III - Un peu d`épistémologie 1 - Francis Bacon, Newton, Descartes

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Sciences Humaines et Sociales
Histoires de Sciences
et éléments d’Epistémologie
Partie 6
Professeur Pierre BACONNIER
P1 Médecine Multimédia - Année 2006/2007
Faculté de Médecine de Grenoble - Tous droits réservés.
III - Un peu d'épistémologie
IV - La pratique scientifique de nos jours
III. Un peu d'épistémologie
1.
Francis Bacon, Newton, Descartes (XVII)
2.
Auguste Comte, John Stuart Mill (XIX)
3.
Contre le positivisme, Gaston Bachelard et Karl Popper (XXe)
4.
Conclusion
IV. La pratique scientifique de nos jours
1. Le credo du scientifique
2. Les "domaines" de la Science
3. La science, une école de courage
Et la philosophie dans tout cela ?
III - Un peu d'épistémologie
1 - Francis Bacon, Newton, Descartes (XVII)
Rappels sur Philosophie et Epistémologie
La philosophie (Socrate), conteste les représentations dominantes.
Langage raison produisent des opinions inattendues (Platon).
L’épistémologie veut formuler la méthode et les buts de la science.
Elle discute et remet en question la science (actuelle et passée).
L'empirisme comme choix de démarche
Francis Bacon (précurseur de l’empirisme) : la science vise à l'amélioration du
sort de l'homme sur la terre, but qui peut être atteint en réunissant des faits
par une observation méthodique d'où découlent des théories. “ pour
comprendre la Nature, il faut consulter la nature elle-même et non les écrits d'Aristote
”.
Bacon, Locke, Hume, …: le fondement de la connaissance se trouve dans
l'expérience sensible. Ne sont réels que les objets singuliers et les
phénomènes. Le juste usage de la raison peut les ordonner et en tirer
inductivement des conclusions.
Induction: opération mentale qui consiste à remonter des faits à la loi, de cas singuliers à une
proposition plus générale.
Opp. Déduction: opération mentale qui consiste à décider ou trouver quelque chose comme la
conséquence de données préalables, par un raisonnement.
III - Un peu d'épistémologie
1 - Francis Bacon, Newton, Descartes (XVII)
L'approche inductiviste et la conception mécaniste comme bases
d'une méthode
La démarche inductive consiste à établir des principes généraux à partir d'un certain nombre
d'énoncés singuliers, établis empiriquement. L'inductivisme affirme que le raisonnement ne
saurait se suffire à lui même et pose l'expérience concrète comme source de la
connaissance.
Descartes et Newton, malgré leurs oppositions sur les explications du monde qu'ils proposaient,
sont tous deux défenseurs d'une conception mécaniste du monde.
La conception mécaniste pose que les êtres de la nature sont comparables à des machines
ƒ
Selon Newton (inductiviste et empiriste), la science se fonde sur trois principes:
principe de simplicité : a priori la nature est simple et il ne faut pas faire plus
d'hypothèses qu'il n'est nécessaire pour expliquer les faits (rasoir d'Ockam)
principe d'uniformité : les mêmes causes produisent les mêmes effets
principe d'induction : les propositions générales induites des phénomènes et
expériences (on va du particulier au général) doivent être tenues pour vraies jusqu'à
ce que des phénomènes et expériences indiquent le contraire.
III - Un peu d'épistémologie
1 - Francis Bacon, Newton, Descartes (XVII)
L'approche inductiviste et la conception mécaniste comme bases
d'une méthode
ƒ
Descartes (inductiviste et rationaliste) définit pour sa part une méthode en 4
points :
- douter jusqu'à ce qu'une évidence puisse sortir de ce doute
- diviser les difficultés autant qu'il est possible (réductionnisme)
- aller du plus simple au plus compliqué (mécaniste)
- vérifier que l'on n'a rien oublié
Cette méthode est réductionniste puisqu'elle fonctionne par étapes
successives, en évitant toute démarche globale.
Selon les tenants du réductionisme, il est théoriquement possible de décomposer
tout phénomène en d'autres phénomènes plus simples, et donc de réduire
l'étude d'un phénomène en l'étude de ces autres phénomènes plus simples.
