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rapport entre l’opinion et la vérité. Quel est le statut de l’opinion dans la connaissance ?
L’opinion correspond-elle vraiment à la réalité ? Peut-on dire que l’opinion constitue un savoir
au sens propre du terme, ou alors, ne représente-t-elle qu’un certain savoir qui n’est pas
nécessairement vrai ?
A leur temps, les philosophes grecs se sont déjà penchés ces questions. Et Platon est celui dont la
réponse retient notre attention. Selon ce dernier, l’opinion n’est pas un savoir, une vérité à
proprement parler, mais une étape vers la vérité. Le savoir (vérité) chez Platon, c’est la
connaissance des réalités dans ce qu’elles ont d’universelle (la connaissance de l’Idée), alors que
l’opinion n’est que la connaissance de l’apparence. Si l’opinion s’intéresse davantage à
l’apparence des choses, Platon estime néanmoins qu’elle est un niveau non négligeable du
savoir. C’est le sens de cette déduction du philosophe : « L’opinion est donc quelque chose
d’intermédiaire entre la science et l’ignorance » (Platon, République, Livre V). Mais si l’opinion
porte sur ce qui apparaît à tous, elle est donc entachée de préjugés. Dans ces circonstances, n’y-t-
il pas le risque d’enfermement dans les préjugés, et donc, l’opinion, ne fait-elle pas finalement
obstacle à la connaissance vraie ?
Le philosophe et historien des sciences Gaston Bachelard (XXe) s’est interrogé à ce sujet sur le
statut de l’opinion dans la connaissance, en général, et dans l’activité scientifique, en particulier.
Celui-ci indique que l’opinion constitue un obstacle à la connaissance vraie et plus
particulièrement à la connaissance scientifique. Pour lui, l’opinion se pense pas, elle se trompe,
elle traduit ses besoins et ses passions en connaissance vraie. La connaissance scientifique
suppose une construction rationnelle et rigoureuse, démarche hélas presque inexistante dans
l’opinion. On peut déduire du propos de Bachelard que pour connaître, il faut analyser, c’est-à-
dire qu’il faut que l’intelligence humaine étudie la réalité dans ses détails. La connaissance vraie
exige une confrontation entre l’intelligence et le réel. L’opinion ne permet pas de saisir le vrai,
car elle n’analyse pas.
Quelle solution peut-on envisager face à ces conceptions multiples et opposées ? D’abord, il faut
noter que les différentes considérations qui ont été évoquées montrent qu’il y a une sorte de
relation dialectique (dépassement) entre l’opinion et la vérité. Nous pouvons dire que même si
l’opinion n’est pas toujours fausse comme le soutient Bachelard, on ne peut pas compter sur elle
pour connaître la vérité. L’intelligence humaine doit toujours décrypter la réalité ou les
événements de la vie, pour distinguer le vrai du faux.
2. Vérité et erreur
S’il était permis d’emprunter cette analogie, on pourrait comparer celui qui est dans l’erreur à un
randonneur qui s’égare dans la montagne. Involontaire et inconsciente, l’erreur est la marque des
limites de l’intelligence humaine. L’erreur n’est pas volontaire, certes ; mais quand on se rend
compte qu’on est dans l’erreur, il faut changer de voie. Un adage latin dit justement : « Errare
humanum est, sed perseverare diabolicum », autrement dit « l’erreur est humaine, mais
persévérer dans l’erreur est diabolique ».
On peut se demander, au fond, quel est le statut de l’erreur dans la connaissance ? A priori (avant
toute expérience), l’erreur nous éloigne de la vérité. Par exemple, l’opinion peut nous égarer, elle
peut nous induire en erreur et nous pousser à des jugements faux. Si l’homme qui est dans
l’erreur se trompe, on peut donc dire que l’erreur elle-aussi s’oppose à la vérité, ou qu’elle nuit à
la vérité. C’est donc à juste titre qu’on pense que l’erreur est nuisible à l’homme. Or, il semble
bien que l’erreur joue un rôle positif dans la découverte de la vérité. L’erreur permet
indirectement à l’homme d’accéder à la vérité. Mais comment et à quel prix ? En prenant
conscience de nos erreurs et en les corrigeant, nous avançons vers le vrai. On retiendra à ce
propos la célèbre idée du philosophe allemand Hans Reichenbach : « Si l’erreur est corrigée