Dédicaces UNIVERSITE MOHAMMED V- SOUISSI FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE -RABAT- ANNEE: 200 THESE N°: La drépanocytose dans un service de médecine interne Etude de 33 cas chez l’adulte THESE Présentée et soutenue publiquement le :……………………….. PAR Mlle. GNAGO NINA Prisca Née le 12 Février 1983 à Abidjan Pour l'Obtention du Doctorat en Médecine MOTS CLES Drépanocytose – Complications - Ostéonécrose – Lithiase - Ostéite . JURY Mr. M. AOUNI Professeur de Médecine Interne Mr. M. ADNAOUI Professeur de Médecine Interne Mr. J. CHAARI Professeur de Médecine Interne Mr. H. HARMOUCHE Professeur de Médecine Interne PRESIDENT & RAPPORTEUR JUGES Dédicaces DEDICACES Dédicaces GLOIRE A CELUI PAR QUI et POUR QUI TOUTES CHOSES ONT ETE FAITES Dédicaces A mon très cher père A ma très chère mère Nulle dédicace n’est susceptible de vous exprimer mon profond amour et mon immense gratitude. Que Dieu vous garde et vous prodigue santé et prospérité. A mon tendre et bien aimé Jean-Christophe Fidèle compagnon de route. Que Dieu nous garde et nous donne d’aller jusqu’au bout. JE t’aime A Massaba, Yannick et Manou Que vous trouviez ici le témoignage d’une fraternité sans égale. A toute la famille Kouadio, Pour son amour et son hospitalité, Spécialement à Maman pour ses encouragements ; Soyez bénis A la famille Anyawu, Thanks to Mammy Dolapo Dédicaces A la famille Dogbré,, A la famille Vors, A la famille Yoro, Vos prières, vos encouragements, votre présence ont été pour moi une source de motivation. Soyez honorés en ce jour par ce travail A mes amis : Guy blaise et Malory, Arlette et Doudou, Rodrigue et Cécile Ange , Maguy, Rose, Josiane, Aimé, Mohammed, Bertin, A Mes Compagnons : Fidèle,Marèse,Ephrem,Ludjer,Rodrigue,Crepin,Régine,Tedy,Sandra,Kounta,Dao, A toute la grande famille de l’AC pour votre soutient A tous mes amis A tous ceux qui me sont chers Je dédie ce travail Nina. Remerciements Remerciements Remerciements A notre Maître Président et Rapporteur de thèse : Monsieur le Professeur M. AOUNI Professeur de médecine interne Nous vous remercions pour la confiance que vous nous avez accordée en acceptant de nous confier ce travail et de le diriger. Votre dynamisme et votre rigueur sont un exemple. Nous sommes fiers de compter parmi vos élèves. Veuillez trouver ici l’expression de notre sincère considération. Remerciements A notre Maître et Juge de thèse : Monsieur le Professeur M. ADNAOUI Professeur de médecine interne Nous vous remercions de nous faire l’honneur de juger ce travail. Veuillez trouver ici l’expression de notre respect et notre profonde admiration pour vos qualités scientifiques et humaines. Remerciements A notre Maître et Juge de thèse : Monsieur le Professeur J. CHAARI Professeur de médecine interne Nous avons été touchés par la bienveillance et la cordialité de votre accueil. Nous sommes très sensibles à l’honneur que vous nous faites en acceptant de juger notre travail. C’est pour nous l’occasion de vous témoigner estime et respect. Remerciements A notre Maître et Juge de thèse Monsieur le Professeur H. HARMOUCHE Professeur de médecine interne Nous vous remercions de l’attention que vous avez bien voulu porter à ma thèse. Nous vous prions d’accepter nos remerciements. Remerciements A Monsieur le Docteur SERRAJ Khalid Merci pour tous les efforts que vous avez consenti pour ma réalisation du travail Recevez ainsi l’expression de ma profonde gratitude. Listes des figures LISTE DES FIGURES Figure 1: Bases génétiques de la drépanocytose 6 Figure 2 : Origine des différents haplotypes 7 Figure 3 : Globules rouges en faucille au cours de la drépanocytose 11 Figure 4 : Electrophorèse de l’hémoglobine à pH alcalin d’un patient SS 31 Figure 5 : Focalisation isoélectrique 33 Figure 6 : Analyse de l’hémoglobine d’un patient homozygote SS par CLHP Figure 7 : arbre de décision diagnostic et examens à réaliser 35 Figure 8: Répartition selon la nature des crises 52 Figure 9: Répartition selon le nombre de transfusion 57 Figure 10 : Répartition selon le statut vaccinal 57 Figure 11 : Répartition selon la durée du suivi 58 Figure 12 : Répartition géographique de la drépanocytose dans le monde 65 Figure 13 : Distribution comparative du paludisme et de l’hémoglobinose S 33 66 Listes des tableaux LISTE DES TABLEAUX Tableau I : volume des échanges transfusionnels dans la drépanocytose 39 Tableau II : Caractéristiques générales des patients 50 Tableau III : Répartition selon la présence de cas familiaux 51 Tableau IV : Répartition selon le type de complications ischémiques 53 Tableau V: Répartition selon les complications liée à l’anémie 53 Tableau VI: Répartition selon les complications infectieuses 54 Tableau VII : Répartition selon le taux d’hémoglobine 55 Tableau VIII : Répartition selon le taux de plaquettes 55 Tableau IX : Répartition selon le phénotype hémoglobinique 56 Tableau X: facteurs influençant les complications ischémiques 59 Tableau XI : facteurs influençant les complications infectieuses 60 Tableau XII: Complications évolutives et comparaison avec d’autres séries 68 Tableau XIII: Comparaison des complications infectieuses avec une série Africaine Tableau XIV : Hémogramme chez le patient homozygote comparaison avec d’autres séries 72 Tableau XV: Répartition des phénotypes et comparaison avec d’autres 72 Tableau XVI : Comparaison de statut vaccinal à d’autres séries 73 71 Listes des abréviations LISTE DES ABREVIATIONS Hb : Hémoglobine Hb F : Hémoglobine fœtale CCMH : Concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine VCAM : Vascular cell adhesion molecule STA : Syndrome thoracique aigu CVO : Crises vaso-occlusives AVC : Accident vasculaire cérébral IEF : Isoélectrofocalisation CLHP : Chromatographie liquide haute performance ADN : Acide désoxyribonucléase OMS : Organisation mondiale de la santé AINS : Anti-inflammatoires non stéroïdiens Listes des abréviations INTRODUCTION ............................................................................................................. 1 PARTIE I : GENERALITES SUR LA DREPANOCYTOSE HISTORIQUE ................................................................................................................... 3 Chapitre I : Aspects Génétiques ...................................................................................... 5 Chapitre II : Physiopathologie ......................................................................................... 9 I. La Polymérisation ............................................................................................................ 10 II. La Déshydratation........................................................................................................... 12 III. L’Adhésion Endothéliale............................................................................................... 12 IV. L’Hémolyse ................................................................................................................... 13 V. Le Déficit Immun ........................................................................................................... 14 Chapitre III : Aspects Cliniques ...................................................................................... 15 I. L’Enfant Drépanocytaire Hétérozygote ........................................................................... 16 II. L’Enfant Drépanocytaire Homozygote .......................................................................... 16 III. L’Adulte Drépanocytaire Homozygote ......................................................................... 17 III.1 Les Complications Ostéoarticulaires ...................................................................... 18 III.1.1 L’Infarctus Osseux .......................................................................................... 18 III.1.2 Les Ostéonécroses........................................................................................... 18 III.1.2.1 De la tête fémorale .................................................................................. 19 III.1.2.2 De la tête humérale ................................................................................. 19 III.1.3 Les Ostéomyélites ........................................................................................... 19 III.1.4 L’Hyperplasie Médullaire ............................................................................... 20 III.1.5 Les Manifestations Articulaires ...................................................................... 20 III.2 Les Complications Rénales .................................................................................... 21 III.2.1 L’Hématurie .................................................................................................... 21 III.2.2 La Nécrose Papillaire ...................................................................................... 21 III.2.3 L’Insuffisance Rénale Sans Syndrome Néphrotique ...................................... 22 III.2.4 L’Insuffisance Rénale avec Syndrome Néphrotique ...................................... 22 III.2.5 Le Carcinome Médullaire Rénal ..................................................................... 22 Listes des abréviations III.3 Le Syndrome Thoracique Aigu (STA) ................................................................... 23 III.4 Le Priapisme ........................................................................................................... 24 III.5 Les Complications Oculaires .................................................................................. 24 III.6 Les Complications Bilio - Digestives ..................................................................... 25 III.7 Les Complications Neurologiques ......................................................................... 26 III.8 Les Complications Dermatologiques ..................................................................... 26 III.9 Les Complications Cardiaques ............................................................................... 26 Chapitre IV : Aspects Paracliniques................................................................................ 28 I. L’Hémogramme ............................................................................................................... 29 I.1 En dehors des Crises ................................................................................................. 29 I.2 Pendant la Crise ......................................................................................................... 30 II. La Confirmation de la Drépanocytose ............................................................................ 30 II.1 Les Méthodes Standards .......................................................................................... 30 II.1.1 L’Electrophorèse de l’Hémoglobine ..................................................................... 31 II.1.2 Le Test de Falciformation ..................................................................................... 31 II.2 Les Nouvelles Méthodes .......................................................................................... 32 II.2.1 L’Isoélectrofocalisation ........................................................................................ 32 II.2.2 La Chromatographie Liquide Haute Performance CLHP ..................................... 33 III. Diagnostics Néonatal et Prénatal................................................................................... 34 Chapitre V : Traitement ................................................................................................... 36 I. Les Traitements Palliatifs ................................................................................................ 