Les passerelles entre les dramaturgies pour le théâtre et pour la

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Les passerelles entre les dramaturgies pour le théâtre et pour la
radio : transcription d’un débat important
Lundi 11 avril dernier, les Écrivains associés du théâtre (eat) organisaient, en
partenariat avec la SACD où se déroulait la rencontre, une table ronde autour des
passerelles existant entre les dramaturgies théâtrales et radiophoniques. Modéré
par Dominique Paquet et entrecoupé d’extraits choisis par les intervenants euxmêmes, le débat a abordé de nombreuses questions : l’écriture radiophonique
nécessite-t-elle une adaptation spécifique ? Est-elle plus proche du théâtre ou du
cinéma ? Qu’en est-il du cadre et des contraintes formelles ? Quelle place pour
l’auteur ? Profession Spectacle y était pour assurer une retranscription* à tous
ceux qui ne pouvaient être présents.
Intervenants :
Christophe BARREYRE, producteur de l’émission Affaires sensibles, France Inter.
Sophie-Aude PICON, réalisatrice, auteur et actrice.
Benjamin ABITAN, réalisateur, auteur, acteur et chargé de cours à Paris 8.
Jean-Pierre THIERCELIN, dramaturge.
Sabine REVILLET, dramaturge.
Rencontre modérée par Dominique PAQUET – secrétaire des eat.
Introduction de Dominique Paquet
La radio s’est beaucoup inspirée du théâtre : la première fiction, qui date de 1923, raconte
le naufrage d’un bateau, avec une grande modernité, à la fois textuelle et dans
l’interprétation des acteurs, sans emphase, avec un réalisme de jeu extraordinaire. Dans les
grandes périodes de la radio, autour des années 80, il y eut de nombreuses fictions
enregistrées. Je me souviens par exemple que, pour La guerre des sabotiers, il y avait pas
moins de 80 acteurs, avec quatre points d’enregistrement. La radio pouvait s’inspirer du
théâtre ; du moins y avait-il une très nette théâtralisation. Il s’agit donc ce soir d’avoir un
regard sur ces passerelles, sur ces différences et ressemblances entre théâtre et radio.
Sabine Revillet
Je ne suis pas spécialisée dans ce domaine, même si l’une de mes pièces a été enregistrée à
la radio. Il me semble qu’il y a trois étapes : au départ, les pièces étaient enregistrées sur le
vif et diffusées à la radio ; il y eut ensuite le temps des adaptations : les auteurs adaptaient
leur pièce pour les besoins de la radio ; enfin, il y eut l’émergence d’une écriture spécifique
pour la radio. Pour ma part, je ne sais pas comment écrire spécifiquement pour la radio. Ma
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radio : transcription d’un débat important
pièce Les gens que j’aime, diffusée à France Culture, n’a pas été pensée pour la radio.
Nous sommes dans une société fragmentée : nous sommes traversés par de multiples voix,
nous avons de multiples écrans… Cette dimension se ressent dans les pièces. J’ai la
sensation que ce l’on écrit pour le théâtre ne s’adapte plus directement, il faut encore le
transposer pour la radio. Dans les pièces que j’écris, il y a souvent des voix sans corps. C’est
l’évolution du théâtre : il n’y a plus de personnages comme avant, on va vers de
l’immatériel. Samuel Beckett a écrit pour la radio et le cinéma ; au fur et à mesure, son
écriture s’est transformée, jusqu’à écrire pour des personnages sans visages, pour des voix
sans corps.
Jean-Pierre Thiercelin
La radio est un creuset de recherche, de la même manière que le théâtre. Ce sont deux arts
différents, mais pas si éloignés. Il y a 1001 possibilités d’écrire pour la radio, 1001
dramaturgies… Ce qui est intéressant, c’est que de la même manière que pour l’écriture
théâtrale, il y a toujours eu cette recherche : la radio est un laboratoire qui va des émissions
très populaires aux écritures plus complexes. J’écris aujourd’hui pour la radio : pour France
Inter, c’est un format très cadré, qui rejoint le phénomène de la commande. J’ai travaillé
pour « Nuits noires », « Nuits blanches », « Au fil de l’histoire » et « Affaires sensibles »… À
chaque fois, il y a un format précis.
