Indiens d’Amérique sont « colériques, rouges de peau, francs,
enthousiastes et combatifs » ; les Africains « flegmatiques, noirs de peau,
lents, détendus et négligents » ; les Asiatiques « mélancoliques, jaunes de
peau, inflexibles, sévères et avaricieux » ; les Européens « sanguins et
pâles, musclés, rapides, astucieux et inventifs ». La catégorie des hommes
« monstrueux » regroupe quant à elle les « nains des Alpes », les « géants
de Patagonie » et, plus improbable encore, les « Hottentots monorchistes
» – autrement dit, des créatures du sud de la Namibie qui ne seraient
dotées que d’un seul testicule !
À partir du dernier quart du xviiie siècle, les naturalistes européens
sont pris d’une véritable frénésie de mesure. Il
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(5) Dans son Amoenitates academicae (1763), Linné ajoute à sa liste un curieux
Homo anthropomorpha, sorte de créature mythologique, qui prendrait la forme
du troglodyte, du satyre, de l’hydre et du phoenix.
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faut clarifier, hiérarchiser, évaluer en détail les « types raciaux ». On
multiplie les enquêtes anthropométriques. Mettant en avant
l’observation des crânes et des cerveaux, le traité d’anatomie comparée
des Blancs et des Noirs du médecin et anatomiste Samuel Thomas
Sömmering (1755-1830) fait sensation.
En 1859, paraît De l’Origine des espèces au moyen de la sélection
naturelle , du naturaliste anglais Charles Darwin (1809-1882). Presque
immédiatement, les biologistes Herbert Spencer et Ernst Haeckel
utilisent en toile de fond la théorie de l’évolution pour construire des
arbres phylogénétiques des « différentes espèces humaines ». À celles de
« Noir », « Blanc », « rouge » et « jaune » sont peu à peu substituées les
races « caucasienne », « mongole », « nègre » et « américaine » ; puis, à
mesure que les classifications s’affinent et que les yeux se décillent, on
se met à distinguer les variétés « américaine » et « malaise » ; les « Blancs
méditerranéens » des « Blancs européens » ; l’ « Allemand » du « Français
», etc. Mais n’anticipons pas…
Les fondements idéologiques du racialisme
Nous sommes à la fin du xixe siècle. En France, Paul Broca règne en
maître sur l’École anthropologique de Paris, qu’il a fondée en 1876.
Parmi les cours proposés figurent en bonne place « l’anthropologie
anatomique », « l’anthropologie biologique » et « l’ethnologie », définie