III - Un peu d'épistémologie
1 - Francis
ƒ
Bacon, Newton, Descartes (XVII)
La critique de l'inductivisme, la réponse de Kant (XVIII)
En Europe la mécanique newtonienne représente la vérité ultime du monde.
Hume remet en cause l'induction : "à partir d'observations répétitives mais forcément
particulières, a-t-on le droit d'induire une loi générale?"
Exemples: l'oie et le fermier, un corps radioactif de "temps de demi-vie" très long
Hume arrive même à démontrer, à titre d'exemple, que la théorie de la gravitation ne peut
se déduire logiquement des observations! (dans Popper)
Le raisonnement inductif qui généralise en loi les observations répétitives n'est pas fondé sur la
seule logique. Donc (raisonnement logique!) si la logique est le domaine de la vérité, ce
n'est pas le cas du monde observable !
Emmanuel Kant cherche à produire une épistémologie qui admette que la physique
newtonienne soit vraie absolument (1724-1804)
-
-
Il trouve la solution en affirmant que la nature telle que nous la connaissons, avec son
ordre et ses lois, résulte en grande partie des processus d'assimilation et de mise en
ordre propres à notre esprit.
“ Toute connaissance humaine commence avec des intuitions, passe de là aux
concepts (catégories) et s'achève avec les idées (jugements, affirmations)”
Intuition n. f. (sens pris ici) : forme de connaissance immédiate qui ne recourt pas au
raisonnement
III - Un peu d'épistémologie
2 - Auguste Comte, John Stuart Mill (XIX)
ƒ
Auguste Comte, (1798-1857)
Influencé par Saint-Simon (1760-1825) qui était favorable à un "Conseil des
Lumières" constitué de savants, d’artistes,
d’artisans, de chefs
d’entreprise capables de privilégier les faits et le fond plutôt que les
principes et la forme, approche "socialiste".
A Comte fonde, avec son "Cours de philosophie positive", le système du
positivisme qui, dans le domaine des sciences, vise à résoudre la question
du développement, de la structure et de la fonction du savoir dans la
société (le père de l'épistémologie moderne).
Pour cela il énonce la loi des 3 états ("théologique ou fictif", "métaphysique ou
abstrait" et "scientifique ou positif"). Le troisième état (scientifique ou positif)
ressemble à l'empirisme et à l'inductivisme avec du social en plus! (on
parle d'un "scientisme optimiste").
A Comte établit une hiérarchie entre les sciences : les mathématiques
occupent le sommet, puis viennent l'astronomie, la physique, la chimie, la
biologie jusqu'à la sociologie (dont il est considéré comme le fondateur). On ne
sait où il place la médecine, si elle est prise en compte.
Scientisme n. m. : prétention à résoudre les problèmes philosophiques et sociaux
par la science
III - Un peu d'épistémologie
2 - Auguste Comte, John Stuart Mill (XIX)
ƒ
John Stuart Mill (1806-1873), influencé par A Comte, développe la
"logique inductive" qui permet de conclure des lois générales à partir
de l'analyse de séries d'événements donnés dans l'expérience et se
reproduisant régulièrement (c'est la définition même d'une position
inductiviste).
Auguste Comte ira même jusqu'à proclamer la naissance d'une religion
positive fondée sur l'amour de l'humanité ou altruisme considéré
comme l'être suprême. (église à Paris, influence au Brésil)
Pour A Comte, les questions de la métaphysique n'ont pas de sens.
Positivisme : (selon Jarosson) l'hypothèse d'une réalité autre que celle qui est
observée est superflue et dépourvue de sens
ƒ
Il faut se rappeler que ce siècle (le XIXe) est aussi celui de
- Marx (1818-1883, « Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le
monde de différentes manières, ce qui compte c'est de le
changer ») et de
- Nietzsche (1844-1900, « l'homme est la cause de ses actes »).
III - Un peu d'épistémologie
3 - Contre le positivisme, Bachelard et Popper
ƒ
Le néopositivisme
début XXe, développement combiné des mathématiques, de la logique et de la philosophie.
Côté philosophie, projet de constitution d'un langage idéal, "parfaitement clair", du
néopositivisme ou empirisme logique du Cercle de Vienne héritier des Tractatus logicophilosophicus (1922) de Wittgenstein (1889 - 1951).