Personnellement, je ne me dis pas : « j’écris pour la radio », même si je le sais bien. Car
l’écriture n’est pas spécifique parce qu’elle est pour la radio ; au niveau de la dramaturgie,
ce sont les mêmes conditions, les mêmes impératifs. Il s’agit toujours de créer des
personnages, d’avoir des situations, des affrontements, que ce soit lisible, que ce soit
véritablement une œuvre de théâtre, et plus précisément de radio. La différence est qu’on
travaille essentiellement sur le son, sur la voix. On évoque souvent les bruitages, le
narrateur, de l’illustration sonore… Je dirais qu’à la limite, dans l’écriture, on ne se pose pas
cette question vraiment ; cela devient une évidence dans l’écriture même. La seule chose
que l’on sait, c’est qu’on ne s’engueulera avec le metteur en scène, le scénographe… C’est
l’auditeur qui choisit son éclairage, sa scénographie, qui est la plus belle du monde parce
qu’il se la fait en écoutant la fiction.
Benjamin Abitan
Pour ma part, j’ai l’impression que l’écriture n’est pas la même entre le théâtre et la radio.
Le théâtre a réussi à prendre une autonomie, ou avait déjà une autonomie par rapport au
cinéma que la radio a du mal à prendre. On conçoit souvent l’émission radio comme une
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version sans image de l’écriture pour le cinéma : on appelle parfois les pièces
radiophoniques « scénarios ». Cela tient à la manière dont on les réalise, c’est-à-dire à la
manière dont sont construites les productions. Je pense que si l’on produisait autrement, on
envisagerait l’écriture autrement. J’écoutais par exemple des trucs du Belge Sebastian
Dicenaire, qui ne travaille pas du tout comme nous : du fait qu’il n’a pas les mêmes
impératifs de calendrier de production, cela donne des textes complètement différents, dans
lesquels les questions d’espace et de temps n’ont rien à voir avec le cinéma. On peut être
dans plusieurs lieux simultanément ; on peut être dans la tête du personnage ou à
l’extérieur. Il peut y avoir des personnages sans corps ou même avec, mais pas de la même
manière qu’au théâtre.
On a souvent l’impression de devoir se limiter à des successions de séquences intérieur-jour
et extérieur-nuit, alors que nous avons en réalité beaucoup de possibilités, autant qu’au
théâtre. À la radio, on a du mal à coloniser tout cet espace là. Quand ont été enregistrées les
premières fictions, tout le monde croyait que c’était pour de vrai ; il y avait un effet de réel.
Dans l’écriture radiophonique, peut-être même qu’on a régressé par rapport à une époque
durant laquelle on pouvait l’envisager, à la manière du théâtre, comme un champ de
possibles, sans limitation, sans borne. Cela tient pour moi au mode de production, au temps
que l’on passe à écrire, à l’ordre dans lequel on fait les choses – écrire, produire, enregistrer
–, la place de l’improvisation ou pas, le travail avec les comédiens… Au théâtre, l’écriture
dramaturgique ne veut parfois plus dire grand chose : on ne sait plus qui écrit ; certaines
créations sont collectives, avec 12 personnes qui écrivent en même temps ; certaines parties
sont improvisées, d’autres non. Tout cela nourrit l’écriture théâtrale. À la radio, cela reste
encore difficile. Ce doit être possible, mais ça demande d’inventer des façons d’écrire qui
soient aussi des façons d’envisager l’art radiophonique en soi, avec sa spécificité, avec ce
qu’il est le seul à pouvoir faire.
Sophie-Aude Picon
Je suis complètement d’accord avec ce que vient de dire Benjamin. On manque un peu
d’imagination pour les écritures radiophoniques. Effectivement, c’est beaucoup plus proche
de l’écriture scénaristique que de l’écriture théâtrale. Il existe des textes dans lesquels nous
trouvons une espèce d’ubiquité, un personnage à l’intérieur de la tête duquel on est, avec
l’écriture de monologue intérieur, tout en étant dans un espace et pouvant passer d’un
espace à l’autre, par le travail des ellipses temporelles. Tout cela est formidable : on peut
faire très facilement à la radio, alors que c’est plus délicat au théâtre. J’ai toutefois
l’impression qu’on ne nous provoque pas accès au niveau de la réalisation, pour trouver des
solutions. Nous sommes prêts à imaginer, mais parfois nous en rajoutons un peu par rapport
aux textes qui nous sont proposés, parce que nous voulons tenter des choses… Nous venons
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d’arriver dans le métier, si bien que nous avons envie de tester, de découvrir, de travailler
avec nos équipes techniques qui sont parfois dans une petite routine, ce qui accentue notre
désir d’exploration.