37 I.1 Les Antalgiques ......................................................................................................... 37 I.2 L’Hyperhydratation Parentérale ................................................................................ 38 I.3 La Transfusion .......................................................................................................... 38 I.4 La Prévention des Infections ..................................................................................... 41 I.4.1 L’Antibioprophylaxie ........................................................................................ 41 I.4.2 La Vaccination................................................................................................... 41 I.4.3 Prophylaxie Anti-Palustre ................................................................................. 42 I.4.4 Prévention des Parasitoses Intestinales ............................................................. 42 I.4.5 Supplémentation Orale en Folates et en Fer ...................................................... 42 II. Les Traitements de Fond ................................................................................................ 43 II.1 L’Hydroxyurée ......................................................................................................... 43 II.2 La Transplantation Médullaire ................................................................................. 43 Listes des abréviations PARTIE II: ETUDE PRATIQUE MATERIEL ET METHODES......................................................................................... 46 RESULTATS ..................................................................................................................... 49 DISCUSSION .................................................................................................................... 61 CONCLUSION .................................................................................................................. 76 RESUMES.......................................................................................................................... 78 REFERERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................. 82 Introduction INTRODUCTION La drépanocytose, encore appelée hémoglobinose S ou sicklémie de l’anglais « sikcle cell anemia », est une anémie hémolytique corpusculaire due à une anomalie qualitative de l’hémoglobine. Elle tire son appellation de l’aspect des globules rouges observés au microscope chez certains patients [1]. Il s’agit de la pathologie génétique héréditaire la plus répandue dans le monde puisqu’elle touche plus de 50 millions personnes. La répartition géographique de la drépanocytose se limite à l’Afrique subsaharienne, le moyen orient, le sud est asiatique, quelques pays d’Amérique et à la méditerranée dont le Maroc où la prévalence est estimée entre 1% à 2% [2]. Les bases physiopathologiques de la drépanocytose étant connues depuis presque une cinquantaine d’année, l’accentuation des recherches se tourne actuellement de plus en plus vers l’amélioration de la prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients. Les manifestations cliniques de la drépanocytose sont liées aux propriétés anormales conférées aux globules rouges drépanocytaires par l’hémoglobine mutante et peuvent être regroupées en trois catégories : l’anémie hémolytique chronique, les phénomènes vasoocclusifs et l’extrême susceptibilité aux infections. Ces manifestations sont responsables d’une morbi-mortalité importante qui rend compte de l’importance d’une prise en charge aussi bien précoce qu’adaptée. Dans ce travail, nous nous proposons d’une part, de faire une revue exhaustive de la littérature afin de faire le point sur les données actuelles physiopathologiques, diagnostiques et thérapeutiques de la drépanocytose, et d’autre part de préciser les particularités de cette pathologie à l’âge adulte à travers une étude réalisée sur une série de patients colligés dans le service de médecine interne du CHU IBN SINA de Rabat. 1 Partie I : généralité sure la drépanocytose 2 Historique HISTORIQUE 3 Historique Historique La drépanocytose a été décrite pour la première fois en 1910 par James Herrick qui avait remarqué chez un jeune étudiant noir jamaïcain âgé de 20 ans, la présence d’hématies inhabituelles en forme de faucille ou feuille d'acanthe au frottis sanguin périphérique. En 1929, Hahn et Gillespie ont montré expérimentalement que cette falciformation des globules rouges ne se produisait que lors de la désoxygénation et qu’elle était réversible au moment de la réoxygénation. [3] Pauling, Itano, Singer et Wells apportent un progrès majeur en 1949 par la mise en évidence à l’électrophorèse d’une migration anormale l’hémoglobine des globules rouges drépanocytaires mais ce n’est qu’en 1959 que Igram avait pu identifier la substitution d’un acide aminé au niveau de la chaine β de la globine comme étant le mécanisme principal de la maladie. [1] Dans les années soixante, les avancées réalisées dans le domaine de la génétique se sont soldées par la mise en évidence et la localisation des gènes codant pour l’hémoglobine au niveau du chromosome 11. [1] 4 Aspects Génétiques CHAPITRE I: ASPECTS GENETIQUES 5 Aspects Génétiques La drépanocytose est une maladie due à une mutation ponctuelle du gène codant pour la chaîne β de l’hémoglobine situé sur le chromosome 11. Il s'agit d’une substitution de l’adénine par la thymine (CAG >>> GTG) ayant comme conséquence le remplacement de l’acide glutamique hydrophile par la valine qui est un acide aminé hydrophobe [figure1]. On obtient ainsi l’hémoglobine S dont la solubilité est diminuée par rapport à l’hémoglobine A normale [4] . Figure 1: Bases génétiques de la drépanocytose [5] 6 Aspects Génétiques L’origine géographique multicentrique de la mutation drépanocytaire a été établie par la découverte d’haplotypes de restriction différents selon la région étudiée [6] . Cinq haplotypes ont été ainsi identifiés : « haplotypes Sénégal », « haplotype Bénin », « haplotype Bantu », « haplotype Cameroun » et « haplotype asiatique ou arabo-indien » [6-8] . Le gène présent dans le pourtour méditerranéen dont le Maroc fait partie et dans l’ouest de l’Arabie Saoudite est lié à l’haplotype Bénin [Figure2]. Figure 2 : Origine des différents haplotypes [9] 7 Aspects Génétiques La transmission de la drépanocytose est autosomique récessive. Schématiquement, les sujets hétérozygotes sont AS et cliniquement sains ou pauci symptomatiques, alors que les homozygotes SS sont très symptomatiques et présentent généralement le tableau typique. D'autres anomalies aussi bien qualitatives que quantitatives de l’hémoglobine peuvent s'associer à la drépanocytose dont les principales sont l’hémoglobinose C et la β thalassémie (doubles hétérozygotes). Ces formes composites peuvent être asymptomatiques ou à l’inverse très bruyantes [10] . 8 Physiopathologie CHAPITRE II : PHYSIOPATHOLOGIE 9 Physiopathologie I. La Polymérisation L’hémoglobine S a la propriété de polymériser sous l’influence de différents facteurs : acidose, hypoxie, fièvre et déshydratation. La polymérisation s’explique par le remplacement de l’acide glutamique acide aminé hydrophile par la valine en position 6 qui est un résidu hydrophobe. Les globines étant entourées par un film d’eau, la présence d’un site hydrophobe crée ainsi un point de « collage » entre deux molécules d’hémoglobines voisines. Celui-ci s’établit d’une part entre la leucine en position 88 et la phénylalanine en position 85 d’une chaîne α et d’autre part la valine située en position 6 de la chaîne β de l’hémoglobine voisine d’où la création d’une structure cristalline en fibres. Dans les globules rouges SS, la polymérisation est d’autant plus importante que : la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine [CCMH] est élevée, -la saturation en oxygène est basse, le taux d’ (HbF) hémoglobine fœtale est bas, la température est anormale, -le pH est acide, La CCMH a la plus forte influence sur la polymérisation de la désoxyHémoglobine S [11] . L’Hb F inhibe également fortement la polymérisation de l’hémoglobine S, c’est la raison pour laquelle la drépanocytose ne s’exprime pas cliniquement avant l’âge de trois mois. 10 Physiopathologie La répétition des cycles de polymérisation-dépolymérisation aboutit à des drépanocytes irréversibles qui gardent l’aspect en faucille (Figure 3). Par ailleurs, La formation de polymères d’Hb S à l’intérieur des érythrocytes a de nombreuses conséquences : l’augmentation de la rigidité des globules rouges favorisant leur accumulation dans la microcirculation ; l’augmentation de la viscosité sanguine ; la rupture et fragmentation des érythrocytes ; l’augmentation de la perméabilité cationique du globule rouge induisant sa déshydratation. Figure 3 : Globules rouges en faucille au cours de la drépanocytose [12] 11 Physiopathologie II. La Déshydratation Elle dépend de trois systèmes de transports ioniques : Les canaux K+ dépendant du calcium: Lors des phases de désoxygénation, l’augmentation de la perméabilité membranaire induite par la polymérisation, favorise l’entrée de Calcium extracellulaire en échange du potassium qui est rejeté hors de la cellule. La nécessité de maintenir un équilibre osmotique et hydrique transmembranaire conduit à une perte d’eau et de chlore dans le milieu extracellulaire [13] . L’activation du co-transport K+/Cl- par l’acidose favorisant une déshydratation rapide des hématies. La pompe Na+/K+ qui, dans le but de corriger les perturbations de l’homéostasie cationique, excrète trois ions sodium pour deux ions potassium ingérés. C’est en modifiant les processus de déshydratation et de perméabilité induits par la polymérisation que les cellules contenant de grandes quantités d’Hb F réduisent ou préviennent la falciformation. III. L’Adhésion Endothéliale Les résultats de l’étude ex-vivo des flux montrent que la vaso-obstruction est initiée par l’adhérence des réticulocytes, plus jeunes et encore déformables, aux endothéliums vasculaires, puis amplifiée par le piégeage de drépanocytes irréversibles ayant une faible déformabilité. Ce serait le facteur essentiel du ralentissement de la vitesse sanguine dans la microcirculation laissant le temps à la desoxy-Hb S de polymériser. 12 Physiopathologie L’adhérence aux cellules endothéliales se fait directement via les intégrines α4 β1 réticulocytaires, les molécules (vascular cell adhesion molecule) VCAM-1 des cellules endothéliales et indirectement via un certain nombre de ligands dont un facteur von willebrand de poids moléculaire inhabituellement élevé, les immunoglobulines, la fibronectine, le fibrinogène et la thrombospondine. Ce dernier étant le plus actif. Le nombre de cellules endothéliales activées, c'est-àdire marquée par la présence à leur surface de ces molécules d’adhérence est plus élevé chez le sujet drépanocytaire homozygote que chez le sujet sain ou hétérozygote. Il se majore au cours des crises vaso-occlusives davantage le rôle de l’endothélium [1] soulignant . IV. L’Hémolyse L’hémolyse des cellules drépanocytaires est à la fois extra et intravasculaire. L’hémolyse extravasculaire est due aux conséquences de l’instabilité de l’Hb S et des falciformations récurrentes qui entraînent des lésions oxydatives des membranes globulaires. L’Hb S dénaturé par l’oxydation se lie à la portion cytoplasmique de la protéine 3 favorisant la fixation de Ig G et du complément sur cette dernière ; le complexe ainsi formé est reconnu par le macrophage et détruit. Aussi les drépanocytes irréversibles très rigides sont piégés dans le secteur extravasculaire ce qui explique leur courte durée de vie. L’hémolyse intravasculaire quant à elle s’explique par l’exocytose, induite par la falciformation, de vésicules riches en protéines membranaires rendant les globules rouges sensibles à la lyse, et par la fragilité mécanique qui accélère l’hémolyse durant l’exercice. 