Rédiger. Le magazine de la rédaction professionnelle
no 4, 2001
grand public pour connaître cette culture qui,
autrement, lui resterait étrangère. Or, selon
une étude de l’ACS parue en 1992, les grands
médias répondent mal à ce besoin des
lecteurs. « Le public a d’autant plus besoin
d’un accès facile à cette culture qu’une grande
partie des Québécois en est exclue dès
l’adolescence », affirme Caroline Julien. De
fait, déjà à l’école secondaire, les jeunes
peuvent choisir entre la filière « science » et
la filière « humaine » ; ceux qui retiennent la
première acquièrent une bonne culture
scientifique, alors que ceux qui optent pour la
seconde n’y sont guère exposés. « Cette
division est lourde de conséquences, estime la
présidente de l’ACS, surtout quand on songe
que la majorité des décideurs de notre société
sont issus de la filière “humaine” ». Ainsi,
faute de culture scientifique, les dirigeants
valorisent peu la science… qui, de ce fait,
n’attire ni les jeunes, ni les journalistes, ni les
médias. Le cercle vicieux continue alors son
cycle !
Un secteur « en santé »
Si la science en général brille par sa quasi-
absence dans les médias québécois, il existe
pourtant une exception de taille : la santé.
« La santé est le thème scientifique
privilégié », affirme Pascal Lapointe,
rédacteur en chef de l’Agence Science-Presse
qui alimente les médias en informations
scientifiques. La santé peut effectivement se
vanter de faire couler beaucoup d’encre. À
titre d’exemple, parmi les articles à caractère
scientifique recensés dans plusieurs
quotidiens québécois durant la semaine du
14 au 20 février 2001, 50 % portaient sur la
santé.
Pourquoi un tel succès ? Pierre Sormany ose
une hypothèse dans Le métier de journaliste :
« Lorsqu’elle porte sur le domaine médical,
[l’] information rejoint les gens dans leurs
angoisses, leur donne parfois des moyens
d’action sur leur propre vie et [sur] leur santé,
leur redonne espoir. » « La santé intéresse
sans aucun doute les lecteurs », renchérit
André Pratte, « mais, surtout, il s’y fait
énormément de recherches. Donc, plus
d’informations disponibles ! Autre raison : le
domaine de la santé est très bien organisé
quant à la diffusion de ses découvertes. » En
effet, les chercheurs approchent les médias
lors de résultats de recherche intéressants. Ils
organisent des conférences de presse et font
de la publicité, alors que les autres secteurs
scientifiques demeurent plutôt timides. Pas
étonnant que le monde de la santé soit plus
accessible aux journalistes… qui le lui
rendent bien !
D’autres sujets scientifiques retiennent tout de
même l’attention des médias, lesquels se
basent sur l’intérêt anticipé des lecteurs et sur
les nouvelles émises par les agences de
presse. D’après Judith Lachapelle et Pascal
Lapointe, l’environnement parvient à se tailler
une place respectable dans les journaux,
principalement avec des articles sur le
réchauffement planétaire – un sujet « chaud »
actuellement. « Le monde de l’espace fascine
aussi beaucoup les lecteurs », avoue
Mme Lachapelle. Sans toutefois créer ombrage
à la santé (!), l’astronomie et la conquête
spatiale viennent ainsi au troisième rang des
thèmes scientifiques privilégiés.
La science de l’avenir
Hormis la santé, l’astronomie, l’espace et le
réchauffement planétaire, les autres nouvelles
scientifiques sont-elles condamnées au silence
dans les quotidiens généralistes ? « Pas
forcément, rétorque Caroline Julien, les
entreprises de pointe et les regroupements
industriels peuvent exercer une pression de
nature économique sur les médias – par
exemple, en exigeant que leur publicité soit
publiée dans des pages d’informations
scientifiques, techniques ou médicales. »