Mon conseil aux auteurs : écrivez, inventez, imaginez, même l’impossible. C’est aussi
comme cela que le théâtre a bougé. Pensez à ce qui n’est pas possible et dites-vous que
peut-être cela l’est ; on verra alors ce qui se passera. C’est un vrai projet que de faire
bouger l’écriture radiophonique qui est encore trop semblable à elle du scénario.
Christophe Barreyre
Je ne suis ni réalisateur, ni metteur en scène, ni acteur ; je parle donc en tant que
producteur. Il faut aussi voir le côté pratique. Que ce soit la télévision, le cinéma, le théâtre
ou la radio, il faut déjà savoir dans quel espace cela va être joué et quel public nous voulons
toucher. Je suis d’entrée pragmatique ; nous sommes quand même obligés d’y penser. C’est
vrai que pour l’émission dont je m’occupe, « Affaires sensibles », qui est une case
particulière d’une chaîne particulière, nous sommes liés à une façon de faire. Est-ce que
dans cette manière de faire, il n’y a pas des possibilités différentes d’inventer, de casser, de
bouger ? Oui, certes, c’est évident. C’est vrai en réalisation comme en production. Mais on
est limité : dans un studio d’enregistrement, c’est le temps qui compte premièrement, à la
différence du théâtre qui englobe l’espace. À la radio, nous sommes dans un temps très
court ; il faut donc aller à l’essentiel. Mais l’essentiel ne doit pas utile, parce que l’utile peut
devenir très ennuyeux à terme.
La radio est formidable parce que l’espace qu’elle ouvre aux auditeurs est immense, de la
même manière que le cinéma et le théâtre. Je pense qu’en radio aujourd’hui, il y a une chose
importante, c’est le mouvement. Les acteurs qui viennent jouer n’apprennent pas par cœur
leur texte, donc ils bougent, avec leur rôle dans la main. J’aimerais beaucoup que les
acteurs se regardent davantage, voire se touchent davantage. On le fait déjà un peu dans
« Affaires sensibles ». C’est compliqué, parce qu’on n’a pas beaucoup de temps, parce que
cela demande un travail du micro… L’enjeu est de créer une dynamique.
Autre chose, et là je m’adresse aux scénaristes : on s’adresse à des gens en 2016 ; les gens
qui écoutent ont une oreille de 2016. Avant la fiction, ils ont écouté des tonnes de truc : de
la musique, des vidéos sur internet, etc. Ils ont cette oreille d’aujourd’hui. Donc si tout à
coup on leur balance autre chose, alors le temps qu’ils vont mettre à s’adapter sera trop
long ; ils n’iront pas jusqu’au bout de la fiction, on aura raté notre effet et notre effort. Il
faut parler d’aujourd’hui, ce qui n’est pas si difficile, comme le prouve le cinéma ; en radio,
ce devrait être également possible.
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L’écoute de la radio n’est d’ailleurs plus la même : nos auditeurs doivent comprendre vite et
bien où il est, car ils peuvent être en voiture, chez eux, etc. Il faut penser à cela. Il est
intéressant de constater qu’en podcasts, on n’écoute pas la même chose et de la même
manière. Les études sur le podcast sont intéressantes car nous savons non seulement
combien de gens écoutent, mais encore qui écoutent : depuis 4-5 moi, nous connaissons une
forte progression d’écoute des 20-27 ans. C’est tout de même intéressant de savoir cela :
quand on parle avec ces jeunes, on s’aperçoit qu’ils écoutent parce qu’ils commencent à
reconnaître des éléments qui, chez eux, ont un son qui les touche. C’est l’actualité du
langage, c’est la façon dont c’est mise en scène, enregistré, mixé…
Finissons par une comparaison sur la question du très contemporain. Au théâtre, le très
contemporain est-il traité par des tics ? Et si on n’opte pas pour la ressemblance, comment
s’y prend-on pour faire comprendre qu’il s’agit de la même personne ? Dernièrement a été
joué à La Colline Bettencourt Boulevard. Il n’y a pas plus actuel que cette affaire, et il est
important de questionner un fait d’actualité au théâtre : la question de la mise en scène est
alors centrale. À la télé, on est de plus en plus sur les séries politiques : Baron noir. Ce ne
sont pas des personnages existants, mais cela rappelle des personnages existants ; ce n’est
plus directement une copie de quelqu’un, mais on laisse un espace qui fait penser à
quelqu’un… En radio, la question se pose aussi. Si nous avions un jour envie, sur France
Inter, de traiter des fictions politiques, ce serait passionnant : on interroge le réel,
l’aujourd’hui de l’histoire. Est-ce qu’on le fait plus proche de Bettencourt – avec des
personnages réels dans une affaire réelle – ou du Baron noir, autour de personnages réels
mais qui sont inventés ? C’est une vraie question ; j’ignore quelle méthode marcherait le
mieux en radio. C’est pourquoi il nous appartient d’inventer, de trouver notre propre
langage. Cet exemple permet de montrer qu’entre chaque endroit, théâtre, radio, cinéma,
etc., il y a des questions à se poser : les espaces et les moyens financiers sont différents. Il
ne faut pas oublier qu’en radio, on travaille avec rien… et je trouve qu’on fait vraiment de la
qualité.