13 Physiopathologie V. Le Déficit Immun La sensibilité des enfants atteints de drépanocytose aux infections et notamment par Streptococcus pneumoniae est due à une altération de la fonction splénique et de la diminution de l’activité opsonisante du sérum [14] . 14 Aspects Cliniques CHAPITRE III : ASPECTS CLINIQUES 15 Aspects Cliniques La sévérité du tableau clinique est fonction du profil phénotypique. Les manifestations sont plus intenses chez les sujets homozygotes SS et certains composites SC et Sβ0 que chez les sujets AS. L’expression clinque débute après l’âge de trois mois car la présence d’hémoglobine fœtale à des taux élevés chez le nouveau –né empêche la polymérisation. Nous aborderons très brièvement les aspects cliniques chez l’enfant et nous nous attarderons ensuite sur l’adulte dont il est question dans notre étude. I. L’Enfant Drépanocytaire Hétérozygote Il est pauci voire asymptomatique dans la majorité des cas. Cependant, au décours de situations d’hypoxie sévère, des manifestations vaso-occlusives sont possibles. II. L’Enfant Drépanocytaire Homozygote L’histoire clinique d’un enfant drépanocytaire est rythmée par trois types de situations à savoir : les phases stationnaires les complications aiguës faites de crises douloureuses, d’infections et d’aggravation multifactorielle et dont la fréquence diminue avec l’âge sans pour autant disparaître à l’âge adulte, l’installation progressive des complications chroniques dues aux accidents vaso-occlusifs répétés. L’anémie hémolytique chronique est une manifestation constante et précoce. La triade pâleur, ictère, splénomégalie est de règle avant l’âge de 5 ans chez l’homozygote. Les micro- infarctus répétés de la rate entraînent une 16 Aspects Cliniques atrophie et la disparition de la splénomégalie .A long terme, l’anémie est responsable d’un retard staturo-pondéral et d’un retard pubertaire de 4 à 5 ans. Le syndrome mains- pieds est la crise vaso-occlusive caractéristique de l’enfant [15] . L’aggravation de l’anémie chronique peut se faire par une séquestration splénique ou encore par une érytroblastopénie [16 ,17] . III. L’Adulte Drépanocytaire Homozygote A ce stade, la maladie se manifeste toujours par les crises douloureuses vaso-occlusives qui ponctuent la vie des patients et sur lesquelles vont se greffer les différentes complications hémolytiques, infectieuses et ischémiques qui influencent la qualité de vie, le pronostic fonctionnel et le pronostic vital des patients. Les complications aiguës de la drépanocytose sont généralement liées aux trois mécanismes précédents à la fois, alors que les complications chroniques sont surtout la conséquence lésionnelle tissulaire de l’ischémie répétée. Les crises vaso-occlusives (CVO) sont le plus souvent osseuses ou ostéoarticulaires, moins souvent thoraciques et rarement abdominales. Mais c’est aussi la période où Elles sont variables de par leur type, leur intensité, leur durée, leur localisation, leur fréquence et dominent la symptomatologie. La douleur aigue est bien souvent le premier symptôme de la maladie et le motif de consultation le plus fréquent. Elle peut intéresser n’importe quelle partie du corps. Certes, il existe une relation entre la sévérité des épisodes d’obstruction vasculaire et le génotype ; cependant au sein des différents génotypes, des variabilités interindividuelles et intra-individuelles apparaissent au fil des temps. Ces épisodes douloureux sont bien des douleurs aigues. Cependant, les 17 Aspects Cliniques répétitions leur confèrent un psychologiques non négligeables caractère [18] . chronique aux répercussions Plusieurs complications marquent l’évolution de la maladie et influence son pronostic. Dans ce qui suit, nous aborderons les différentes complications de la drépanocytose en fonction de l’organe atteint. III.1 Les Complications Ostéoarticulaires III.1.1 L’Infarctus Osseux L’infarctus osseux est toujours associé à des infarctus médullaires. La symptomatologie initiale est celle d’une crise vaso-occlusive. Les infarctus du squelette axial (bassin, rachis, côtes) sont possibles, plus fréquemment rencontrées chez l’adulte. Le Sternum, le bassin et mandibules sont plus rarement touchés. La durée de la crise peut aller de dix minutes à plusieurs semaines mais la persistance des crises au-delà de deux semaines est rare lors des crises non compliquées [19] . Une majoration importante de l’anémie doit faire suspecter la survenue d’une complication hémorragique ou d’une complication plus spécifique telle qu’une nécrose ostéomédullaire. Les radiographies sont initialement normales, ne montrant qu’un épaississement des parties molles ou des signes en rapport avec l’hyperplasie médullaire. Puis, apparaissent des zones d’ostéosclérose en plage associées à des débris calcifiés. III.1.2 Les Ostéonécroses Les ostéonécroses aseptiques épiphysaires de la drépanocytose atteignent principalement la tête fémorale, les condyles fémoraux, la tête humérale, les os du tarse voire même les vertèbres [20] . 18 Aspects Cliniques III.1.2.1 De la tête fémorale Elle représente la localisation la plus fréquente. La radiographie est souvent normale au stade de simple douleur de la hanche. Le diagnostic se fait classiquement par les radiographies, la scintigraphie et surtout l’IRM qui est à l’heure actuelle le moyen le plus performant pour assurer le diagnostic et évaluer la taille de la nécrose épiphysaire. La radiographie montre une densification de la tête fémorale comme signe le plus précoce, et recherche une dissection sous chondrale ainsi que la classique coquille d’œuf ou perte de la sphéricité de la tête fémorale. III.1.2.2 De la tête humérale [ 21 ,22] Souvent moins bruyante, elle doit être systématiquement recherchée. Elle est bilatérale dans plus de 80 % des cas et pratiquement toujours associée à une nécrose de hanche [23] . Les séquelles radiologiques, présentes chez plus de la moitié des drépanocytaires, sont à type de caput magna ou caput plana, avec parfois hypoplasie totale ou partielle de la glène. Habituellement bien tolérée, elle peut devenir gênante en cas d’arthrose secondaire, ce qui est rencontré dans environ 10 % des cas. Elle peut également être responsable de dysmorphie de l’épaule, exposant au risque de conflit antérieur à l’origine d’épanchements articulaires. III.1.3 Les Ostéomyélites Tous les os peuvent être atteints mais surtout les os longs. Les localisations plurifocales ne sont pas rares, souvent symétriques. Le diagnostic est évoqué devant une douleur intense, des signes inflammatoires locaux avec tuméfaction des tissus mous adjacents, une fièvre élevée, une altération de l’état général. 19 Aspects Cliniques L’évolution vers une ostéomyélite chronique conditionne le pronostic fonctionnel de ces patients. III.1.4 L’Hyperplasie Médullaire Elle est liée à la régénération secondaire à l’hémolyse chronique. En zone tropicale, sont observées déformations du faciès et du crâne (faciès mongoloïde, acrocéphalie) et retards staturaux importants. Les anomalies radiologiques du squelette associent hypertransparence des os des membres et trabéculation accentuée, amincissement des corticales diaphysaires et élargissement des métaphyses des métatarsiens et métacarpiens. L’épaississement des os de la voûte du crâne est moins marqué. L’ostéoporose est parfois importante sur les os du rachis, avec aspect de « vertèbre en H » quand il s’y associe une dépression centrale. Des modifications de la statique vertébrale peuvent se voir au cours de la croissance à type d’accentuation de la cyphose dorsale ou d’hyperlordose lombaire [24] . III.1.5 Les Manifestations Articulaires L’arthrite aigue infectieuse est moins fréquente que l’ostéomyélite. Néanmoins elle doit être évoquée en premier devant toute atteinte articulaire avec un épanchement. La ponction articulaire permet de mettre en évidence le germe. Elles sont habituellement de mauvais pronostic : la gravité est due à la possibilité de séquelles secondaires aux déformations et au possible passage à la chronicité. 20 Aspects Cliniques l’arthrite goutteuse est liée à une hyper production d’acide urique et à une diminution de son excrétion en rapport avec l’atteinte rénale. Le diagnostic est évoqué devant des crises articulaires aigues qui ne s’accompagnent pas de signes de déglobulisation et confirmé par la mise en évidence de cristaux d’urate dans le liquide articulaire [13] . III.2 Les Complications Rénales Chez le jeune patient drépanocytaire SS, le flux sanguin et plasmatique rénal, ainsi que le débit de filtration glomérulaire sont augmentés de plus de 50% pouvant entraîné des dysfonctions tubulaires rénales [25 ,26] . III.2.1 L’Hématurie L’hématurie asymptomatique est un des symptômes les plus fréquents de la maladie, que le patient soit homozygote ou non, et ce à n’importe quel âge. L’hématurie microscopique peut être chronique, ponctuée par des épisodes d’hématurie macroscopique. Elle résulte d’infarctus microthrombotiques, favorisant la falciformation dans les vasa recta adjacents. L’importance de l’hématurie peut, dans certains cas, nécessiter une transfusion, voire entraîner un caillotage avec obstruction de l’arbre urinaire et tableau de colique néphrétique. Ailleurs, une pyurie accompagne l’hématurie, devant faire discuter le diagnostic de pyélonéphrite aiguë [27 ,28] . III.2.2 La Nécrose Papillaire Elle peut survenir chez les patients homozygotes ou hétérozygotes. Le plus souvent, elle est diagnostiquée rétrospectivement, lors d’un examen d’imagerie, par urographie intraveineuse, échographie, scanner ou imagerie par résonance magnétique. Au plan clinique, l’hématurie macroscopique douloureuse est la 21 Aspects Cliniques présentation la plus commune. Parfois, elle peut occasionner une infection, voire une septicémie, un tableau de colique néphrétique lorsque la nécrose papillaire crée un obstacle urétéral, ou/et une insuffisance rénale aiguë. Ailleurs, l’association pyurie, hématurie, lombalgies fait évoquer un épisode de pyélonéphrite aiguë ; l’analyse du sédiment urinaire et l’examen bactériologique des urines redressent le diagnostic. III.2.3 L’Insuffisance Rénale Sans Syndrome Néphrotique La rhabdomyolyse non traumatique liée aux crises vaso-occlusives sévères en est l’un des principaux mécanismes [29] . Cette complication est plus fréquente lors des atteintes systémiques, en particulier thoraciques, hépatiques. L’insuffisance rénale contribue à la mortalité chez les patients drépanocytaires âgés. Une hypertension artérielle inhabituelle est classique chez ces patients. III.2.4 L’Insuffisance Rénale avec Syndrome Néphrotique Les lésions initiales commencent par une hypertrophie glomérulaire avec développement progressif d’une glomérulosclérose focale prédominant au pôle vasculaire associées [30-32] . Une fibrose interstitielle et une atrophie tubulaire sont souvent à l’existence glomérulonéphrites poststreptococciques, sont des de la glomérulosclérose. possibles à type glomérulonéphrites glomérulonéphrites membranoprolifératives de D’autres types de glomérulonéphrites extramembraneuses, des [33, 34] . III.2.5 Le Carcinome Médullaire Rénal Le carcinome médullaire rénal fait partie des complications évolutives possibles. Son incidence dans la population drépanocytaire est de 1,74/1 000 patients par an. Le taux de mortalité est de 1,04 cas par année/patients [35,36] . 