Figure 1 Fourreau hélicoïdal d’Apteroma helicoidella Par Vincent Albouy. Illustrations de Jean-Louis Verdier . Les fourreaux des psychés L e fourreau, typique de chaque espèce, est construit de matériaux divers, débris végétaux, brindilles, petits cailloux, terre, sable, et même débris animaux comme des coquilles ou des fragments d’invertébrés morts. La plupart sont droits et allongés, mais certains adoptent des formes plus originales, comme le fourreau hélicoïdal, bâti en sable fin, d’Apterona helicoidella, qui ressemble à une coquille d’escargot (Fig. 1). Si l’habillage est très varié, la structure est invariable. Le fourreau comporte toujours deux ouvertures, une à chaque extrémité. Celle à l’avant, par où passe la tête et le thorax de la chenille, lui permet de se nourrir et de se déplacer. C’est par cette ouverture que la chenille fixe solidement le fourreau à un support avant chacune des cinq mues que réclame sa croissance, et avant la nymphose. L’ouverture à l’arrière sert durant toute la vie larvaire à l’évacuation Figure 2 - Fourreaux de jeunes chenilles fraîchement écloses de Psyche casta entourant le fourreau maternel. Figure 3 - Chenille de Rebelia herrichiella dans son fourreau rongeant une feuille de fraisier des crottes. Les adultes quitteront le fourreau par ce trou. Les chenilles s’attellent dès leur naissance à la construction du fourreau. Souvent, il est bâti avec des fragments prélevés sur le fourreau maternel. C’est un spectacle amusant que ce petit troupeau de fourreaux miniatures environnant celui de la mère, et le copiant presque à l’identique, si ce n’est la taille (Fig. 2). Un sac de soie filé par la chenille constitue la structure du fourreau. Ses dimensions internes sont adaptées à la taille de la chenille. Celle-ci doit pouvoir s’y étirer en longueur sans en sortir. La largeur doit être suffisante pour permettre à l’animal de se retourner à l’intérieur. Il agrandit donc son abri au fur et à mesure de sa croissance. Quelques espèces se contentent de cet abri de soie simple. La plupart y agrègent des fragments et débris végétaux, animaux ou minéraux comme nous l’avons vu plus haut. Les éléments sont très soigneusement choisis par la chenille, qui en estime la dimension et le volume avant de les fixer. Au besoin, quand le matériau est tendre, quelques coups de mandibule rectifient l’encombrement. Les fourreaux sont un élément de protection précieux pour les chenilles dont seuls la tête et le thorax sont sclérifiés. L’abdomen mou et très vulnérable n’est pas exposé à l’air libre. Le fourreau offre aussi un camouflage relativement efficace, le revêtement étant toujours prélevé dans l’environnement Insectes 10 n°135 - 2004 (4) immédiat. C’est enfin une bonne protection contre le mauvais temps et les fluctuations de température. La chenille se déplace grâce à ses vraies pattes, très robustes. Les quatre paires de fausses pattes, munies de crochets, ne lui servent qu’à s’accrocher solidement au fourreau. Elle peut ainsi le tirer ou le porter avec elle. Inquiétée, elle fixe le fourreau au substrat avec un peu de soie, puis se réfugie à l’intérieur, obturant l’ouverture avec ses pattes. Les psychés broutent les algues, les lichens et les mousses qui se développent sur les troncs, les pierres, les piquets, la végétation. D’autres consomment les tissus tendres de plantes supérieures (Fig. 3), frais ou en décomposition. À l’occasion elles peuvent agrémenter le menu habituel de quelques protéines animales, quand un cadavre d’insecte se trouve sur leur chemin. La nymphose s’effectue dans le fourreau solidement fixé sur un support quelconque. Les mâles, toujours ailés, en sortent par l’extrémité arrière. La dépouille nymphale est en général visible, à moitié dégagée du fourreau (Fig. 4). Leurs pièces buccales sont atrophiées, comme celles de la femelle, et ils ne se nourrissent pas à l’état adulte. Leur durée de vie n’étant que de quelques heures, l’émergence des deux sexes est simultanée. Les mâles repèrent les femelles à l’odeur, utilisant pour ce faire leurs antennes très sensibles, souvent plumeuses. Dans la sous-famille des Taléphorinés, les femelles sont aptères mais Les psychés forment une petite famille de micro-Lépidoptères, les Psychidés, comptant un peu plus de 1 100 espèces décrites à ce jour. Ces papillons très discrets sont de couleurs ternes et sans dessin. Les chenilles construisent un fourreau protecteur, bien visible sur les pierres, les troncs, les murs, la végétation. encore actives. Comme les mâles, elles sortent du fourreau par l’arrière, laissant voir en partie la dépouille nymphale. Munies de pattes fonctionnelles et de courtes antennes, elles s’installent à l’extérieur du fourreau, sur lequel a lieu l’accouplement. Les œufs sont pondus à l’intérieur du fourreau, à l’aide d’un ovipositeur (Fig. 5). Chez la sous-famille des Psychinés, les femelles sont très régressées. Vermiformes, sans ailes ou presque, certaines ont perdu leurs pattes et jusqu'à leurs yeux réduits à deux taches pigmentaires. Elles éclosent à l’intérieur du fourreau, jamais la dépouille nymphale n’est visible à l’extérieur. Pour signaler leur présence aux mâles, certaines sortent une partie de leur corps à l’extrémité du fourreau, pour diffuser leurs phéromones (Fig. 6). Le mâle est équipé d’un abdomen télescopique, qui peut s’allonger dé- mesurément ce qui lui permet de s’accoupler à la femelle blottie au fond du fourreau (Fig. 7). Celle-ci pond alors ses œufs dans la dépouille nymphale. Certaines espèces ne se donnent même pas cette peine. Quand les œufs sont mûrs, la femelle meurt et se dessèche. Les jeunes chenilles restent quelques jours après l’éclosion dans cet abri avant de s’aventurer une à une dehors et de bâtir leur premier fourreau. Puis elles se dispersent, partant chacune à l’aventure chercher leur nourriture. r Figure 4 - Mâle de Canephora unicolor posé sur son fourreau peu après l’émergence Pour aller plus loin… • Les Papillons et leurs biotopes, Espèces dangers qui les menacent - protection, Suisse et régions limitrophes, tome 2, 1999, Pro Natura - Ligue suisse pour la Protection de la Nature, pp. 165-304. Les photos de cet ouvrage ont été précieuses pour la réalisation des dessins. Figure 6 - Femelle de Psyche crassiorella en posture d’attrait Figure 7 - Mâle d’Acanthopsyche atra en position d’accouplement sur le fourreau femelle Figure 5 - Femelle de Taleporia tubulosa pondant dans son fourreau. Les œufs sont visibles par une fenêtre ouverte dans sa paroi. Insectes 11 n°135 - 2004 (4) Les auteurs Vincent Albouy est attaché au laboratoire d’Entomologie du MNHN de Paris et membre actif de plusieurs associations de protection des insectes et de la nature (OPIE, PONEMA, LPO…). [email protected] Jean-Louis Verdier est illustrateur naturaliste. Il a publié avec Vincent Albouy et l’OPIE Poitou-Charentes : Les insectes : petits mais costauds, 2003, éd. Éveil Nature.