Agir contre le changement climatique
dossier
28 / janvier - février 2015 / n°448
la banquise arctique estivale connaît un
déclin moyen annuel aggravé par des
épisodes de régression brutale. Ce repère
chronologique ne marque pas l’amorce du
déclin de la banquise mais l’avènement
des satellites qui ont permis les premières
observations globales de l’extension de la
couverture de glace boréale. De 7 millions
de km2 dans les années 1979-1983,
l’extension minimale des glaces de mer
estivales est passée à 6 millions de km2
dans les années 2002-2006 pour chuter
à 4,17 millions de km2 à la fin de l’été
2007. On voulait croire à un événement
exceptionnel mais l’été 2008 a confirmé
cette tendance au retrait avec un minimum
d’englacement de 4,5 millions de km2. L’été
2009 est venu entériner cette situation
de non-retour à la normale saisonnière
avec une étendue minimale de glace de
mer de 5,1 millions de km2. Et, à la fin de
l’été 2011, le minimum d’englacement
avoisinait le record de l’été 2007 avec 4,3
millions de km2. Bref, l’écart se consolide
et se creuse d’année en année et l’on ne
saurait raisonnablement attribuer ces
variations aux caprices de Dame Nature.
Certes, l’océan boréal est un environnement
à forte variabilité interannuelle et cette
variabilité joue dans les deux sens, avec
des fluctuations d’étendue de banquise
positives ou négatives comprises entre 1 et
2 millions de km2. Mais le bruit interannuel
est écrasé dans la moyenne arithmétique
et l’identification d’une tendance sur une
période de temps suffisamment longue n’est
pas gênée par la présence de fluctuations.
Chaque été apporte son lot de surprises et
l’escalade dans la surenchère des records
de minima d’englacement n’en finit pas
de se confirmer. Citons pour mémoire le
record de l’été 2012 où la surface d’océan
englacé dans l’hémisphère Nord a atteint
la valeur de 3,41 millions de km2, soit
700 000 km2 de banquise de moins
relativement au précédent record de l’été
2007. L’hiver 2013-2014 s’est soldé lui,
par un maximum d’englacement parmi
les plus faibles enregistrés depuis 30 ans.
Cette succession de records créant à chaque
fois la surprise traduit une tendance, au
sens statistique du terme : au cours des
années 2005-2012, l’extension minimale
de la banquise boréale a connu les sept
valeurs les plus basses jamais enregistrées
depuis les premières observations satellite.
Au total, sur la période 2001-2011, la
moyenne des minima d’extension de la
banquise (5,49 millions de km2) a été
de 22 % inférieure à la celle des minima
d’extension de la période 1979-2000
(7 millions de km2). On arrive ainsi à
l’estimation que sur la période 2001-
2011, la tendance au recul des glaces de
mer flottantes estivales de l’hémisphère
Nord a été de -191 000 km2 par an soit
-27 % par décennie. Gardons à l’esprit cette
dimension essentielle de la nouvelle donne
hyperboréale à savoir que l’environnement
arctique évolue rapidement. Il ne s’agit pas
ici de spéculer sur le changement global à
l’échelle des générations futures. À l’horizon
d’une vie humaine, notre génération assiste
à la transformation d’un pan entier de notre
environnement planétaire.
L’Arctique, sentinelle du
changement climatique
Tous les modèles de climat mis en
œuvre dans le cadre des simulations du
Groupe intergouvernemental d’experts
sur l’évolution du climat (Giec) prédisent
une diminution abrupte de l’étendue de
la banquise estivale arctique dans les
prochaines décennies, conduisant à son
éventuelle disparition. L’échéance de
cette disparition est bien sûr fonction du
scénario envisagé pour l’augmentation du
CO2 atmosphérique ou du modèle utilisé,
mais pour certains, elle est de l’ordre de
20 à 30 ans. Ce déclin du couvercle de
glace de l’océan Arctique est imputable
à l’augmentation de la température de
l’air qui est beaucoup plus rapide dans
cette région qu’à l’échelle globale. Selon
le rapport du Giec de 2001, alors que le
climat de la planète s’est réchauffé de 0,6°C
au cours du XXe siècle, les tendances au
réchauffement observées depuis le milieu
des années 1970 sur une partie de la
Sibérie, le nord du Canada et l’Alaska
atteignent 1°C par décennie. En moyenne,
le réchauffement sur l’Arctique est 1,5 à
4,5 fois plus intense qu’à l’échelle globale.
L’existence d’une corrélation forte entre la
température dans les régions polaires et
la température moyenne du globe a été
récemment confirmée par les simulations
numériques des climats préindustriels
des XXe et XXIe siècles publiées dans le
4e rapport du Giec en 2007.
C’est à la lumière de cette corrélation
qu’il convient d’entendre l’expression
popularisée par les glaciologues : « Les
pôles, sentinelles de l’environnement et du
climat planétaires ». Outre un changement
environnemental majeur dans l’océan
Arctique, le déclin de la banquise boréale
est un signal de l’évolution du climat de
notre planète. Les Anglo-Saxons parlent
de « canari dans la mine de charbon »
(« canari in the coal mine ») en référence à
Evolution récente des glaces de mer arctiques.
(source : NSIDC)
Evolution interannuelle de l’étendue (en millions de km2) des glaces de mer arctiques
depuis la fin de l’été boréal
(septembre) jusqu’au
mois de janvier pendant
la période 2014-2015 (en
bleu), 2013-2014 (en vert),
2012-2013 (en orange),
2011-2012 (en marron),
2010-2011 (en violet).
La moyenne sur la période
1981-2010 apparaît en
gris. Le minimum annuel
d’étendue de la banquise
est atteint en moyenne le 17
septembre et le maximum
au tout début du mois de
mars.