22 Aspects Cliniques L’hématurie macroscopique et les douleurs lombaires sont les symptômes les plus fréquents, à l’inverse de l’amaigrissement et de la présence d’une masse tumorale palpable. L’association d’une drépanocytose du sujet jeune et d’un carcinome rénal a fait suggérer le rôle d’un facteur génétique [37] . Il faut le rechercher chez les patients drépanocytaires au stade le plus précoce. Une échographie rénale devrait ainsi, faire partie du bilan systématique annuel de surveillance. III.3 Le Syndrome Thoracique Aigu (STA) C’est la principale cause de décès et la deuxième cause d’hospitalisation des patients drépanocytaires. Le STA correspond à des phénomènes de vasoocclusions siégeant dans la microcirculation pulmonaire auxquels participent la réactivité vasculaire et l’adhésion anormale des globules rouges drépanocytaires à l’endothélium vasculaire. Les étiologies en cause sont l’infection, l’œdème pulmonaire, embolie graisseuse, infarctus pulmonaire [38,39] .Toute complication pulmonaire aiguë associant des signes fonctionnels et physiques respiratoires et des signes radiologiques chez un drépanocytaire est un STA. En pratique, il correspond à l’existence d’un nouvel infiltrat radiologique pulmonaire au moins segmentaire (syndrome alvéolaire), en dehors d’une atélectasie, associé à des signes respiratoires (tachypnée, wheezing, toux, hémoptysie…) ou des douleurs thoraciques survenant parfois dans un contexte fébrile [40] . A long terme, le STA favorise la survenue de la maladie respiratoire chronique. Le STA s’accompagne le plus souvent d’une crise vaso-occlusive qui le précède dans 50% des cas, ce qui nécessite une surveillance régulière des patients hospitalisés pour CVO [39] . 23 Aspects Cliniques L’atteinte radiologique est plutôt multilobaire, associée à une atteinte pleurale alors qu’elle est plutôt lobaire supérieur chez l’enfant. L’évolution peut conduire à une insuffisance respiratoire aigue en moins de 48h. Par ailleurs, des complications extra respiratoires peuvent survenir au cours du STA notamment neurologiques à type d’accident vasculaire cérébral. III.4 Le Priapisme Les priapismes intermittents : ils sont habituellement brefs (10 à 3Omn). La fonction pénienne reste le plus souvent normale. Cependant, ils peuvent entraîner des lésions ischémiques des corps caverneux. L’augmentation de leur fréquence et de leur durée précède souvent l’apparition d’un priapisme prolongé. Le priapisme prolongé : d’une durée supérieure à trois heures pouvant atteindre plusieurs jours et entraîner dans ce cas une impuissance quasi constante surtout après la puberté [41] . Apres 24 heures de priapisme non traité, des lésions apparaissent avec évolution vers la fibrose et impuissance définitive. III.5 Les Complications Oculaires La rétinopathie drépanocytaire débute à la périphérie de la rétine, tout d’abord par une simple tortuosité des veines évoluant vers une occlusion vasculaire périphérique (capillaires et artérioles pré capillaires). Cette occlusion est responsable d’une ischémie rétinienne visible au fond d’œil sous forme de pâleur rétinienne en plage isolée à l’ora serrata. Puis, se mettent en place des anastomoses atérioveineuses en bordure du territoire ischémique. Il s’en suit une néo vascularisation. L’hémorragie intravitréenne survient lors de la rupture des néovaisseaux. Le décollement rétinien est le dernier stade par traction vitréenne La conjonctive peut être siège de dilatations vasculaires sans connexion avec le 24 Aspects Cliniques réseau vasculaire au biomicroscope [42] . Cette atteinte doit être recherchée au niveau de la conjonctive inférieure. D’autres atteintes notamment palpébrales et iriennes sont possibles. III.6 Les Complications Bilio - Digestives La Lithiase biliaire : c’est la principale complication abdominale de la drépanocytose. Elle est secondaire à l’hémolyse chronique et atteint préférentiellement les drépanocytaires homozygotes. L’atteinte hépatique : l’hépatomégalie sans anomalies biologiques associées est constatée chez la moitié des patients drépanocytaires. Les CVO hépatiques sont parfois difficiles à distinguer d’une cholécystite aiguë. La guérison est obtenue en règle en une à trois semaines, bien qu’il y ait d’authentiques évolutions vers l’insuffisance. Il faut rappeler que les complications hépatiques peuvent aussi être celles de la transfusion sanguine : hépatites B, C et surcharge en fer. L’atteinte du tube digestif : la survenue d’un iléus paralytique lors d’une CVO de l’intestin grêle est la conséquence d’une ischémie et/ou de lésions de reperfusion. Les infarctus sont rares en raison de la richesse de la vascularisation du grêle. La douleur est parfois épigastrique, éventuellement en rapport avec un ulcère gastrique ou duodénal. Le pancréas : Les pancréatites aiguës sont rares. 25 Aspects Cliniques III.7 Les Complications Neurologiques La vasculopathie cérébrale et les accidents vasculaires cérébraux (AVC) constituent les principales complications neurologiques de la drépanocytose. Ils engagent à court terme le pronostic vital et à long terme le pronostic fonctionnel, requièrant ainsi un traitement d’urgence. Les AVC sont de trois types : l’infarctus, l’hémorragie et l’embolie graisseuse. La mortalité globale est inférieure à 10% mais les séquelles motrices, mentales et comitiales sont fréquentes. Il existe des infarctus silencieux repérer par la pratique de plus en plus fréquente de l’IRM. On retrouve chez ces sujets une proportion notable de vitesse anormale du flux cérébral mesuré avec le doppler transcranien .Les récidives sont très fréquentes (46 à 90 %) et maximales dans les deux à trois ans, surtout lorsque le premier AVC est survenu avant 20 ans [43, 44] . III.8 Les Complications Dermatologiques Les ulcères de jambe sont les plus fréquents. Le mode de survenue peut être spontané ou plutôt annoncé par des prodromes à types de : douleur ou de dysesthésies. Il est parfois favorisé par un traumatisme minime, un grattage, une piqûre d’insecte ou par des injections intraveineuses locales. L’infection secondaire de l’ulcère est quasi constante, le plus souvent à Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa, plus rarement à germes anaérobies. III.9 Les Complications Cardiaques La myocardiopathie est symptomatique en cas d’insuffisance cardiaque, d’angor ou de trouble du rythme. La douleur angineuse, les palpitations, les signes d’insuffisance cardiaque sont à rechercher à l’examen clinique. Des 26 Aspects Cliniques souffles systoliques éjectionnels ou d’insuffisance mitrale fonctionnelle, une hyperpulsatilité artérielle, une cardiomégalie radiologique et des signes électriques d’hypertrophie ventriculaire gauche peuvent être constatés chez le drépanocytaire. 27 Aspects Paracliniques CHAPITRE IV : ASPECTS PARACLINIQUES 28 Aspects Paracliniques I. L’Hémogramme Chez le sujet hétérozygote AS, l’hémogramme est normal et il n’existe pas de drépanocytes sur la lame de frottis sanguin [45] . Ces derniers peuvent être obtenus par la réalisation des tests de falciformation qui seront détaillés plus loin. Chez le sujet homozygote SS, il est important de faire la différence entre l’hémogramme en période de crise et l’hémogarmme de base en intercritique. I.1 En dehors des Crises L’anémie est constante, d’intensité variable entre 6 et 10 g/dl ; elle est normocytaire très régénérative. Une microcytose oriente vers une carence martiale ou vers une association à une thalassémie. L’aspect du frottis montre de multiples anomalies morphologiques érythrocytaires telles l’anisocytose avec des cellules hypochromes et des cellules cibles, une poikilocytose, un nombre variables d’érythroblastes et un petit nombre de corps de howell-jolly témoins de l’hyposplénisme. Le nombre de drépanocytes circulants est variable d’un patient à l’autre ; en moyenne 5 à10% des hématies du frottis. Une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles est habituelle en dehors des infections. Le nombre des plaquettes, quant à lui, est normal jusqu’à ce que le phénomène d’autosplénectomie fonctionnelle ou organique se soit manifesté. Dans ce cas, les plaquettes peuvent être augmentées de façon sensible [45] . 29 Aspects Paracliniques I.2 Pendant la Crise Il se produit une chute du taux d’hémoglobine pouvant atteindre 4 ou5 g /dl contemporaine d’une réticulocytose basse précédant une phase d’hyper réticulose qui persiste jusqu’à ce que le taux habituel de l’hémoglobine soit atteint. Chez l’hétérozygote composite SC, le taux d’hémoglobine est plus élevé avec des leucocytes et des plaquettes moins élevés en comparaison au patient homozygote. L’étude sur la lame ne retrouve pas de drépanocytes [ 46] . II. La Confirmation de la Drépanocytose Le diagnostic de la drépanocytose est biologique. Il repose sur l’identification de l’Hb S et le dosage des fractions de l’hémoglobine. Les méthodes de diagnostic qui s’offrent au biologiste se basent soit sur la différence de charge, soit sur la diminution de la solubilité pour révéler l’hémoglobine S. II.1 Les Méthodes Standards La mise en évidence de l’hémoglobine S doit se faire par deux méthodes au minimum vu la multiplicité des anomalies de l’hémoglobine. Elle se fait par l’électrophorèse à pH alcalin confirmée soit par l’électrophorèse à pH acide ou par le test de solubilité. 30 Aspects Paracliniques II.1.1 L’Electrophorèse de l’Hémoglobine Elle est réalisée sur acétate de cellulose à pH =8,5 0,1 ou sur ph acide à ph =6. Selon qu’il s’agisse d’une électrophorèse sur PH acide ou alcalin. L’électrophorèse à ph alcalin est une méthode qui permet une bonne séparation des Hb S , Hb A , et Hb C en fonction de leur charge. Lors de la technique, l’Hb S migre moins rapidement vers l’anode que l’Hb A et l’Hb C qui, elles, migrent plus lentement que l’Hb S. Cet examen est généralement utilisé en première intention [47] . (Figure 4). Figure 4 : Electrophorèse de l’hémoglobine à pH alcalin chez un patient SS[48] II.1.2 Le Test de Falciformation C’est un test non spécifique dont la positivité témoigne seulement de la présence d’hématies falciformes dans le sang du sujet ; d’autres hémoglobinoses que l’Hb S peuvent donner un test de falciformation positif comme l’hémoglobine I [49 ] et l’hémoglobine bart’s [50] à forte concentration. Le test est basé sur le fait qu’à l’état désoxygène, l’Hb S se cristallise et le globule rouge prend la forme de faucille. Le métabisulfate à 2%, agent 31 Aspects Paracliniques réducteur, provoque la falciformation. Les hématies falciformes sont alors visibles au microscope optique. II.2 Les Nouvelles Méthodes II.2.1 L’Isoélectrofocalisation Les limites de l’électrophorèse à pH alcalin chez le nouveau -né ont conduit à l’utilisation de (IEF) l’isoélectrofocalisation. Il s’agit d’une technique très résolutive qui constitue à l'heure actuelle la technique de référence dans le diagnostic néonatal des hémoglobinopathies. Les différentes hémoglobines sont séparées en fonction de leur point isoélectrique (pHi). L'isoélectrofocalisation diffère de l'électrophorèse classique par le fait que la migration, sous l'effet du champ électrique, ne s'effectue plus dans un tampon de pH fixe mais dans un gradient de pH (gradient de pH formé grâce à l'utilisation de molécules amphotères). L'électrofocalisation permet de séparer des protéines dont les pHi sont différents de 0,005 unité pH. C’est une méthode plus sensible qui permet de traiter des séries importantes d’échantillons [51] (voir Figure 5 à la page suivante). 