Le Vademecum philosophique.com La réalité II
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Les substances ne se déduisent pas logiquement mais se découvrent comme autant de
faits - il y a des substrats absolus éprouvés directement comme tels, dit Husserl. Tels étaient
les corps individuels d'Aristote. Entre elles, les substances premières ne sont pas plus
substance l'une que l'autre, souligne Aristote. Une substance n'a pas de contraire.
Au-delà, des "substances secondes" contiennent les substances premières : ce sont les
espèces (l'homme individuel->l'Homme) et les genres, qui contiennent eux-mêmes les espèces
(Homme->Animal). Mais seules les substances premières, individuelles, existent, précise
Aristote. De sorte que l'espèce est plus substance que le genre, car elle rend davantage compte
de la substance individuelle.
La substance première varie néanmoins selon les textes d’Aristote : l'individu, la pure
forme, la pure matière, Dieu. Sans doute est-ce parce que si la substance est l'individu
particulier en tant que sujet, l'indépendance des substrats absolus a des limites. Aucun corps
n'est isolé en soi et "l'expérience sensible universelle" qui les englobe tous, écrit Husserl,
possède une unité d'un ordre plus élevé. Le monde a pour étant la totalité de la nature. Son
explication se déploie dans une possibilité infinie de progresser de substrats finis à d'autres. Si
l'expérience de la totalité de la nature est donc fondée dans l'expérience chronologiquement
première des corps singuliers, seul le monde est véritablement substrat, c'est-à-dire
absolument indépendant (Expérience et jugement, § 29).
Au total, Aristote invite à distinguer deux sens logiques de l'être : comme essence,
c'est-à-dire principe d'intelligibilité et comme substance, c'est-à-dire principe d'inhérence. Et
d’emblée, cette conception est problématique. Si une substance est un principe logique de
rassemblement, elle ne saurait correspondre à rien d’existant : l’espèce, ainsi, rassemble des
individus mais n’est pas un individu.
Il semble donc qu’il faut distinguer des substances idéelles les substances réelles,
c’est-à-dire les êtres qui existent par eux-mêmes. Mais rien n’existe et ne trouve ses
déterminations par lui-même : j’existe certes mais en tant qu’homme et cette dernière
dénomination générale est la première source de mes déterminations. Dès lors, pourquoi ma
singularité devrait-elle être considérée comme un fait plus fondamental et déterminant, plus
réel, que mon humanité ? L’affirmer définit un point de vue particulier : le nominalisme.