Rudolf Carnap, (1891-1970) tente même de remplacer la philosophie par la science de la
logique : "lorsqu'un énoncé est invérifiable ou qu'il ne représente pas une tautologie, il est
dénué de sens pour la connaissance".
Paradoxalement, dans ce même groupe, Kurt Gödel montre que la logique a ses limites, …
Les néopositivistes du Cercle de Vienne veulent éliminer la métaphysique ("un ensemble
d'énoncés dénués de sens"). Il s'agit d'aligner les "sciences de l'esprit" sur les sciences de
la nature, d'unifier la science...
Plus tard se développera la philosophie du langage ordinaire dont l'objet est le langage dans sa
forme effectivement employée ("ne pose pas de questions sur la signification mais sur
l'usage" Carnap).
Bertrand Russell (1872-1970) finira par rompre brutalement avec cette philosophie analytique du
langage qu’il a contribué à créer. "Discuter interminablement sur la signification que des
imbéciles donnent à des imbécillités […] n'est certainement pas très important".
III - Un peu d'épistémologie
3 - Contre le positivisme, Bachelard et Popper
Bachelard et Popper, indépendamment, épistémologie moins affirmative et optimiste (ruptures,
falsifiabilité) quasiment inaperçue jusqu’en 1960, environ.
ƒ
Gaston Bachelard (1884-1962)
œuvre originale et forte sur deux versants : l'histoire des science et la
métaphysique de l'imaginaire. Dans le domaine des sciences, Bachelard
cherche à
- mettre en évidence les conditions épistémologiques du progrès
scientifique,
- repérer les moments de rupture qui déterminent les avancées de la
connaissance et
- comprendre les mécanismes psychologiques qui interviennent dans le
processus de la recherche.
L'idée de rupture est en fait au cœur de l'épistémologie de Bachelard. Il
professe que la connaissance objective se développe non pas parce que des
problèmes propres à l'objet d'étude ont été résolus, mais grâce à des victoires
sur les obstacles épistémologiques (les entraves et résistances internes à l'acte
de connaître, par exemple l'opinion, la certitude immédiate).
III - Un peu d'épistémologie
3 - Contre le positivisme, Bachelard et Popper
ƒ
Gaston Bachelard
Selon Bachelard, l'histoire des sciences se décrit en trois étapes :
- l'étape pré scientifique (de l'Antiquité au XVIIIe)
- l'étape scientifique proprement dit (fin XVIIIe début XXe)
- le Nouvel Esprit Scientifique commence en 1905 avec l'établissement de la
théorie de la relativité restreinte.
Nouvel Esprit Scientifique: abstraction croissante (les symboles mathématiques lui
donnent sens).
Bachelard récuse l'approche cartésienne (des idées ou natures simples) au profit
d'une doctrine de la complexité (association "onde-corpuscule" et "espace-temps").
Il analyse les positions scientifiques anciennes à la lumière des nouvelles
données de la connaissance : "Le déterminisme est un postulat de la Mécanique
qui ignore une des conséquences de la relativité: l'état de l'univers à un instant
donné n'a pas un sens absolu" (Le nouvel esprit scientifique, 1934).
Sur la couverture du nouvel esprit scientifique, il y a un sous-titre : "La véritable
pensée scientifique est métaphysiquement inductive"
III - Un peu d'épistémologie
3 - Contre le positivisme, Bachelard et Popper
ƒ
Karl Popper (1902-1994)
- Une vie peu commune (de juif autrichien à lord anglais)
Fils d'un avocat Viennois, il côtoie Platon, Descartes, Spinoza, Mill, Freud,
Marx et Engels, il apprend le violon, le piano (carrière de musicien
abandonnée).
A l'université de Vienne (auditeur libre) il se cantonne aux mathématiques et à
la physique théorique et rencontre les membres du Cercle de Vienne.
Successivement travailleur social, terrassier et apprenti ébéniste, il enseigne
au lycée les mathématiques, la physique et la chimie.
Il émigre en 1937 en Nouvelle-Zélande afin de fuir le nazisme puis obtient en
1946 un poste à la London School of Economics qu'il occupe jusqu'en
1969.
