CLIMAT. LES CLÉS DU CHANGEMENT DU COMPORTEMENT INDIVIDUEL
BFM BUSINESS - 24/02/2016 à 10h25
Le changement individuel répond à des motivations très précises - ©Thomas Leuthard
Au lendemain de la COP21, les français sont assez unanimes en matière de lutte contre le
changement climatique annoncé. Sur les constats et les solutions. Condition sans doute
nécessaire, mais pas suffisante, pour transformer leurs comportements.
Car le changement individuel -et donc collectif-, obéit à des règles précises.
COP21, les français ont compris, adhéré… mais restent prudents
La COP21 de décembre dernier a intéressé les Français. Ils étaient 75%(1) à affirmer qu’ils savaient
précisément ce dont il s'agissait et 95% en connaissaient l’enjeu principal, à savoir limiter le
réchauffement climatique mondial à 2 °C.
61% de nos compatriotes se sont donc intéressés à cette conférence mondiale, avec un pic à 17% de
«très intéressés».
Ils auront salué la COP21 comme un succès, à 72%, en décernant au passage un satisfecit à
l’organisation française, en considérant à hauteur de 79%, qu’elle avait été à la hauteur des enjeux,
principalement grâce son Ministre des Affaires Étrangères du moment, Laurent Fabius.
Enthousiasme qu’il faut cependant tempérer, en notant que la préoccupation du changement
climatique, même si elle est la seule à progresser -de 3 points- en un an, vient en huitième position
derrière des problématiques très quotidiennes telles que : le pouvoir d'achat, l’avenir des retraites, la
menace terroriste -nouvelle venue-, la sécurité des biens et des personnes, les conflits dans le
monde, le chômage et le niveau des impôts.
La COP21 aura donc, de l’avis des français interrogés, été utile notamment en termes de mobilisation,
en permettant de rassembler tous les acteurs (États, entreprises, ONG, populations) vers un objectif
commun : 80%. En favorisant la prise de conscience des individus de l'importance de lutter contre le
changement climatique : 79%. Et en amenant l'ensemble des pays du monde à prendre des
engagements (pays développés, pays en développement, pays émergents,...) : 76%.
La confiance dans les actes remporte moins d’adhésion, en arrivant en dernière position avec 68% de
sondés qui pensent qu’elle permettra de limiter le réchauffement climatique et ses impacts.
Au final, seule moins de la moitié des Français, 46%, pense que la COP21 va changer les choses en
matière de lutte contre le changement climatique. Et 59% ne sont pas confiants dans l’avenir
climatique de la planète à l’issue de la COP21.
Ils reportent leurs espoirs sur les scientifiques et les chercheurs à 84%, les ONG et fondations à 78%,
les grandes instances internationales à 70%, les villes et collectivités locales à 61% et eux-mêmes,
seulement pourrait-on dire, à 52%. Dans le peloton de queue de la confiance, les pays, les États et les
entreprises. Pourtant celles et ceux vers qui les attentes de nos concitoyens sont les plus fortes, le
graphique des attentes étant quasiment l’exact inverse de celui de la confiance !
Au moins, il existe une véritable adhésion sur le besoin de changer les habitudes quotidiennes. Les
trois-quarts des Français répondent «oui» à la question «À l’avenir, pensez-vous que vous devrez
modifier votre quotidien dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ?». Avec 22% «de
manière importante» et 53% «de manière modérée».
Trois conditions incontournables pour changer ses comportements individuels
Mais il faut rester prudent avec des déclarations qui vont dans le sens du consensus général, pour ne
pas dire du politiquement correct. Depuis de nombreuses années, sur des sujets tels que
l’environnement, le commerce équitable, le climat, … il est de bon ton, d’être d’accord, voire engagé.
Sauf que ces bonnes intentions se heurtent bien souvent à la réalité du quotidien : prix, manque de
temps, habitudes ancrées, absence de visibilité et bien d’autres facteurs de tous ordres.
Sociovision est un cabinet d’étude spécialisé dans la compréhension et l’anticipation des
changements de la société. Il conduit, depuis 1975, un observatoire des attitudes et comportements
des français dans tous les domaines de leur vie, dont l’environnement et le climat. Il a donc le recul
nécessaire pour décoder les mécaniques de changement de comportements et en synthétiser les
facteurs principaux.
Si l’observatoire(2) constate les mêmes progressions, s’agissant de climat et d’environnement,
Martine Marcilhacy, directrice d’études au cabinet rappelle qu’«en matière d’adoption de “pratiques
vertes”, les Français émettent trois pré-requis indispensables à la réalisation du changement de
comportements. Le premier, c’est le bénéfice direct, “combien ou qu’est-ce que ça me rapporte ?” Le
deuxième c’est le sens, “ce que ce je fais sert à quoi ?”. Le troisième, c’est la facilité, “est-ce
compliqué ou pas de changer telle ou telle habitude ?”».
Indice significatif, en matière de climat, les bases de l’action sont bien là. L’observatoire a mesuré
qu’en cinq ans, l’idée que ce phénomène est causé par les activités humaines a progressé de 14
points, passant de 56% à 70% d’avis. Même s’il existe une réelle perturbation sur le fait que les
discours scientifiques soient discordants -79%-, ou qu’on ne sait finalement plus à quel expert
accorder sa confiance -73%-, les courbes d’adhésion à ce qui est apparenté à des «bonnes
pratiques» (tri des déchets, produits avec moins d’emballages ou ayant beaucoup voyagé) sont elles
aussi en hausse constante depuis les dernières années.
«Le changement dans les gestes et les comportements ont besoin de temps. C’est un cheminement
progressif» précise Martine Marcilhacy. «Il y a eu également des déceptions il y a encore peu de
temps, je pense à l’exemple du rachat par EDF de l’électricité produite chez les particuliers. Dans un
contexte de tension monétaire, les incertitudes ne sont pas un élément favorisant».
Les Français ne dépenseront a priori pas plus pour l’environnement. Pas plus qu’ils ne compliqueront
leur vie quotidienne avec des gestes qu’ils pourraient percevoir comme compliqués. Rappelons
également, que pour la majorité d’entre nous, l’usage quotidien de l’automobile n’est même pas un
sujet négociable, pour diverses raisons.
Les sujets environnementaux inquiètent, interrogent, mais ceux-ci n'arrivent pas en première place.
Vie quotidienne, terrorisme ou retraite sont au cœur des préoccupations de nos concitoyens. «On
décèle cependant une vision plus long terme dans les réponses des sondés» tempère Martine
Marcilhacy, «ce que chacun va laisser à ses enfants est une vraie motivation. C’est sans doute pour
cette raison que la lutte contre le gaspillage alimentaire, l’engouement pour la réparation ou la revente
deviennent des sujets de premier ordre».
(1) Étude «COP21 : qu’en ont pensé les Français ?». IPSOS décembre 2015
(2) Observatoire 2015-Attitudes et comportements à l’égard de l’environnement. Sociovision juillet 2015
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