32 Aspects Paracliniques Hb J Hb A Hb F Hb S Hb C AC SS AS Figure 5 : Focalisation isoélectrique [47] II.2.2 La Chromatographie Liquide Haute Performance CLHP C’est une méthode parfois utilisée en première intention ; elle a l’avantage de fournir dans le même temps un dosage précis des différentes fractions de l’Hb. (Figure 6 à la page suivante) Figure 6 : Analyse de l’hémoglobine d’un patient homozygote SS par CLHP[48] 33 Aspects Paracliniques La figure 7 résume l’arbre décisionnel concernant le diagnostic positif de la drépanocytose [47] . III. Diagnostics Néonatal et Prénatal La technique utilisée est l’isoélectrofocalisation en première intention ; la confirmation se fera par l’électrophorèse à pH acide soit par la chromatographie liquide haute pression selon les laboratoires. Ce diagnostic se fait dans les familles à risque et permet un suivi précoce réduisant ainsi les complications chez le jeune enfant. Il est nécessaire de prime abord d’évaluer les connaissances et de restaurer l’image de la maladie auprès de la famille. Le diagnostic prénatal repose sur l’analyse de (ADN) l’acide désoxyribonucléase fœtale obtenue à partir de trophoblastes prélevés entre huit et douze semaines d’aménorrhée ou de cellules amniotiques prélevées entre la quinzième et la vingtième semaine d’aménorrhée [52] . 34 Aspects Paracliniques Focalisation isoélectrique ou électrophorèse à pH alcalin Profil normal Test de solubilité (test d’Itano) Dosage de l’HbA2 et de l’HbF (de préférence par CLHP) Profil anormal Électrophorèse sur gel d’agar (pH6) ou CLHP Dosage de la fraction anormale (de préférence par CLHP) Figure 7 : Arbre de décision diagnostic de la drépanocytose et examens à réaliser [47] 35 Traitement CHAPITRE V : TRAITEMENT 36 Traitement Les différents outils thérapeutiques dont nous disposons à ce jour ont une approche palliative dans la grande majorité des cas. Des progrès se font toujours dans la recherche pour obtenir une curabilité de la pathologie utilisable pour tous les patients. Les indications thérapeutiques dépendent de la sévérité des crises. I. Les Traitements Palliatifs I.1 Les Antalgiques Le traitement antalgique ne peut se concevoir sans une évaluation correcte de la douleur. Il existe plusieurs méthodes d’évaluation de la douleur comme l’échelle visuelle analogique, l’échelle numérique ou encore l’échelle verbale simple. La distinction entre douleur chronique et douleur aigue est importante lors de cette évaluation. La crise vaso-occlusive est une douleur par excès de nociception dont la prise en charge fait appel aux agents antalgiques classés dans l’échelle de l’OMS organisation mondiale de la santé repartie en trois paliers. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et le paracétamol : palier I Le palier I est approprié en cas de douleur légère à modérées de la drépanocytose. Ces molécules peuvent être associées à des opioïdes en cas de douleur sévère. Les AINS présentent un grand nombre d’effets secondaires et d’interférences médicamenteuses. Leur maniement est moins simple de ce fait. Par ailleurs, ils peuvent interférer avec l’évolution d’une infection sous jacente en masquant les signes [53]. 37 Traitement Les antalgiques morphiniques faibles : palier II Une grande place est donnée aux agents associant paracétamol à des morphiniques. L’indication est faite dans les douleurs modérées et dans celles qui résistent au palier I. La morphine : palier III C’est le médicament de référence dans les douleurs sévères. Compte tenu des effets indésirables de la morphine tels que l’hypotension, les bronchospasmes, les œdèmes laryngés et la détresse respiratoire, il est nécessaire que les services hospitaliers disposent de moyens de réanimation conséquents à proximité. I.2 L’Hyperhydratation Parentérale C’est un geste essentiel. La réhydratation orale toute seule est insuffisante même soigneusement surveillée. C’est bien à la réhydratation veineuse qu’il faut avoir recours systématiquement. Elle joue un important rôle dans le contrôle de la crise vaso-occlusive. Elle se fait par le sérum glucosé isotonique à raison de 150ml/ kg/24h en faisant attention aux éventuels déséquilibres électrolytiques. I.3 La Transfusion Elle constitue l’élément majeur du traitement du patient drépanocytaire. Il existe trois modalités différentes dans la drépanocytose : la transfusion sanguine simple, l’échange transfusionnel et la transfusion sanguine au long cours. 38 Traitement La transfusion simple : L’objectif est de ramener un taux d’Hb abaissé à sa valeur habituelle. 3ml /kg de culot globulaire ou 6ml/kg de sang total permettent d’obtenir un gain de 1g/dl d’hémoglobine. L’échange transfusionnel [54] : L’objectif de l’échange transfusionnel est de remplacer les hématies drépanocytaires par des hématies contenant de l’HbA. Il associe une saignée et une transfusion. Cet échange doit se faire en règle générale à hématocrite constant. Les techniques manuelles supposent deux voies d’abord veineuse, l’une pour la soustraction (saignée) l’autre pour les apports (transfusion). On procède en trois temps : o Une saignée de 10 à 15 ml/kg associée à une perfusion concomitante du même volume de soluté isotonique par la seconde voie d’abord ; o Une transfusion réglée au même débit que la saignée jusqu’à obtention du volume à dépléter ; o La poursuite de la transfusion jusqu’à obtention du volume que l’on veut apporter. (tableau I à la page suivante). Tableau I : Volume des échanges transfusionnels dans la drépanocytose [54] Taux d’Hb souhaité Volume de sang à soustraire Volume de concentré érythrocytaire à transfuser <25 % 60 ml /kg 45 ml/kg <40 % 40 ml/kg 30 ml/kg 39 Traitement Les échanges transfusionnels au long cours sont proposés chez certains drépanocytaires après un AVC, lors d’une détérioration viscérale sévère rénale, respiratoire ou cardiaque [55] . En pratique, les transfusions sont indiquées dans les situations où il y a : Une anémie profonde cliniquement mal tolérée (le chiffre de l'hémoglobine doit toujours être interprété en fonction du chiffre observé à l'état basal) Une crise vaso-occlusive qui se prolonge (> 8 jours) malgré un traitement symptomatique bien conduit ou la présence d’effets secondaires limitants de la morphine lors d'une crise hyperalgique Un syndrome thoracique grave (hypoxémie profonde, images thoraciques bilatérales et extensives) ou ne répondant pas au traitement symptomatique après 48 à 72 heures d'évolution (extension des images radiographiques, persistance de la fièvre et des douleurs thoraciques, majoration de la dyspnée et de l'hypoxie) Un priapisme aigu avec plus de 3 heures d'évolution et absence d'efficacité des injections intracaverneuses d'étiléfrine Un accident vasculaire cérébral ischémique ou hémorragique aigu (l'intérêt de la poursuite des transfusions au long cours au cours des accidents hémorragiques est en revanche discuté). Une infection sévère intercurrente Toute complication grave intercurrente pouvant mettre en jeu le pronostic vital ou fonctionnel 40 Traitement Une intervention chirurgicale majeure Des manifestations vaso-occlusives pendant la grossesse (avis spécialisé). Il est important de rappeler que la thérapeutique transfusionnelle expose aux risques d’alloimmunisation, de transmission virale et de surcharge en fer qui s’ajoutent chez le drépanocytaire au risque d’hyperviscosité, d’où l’intérêt d’en mesurer soigneusement transfusionnelles l’indication et de veiller sur les modalités [56] . I.4 La Prévention des Infections Les patients drépanocytaires, sujets à l’asplenie fonctionnelle, sont exposés à des risques infectieux. La prophylaxie devient alors une nécessité. I.4.1 L’Antibioprophylaxie L’antibioprophylaxie par la pénicilline orale est prescrite chez l’enfant de moins de cinq ans à raison de 50000 UI/kg/j en deux ou trois prises. Les infections étant moins fréquentes chez l’adulte, la prescription de pénicilline au long cours n’est pas indispensable. Une exception est présentée pour les sujets infectés par le virus d’immunodéficience acquise qui doivent bénéficier d’une prophylaxie continue [57] . I.4.2 La Vaccination En plus des vaccins usuels retrouvés dans le calendrier légal, certains vaccins sont particulièrement recommandés chez les patients drépanocytaires. Il s’agit des vaccins anti-pneumococciques et anti-haemophilus B, vaccin contre l’hépatite B [58] . 41 Traitement I.4.3 Prophylaxie Anti-Palustre En milieu tropical, d’autres mesures anti-infectieuses doivent être prises, notamment contre le paludisme. La survenue d’un accès palustre chez le drépanocytaire constitue un facteur déclenchant des crises vaso-occlusives et risque d’aggraver l’hyperhémolyse. I.4.4 Prévention des Parasitoses Intestinales La prophylaxie des parasitoses intestinales se justifie par l’extrême fréquence de ces pathologies chez les enfants en milieu tropical. Ce contexte épidémiologique amène à préconiser une cure d’antihelminthique tous les trois mois chez les enfants de moins de cinq ans et tous les six mois pour les autres [59] . I.4.5 Supplémentation Orale en Folates et en Fer Les folates présentent une activité régénératrice de la moelle. Leur prescription est d’autant plus utile que l’alimentation ne couvre pas dans certaines régions suffisamment les besoins. Les folates sont prescrits à la dose de 5mg /j ou de 15/mois [59] . La supplémentation en fer se fait à raison de 3à5mg /kg /j de fer métal pendant deux ou 3 mois chez tout enfant présentant une baisse du taux d’Hb et du taux de réticulocytes associée à une microcytose et une hypochromie récente [60] . 42 Traitement II. Les Traitements de Fond II.1 L’Hydroxyurée D’un point de vue physiopathologique, l’hydroxyurée est le premier traitement ayant potentiellement un impact sur le cours évolutif de la drépanocytose en diminuant la fréquence des crises douloureuses chez la plupart des patients et en allongeant leur espérance de vie. L’hydroxyurée bloque préférentiellement le développement des cellules érythroides mures. Il en résulte un recrutement des précurseurs érythrocytaires jeunes avec une production supérieure d’Hb F [61 ,62] .Une plus grande concentration d’Hb F réduit la polymérisation et le nombre d’hématies falciformes. Elle agit aussi en améliorant la déformabilité érythrocytaire et en diminuant l’adhésion des hématies à l’endothélium vasculaire. Par ailleurs, elle augmente la production objective de monoxyde d’azote [63] . II.2 La Transplantation Médullaire La transplantation médullaire a un intérêt curatif dans la drépanocytose. Elle constitue le seul traitement potentiellement curateur de la drépanocytose mais a été jusqu'à présent limitée aux patients ayant un donneur HLA –identique familial et ses risques et résultats au long cours doivent être comparé de façon prospective à ceux obtenus par les autres thérapeutiques . Il s’agit de remplacer les cellules hématopoïétiques du malade de façon définitive par celles du donneur de phénotype AA. L’expérience est encore récente et le recul peu important mais, à 6 ans, la survie globale est de 94% et la survie sans événements de 84 %. Près de 10 % des drépanocytaires greffés ont un rejet de la greffe ou une récidive de la 43 Traitement drépanocytose. Les traitements utilisés pour la préparation, les immunosuppresseurs et les antimitotiques, posent le problème de l’infertilité et de l’oncogénicité qu’ils induisent. Ces risques incitent à la prudence concernant les indications de la greffe [64,65] . 