Quelques résultats sur la différentiabilité La différentiabilité est au cœur de nombreux problèmes mathématiques et principalement en analyse. L’une de ses applications les plus importantes est l’étude des équations différentielles. Il est donc important d’avoir des conditions assurant la différentiabilité d’une fonction. Ici, on s’intéressera au cas des fonctions à variations bornées et au théorème de Rademacher. On va introduire les fonctions à variations bornées et aboutir au théorème de compacité de Helly. Au passage, on énoncera des propriétés plus ou moins élémentaires sur ces fonctions, qui sont utiles lorsqu’on s’intéresse de plus près à ces fonctions. Toutefois, on n’étudiera que les fonctions d’une variable, car le cas de fonctions de deux variables est déjà bien plus compliqué et audelà, cela ne s’arrange pas. Il faut notamment faire intervenir la théorie des distributions et des mesures. Par ailleurs, le théorème de Rademacher est un résultat simple mais surprenant, qui peut être utilisé facilement. Son intérêt est qu’il est utilisable pour des fonctions de plusieurs variables à valeurs vectorielles. Première partie Fonctions à variations bornées Définition 1. 1 Soit J un intervalle de R. Soit une application u : J → Rn . On appelle variation totale de u la quantité : (N ) X τ (u) = sup |u(xj ) − u(xj−1 )| j=1 1 où N est un entier non nul et (x0 , ..., xn ) sont des points de J tels que x0 < ... < xn . Si cette quantité est finie, on dit que u est à variations bornées. On note BV l’ensemble des fonctions à variations bornées. On va maintenant donner quelques propriétés élémentaires sur les fonctions à variations bornées. Propriété 1. 2 – – Une fonction monotone sur un intervalle borné est à variations bornées. – Une fonction monotone admettant des limites finies aux bornes de son intervalle de définition est à variations bornées. – Toute fonction à variations bornées est bornée. – Toute fonction dont la dérivée est bornée est à variations bornées. – Toute fonction f finie sur un intervalle (a, b) vérifie : ∀c ∈ (a, b), τ(a,b) (f ) = τ(a,c) (f ) + τ(c,b) (f ). – L’ensemble BV des fonctions à variations bornées est stable par la plupart des opérations. On retiendra que BV est un sous-espace vectoriel de F (R, R). Ces résultats sont assez élémentaires. Leur intérêt principal est de reconnaı̂tre assez facilement certaines fonctions à variations bornées. On va maintenant énoncer quelques propriétés moins immédiates, qui sont utiles pour la suite. Propriété 1. 3 Soit u :]a, b[→ Rn une fonction à variations bornées. ∀x ∈]a, b[, les limites à gauche et à droite de u en x sont bien définies. De plus, u admet un nombre de points de discontinuité au plus dénombrable. Ainsi, si u est à variations bornées, on peut redéfinir la valeur de u en chaque point de discontinuité en posant u(x) = u(x+ ). Par conséquent, u est continue à droite. On va maintenant introduire la fonction variation totale de u, notée U, qui mesure la variation totale de la fonction u sur les intervalles ] − ∞, x[. Cette fonction sera utile notamment dans les démonstrations futures. Définition 1. 4 Soit u une fonction à variations bornées sur R et continue à droite. La fonction variation totale de u est la fonction : ( N ) X U : x 7→ sup |u(xj ) − u(xj−1 )| | N ≥ 1, x0 < ... < xN = x j=1 2 La fonction variation totale présente des propriétés intéressantes qui seront utiles pour certaines démonstrations. Propriété 1. 5 – – La fonction U est croissante. – La fonction U est continue à droite. – La fonction U vérifie U(−∞) = 0 et U(+∞) = τ (u). – ∀x < y, on a : |u(y) − u(x)| ≤ U(y) − U(x). On a énoncé les principales propriétés qui nous seront utiles pour aboutir au théorème de Helly. Avant de passer à la partie ”importante” des fonctions à variations bornées, on va rapidement évoquer une autre manière d’approcher les fonctions à variations bornées, à l’aide des fonctions monotones. C’est cette approche que privilégie Natanson, dans ”Theory of Functions of a real variable”. Natanson montre que les fonctions croissantes ont un nombre de points de discontinuité au plus dénombrable et introduit la fonction de saut associée à une fonction. Puis il s’intéresse à la différentiabilité des fonctions monotones. À l’aide de plusieurs lemmes, on en déduit essentiellement trois résultats importants : – Toute fonction croissante définie sur un segment admet une dérivée finie en presque tout point. Autrement dit, elle est dérivable presque partout. De plus, la dérivée est mesurable et intégrable sur le segment. – Une fonction à variations bornées est la somme de sa fonction de saut et d’une fonction continue à variations bornées. – Une fonction est à variations bornées si et seulement si elle est la différence de deux fonctions croissantes. Par conséquent, elle est dérivable en presque tout point et sa dérivée est intégrable. Dans ”Analyse réelle et complexe”, Rudin évoque une autre manière de démontrer la différentiabilité des fonctions à variations bornées, à l’aide de notions de théorie de la mesure. 