III - Un peu d'épistémologie
3 - Contre le positivisme, Bachelard et Popper
ƒ
Karl Popper
- L'homme impliqué dans la pensée politique de son temps
Pacifiste, de sensibilité socialiste, ayant reçu le marxisme comme "un des
événements majeurs de [son] développement intellectuel" (comme R
Aron), Popper découvre, dès 1919, "le caractère dogmatique et l'incroyable
arrogance" du marxisme.
ouvrage "La société ouverte et ses ennemis" (1945) fort bien accueilli aux
USA et en Angleterre et pour cause : il inscrit publiquement la pensée de
Marx dans une tradition métaphysique “totalitaire”
indifférence en France (Sartre?).
Popper dénonce l'imposture épistémologique du marxisme : il ne s'agit pas
d'une discipline scientifique au sens poppérien du terme puisqu'elle repose
sur des affirmations non réfutables (il utilisera les mêmes arguments à
l'égard de la psychanalyse freudienne).
III - Un peu d'épistémologie
3 - Contre le positivisme, Bachelard et Popper
ƒ
Karl Popper
- La logique de la découverte scientifique
Approche "psy" (Du problème de la méthode en psychologie de la pensée,
thèse de philosophie 1928) comme Bachelard, abandonnée
Puis étude de la logique de la découverte (1934 : La logique de la découverte
scientifique) publié par un membre du cercle de Vienne Popper vexé d'être
considéré comme un membre de ce groupe, en combat les idées
(introdution à La logique...).
Une conférence d'Einstein provoque le déclic : "Einstein était à la recherche
d'expériences cruciales dont les résultats positifs n'établiraient cependant
pas pour autant sa théorie, alors qu'une contradiction infirmerait sa théorie
tout entière. C'était, me semblait-il, l'attitude véritablement scientifique. Elle
différait totalement de celle, dogmatique, qui affirmait sans cesse avoir
trouvé des "vérifications" pour sa théorie préférée."
Expérience "cruciale": expérience dont le résultat peut remettre en cause toute
une théorie
III - Un peu d'épistémologie
3 - Contre le positivisme, Bachelard et Popper
ƒ
Karl Popper
Dans la Logique de la découverte scientifique, Popper développe deux idées :
1) "il est vain de vouloir garantir le caractère scientifique d'un énoncé par
l'examen de sa signification (il s'agit manifestement d'un attaque contre la
philosophie du langage). Ce sont les théories et non les énoncés qui
importent. Le moment décisif de la découverte que ne voit pas le
positivisme c'est celui de la formulation de conjectures audacieuses,
souvent inspirées par des vues métaphysique sur l'Univers." (selon
Popper, l'intuition a ses sources ailleurs que dans la pensée rationnelle, ce
qui nous renvoie au sous-titre du Nouvel esprit scientifique)
2) "une théorie ne peut être dite scientifique que si l'on peut en déduire un
énoncé singulier qui la réfuterait s'il était vérifié par un test expérimental".
Donc le caractère scientifique d'une théorie ne tient pas à ce qu'elle serait
vérifiée ou vérifiable, mais à ce que d'avance elle s'expose au risque de se
voir réfutée (ou falsifiée) par l'expérience.
III - Un peu d'épistémologie
3 - Contre le positivisme, Bachelard et Popper
ƒ
Karl Popper
Popper est "un provocateur méthodique» (Le Monde, 23 septembre 94) :
La spécificité de la science : construite et temporaire à l'opposé des idéologies non
réfutables expérimentalement.
Idem pour la démocratie : toujours capable de déposer un gouvernement opposée
aux pouvoirs despotiques ou totalitaires qui demeurent clos sur eux-mêmes.
Popper a proposé en épistémologie un rationalisme critique
juste milieu entre les deux extrêmes qui sont le positivisme qui inspire la
mécanique quantique et le réalisme tel que celui défendu par Einstein. (B Jarosson
op.cité)
Positivisme : (rappel) l'hypothèse d'une réalité autre que celle qui est observée est
superflue et dépourvue de sens
Réalisme : (selon Jarosson) attitude du scientifique qui estime qu'une réalité existe
antérieurement à toute observation, que l'on appelle la "réalité en soi"
« … chacun a ses philosophie, qu’il soit ou non conscient du fait, et nos
philosophies ne valent pas grand chose. Cependant l’impact de nos
philosophies sur nos actions et nos vies est souvent dévastateur. Ainsi, tenter
d’améliorer par la critique nos philosophies est une nécessité. Ceci est la seule
excuse que je suis capable de donner à l’existence persistante de la
philosophie »
III - Un peu d'épistémologie
4 - Canguilhem, épistémologue de la biologie
George Canguilhem (1904-1995) philosophe et médecin, élève de Bachelard,
traque les valeurs faisant obstacle au développement scientifique en biologie. Il
s'interroge sur
-
l'étonnant opportunisme de la relation des vivants avec leur milieu,
-
l'originalité de cette présence au monde qu'on nomme la vie.