44 Résumés 45 Matériel & Méthodes MATERIEL & METHODES 46 Matériel & Méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive et analytique portant sur l’ensemble des patients drépanocytaires suivi dans le service de Médecine A de l’hôpital Ibn Sina de Rabat sur une période de onze ans allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2006. Critères d’inclusion et d’exclusion : Nous avons inclus dans le présent travail tous les patients étant suivis au service de médecine interne en 1996 et tous les patients ayant commencé le suivi à partir de 1996. Il s’agissait soit de patients chez qui le diagnostic a été porté de novo, soit de patients suivis antérieurement dans d’autres structures pendant l’enfance. Nous n’avons retenu que les patients avec un diagnostic certain de la drépanocytose sur les bases de l’hémogramme, l’électrophorèse de l’hémoglobine et de l’enquête familiale pour certains. Les dossiers médicaux ont été notre outil de base. Des fiches d’exploitations pré-établies ont été élaborées afin de permettre une étude descriptive homogène des paramètres épidémiologiques, cliniques, biologiques, thérapeutiques et de la prise en charge des patients. Les informations recueillies à partir du dossier médical de chaque patient a permis d’étudier les caractères suivants : o Les aspects épidémiologiques : le sexe, l’âge du diagnostic, l’âge au début du suivi en Médecine A, la notion de consanguinité, le lieu d’habitation, les cas familiaux. 47 Matériel & Méthodes o Les aspects cliniques : le nombre d’hospitalisations, la splénomégalie, la nature des crises, l’état général, la présence ou non de complications évolutives infectieuses, ischémiques et liée à l’anémie chronique. o Les aspects biologiques : le phénotype, les taux de base de l’hémoglobine, des plaquettes et des globules blancs. o Les données de la prise en charge : le nombre de transfusion, la régularité du suivi médical, le statut vaccinal, la durée du suivi et la présence ou non de traitements par l’ hydroxyurée et l’acide folique. Une étude analytique a été aussi faite pour rechercher une éventuelle corrélation entre le sexe, l’âge médian du diagnostic, le phénotype, le taux moyen de plaquettes, le taux moyen d’hémoglobine, d’une part, et la survenue des complications infectieuses et ischémique d’autre part. Méthodologie statistique : Toutes les données ont été traitées grâce au logiciel SPSS. Le test khi-2 a été utilisé pour les comparaisons des variables qualitatives et le test non paramétrique de Mann- Whitney pour les comparaisons des variables quantitatives. Les résultats étaient considérés comme étant significatifs quand le P était inférieur à 0,05. 48 Résultats RESULTATS 49 Résultats Entre 1996 et 2006, nous avons identifié 33 patients répondant aux critères d’inclusion suscités, dont les principales caractéristiques sont résumées dans le tableau II. Tableau II : Caractéristiques générales des patients Nombre de patients 33 Homme /femme (sex. ratio) 1,36 Age du diagnostic (médiane) 7ans Consanguinité parentale 24,2 % Origine marocaine 93,9% Splénomégalie 24,3% Crises Vaso-occlusives 53,4 % Crises Hémolytiques 33,3 % Crises Mixtes 13,3 % Taux moyen d’hémoglobine 9 ,02g /dl Taux moyen de plaquettes 464707 ,14 /mm3 Phénotype SS 42,4% Complications liée à l’anémie 30 ,3% Complications ischémiques : 45,4% Complications infectieuses 39 ,4% ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES Il y avait 19 hommes (58% des patients) soit une sex-ratio de 1, 36. L’âge médian du diagnostic était de 7 ans avec le quartile à 4ans et demi. Les extrêmes d’âge étaient 6 mois et 30 ans. L’âge moyen au début du suivi en médecin A était 22,9 ans avec une prédominance de la tranche d’âge de 21 à 25 ans (42,4%). Il y avait une notion de consanguinité parentale chez 8 patients 50 Résultats (24,2%) parmi les 15 patients chez qui celle-ci a été évaluée. Trente et un patients étaient d’origine marocaine (93,9%) et provenaient tous du nord du Maroc. Les deux étrangers étaient originaires respectivement du Congo démocratique et de la Guinée (Conakry). Nous avons noté la présence de cas familiaux dans 27, 3% des cas. Le nombre de cas familiaux est détaillé dans le tableau III. Tableau III : Répartition selon la présence de cas familiaux Nombre de cas familiaux Nombre de patients POURCENTAGE 0 8 24,2 1 5 15,2 2 1 3 ≥3 3 9,1 Non précisé 16 48,5 TOTAL 33 100 ASPECTS CLINIQUES Parmi nos patients 53,33 % ont eu des crises nécessitant une hospitalisation une à deux fois par année. Cependant 10% ont été hospitalisés plus de trois fois par année. La splénomégalie était absente dans 73% des cas. Un bon état général pendant la phase inter critique a été retrouvé dans 72% des cas. 51 Résultats Les crises vaso-occlusives étaient les plus fréquents motifs d’hospitalisation à 53,40 % chez nos patients. Les crises hémolytiques viennent en deuxième position avec 33,30%.(Figure 5) 53,40% 33,30% 13,30% vaso-occlusives hémolytique mixte Figure 8: Répartition selon la nature des crises Nous avons eu 75,8% soit 25 patients qui ont développé des complications quelles soit liées à l’anémie chronique, ischémiques ou infectieuses. Quinze patients parmi eux ont présenté des complications ischémiques soit 45,4%. Les ulcères étaient localisés à la jambe dans 4cas et à la face dorsale de la main dans 1cas. Nous avons eu 1 cas de crise épileptique chez un patient sans antécédents neurologiques. Des brouillards visuels ont été présents chez 1 cas. Le tableau IV présente toutes les complications ischémiques retrouvées. 52 Résultats Tableau IV : Répartition selon le type de complications ischémiques - Ulcère de jambe : 4 cas - Autre localisation d’ulcère : 1 cas - Infarctus osseux : 1 cas - Nécrose aseptique des deux têtes fémorales : 3 cas - Infarctus splénique : 5 cas - Priapisme : 1 cas - Insuffisance rénale fonctionnelle : 1 cas - Ophtalmologique : 1 cas - Neurologique : 1cas Dix patients dans notre série ont développé des complications liées à l’anémie chronique soit 30,3%. Les lithiases vésiculaires étaient les plus fréquentes (8 cas). La dilatation ventriculaire gauche (4 cas) et la tachycardie (1 cas). Le dernier cas était une dépression des vertèbres dorsales et lombaires. Tableau V: Répartition selon les complications liée à l’anémie - lithiase vésiculaire : 8cas - cœur anémique : 5cas - dépression vertébrale : 1cas 53 Résultats Nous avons eu 13 patients qui ont développé des complications infectieuses soit 39,4 %. Les infections urinaires basses ont été retrouvées dans 3 cas et 1 cas de pyélonéphrite. Les infections à salmonella étaient 1 cas de fièvre typhoïde et 1 cas d’abcès de la partie antérieur du tibia se compliquant en ostéomyélite chronique. Les ostéites étaient localisées dans 2 cas au niveau du tibia et 1 cas au niveau du péroné. Les cas de complications gastriques étaient une duodénite. (voir TableauVI ). Tableau VI: Répartition selon les complications infectieuses - infection urinaire : 4 cas - ostéite : 3 cas - péricardite : 1 cas - gastrique : 2 cas - hépatite : 1 cas - infection à salmonella : 2 cas ASPECTS BIOLOGIQUES o L’Hémogramme : Le taux d’hémoglobine en phase inter critique variait entre 6,5 g/dl (2 cas) et 13,6 g /dl (1 cas) avec un taux moyen de 9 ,1g/dl. Dix-sept patients avaient des taux inférieurs ou égaux à 10 g/dl soit 74 % sur les 23 patients pris en compte (tableau VII à la page suivante). On note une hyperleucocytose chez 14 patients soit 63,64% avec des extrêmes allant de 5633 leucocytes /mm3 à 14925 leucocytes /mm3. Le taux moyen des leucocytes était 10735 ,08 /mm3. 54 Résultats Une thrombocytose a été retrouvé dans 13 cas soit 59,1 % avec le plus fort taux atteignant 1294285 éléments /mm3. Une thrombopénie à 140000 éléments /mm3 a été présente chez un patient. (Tableau VIII à la page suivante) Tableau VII : Répartition selon le taux d’hémoglobine Taux d’hémoglobine Nombre de patients Pourcentage < ou =8 9 39 ,2 >8-10 8 34 ,8 >10 -12 5 21,7 >12 1 4,3 TOTAL 23 100 Tableau VIII : Répartition selon le taux de plaquettes Taux de Plaquettes Nombre de patients Pourcentage <150000 1 4,54 150000-400000 8 36,36 >400000 13 59 ,1 TOTAL 22 100 55 Résultats o L’étude de l’hémoglobine Nous avons observé une prédominance du phénotype SS à hauteur de 42,4% parmi les patients dont phénotype a été précisé. (Tableau IX) Tableau IX : Répartition selon le phénotype hémoglobinique Phénotype Nombre de patients Pourcentage SS 14 42 ,4 SC 5 15,1 AS 2 6,1 Non Précisé 12 36,4 TOTAL 33 100 LA PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE Le nombre de transfusion reçu dans le service de Médecine A variait de 0 (13 cas) à 14 fois (1cas). 2 patients ont eu plus de deux transfusions par année soit 6,1%. (Figure 9). La vaccination n’est pas à jour chez 21 patients soit 63,64 % ; Le statut vaccinal n’a pas été précisé chez 1 patient. (Figure 10 à la page suivante). 56 Résultats Nombre de transfusion par année 70 60,6 pourcentage 60 50 33,3 40 30 20 6,1 10 0 <1 1à 2 >2 nombre de transfusion par année Figure 9: Répartition selon le nombre de transfusion VACCINATIONS Pourcentage 70 60 50 40 30 20 10 0 63,64 33,33 3,03 Vaccination non à jour Vaccination à jour Non précisé Figure 10 : Répartition selon le statut vaccinal L’Hydroxyurée a été prescrite chez 4 patients. Des cures de folates de durée différentes ont été prescrites chez 14 patients. 57 Résultats Nos patients avaient un suivi régulier chez 14 patients soit dans 42 ,4%. Sept patients 21,22 % n’ont eu aucun suivi, ils ne fréquentaient le service de Médecine A qu’au moment des hospitalisations. La majorité des patients (20 patients) ont eu une durée de suivi inférieure ou égale à trois ans. Dix-neuf patients n’ont pas été revu en consultation il y a au moins deux ans. La plus longue durée a été de suivi a été de 24 ans. (Figure 11) DUREE DU SUIVI (en année) 40 30 Pourcentage 20 10 0 1 2 3 4 5 8 9 14 24 Figure 11 : Répartition selon la durée du suivi L’étude de l’évolution des patients en fonction du sexe, de l’âge au diagnostic, du phénotype, du statut vaccinal, du taux initial de plaquettes, du taux initial de l’hémoglobine n’a pas montré de facteur influençant significativement sur le plan statistique la fréquence des complications ischémiques. Le tableau X résume quelques résultats obtenus (voir page suivante). 58 Résultats Tableau X: facteurs influençant les complications ischémiques Complications ischémiques Oui Sexe Non M Age médian diagnostic M F 9cas 6cas 10cas 8cas 60% 40% 55,6% 44,4% au Phénotype F P 5 ans 9 ans SS SC AS SS SC AS 7cas 1cas 1cas 7 cas 4 cas 1 cas 77,8% 11,1% 11,1% 3 cas >400000 8 cas 27,3% 72,7% 6 cas >8 6 cas 6 cas 50 % 50 % Non 0,554 Non 0,497 Non 0 ,387 Non 5 cas 0,4 Non 54,5 % 45,5% Taux d’Hg <8 1 58,4% 33,3% 8,3% Taux de plaquettes <400000 Significative 3 cas 27,3% 8 cas 72,7% L’étude de l’évolution des patients en fonction du sexe, de l’âge au diagnostic, du phénotype, du statut vaccinal, du taux initial de plaquettes, du taux initial de l’hémoglobine n’a pas montré de facteur influençant significativement sur le plan statistique la fréquence des complications infectieuses. Une différence significative a été par contre retrouvée dans la corrélation entre le phénotype et la fréquence des complications infectieuses.les chiffres obtenus sont résumés dans le tableau XI (voir page suivante). 59 Résultats Tableau XI : facteurs influençant les complications infectieuses Complications infectieuses Oui Sexe Age médian diagnostic Non M F M F 8cas 5cas 11cas 9cas 61,5% 38,5% 55% 45% au 5 ans Phénotype 9 ans SS SC AS SS 2cas 2cas 2cas 12cas 33,4% 33,3% 33,3% 80% SC AS 3cas 20% 2 cas 28,6 % >400000 5 cas 71 ,4% 7 cas 8 cas 4 cas 50% 5 cas >8 4 cas 50 % 10 cas 1 Non 0,382 Non 0,035 Oui 0,648 Non 0,657 Non 0% 46,7 % 53,3% Taux d’Hg <8 Significative 0 cas Taux de plaquettes <400000 P 33 ,3 % 66,7 % 60 Discussion DISCUSSION 61 Discussion Le nombre de 33 patients que compte notre série est certes nettement plus réduit par rapport aux effectifs des autres séries de la littérature notamment celles de l’Afrique subsaharienne. Ceci s’expliquerait en partie par les chiffres de prévalence de la drépanocytose dans le bassin méditerranéen dont le Maroc (1 à 2%) et qui restent très inférieurs aux autres régions du monde concernées par cette maladie [2] . Ce taux de 2% n’est tout de même pas du tout négligeable et il est donc à prendre en compte d’autant plus que plus de 90% de nos patients sont autochtones. Par ailleurs, il est important à noter que l’effectif de notre étude ne reflète pas ces chiffres de prévalence précités et pourrait donc témoigner plus d’un sous diagnostic que d’une réelle rareté de la pathologie dans notre pays. D’un autre côté, la drépanocytose est certes une maladie génétique qui, par définition, se déclarerait plus volontiers à l’enfance qu’à l’âge adulte. Il est important donc de mettre l’accent sur la fréquence des formes hétérozygotes qui peuvent rester longtemps asymptomatiques et ne se révéler que par des complications chez un adulte chez qui le diagnostic de drépanocytose n’est pas forcément évoqué comme première hypothèse diagnostique. Nous en citons notamment les manifestations extra-hématologiques qui ne sont que des séquelles du processus hémolytique et/ou vaso-occlusif comme la lithiase biliaire, la goutte, les atteintes tubulaires et les crises comitiales [66] . Dans notre série, le cas d’un patient hétérozygote AS ayant développé des complications tant infectieuses qu’hémolytiques sévères illustre bien ce constat. 