libérer de la roue de l’existence, de la souffrance et des états infernaux de
destruction. »3
Ce passage nous montre que la loi d’interdépendance n’est pas un
jeu d’enfants. Au contraire, pour l’étudier correctement nous devons
être prêts à y investir toutes nos capacités intellectuelles.
La plupart des gens croient posséder un « moi » personnel et
durable. Ils ne connaissent que la doctrine éternaliste, selon laquelle
l’esprit et / ou le corps sont éternels (sassata-ditthi). C’est pourquoi
ils trouvent la loi d’interdépendance trop profonde et ne la
comprennent pas aisément. Pour eux, paticcasamuppāda est une
question philosophique compliquée, aussi embrouillée qu’une pelote
de laine, comme le dit le sutta. Ces personnes passeront beaucoup de
temps à débattre de son contenu et à se chamailler sur son sens, tout
comme les aveugles de la fameuse histoire qui ne pouvaient se mettre
d’accord sur l’aspect d’un éléphant parce que chacun ne touchait
qu’une partie, et une partie différente, de l’animal.
Pour l’arahat, cependant — c’est-à-dire pour un être totalement
éveillé — la question de l’interdépendance est comme une seconde
nature, une science toute simple, comme observer un objet dans le
creux de sa main. Cette connaissance n’a rien à faire avec la
connaissance d’une philosophie ou d’un langage particulier.
Autrement dit, l’arahat a une conscience si profonde du phénomène
d’interdépendance qu’il ne cherche pas à s’accaparer quoi que ce soit,
ne s’accroche à rien, ne s’attache à rien. Il n’éprouve ni convoitise, ni
désir (tanhā), ni attachement (upādāna), quoi qu’il puisse lui arriver,
car son attention a atteint le maximum de la perfection. Il peut ainsi
éliminer totalement la souffrance en suivant l’ordre d’extinction de la
loi d’interdépendance. Remarquons que, pour ce faire, il n’est pas
nécessaire de connaître le nom des onze conditions de
l’interdépendance ; il est même possible que l’on soit incapable de
l’enseigner ou simplement d’en parler avec précision.
3 Dixième sutta dans les Suttas de l’Arbre, Proverbes sur la Cause, Nidana-
vagga, Sangyutta Nikaya, op. cit. p. 64
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