- Les rapports entre le vivant et la connaissance
Pour Canguilhem, la connaissance est une manifestation spécifique, de
la vie:
"La vie est formation de formes, la connaissance est analyse des
matières informées."
"La pensée du vivant doit tenir du vivant l’idée du vivant."
"Nous soupçonnons que, pour faire des mathématiques, il nous
suffirait d’être des anges, mais pour faire de la biologie, même
avec l’aide de l’intelligence, nous avons besoin parfois de nous
sentir bêtes." (La connaissance de la vie)
III - Un peu d'épistémologie
4 - Canguilhem, épistémologue de la biologie
En étudiant l'histoire de la biologie
("le biologiste doit inventer sa technique
expérimentale propre" Claude Bernard Introduction à l'étude de la médecine expérimentale),
il montre certaines spécificités inhérentes à la biologie :
"Ce qui est certain, c'est que des valeurs affectives de coopération et
d'association planent de près ou de loin sur le développement de la théorie
cellulaire.”,
"… en biologie, la généralisation "logique" est imprévisiblement limitée par la
spécificité de l'objet d'observation ou d'expérience." (La Connaissance de la Vie)
exemple de la réparation des fractures :
chez le chien 3 étapes (cal conjonctif, cartilagineux puis osseux)
2 chez l'homme (la différence est liée à une meilleure immobilisation
thérapeutique en raison de l'acceptation de celle-ci par l'homme).
III - Un peu d'épistémologie
4 - Canguilhem, épistémologue de la biologie
Les problèmes que rencontre l'expérimentation sur le vivant
ƒ
des problèmes liés à
- l’individualité des organismes :
"Pour permettre une comparaison entre un organisme modifié et un
organisme témoin, il faut disposer d’organismes aussi identiques que
possible. C’est pourquoi "certaines organisations scientifiques élèvent
des espèces de rats et de souris obtenus par une longue série
d’accouplements entre consanguins." Ces animaux sont en quelque
sorte des "artefacts"
- l’irréversibilité des phénomènes biologiques :
"… l’utilisation thérapeutique des substances anti-infectieuses a fait []
apparaître que les êtres microscopiques présentent, dans leur relation
avec les antibiotiques, des variations de sensibilité, des déformations
de métabolisme, et donc des phénomènes de résistance et même de
dépendance qui aboutissent paradoxalement à ceci que le germe
infectieux ne puisse vivre que dans le milieu créé artificiellement pour le
détruire."
III - Un peu d'épistémologie
4 - Canguilhem, épistémologue de la biologie
Canguilhem, l'épistémologue critique (voire ironique)
Au sujet du rapports entre les sciences:
"Il est certain qu'on doit attendre peu d'une biologie fascinée par le prestige
des sciences physico-chimiques, réduite ou se réduisant au rôle de
satellite de ces sciences. Une biologie réduite a pour corollaire l'objet
biologique [] dévalorisé dans sa spécificité. »
"Connaître c’est analyser. On le dit plus volontiers qu’on ne le justifie, car []
l’attention que l’on donne aux opérations du connaître entraîne la distraction à
l’égard du sens du connaître.
[] il arrive qu’on [le justifie] par une affirmation de suffisance et de pureté du
savoir. [Mais] savoir pour savoir, ce n’est guère plus sensé que manger pour
manger ou tuer pour tuer ou rire pour rire, puisque c’est à la fois l’aveu que le
savoir doit avoir un sens et le refus de lui trouver un autre sens que lui-même.
[] Décomposer, réduire, expliquer, identifier, mesurer, mettre en équation, ce
doit bien être un bénéfice du côté de l’intelligence puisque c’est une perte du
côté de la jouissance. On jouit non des lois de la nature mais de la nature, non
des nombres, mais des qualités, non des relations mais des êtres. Et pour tout
dire, on ne vit pas de savoir.
