PATICCASAMUPPADA
AU QUOTIDIEN
DE L’ORIGINE CONDITIONNÉE
DE TOUS LES PHÉNOMÈNES
Buddhadasa Bhikkhu
Traduction de Jeanne Schut
Titre original :
Paticcasamuppada, Practical Dependent Origination, 1978
Le Dhamma de la Forêt
http://www.dhammadelaforet.org
Pour diffusion non commerciale exclusivement
1.
DE L’ORIGINE CONDITIONNÉE DE TOUS LES PHÉNOMÈNES
Je souhaitais écrire une explication taillée du livre intitu
« Paticcasamuppada selon le Bouddha » qui en aurait facilité l’étude
mais, pour différentes raisons, il m’a été impossible de le faire.
Cependant, j’ai donné une conférence sur ce thème qui répond assez
bien à ce besoin. Cette conférence a également été puble dans un
autre livre de la série, intitulé « Idappaccayatā, la loi du
conditionnement »1, qui sera très utile aux étudiants du
paticcasamuppāda car les deux ne sont, en réalité, qu’une seule et
me chose, même si idappaccayatā a un point de vue plus vaste.
Dans tous les cas, il serait bon que l’étudiant de paticcasamuppāda
utilise ces notes explicatives comme base de travail.
L’étude de la loi concernant l’origine conditionnée de tous les
phénomènes, que nous nommerons ici « loi d’interdépendance » ou
paticcasamuppāda, est importante et nécessaire aux disciples du
Bouddha, comme le montre le passage suivant des écritures du Canon
pāli :
« Il existe deux doctrines (dhamma) enseignées par l’Eveillé, Celui qui
Sait, qui s’est libéré de toutes les souillures et a trouvé le parfait éveil par lui-
même. Tous les bhikkhus (moines) devraient approfondir l’étude de ces deux
doctrines, il ne doit y avoir aucun désaccord ou division à leur sujet. Ainsi la
Vie Sainte (ou religieuse2) pourra-t-elle se poursuivre longtemps dans la
stabilité. Ces deux doctrines seront propagées pour le plus grand profit de
l’humanité, pour le bien du monde, pour aider les grands êtres et tous les êtres
1 Ce livre n’a pas encore été traduit du Thaï.
2 Le mot pāli est brahmacariya, ce qui signifie littéralement « la conduite, le
comportement ou la façon de vivre d’un brahma ». Brahma est le nom de la
déité suprême des Védas, ce qui implique qu’il s’agit du mode de vie le plus
noble, le plus élevé qui soit, et qui convient idéalement à la religion, dans le
meilleur sens du terme.
1
humains. Quelles sont ces doctrines ? Il s’agit de : la compréhension juste des
bases sensorielles (ayatana-kusalata) et de la compréhension de
l’interdépendance (paticcasamuppāda-kusalata). »
Cet extrait du Sangiti Sutta, dans le Digha Nikaya nous montre
qu’il est vital que nous nous entraidions à comprendre correctement
l’interdépendance, dans notre propre intérêt, comme dans l’intérêt de
la religion, pour le bien des grands êtres et de tous les êtres humains.
Nous devons, tout particulrement nous efforcer de nous
comprendre mutuellement, de façon à éliminer les divisions et les
disputes parmi les disciples du Bouddha, qui ne rendent que plus
difficile la mise en pratique de l’interdépendance. Nous devons utiliser
tous les moyens qui nous permettront de parvenir à cette
compréhension mutuelle. Cet exposé n’a pas pour but de lancer un
débat et d’argumenter à l’infini. Au contraire, il est fait dans l’espoir
d’éliminer tous les contentieux qui peuvent exister parmi les
enseignants et les étudiants de paticcasamuppāda, de me que pour
le bénéfice de tous ceux qui s’intéressent à cette doctrine.
La loi d’interdépendance est un sujet extrêmement profond. On
peut dire qu’il s’agit du cœur ou de l’essence même du
bouddhisme. C’est pourquoi elle engendre inévitablement des
problèmes, lesquels deviennent à leur tour un danger pour le
bouddhisme, dans la mesure les disciples du Bouddha ne peuvent
retirer aucun béfice de cet enseignement s’il leur est mal transmis.
Lorsque le vénérable Ananda dit au Bouddha que, selon lui, la
question de l’interdépendance était relativement simple et
superficielle, le Bouddha répliqua :
« Ananda ! Ananda ! Ne dis pas cela ! Ne dis jamais cela !
Paticcasamuppada est un enseignement très profond. Sa caractéristique est
précisément d’être très profond. Les différents groupes d’êtres ne
comprennent pas ce que nous enseignons là ; ils sont incapables de pénétrer la
loi des causes et effets car leur esprit est aussi confus qu’une pelote de laine
qui s’enroule et fait des nœuds, aussi embrouillé qu’un monceau de fils, aussi
em qu’un massif d’herbes ou de roseaux non entretenu qui peu à peu
s’étouffe. De la me façon, les êtres sont empêtrés et incapables de se
2
libérer de la roue de l’existence, de la souffrance et des états infernaux de
destruction. »3
Ce passage nous montre que la loi d’interdépendance n’est pas un
jeu d’enfants. Au contraire, pour l’étudier correctement nous devons
être prêts à y investir toutes nos capacités intellectuelles.
La plupart des gens croient posséder un « moi » personnel et
durable. Ils ne connaissent que la doctrine éternaliste, selon laquelle
l’esprit et / ou le corps sont éternels (sassata-ditthi). C’est pourquoi
ils trouvent la loi d’interdépendance trop profonde et ne la
comprennent pas aisément. Pour eux, paticcasamuppāda est une
question philosophique compliquée, aussi embrouile qu’une pelote
de laine, comme le dit le sutta. Ces personnes passeront beaucoup de
temps à débattre de son contenu et à se chamailler sur son sens, tout
comme les aveugles de la fameuse histoire qui ne pouvaient se mettre
d’accord sur l’aspect d’un éléphant parce que chacun ne touchait
qu’une partie, et une partie difrente, de l’animal.
Pour l’arahat, cependant c’est-à-dire pour un être totalement
éveillé la question de linterdépendance est comme une seconde
nature, une science toute simple, comme observer un objet dans le
creux de sa main. Cette connaissance n’a rien à faire avec la
connaissance d’une philosophie ou d’un langage particulier.
Autrement dit, l’arahat a une conscience si profonde du phénomène
d’interdépendance qu’il ne cherche pas à s’accaparer quoi que ce soit,
ne s’accroche à rien, ne s’attache à rien. Il n’éprouve ni convoitise, ni
désir (tanhā), ni attachement (upādāna), quoi qu’il puisse lui arriver,
car son attention a atteint le maximum de la perfection. Il peut ainsi
éliminer totalement la souffrance en suivant l’ordre d’extinction de la
loi d’interdépendance. Remarquons que, pour ce faire, il n’est pas
nécessaire de connaître le nom des onze conditions de
l’interdépendance ; il est même possible que l’on soit incapable de
l’enseigner ou simplement d’en parler avec précision.
3 Dixième sutta dans les Suttas de l’Arbre, Proverbes sur la Cause, Nidana-
vagga, Sangyutta Nikaya, op. cit. p. 64
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