe d'abattage
décret du 15 janvier (articles 2 et 6) relatifs à la taxe pour occupation temporaire de la voie
publique
décret du 15 janvier relatif à la taxe sur les véhicules, ainsi que les modifications et
compléments ultérieurs
décret du 24 janvier relatif aux droits de voirie, ainsi que les modifications et compléments
ultérieurs
1919 décret du 15 décembre relatif à la contribution foncière sur les terrains non bâtis, ainsi que
les modifications et compléments ultérieurs
1920 décret du 21 avril relatif à la taxe d'entretien et d'assainissement, ainsi que les modifications
et compléments ultérieurs, notamment décret du 28 octobre 1948
1947 décret du 4 septembre relatif à la taxe de compensation, ainsi que les modifications et
compléments ultérieurs
1951 décret du 4 septembre relatif à la taxe sur les spectacles, ainsi que les modifications et
compléments ultérieurs
1956 décret du 22 mars relatif au « droit de licence » à la charge des titulaires de débits de
boissons ainsi que les modifications et compléments ultérieurs
1971 articles 1, 5, 8, 9, 10 et 11 de la loi 71-‐41 du 28 juillet relative au pesage et mesurage
public
1975 loi n°75-‐39 du 14 mai relative à la taxe sur les établissements à caractère industriel,
professionnel et commercial, ainsi que les modifications et compléments ultérieurs
loi n°75-‐34 du 14 mai relative à la taxe hôtelière au profit des communes et des conseils de
gouvernorats ainsi que les modifications et compléments ultérieurs,
1978 loi n°78-‐59 du 28 décembre 1978 portant loi de finances pour la gestion 1979 (article 28
relatif aux taxes parafiscales)
1992 loi 92-‐122 du 29 décembre 1992 portant loi de finances pour l'année 1993 (articles 38 à 40
concernant la création d'un fonds spécial du trésor pour la protection des zones touristiques
1997 « Code de la fiscalité locale » (Loi n° 97-‐11 du 3 vrier 1997) dans sa mise à jour au 1er juin
2012, tel que complété et modifié par les lois 2001-‐123 du 28 décembre 2001,
2002-‐
101
du 17 décembre 2002, n° 2004-‐90 du 17 décembre 2004, n° 2005-‐106 du 19 décembre
2005,
2007-‐53 du 8 août 2007, 2008-‐77 du 22 décembre 2008, portant
respectivement loi de
finances pour les gestions 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008 et
2009
2004 loi 2004-‐90 du 31 décembre 2004 portant loi de finances pour 2005 (article 83 relatif aux
taxes parafiscales)
2006 loi 2006-‐59 du 14 aoOt 2006 fixant les infractions aux règlements de l'hygiène dans les
zones relevant des collectivités locales
Source: www.cnudst.rnrt.tn > JORT Journal Officiel de la République Tunisienne
Les cellules grisées contiennent les textes abrogés par la loi n° 97-‐11 du 3 février 1997. Ces textes sont
notés ici à titre de rappel historique.
Tableau 4-‐2
Textes d'application du Code de la fiscalité locale (à la date du 1er juin 2012)
1994/ décrets n° 94-‐822 du 11 avril 1994,n°96-‐1474 du 26 août 1996, n° 97-‐1989 du 6 octobre
1996/ 1989, n° 99-‐659du 22 mars 1999, n° 99-‐2810 du 21 décembre 1999, n° 2001-‐2510 du 31
1999/ octobre 2001, n°2003-‐186 du 27 janvier 2003, 2010-‐479 portant détermination, et
2001/ modification des zones municipales touristiques
2003/
2010
1997 décret 97-‐ 530 du 22 mars relatif à la fixation du prix maximum pour l'exonération de la taxe
sur les spectacles
1997 décret 97-‐434 du 3 mars relatif à la fixation du tarif du droit de licence sur les boissons
1997/ Arretés des ministres de l'intérieur et de l'équipement et de l'habitat du 4 mars, fixant la liste
2003 des communes concernées par l'instauration de la contribution à la réalisation de parkings
collectifs pour les moyens de transports tel que modifié par l'arreté du 30 mai 2003
1998/ décrets n° 98-‐1428 du 13 juillet 1998, n° 2000-‐232 du 31 janvier 2000, n° 2000-‐1692 du 17
2000/ juillet 2000, 2003-‐1346 du 16 juin 2003 et 2004-‐80 du 14 janvier 2004 , relatifs à la
2003/ fixation du tarif des taxes que les collectivités locales sont autorisées à percevoir
2004
1998 décret n° 98-‐1254 du 8 juin relatif à la fixation des conditions et modalités d'application du
dégrèvement de la taxe sur les immeubles bâtis
2006 décret n° 2006-‐ 49 du 9 janvier portant fixation des critères de répartition de la taxe sur les
établissements à caractère industriel, commercial ou professionnel
2006 décret 2006-‐ 3360 du 25 décembre relatif à la détermination du montant maximum
annuel de la taxe sur les établissements à caractère industriel, commercial ou professionnel
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