III - Un peu d'épistémologie
5 - Conclusion
ƒ
ƒ
ƒ
L'enseignement de la science se fonde généralement sur trois
"prémisses" implicites : (+ une exigence: utiliser des mots dont le sens
a été précisé,des définitions, toujours des définitions!)
- la science est vraie
- la science est fondée sur les faits
- la science avance de façon cumulative.
Ces prémisses, comme le reste de ce qui concerne la science, peuvent
toutes être discutées :
- à la lumière de l’épistémologie, il est clair que les deux premières
sont contradictoires,
- à la lumière de l'histoire des sciences nous avons vu que la
troisième est fausse, et à plusieurs reprises.
Cependant, et c'est encore l'histoire qui nous l'enseigne, la remise en
cause de ces affirmations ne peut se faire que dans un cadre, luimême accepté par l'ensemble de la société.
IV - La pratique scientifique de nos jours
1 - Le credo du scientifique
ƒ
Aujourd'hui, pour être considéré comme un scientifique, on doit
1 - utiliser des mots dont le sens a été précisé (des définitions, toujours des définitions!)
2 - pouvoir réfuter les affirmations que l'on fait (problème des "médecines douces")
3 - s'inscrire dans la recherche d'une cohérence dans notre représentation de l'univers (de
l'homme)
ƒ
de plus, il faut se demander comment se positionne la science par
rapport à la société.
La technologie, voire l'opinion publique, peut être un moteur de la science (le
Téléthon est à l'origine une initiative de familles de malades révoltés par la
résignation de la science et de la médecine face aux myopathies).
La publicité utilise comme argument de vente pour de nombreux produits un
caractère prétendument scientifique de leur production.
ƒ
ne pas oublier que la loi s'intéresse de près à l'éthique de la science.
Science: n. f. (Déf. du Robert)
ensemble de connaissances, de travaux d'une valeur universelle, ayant pour objet
l'étude de faits et de relations vérifiables, selon des méthodes déterminées (comme
l'observation, l'expérience, ou les hypothèses et la déduction)
ensemble des connaissances générales (de qqn)
savoir-faire que donnent les connaissances, l'expérience, l'habileté (cf. Art)
IV - La pratique scientifique de nos jours
2 - Les "domaines" de la Science
Des domaines du savoir qui se donnent pour scientifiques apparaissent puis
disparaissent.
Pour juger du bien-fondé de ces prétentions, on peut évaluer un domaine :
ƒ un domaine du savoir ne devient une science à part entière qu'à deux conditions
au moins :
- son objet doit être clairement cerné (c'est le cas en biologie) et défini (estce bien le cas en biologie?)
- il faut disposer de méthodes rigoureusement adaptées à l'investigation de
cet objet.
ƒ il faut ajouter le critère de falsifiabilité de Popper.
mais (Bachelard) ne pas appliquer ces règles de façon trop stricte aux domaines
en cours d'émergence, ceux-ci, s'ils sont porteurs de découvertes scientifiques,
doivent déranger l' "ordre établi de la connaissance" et surtout la conception que
l'on a du monde.
Par exemple "La science se définit surtout par ses frontières ; et, aux
frontières de la science, tout est question. Les domaines les plus
passionnants de la recherche sont ceux où foisonnent les interrogations
encore mal formulées." Albert Jacquard. Ibid.
IV - La pratique scientifique de nos jours
3 - La science, une école de courage
La science est une pratique humaine
Le théorème de Gödel "dérange". Il démontre que, pas plus les
mathématiques que les autres champs de la science ne sont capables de
nous procurer un système parfait.
Les épistémologues démontrent qu’une vue métaphysique de l’univers
participe à la découverte scientifique.
Notre conception du monde doit donc inclure une part d'irrationnel,
mystique (supérieur à la raison) ou probabiliste (imprévisible au niveau élémentaire
mais obéissant encore à des lois simples au niveau statistique). (liste pas exhaustive)
La société, aujourd'hui, semble faire le choix d'ignorer le problème en
prétendant que la connaissance scientifique est capable de nous procurer un
système parfait alors que "La connaissance consiste concrètement dans la
recherche de la sécurité." (Canguilhem)
Ceux qui ont fait avancer la science n’ont pas fait ce choix de la sécurité.
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