62 Discussion Une sensibilisation des praticiens à reconnaître les signes cliniques même mineurs et les circonstances déclenchantes des crises est de ce fait plus qu’indispensable. Cette démarche permettrait de corriger le sous diagnostic et de prévenir le développement de complications chez l’adulte. L’origine génétique autosomique de la maladie laisse supposer qu’il n’existe pas de prédominance d’un sexe par rapport à un autre. Cependant, on note constamment dans les différentes séries de la littérature une prédominance d’un sexe par rapport à l’autre. Dans notre série, il y avait une prédominance masculine avec un pourcentage de 58 % et une sex-ratio de 1,36. Nos résultats rejoignent ceux de certaines séries africaines comme celle de TUO et al. [67] qui avaient trouvé une prédominance masculine et une sex-ratio de 1,23. En revanche, BERTRAND et al. [68] , dans leur étude portant sur 111cas, ont rapporté une prédominance féminine avec une sex-ratio de 0,7. Notons enfin que des différences importantes sont retrouvées dans des séries provenant du même pays. L’origine géographique et ethnique des patients ne peut pas être évoquée comme explication à ces différences. L’âge médian au diagnostic qui a été de 7 ans dans notre série se rapproche des résultats d’une autre étude marocaine publiée par LAHLOU [69] qui avaient trouvé un âge supérieur à 6 ans dans 61,5 % des cas. La littérature nous montre que la maladie drépanocytaire se répartit en deux groupes selon l’âge du début des manifestations : un groupe à début précoce se manifestant entre 6 et 18 mois [70] et un à révélation tardive après l’âge de 4-5ans dont les cas ne sont pas exceptionnelles comme ça a été le cas chez une grande partie de nos patients (57,1% début après 5 ans dans notre série ) [71] . Le diagnostic tardif peut 63 Discussion s’expliquer par le fait que la maladie est souvent décelée à la suite d’un accident aigu chez des patients avec des signes d’anémie déjà présents et souvent longtemps bien tolérée. Nous avons eu trois patients diagnostiqués à un âge se situant entre 26 et 30 ans. L’enquête familiale prend donc tout son intérêt dans ce contexte dans la mesure elle permet de diagnostiquer la drépanocytose au stade infraclinique. La consanguinité accroît le risque d’expression de la drépanocytose. Elle est de l’ordre de 24,2 % dans notre série. Ce chiffre se rapproche du taux de 26,1% retrouvé dans une étude Nigérienne de DAN et al [72] . Chez plus de la moitié de nos patients (54,4%), la notion de consanguinité n’avait pas été précisée, ce qui laisse supposer une certaine sous estimation des mariages consanguins dans notre série. En 2007, le taux de mariages consanguins a été estimé à 22 ,79% selon une étude anthropogénique marocaine [73] . Les régions de forte prévalence de la drépanocytose sont plutôt retrouvées en Afrique subsaharienne avec des taux moyen de 10% à 30 % [11] . Aux États- Unis, la fréquence du trait drépanocytaire chez les Afro-américains se situe entre 7 et 9% [11] . Dans des parties de l’est de l’Arabie saoudite et de l’Inde, la fréquence de l’hémoglobine S atteint les 20 %. Une vue globale de la répartition mondiale est représentée dans la Figure 12 à la page suivante. La répartition géographique de nos patients est bien en corrélation avec la répartition générale de la drépanocytose puisque nos deux patients étrangers provenaient de l’Afrique subsaharienne (la guinée et le Congo démocratique). 64 Discussion Figure 12 : Répartition géographique de la drépanocytose dans le monde [74] La répartition dans le monde de la drépanocytose se superpose facilement à celle du paludisme à Plasmodium falciparum comme la montre la figure 10.Des études statistiques sur la question ont permis les conclusions suivantes : - Les sujets homozygotes SS résistent au paludisme mais meurent de leur hémoglobinopathie. - Les sujets hétérozygotes quant à eux sont résistants au paludisme et présente une hémoglobinopathie asymptomatique ; cet avantage est essentiellement dû aux rapports entre le parasite et l’hématie. 65 Discussion La réplication du parasite est gênée par la falciformation et par la destruction prématurée des globules rouges infectés. Ainsi la pression de sélection due au paludisme a rendu le gène plus fréquent surtout dans les zones à forte transmission palustre [75] . Figure 13 : Distribution comparative du paludisme et de l’hémoglobinose S [76] Dans notre série, 53,3% des patients ont été hospitalisés à raison de 1 à 2 fois par année et 10% avaient plus de trois hospitalisations par année. Ces résultats sont proches de ceux de Le Turdu-Chicot et al, dans son étude en Guadeloupe, qui avaient 1,38 hospitalisations par année, de Brozovic et al en 66 Discussion Grande Bretagne (trois hospitalisations par patient), de Pollack et al aux ÉtatsUnis (deux hospitalisations par patient) et de Sergeant et al en Jamaïque avec 1,55 hospitalisations par patient et par an [77 - 80] . La nature des crises a été dominée par les crises vaso-occlusive à 53,4%. Dans son étude de 108 cas de patients âgés de plus de 20 ans à Dakar, Diop et al ont fait le même constat avec un taux de 50 % [81] . Bakary, quant à lui, avait trouvé des taux de 54,2 % de crises vaso-occlusives, 13,39 % de crises hémolytiques et 32,4 % de crises mixtes [82] . Tous ces chiffres concordent avec nos résultats. Par ailleurs, cette fréquence de la crise vaso-occlusive représente la cause majeure derrière l’altération de la qualité de vie voire le pronostic vital des patients. La grande fréquence des crises vaso-occlusives est de plus en plus établie comme indice de sévérité de la maladie. Dans une étude multicentrique américaine, Platt et al. [83] ont observé que les décès par infection sont rares chez l’adulte, contrairement à l’enfant. La majorité des patients adultes décédaient en effet dans un contexte de crise vaso-occlusive. Godeau et al ont observé des résultats similaires dans une étude multicentrique européenne ayant porté sur 61 décès et où 45% des décès étaient dans un contexte de crise vaso-occlusive [84] . Devant des crises répétées, il est indispensable de rechercher un facteur déclenchant qui devra être corrigé : traiter une acidose satellite d’une atteinte rénale, éliminer un foyer infectieux profond (dents, sinus, urines, vésicule…), rechercher des épisodes nocturnes de désaturation en oxygène en rapport avec une apnée du sommeil, insister de nouveau sur les règles hygiénodiététiques (éviter les variations thermiques brutales, l’exposition au froid ou au contraire la déshydratation…). Il peut être envisagé la mise en route d’un « traitement de fond » qui vise à prévenir la survenue d’accidents vaso-occlusifs graves. 67 Discussion Absente (il s’agit de la splénomégalie) chez 72,73% de nos patients, notre résultat concernant la splénomégalie est en accord avec ceux de la littérature qui montrent que celle-ci est l’apanage de l’enfant et qu’elle disparaît classiquement pour donner lieu à une atrophie splénique [15] . Il est important dans ce contexte de rappeler qu’une anémie aiguë associée à une augmentation brutale du volume de la rate peut traduire une séquestration aiguë splénique. Il s’agit d’un accident grave qui est une cause importante de décès chez l’enfant mais qui peut survenir chez l’adulte ayant gardé une rate fonctionnelle [84] . L’état général de nos patients était bon dans 72 % des cas ce qui traduit une bonne tolérance en intercritique. Les complications évolutives ont été retrouvées dans 75,8 % des cas, témoignant ainsi du fait que le profil clinique de la drépanocytose est dominé dans notre série par des complications dégénératives plutôt chroniques, classiquement décrites à l’âge adulte [85]. Tableau XII: Complications évolutives et comparaison avec d’autres séries Séries Notre Dakar Série [81] 33cas 108 cas Ulcère de jambe : 12,1% 4,6% Nécrose aseptique de la tête fémorale 9,1% 9,2% Infarctus splénique : 15,3% - Congo [86] [87] 63cas 80cas 7,9% 19 % 27,5 % - Priapisme : 3% 11,6% 3,17% Ophtalmologique : 3% 3,7% - 24,2 % 10,1 % 17,5% Lithiase biliaire Cote d’ivoire 68 Discussion Les complications ischémiques ont représenté 45,4% de toutes les complications sont détaillées en comparaison aux études Sénégalaise et Congolaise et Ivoirienne dans le tableau XII. L’infarctus splénique a occupé une grande place (15,3%). L’ulcère de jambe dans notre série (12,1%) est plus fréquent par rapport au chiffre de séries Sénégalaise (4,6 %) et Congolaise (7,9%). L’étude Ivoirienne avait rapporté des complications ischémiques dans 68,75% des cas dont une ostéonécroses de la tête fémorale dans 27,5% et une rétinopathie dans 11,25% des cas. La spécificité de cette étude sur les doubles hétérozygotes SC pourrait être mise en cause ici [87] . Les phénotypes de nos 3 patients (9,1%) ayant développé l’ostéonécrose n’étaient pas de phénotype SC mais plutôt SS dans deux cas et non précisé pour le troisième. Dans la littérature, il est clairement établi que l’ostéonécrose est deux fois plus fréquente chez les patients SC comme l’ont si bien montré plusieurs études dont celles de Homawoo et al, Mijiyawa et al et Tobossi et al. Cette fréquente était par ailleurs indépendante des autres facteurs de sévérité potentielle [88 -90]. Nos trois patients avaient des âges respectifs très différents (18, 22, et 43 ans) au moment du diagnostic. Ces chiffres nous interpellent sur la nécessité de rechercher systématiquement cette complication aux symptômes très peu spécifiques et donc source fréquente de retard diagnostique comme une simple douleur fessière ou de hanche. Il faut noter que la bilatéralité a été présente chez tous les patients témoignant de la sévérité de l’atteinte. L’atteinte oculaire noté seulement dans un seul cas chez nous pourrait être sous estimée vus les résultats des séries suscités. Un examen ophtalmologique pourrait bien aussi avoir sa place dans le 69 Discussion cadre du suivi d’un drépanocytaire en raison de la symptomatologie pas forcement patente. La lithiase biliaire a prédominé dans les complications liées à l’anémie en touchant 8 patients soit 24,2% avec une fréquence plus élevée que dans la littérature .Chez les huit patients, la lithiase a été diagnostiquée après l’âge de 16 ans dans le service de médecine interne et permettait de renseigner indirectement sur la longue durée du processus hémolytique chronique. L’autre complication assez fréquemment retrouvée en rapport avec l’anémie chronique était la dilatation du ventricule gauche retrouvée chez 4 patients. Les complications infectieuses retrouvées dans 39,4 % des cas étaient dominées par les infections osseuses comme ce fut le cas dans la