Photographie Alma Cecilia Suarez tire le Défendre la musique d’aujourd’hui portrait d’une Suisse multiple au travers des grandes familles qui la composent. L 32 Interview. La pianiste Gwen Rouger est spécialisée dans le répertoire contemporain. Des œuvres déconcertantes qu’elle présente avec simplicité dans une série de concerts lausannois. L 33 Magazine Culture 29 LA LIBERTÉ SAMEDI 11 MARS 2017 Le Fribourgeois François Yang a tourné à Paris son premier long-métrage de fiction, L’âme du tigre. Un film largement inspiré de son propre vécu K ERIC STEINER Cinéma L En 2004, François Yang, frais émoulu de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL), recevait à Soleure le Prix de la relève pour son film de diplôme, One Magic Evening, une minicomédie musicale interprétée notamment par le chanteur singinois Gustav. Depuis, le cinéaste fribourgeois a fait son chemin, réalisant plusieurs documentaires (Le mariage en Afrique, 2004, Des bleus dans la police, 2007, Rêve de Chine, 2009, A l’école du couple, 2013) entre la Suisse romande et Paris où il vit désormais. Dimanche matin, François Yang sera présent à Fribourg pour présenter son premier long-métrage de fiction, L’âme du tigre, tourné principalement dans les quartiers chinois de Paris. Le réalisateur s’est inspiré de son propre vécu pour raconter l’histoire d’un jeune homme d’origine chinoise que la mort de son frère confronte à des traditions familiales dans lesquelles il ne se reconnaît pas. Rencontre. «J’AI LONGTEMPS RENIÉ MES ORIGINES» BIO EXPRESS 1978 Naissance à Fribourg de parents d’origine chinoise. 2000-2003 Etudes de cinéma à l’ECAL. Premier court-métrage, 8 ans, 10 minutes. 2004 Prix de la relève à Soleure et sortie du documentaire Le mariage en Afrique. 2004-2005 Bourse de l’Etat de Fribourg et séjour à la Cité internationale des arts à Paris. Installation à Paris. Comment vous est venue l’idée de ce film? François Yang: L’envie de réaliser un film de fiction m’est venue après mon documentaire sur la police de Genève. Je voulais aller plus en profondeur dans les émotions et l’intimité. Passionné de romans policiers, j’avais l’idée initiale d’un film où un flic d’origine chinoise se retrouverait confronté à sa propre communauté. En fait, dans tous mes documentaires j’ai essayé de me confronter aux préjugés que l’on peut avoir sur un milieu en particulier. Puis l’idée a évolué et j’ai eu envie de raconter une histoire plus proche de mon vécu. L’âme du tigre est-il un film ­autobiographique? D’inspiration autobiographique. J’ai moi aussi perdu un frère lorsque j’avais seize ans et que j’étais aux Etats-Unis. Et tout comme Alex, le personnage de mon film, je suis revenu pour l’enterrement et j’ai connu les mêmes émotions incontrôlées, les mêmes questionnements. Votre film parle de la difficulté d’être soi-même lorsqu’on est partagé entre deux cultures. Ce sont des choses que vous avez ressenties personnellement? Bien sû r. Je suis d’origine chinoise, je suis né et j’ai fait toute ma scolarité à Fribourg mais j’ai souvent souffert du regard des autres qui vous fait sentir, lorsqu’il y a un problème, que vous êtes différent. Moimême je ne me sentais absolument pas différent et c’est la raison pour laquelle j’ai long- 2005-2013 Documentaires pour la Télévision suisse romande. 2016 Tournage de L’âme du tigre. François Yang présentera son film en avant-première dimanche à 11 h au cinéma Rex à Fribourg. Alain Wicht t emp s ren ié me s or ig i ne s chinoises. Mais en 2008, on m’a proposé de tourner un documentaire sur une famille fribourgeoise qui partait s’installer en Chine. Là j’ai commencé à m’intéresser de plus près à l’histoire de ma propre famille. Le personnage du film fait un peu le même parcours que moi, c’est-à-dire qu’il découvre brutalement une culture qui lui semble totalement étrangère. Lorsqu’il veut chercher la vérité sur la mort de son frère, il met les pieds dans le plat. En Chine, la vérité n’est pas t­ ellement importante, ce qui compte avant tout, c’est le respect, l’harmonie entre les gens et il ne faut surtout pas parler des conflits familiaux. «Dans tous mes films, je me confronte aux préjugés» François Yang A la fin du film, on a l’impression qu’Alex a fait son choix entre sa propre culture et celle de ses parents… Oui, il a découvert des choses posit ive s da n s la cu lt u re chinoise, il s’est réconcilié avec son père mais il se rend aussi compte qu’il est d’abord Européen. Il renoue avec sa copine française et l’on comprend bien qu’il ne se sentira jamais vraiment à l’aise avec les traditions de ses parents. Alors bien sûr j’ai un peu forcé le trait dans le scénario: mes propres parents sont catholiques, donc les pratiques religieuses que l’on voit dans le film ne correspondent pas à mon propre vécu. Le film comporte une trame policière, mais ce n’est pas vraiment un thriller, malgré une coursepoursuite au milieu du cortège du Nouvel-An chinois… Pour moi, c’est d’abord un drame familial. Le côté policier est là pour intéresser le spectateur à l’intrigue, pour le mener à travers le film. Mais je me suis tout de même inspiré de l’univers des films noirs, comme c eu x d e Ja me s G ray, p a r exemple, que j’aime beaucoup. La photographie du film est absolument splendide, aussi François Yang passe brillamment le cap du premier long-métrage Lors d’une course en montagne, Alex (Frédéric Siuen), avec ce film qui tient du drame familial et du thriller tout un trentenaire d’origine chinoise, apprend le décès de en portant un regard quasi documentaire sur une comson frère aîné. Retrouvant sa famille à Paris, il est munauté rarement montrée au cinéma. Autour d’un trio confronté à une culture et à des rites funéraires qu’il n’a d’excellents premiers rôles (dont la séduisante Xin aucune envie de suivre, à l’instar de sa Wuang qui fait chavirer les sens du héros), mère (Marianne Basler) totalement dépasles autres comédiens chinois apportent CRITIQUE sée par les événements. Et ses réticences une touche supplémentaire d’authenticité ne font qu’augmenter lorsqu’il soupçonne que la mort à ce film qui évoque sans lourdeur la difficulté pour un de son frère cache peut-être un lourd secret… François jeune homme tiraillé entre deux cultures de se forger sa Yang passe brillamment le cap du premier long-métrage propre personnalité. ES bien les extérieurs dans le quartier chinois de Paris que les intérieurs… Mon chef-opérateur, Daniel Miller, est un passionné de peinture. Lui-même aurait voulu être peintre et pour lui chaque plan devait être comme un tableau. A tel point que j’ai dû parfois le freiner et lui faire comprendre que le plus important c’était les acteurs, les émotions qu’ils avaient à transmettre… Comment s’est passé le travail avec les comédiens chinois? C’était parfois assez difficile, car le français n’est pas leur langue maternelle. Il m’est arrivé de me fâcher pour qu’ils apprennent correctement leur texte. C’était un peu bizarre pour moi car l’un ou l’autre aurait pu être mon père. Mais en même temps, ils ont beaucoup apporté d’euxmêmes. A la fin du film, lorsque le père d’Alex explique ce qu’il a vécu durant la Révolution culturelle, c’est sa propre histoire qu’il raconte! L F Di 11 h, Rex Fribourg, avant-­première en présence de l’équipe du film. En salles en Suisse romande dès mercredi.