DU LIEN ENTRE LE TEXTE ET LA RÉALISATION RADIOPHONIQUE
Jean-Pierre Thiercelin
Ce qui est intéressant dans « Affaire sensibles », dans le fait de travailler avec Christophe
Barreyre et Pascal Deux, c’est le travail d’échanges : le producteur a presque un rôle
d’éditeur. L’enjeu est de prendre un moment clef. Il n’y a plus, comme avant, de narrateur
entre deux séquences. Nous essayons d’éviter l’amas d’informations. Le travail de l’auteur
en amont consiste en une recherche, une imprégnation de la personnalité ou de l’événement
traité pour en faire un travail de pure fiction et non une énumération de faits, comme une
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Les passerelles entre les dramaturgies pour le théâtre et pour la
radio : transcription d’un débat important
chronique historique.
Sophie-Aude Picon
On parle beaucoup de contraintes, mais on peut être plus clair. Les fictions de France Inter
durent 20mn, enregistrées en 4h, montées en 6h… Autant dire qu’on n’a pas le droit à
l’erreur ! Benjamin et moi travaillons aussi sur France Culture : nous avons d’autres
formats, avec des moyens différents.
Benjamin Abitan
Pour « Affaires sensibles », les contraintes sont assez tendues. Or ce qui m’intéresse, c’est
quand la fiction attaque le cadre. Nous sommes notamment allés tourner en extérieur…
Tout ce qui contribue à mettre le cadre en crise, en déséquilibre, peut nourrir, aérer,
vitaliser ces espaces très restreints ; cela crée des plis. Pour les auteurs, il s’agit d’une
occasion de jouer avec ces cadres. Tout dépend donc des conditions : celles de France Inter
ne sont pas celles de France Culture ou de la RTBF.
Sabine Revillet
Il me faut tout arrêter pour écouter un texte, car cela demande un effort. Je ne peux pas
faire autre chose à côté. C’est la voix qui accroche. L’acteur qui transmet l’émotion est la
personne première ; à elle de mettre du corps dans cette voix. On le sent quand on entend
des comédiens porter un texte ; on sent ceux qui s’arrêtent à la voix et ceux qui utilisent
leur corps dans cette voix. Au théâtre, nous avons tout de suite le débordement de l’acteur…
Comment faire pour reproduire la séduction avec le public à la radio ? Tout l’enjeu est là.
Benjamin Abitan
Je reçois souvent des pièces dont on me dit : « Tiens, cela ferait une bonne adaptation
radiophonique » ou « Tout le monde me dit que… ». Assez souvent, à la lecture, je
m’aperçois qu’une pièce ne ferait pas une bonne adaptation radiophonique. Car la plupart
du temps, les textes reçus ont besoin du corps ; ils sont écrits pour les planches. La
corporéité des personnages ne doit pas être celle des acteurs sur scène. L’écriture
radiophonique doit avoir une action directe sur l’auditeur. Dans une scène théâtrale plus
classique, on est dedans ou dehors.
Sophie-Aude Picon
Une question qui m’habite est celle de l’écriture dramaturgique, et plus particulièrement de
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radio : transcription d’un débat important
l’ellipse, question que je n’ai toujours pas résolue. J’ai beaucoup travaillé sur le climat,
l’ambiance… Quel est finalement le signe suffisant pour que les auditeurs soient
immédiatement quelque part ? Quel signe permet à l’imaginaire de nous transporter dans
un ailleurs ? Un son suffit souvent pour remplacer la didascalie : cela évite les voix off à
répétition.