série Ivoirienne (tableau XIII). La salmonellose était le germe en cause dans ce cas. Dans leur étude S.Diop et al ont retrouvés que les patients SS faisaient plus d’infections [91] bactérienne comme le témoigne les résultats significatifs p=0,035 obtenus dans l’étude analytique. La greffe osseuse est favorisée par les modifications de la structure osseuse consécutives aux épisodes de nécrose préexistants. Le Staphylocoque doré et les germes à Gram négatif sont également souvent en cause [92, 93] . Un cas d’hépatite virale a été retrouvé ce qui nous interpelle sur la prévention lors des techniques transfusionnelles. Un patient est passé à la chronicité dans l’ostéomyélite qu’il a faite ce qui est une évolution possible de l’ostéomyélite. Le risque élevé d’infections nosocomiales des patients, du fait de leurs fréquentes hospitalisations pour CVO et le recours habituel à l’hydratation par voie veineuse, favorisent les métastases septiques ostéoarticulaires qui peuvent survenir avec retard en particulier l’ostéomyélite. Ainsi une surveillance 70 Discussion prolongée est justifiée en cas de bactériémie pour ne pas méconnaitre une localisation septique. Tableau XIII: Comparaison des complications infectieuses avec une série Africaine Série Notre série Cote d’ivoire [87] Infections osseuses 9,1 % 30% Salmonelloses 6,1 % 3,7% Infections urinaire 12,1% 1,25% Sur le plan biologique, le taux d’hémoglobine de base a oscillé entre 6,5g/dl et 13g/dl, avec une moyenne à 9,02 g/dl. Dans deux études Sénégalaise et burkinabée, les taux moyens respectifs étaient de 8,3g/dl et de 7,8 g/dl [81, 93]. Il faut noter que ces deux études ne s’intéressaient qu’aux homozygotes, ce qui concorde donc avec nos données concernant nos patients homozygotes dont le taux moyen d’hémoglobine était de 8,5 g/dl. Une hyperplaquettose a été notée fréquemment dans notre série contrairement aux séries de la littérature reflétant très probablement l’état d’asplénie fonctionnelle classiquement rencontrée chez les patients adultes (TableauXIV à la page suivante). 71 Discussion Tableau XIV : Hémogramme chez le patient homozygote comparaison avec d’autres séries Série Notre série Burkina [94] Hg (g /dl) 8,53 Plaquettes 103 /l) 475 Sénégal [81] 7,8 8,3 331,5 345,3 La prévalence des phénotypes SS prédomine a été aussi noté dans notre étude c’est le dans les autres séries comme le montre le tableau XV. Nous avons les taux les plus bas avec le plus bas avec 42,4%. La différence observée avec la série marocaine peut s’expliquer par les 12 patients chez qui le phénotype n’a pas été précisé. Tableau XV: Répartition des phénotypes et comparaison avec d’autres séries Série SS France [95] SC 78,8 % 15,8 % Guyane [95] 58,2 % 20,9 % Algérie [95] 62,8 % 8% Sénégal [96] 95 % 4% [69] 64,1 % 12,9% Notre série 42,4 % 15,1 % Maroc Les mesures préventives des infections représentent un volet essentiel si ce n’est le plus important dans la prise en charge d’un patient drépanocytaire. Ainsi, les vaccinations anti-pneumococcique et anti-haemophilus sont 72 Discussion obligatoires et doivent être constamment vérifiées vu l’état d’asplénie qui se développe et s’aggrave avec le temps. Dans notre série, Seuls 24,2 % de nos patients étaient à jour de leurs vaccins. Il s’agit d’un constat qui a été fait également dans les autres séries africaines à l’image des deux séries ivoiriennes qui figurent dans le tableau XVI à la page suivante. Nous avons par ailleurs constaté que tous nos patients avaient eu leurs prescriptions mais seuls 11 avaient acheté le vaccin. Le problème serait donc lié en grande partie aux difficultés socio-économiques et peut être aussi à un manque possible de conscience des patients quant à la nécessité d’une bonne observance. Ce manque est d’ailleurs reflété aussi par le pourcentage des patients suivis régulièrement en consultation qui n’est que de 42%. Il est donc tout à fait utile d’essayer d’améliorer cet aspect en rappelant aux malades qu’en matière de drépanocytose, la vaccination et le suivi régulier ne sont pas un choix mais une nécessité absolue. Dans notre série, la présence significativement plus fréquente de complications infectieuses chez les phénotypes SS est souligne bien l’intérêt de la vaccination dans la prévention [91] . Tableau XVI : Comparaison de statut vaccinal à d’autres séries Les séries Vaccination à jour (pourcentage) Ivoirienne [82] 55,72 % Ivoirienne [67] 48,37 % Notre série 33 ,33% 73 Discussion La fréquence et la sévérité intolérables des crises étaient à l’origine de la mise en route d’un traitement de fond par l’hydroxyurée chez 4 patients. Il s’agit de la seule molécule ayant prouvé son efficacité à diminuer la fréquence des crises douloureuses, des syndromes thoraciques aigus et des besoins transfusionnels chez les patients drépanocytaires atteints d’une forme sévère. Il existe toutefois une grande variabilité de la réponse au traitement, les enfants répondant en règle mieux que les adultes. La tolérance à court et à moyen terme est bonne. Une incertitude subsiste sur la fertilité ultérieure des garçons traités jeunes et longtemps. L’hydroxyurée vient d’obtenir une autorisation de mise sur le marché en Europe dans la drépanocytose sévère [97] . L’étude «Multicenter Study of Hydroxyurea (MSH)» [98] a montré à travers une comparaison versus placebo l’efficacité de l’hydroxyurée chez les patients drépanocytaires adultes souffrant d’une forme sévère (au moins trois crises douloureuses par an). Dans ce travail, le groupe des patients recevant l’hydroxyurée a eu significativement moins de crises douloureuses (2,5 versus 4,5 crises par an, p < 0,001), moins de syndrome thoracique aigus (25 versus 51, p < 0,001) et moins de besoins transfusionnels sur la durée de l’étude (48 versus 73, p = 0,001). D’autres approches dans le domaine de la génothérapie sont en étude avec pour axes : l’activation de gènes de compensation comme l’activation des gènes γ de l’HbF 74 Discussion la correction d’un gène muté par ciblage, réparation ou recombinaison entre une séquence correctrice d’acide aminé et la région altérée d’un gène, en l’occurrence celle du 6éme cordon du gène β de la globine l’addition d’un gène de globine « anti drépanocytaire » dans le patrimoine génétique des cellules souches hématopoïétiques, dont l’expression doit survenir uniquement dans les érythroblastes, à un niveau élevé. Les thérapies par le monoxyde d’azote, inhibiteurs de globules rouges à l’endothélium sont aussi en cours d’essai l’adhésion des [99] . L’objectif principal, celui de la guérison génétique après ou, si possible, avant l’apparition des symptômes est maintenant nettement visible, au bout d’un tunnel long d’un demi- siècle de progrès dans la compréhension de la maladie, la prise en charge des patients et des thérapeutiques non spécifiques. 75 Conclusion CONCLUSION 76 Conclusion Notre étude nous permet de tirer les conclusions suivantes : La répartition géographique de nos patients (93% autochtones) nous montre bien que drépanocytose est une affection qui concerne le patient marocain. L’adulte drépanocytaire est sujet à des complications tant infectieuses, ischémiques que des complications en rapport avec l’anémie chronique. L’ostéonécrose de la tête fémorale rend compte de l’importance de sa recherche systématique chez tout patient au delà de 15ans par un bon interrogatoire lors des consultations et une sensibilisation des patients sur les examens radiologiques réguliers. La lithiase biliaire constituait 24% des complications dans notre série et apparaît aussi comme un élément devant faire l’objet de dépistage régulier dans le suivi d’une drépanocytose. L’étude analytique nous a confirmé la différence significative attendue concernant l’influence du phénotype sur la fréquence des complications infectieuses. Enfin, le dernier point essentiel est sans doute la nécessité d’améliorer le suivi et la sensibilisation des patients quant à l’importance capitale de la vaccination régulière. 77 Résumés RESUMES 78 Bibliographie-webographie RESUME La drépanocytose est la maladie génétique la plus répandue dans le monde. Il s’agit d’une hémoglobinopathie qualitative due à la substitution du 6ème acide aminé de la chaine β l’acide glutamique par la valine. Le Maroc est concerné avec une prévalence de 1à 2%. Notre travail a eu pour objectif, après une revue de la littérature, de mettre en évidence les caractéristiques de l’adulte drépanocytaire par une étude rétrospective descriptive et analytique chez 33 patients colligés au service de médecine interne du CHU Ibn Sina. Les phénotypes obtenus étaient SS dans 42,4 %, SC dans 15,1% et AS dans 6,1% des cas. Les crises vaso-occlusives étaient le motif le plus fréquent des hospitalisations (53 ,4%). Les complications chroniques ayant marqué l’évolution chez nos patients étaient par ordre de fréquence décroissante la lithiase biliaire, l’ulcère de jambe et l’ostéonécrose. Seuls un tiers des patients avaient une vaccination à jour. Le phénotype SS était corrélé à une fréquence plus élevée des complications infectieuses. Ces différents résultats rendent compte de la gravité de la maladie et à fortiori de la nécessité d’une prise en charge adéquate portant sur deux volets essentiels à savoir, la gestion préventive , curative ,rapide et efficace des crises et la mise en place d’un traitement de fond par hydroxyurée chez tout patient avec une atteinte sévère incompatible avec une qualité de vie acceptable. 79 Bibliographie-webographie ABSTRACT The sickle cell disease is the genetic disease the most wide-spread in the world. It is a qualitative hemoglobinopathy due to the replacement of the 6th amino acid of the ß chain, the glutamic acid by the valine. It concerned Morocco with a prevalence of 1à 2 %. Our work had for objective, after a revision of the literature, to bring to light the characteristics of the adult patients affected with sickle cell anemia by a descriptive, retrospective and analytical study of about 33 patients brought together from the service of internal medicine of the teaching hospital Ibn Sina(CHU). The phenotypes obtained were SS in 42, 4 %, SC in 15, 1 % and AS in 6, 1 % of the cases. The acute vaso-occlusive crisis was the most frequent motive for the hospitalizations (53, 4%). The chronic complications which marked the evolution of our patients were, in descending order of frequency the biliary calculi, the ulcer of leg and the osteonecrosis .Only one- third of the patients had a vaccination up to date. The phenotype SS was correlated with a higher frequency of the infectious complications. These various results report the gravity of the disease and deem it necessary of an adequate care concerning two essential points namely, the fast and effective preventive and curative management of the vaso-occlusive crisis and the implementation of a thorough treatment by hydroxyurea to every patient with a severe form of the disease and to whom an acceptable quality of life is impossible. 80 Bibliographie-webographie % % AS % SC % SS % SS 81 Bibliographie-webographie BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIE 82 Bibliographie-webographie [1] Bennett, Plum, Gill, Kokko, Mandell, Ockner, Smith . Drépanocytose et hémoglobinopathies associées : Traité de médecine interne Edition1997 ; p. 882 [2] Rapport de Organisation Mondiale de la Santé. Cinquante-neuvième assemblée mondiale de la santé A59/9 point 11.4 de l’ordre du jour provisoire 24 avril 2006 [3] Marc Gentilini, Bernard Dufflo. Anémie Tropicale. 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Même sous la menace, je n'userai pas de mes connaissances médicales d'une façon contraire aux lois de l'humanité. Je m'y engage librement et sur mon honneur. 2008 145 – – –