3 Deuxième partie Théorème de compacité de Helly Avant de citer le théorème de Helly proprement dit, on va s’intéresser à deux propositions utiles lorsqu’on pousse plus loin l’étude des fonctions à variations bornées. Ces propriétés sont énoncées par Bressan, dans ”Hyperbolic systems of conservation laws : The one dimensional Cauchy problem”. Proposition 2. 1 (Approximation par des fonctions en escalier) Soit u : R → Rn une fonction continue à droite et à variations bornées. Pour tout ε > 0, il existe une fonction en escalier v telle que τ (v) ≤ τ (u) et kv − uk∞ ≤ ε. R0 R +∞ Si de plus, on a −∞ |u(x) − u(−∞)| dx + 0 |u(x) − u(+∞)| dx < +∞, alors on peut trouver v vérifiant de plus kv − ukL1 ≤ ε. Proposition 2. 2 Soit u : R → Rn une fonction à variations bornées. Alors : Z +∞ 1 ∀ε > 0, on a : · |u(x + ε) − u(x)| dx ≤ τ (u). ε −∞ Ce résultat est en fait utile lorsqu’on étudie les fonctions à variations bornées de plusieurs variables. Théorème 2. 3 (Helly) Soit (uk )k∈N une suite de fonctions de R dans Rn . Si il existe C et M tels que ∀k ∈ N, ∀x ∈ R, τ (uk ) ≤ C et |uk (x)| ≤ M , alors il existe une fonction u à variations bornées et une suite extraite uφ(k) k∈N qui converge simplement de limite u. De plus, on a : τ (u) ≤ C et pour tout x ∈ R, |u(x)| ≤ M. Autrement dit, BV est compact dans F (R, R). On va maintenant démontrer une application aux fonctions de deux variables, ce qui est plus utile en pratique. Corollaire 2. 4 Soit (uk )k∈N une suite de fonctions de [0, +∞[×R dans Rn . Si il existe des constantes C, M et L telles que pour tout k ∈ N, on a : ∀t ∈ R+ , ∀x ∈ R, τ (uk (t, .)) ≤ C, |uk (t, x)| ≤ M 4 2 et ∀(s, t) ∈ (R+ ) , Z +∞ |uk (t, x) − uk (s, x)|dx ≤ L|t − s|, −∞ alors il existe une suite extraite uφ(k) k∈N convergente vers une limite u dans L1loc ([0, +∞[×R, Rn ) qui vérifie la propriété : Z ∞ 2 ∀(s, t) ∈ (R+ ) , |u(t, x) − u(s, x)|dx ≤ L|t − s|. −∞ De plus, les valeurs de u peuvent être uniquement déterminées en posant : ∀t ∈ R+ , ∀x ∈ R, u(t, x) = u(t, x+ ). On a alors ∀t ∈ R+ , ∀x ∈ R, τ (u(t, .)) ≤ C, |u(t, x)| ≤ M. Troisième partie Théorème de Rademacher Définition 3. 1 Soit Ω un ouvert de Rn , soit f : Ω → Rm . f est une fonction localement lipschitzienne si et seulement si ∀x ∈ Ω ∃δ > 0 et kx > 0 ∀(u, v) ∈]x − δ, x + δ[2 |f (u) − f (v)| ≤ kx |u − v|. Définition 3. 2 Soit f : [a, b] → C. On dit que f est absolument continue si et seulement si ∀ε > 0 ∃δ > 0 ∀n ∈ N∗ pour tous intervalles ]α1 , β1 [, ..., ]αn , βn [ disjoints inclus dans [a, b] n X (βi − αi ) < δ ⇒ n X |f (βi ) − f (αi )| < ε i=1 i=1 On remarque que toute fonction lipschitzienne est absolument continue (il suffit de prendre δ = kε où k est la constante de Lipschitz de la fonction). On remarque aussi que toute fonction absolument continue est continue (car la continuité consiste à vérifier le cas n=1). On va maintenant énoncer un théorème qu’on admettra. Il a été démontré par Rudin dans son livre ”Analyse réelle et complexe”, chapitre 8. Il fait appel à des notions de théorie de la mesure notamment. (La mesure considérée ici est la mesure de Lebesgue sur R). 5 Théorème 3. 3 Soit une fonction f : [a, b] → R continue et croissante. Alors il y a équivalence entre : 1. f est absolument continue sur [a, b] 2. l’image de f par un ensemble de mesure nulle est de mesure nulle 0 1 3. f est différentiable R x 0presque partout, f ∈ L (a, b) et ∀x ∈ [a, b] on a f (x) − f (a) = a f (t)dt. Ainsi, toute fonction f : [a, b] → C absolument continue est différentiable presque partout, sa dérivée est intégrable et on a la relation du 3. En particulier, les fonctions lipschitziennes sont différentiables presque partout. Le théorème de Rademacher permet de généraliser ce résultat à des fonctions de plusieurs variables et à valeurs vectorielles. Théorème 3. 4 (Rademacher) Soit Ω un ouvert de Rn . Soit f : Ω → Rm localement lipschitzienne. Alors f est différentiable presque partout. On va donner une application de ce théorème concernant le flot d’une équation différentielle. On va en fait estimer la différence entre une application lipschitzienne et la trajectoire du groupe local à un paramètre. Théorème 3. 5 Soit φ : D × [0, +∞[→ D un flot continu vérifiant : ∀(m, m0 ) ∈ D 2 , ∀(t, t0 ) ∈ Im × Im0 , kφt m − φt0 m0 k ≤ Lkm − m0 k + L0 |t − t0 | Alors, pour toute application lipschitzienne w : [0, T ] → D, on a l’estimée : Z T kw(t + h) − φh w(t)k kw(T ) − φT w(0)k ≤ L · lim inf dt h→0+ h 0 6