Benjamin Abitan
J’aimerais réaliser des dramaturgies théâtrales avec des auteurs sur le long terme, afin
d’expérimenter des développements sur la durée. On peut soit considérer que le texte fait
loi ou que le texte est un matériau faisant partie d’un ensemble qui invente ses propres lois,
que la dramaturgie investit. À la radio, souvent, on est dans ce paradigme du texte-roi et la
question ne se pose pas de les casser. C’est pourquoi j’ai écrit mes propres textes : je peux
les casser si je le souhaite, pour les besoins de la réalisation. Avant, on voulait faire entrer le
texte dans le média, qui n’était qu’un moyen. Aujourd’hui, le média lui-même devient partie
prenante.
Christophe Barreyre
Je pense qu’il vaut mieux appeler cela scénario que texte, car le texte est une étape du
travail créatif. Le texte n’est pas sacré, il ne peut plus l’être aussi. Le texte est un matériau,
sinon il est effectivement roi.
LA PLACE DU SILENCE À LA RADIO
Intervention d’Elie Presssmann, écrivain et scénariste
Au théâtre, le silence est magnifique, puisque les décors respirent. Quand on parle de
« silence radio », cela fait peur… Ce doit être intéressant à creuser.
Sophie-Aude Picon
Cette question m’intéresse beaucoup, mais le silence n’est pas facile à mettre en œuvre,
parce qu’à la radio, il n’y a pas les corps ni les images. Ce qui est intéressant à travailler,
c’est le rythme : si on accélère et qu’on déréalise les tons, cela provoque une sorte de
silence.
Christophe Barreyre
Le silence est une rupture du lien avec l’auditeur, et même une rupture très violente. Au
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théâtre, c’est comme si une seconde scène arrive. Cela me fait penser à La Mort de Danton,
dans la mise en scène de Georges Lavaudant à l’Odéon : Danton monte à l’échafaud et les
portes de l’Odéon s’ouvrent. Un silence surgit, un espace s’ouvre.
Sophie-Aude Picon
Cela me fait également penser à Anatoli Vassiliev à la Comédie-Française : il n’avait laissé
qu’une personne sur le plateau, personne immobile et muette, en attente, pendant 7-8mn.
Le public a commencé à hurler et à crier au scandale. C’était une rupture du pacte scènesalle. Il a ainsi créé une irruption du temps réel sur le temps fiction.
DIRECTION D’ACTEURS & TRAVAIL D’ÉQUIPE
Sophie-Aude Picon
La principale difficulté que j’ai rencontrée avec les acteurs, c’est l’urgence : il faut que cela
aille vite. Nous n’avons pas cinq prises pour parvenir à nos fins. Parfois, cela ne marche pas,
donc il faut s’adapter. Cela nous demande d’être assez inventifs et d’avoir de la souplesse.
Christophe Barreyre
Je suis arrivé tout récemment à la fiction radiophonique. Mon premier étonnement a été de
constater le manque de travail d’équipe. Nous avons une succession de pièces étanches ;
elles me paraissent négatives. Je reconnais que pour le réalisateur, c’est très frustrant.
Intervention de Louise Doutreligne, vice-présidente de la SACD
Au sein des radios, il y a souvent un conseiller littéraire, par exemple à France Culture, si
bien qu’on ne rencontre pas souvent le réalisateur. Ce n’est pas productif, ni vivant. Ces
étapes sont linéaires. Il n’y a pas de bouillonnement.
Sophie-Aude Picon et Benjamin Abitan
Nous sommes ouverts à la rencontre avec les écrivains. N’hésitez pas à nous écrire
directement ; dans la mesure où le temps nous le permet, nous serons heureux d’échanger
sur les projets en cours.
Christophe Barreyre
Des auteurs de théâtre peuvent me proposer des projets ; il n’y a pas de censure de
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Les passerelles entre les dramaturgies pour le théâtre et pour la
radio : transcription d’un débat important
sujets. Mais France Inter est une chaîne particulière, qui n’a que deux cases de fiction ;
elles ne peuvent pas se développer comme à France Culture, qui est plus un labo.
Propos recueillis par Pierre MONASTIER
* La retranscription consiste en une série de notes prises sur le vif, ce qui a pour
conséquences le maintien d’une certaine forme orale et le caractère partiel des informations
recueillies. Nous pensons néanmoins cette synthèse suffisamment riche pour intéresser
notre lectorat.
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