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Déontologi(e)s cadre ?
La cadrature de la déontologie !
Thierry Desbonnets
Descriptif : La déontologie se pose de plus en plus comme une des figures imposées des
professions. Au delà des définitions, comprendre comment les codes de déontologies sont
structurés avant de déterminer s’il lui faut se doter de cet outil législatif et normatif est
nécessaire.
Pour les cadres de santé, au regard des professions, l’exercice passe par un éclaircissement
de l’identité et de l’objet de la fonction.
C’est l’ensemble de ce parcours, pas encore tout à fait ordonné, dont nous dressons un
itinéraire particulier aujourd’hui.
Dans un premier article, « regard sur trois codes de déontologies », la vision synoptique des codes
de déontologie médicale, des architectes et de la Police Nationale, amorçait une réflexion sur la
déontologie en regard de la fonction de cadre de santé. Cet article, complété par d’autres éléments
d’interrogations et d’actualité, telle la création des Ordres des kinésithérapeutes, des pédicures-
podologues, et des infirmier(e)s, a donné lieu à une communication publique lors de la 11ième
journée d’étude et de réflexion de l’IUPARM, à Paris, le 2 février 2007. Cette présentation est ici
reprise, non sous sa forme initiale de diaporama, mais dans une rédaction plus conventionnelle.
La déontologie se pose de plus en plus comme une des figures imposées des professions. Au delà
des définitions, comprendre comment les codes de déontologies sont structurés constitue une étape
utile de la réflexion avant de déterminer s’il faut, au sein d’une profession, se doter de cet outil
législatif et normatif. Pour les cadres de santé, au regard des professions, l’exercice passe par un
éclaircissement de l’identité et de l’objet de cette fonction. C’est l’ensemble de ce parcours, pas
encore tout à fait ordonné, dont nous dressons un itinéraire particulier aujourd’hui. Trois étapes
jalonneront notre parcours : il s’agit de définir dans une premier temps la déontologie, pour ensuite
interroger le statut professionnel de la fonction de cadre de santé et enfin poser les bases d’une
déontologie pour les cadres de santé.
Déontologie, une définition.
L’étymologie et les dictionnaires constituent souvent un point de départ. Voyons plutôt : "du grec
deon-ontos, ce qu’il faut faire et logos discours ; Science qui traite du devoir à remplir." (Larousse) ;
"ensemble des règles et des devoirs régissant une profession." (Le Robert). Ces premiers énoncés
apportent des précisions complémentaires. D’une part, il s’agit d’un discours, d’une mise en mot,
selon un ordonnancement logique, de ce qui lie un agir à sa moralité, sa justesse ou son idéalité ;
d’autre part, c’est le corpus de règles et devoirs qui fait sens au sein d’une profession et de son
exercice par les membres qui la composent . Le terme déontologie s’est spécialisé dans le champ
professionnel. La déontologie constitue une déclinaison des obligations et des interdits qui
s’appliquent en situation professionnelle.
La déontologie organise alors les principes d’action et de relation professionnelles. Elle définit de
manière successive les objets et sujets d’une profession, les relations entre les divers acteurs ainsi
que les régulations au sein de chaque discipline particulière et le contrôle des relations dans
l’exercice professionnel spécifique. Sont cités en premier lieu les bénéficiaires de l’action
professionnelle, (le public, l’usager, le client ou le patient, affirmé comme personne au service de
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laquelle la profession s’organise) puis sont réglementées les relations aux « confrères », aux
hiérarchies ou aux institutions.
Il s’agit véritablement de structurer la relation professionnelle de façon normative et de règlementer
un exercice professionnel, fondamentalement unique en son principe et extrêmement divers dans
ses manifestations. Des normes de responsabilité, de comportement et de relation sont arrêtées,
définies comme applicables à l’ensemble des professionnels.
La déontologie statue sur ce qu’une profession se fixe comme règles de vie au sein d’une société.
C’est une inscription
dans l’ordre de la loi,
garantissant un exercice professionnel,
ayant valeur juridictionnelle,
devenant opposable à l’ensemble des membres d’une profession,
et créant des instances de régulation identifiées.
Elle est prescriptive d’idéalité, en même temps qu’elle prend en compte la réalité des pratiques,
leurs dérives ou l’abus d’autorité que peut faciliter l’asymétrie relationnelle et fonctionnelle du
professionnel, qu’il convient ainsi de "rappeler à l’ordre", vis-à-vis de son "usager".
La déontologie n’est pas un référentiel édictant des normes techniques et des « bonnes pratiques »,
elle porte sur la personne du professionnel en relation, sur les principes de l’action plus que sur son
déroulement et la réalisation actes. La stabilité des règles déontologiques s’oppose en ce sens à
l’évolution quasi permanente des techniques et des protocoles professionnels, liée à l’évolution des
connaissances et des technologies.
Même si la loi exige maintenant très clairement l’information du patient et l’obtention de son
consentement éclairé, tendant à instaurer une relation contractuelle paritaire, les usagers de santé
demeurent peu ou prou, non dans un statut, mis dans une position où la pathologie les place dans
une situation de dépendance fonctionnelle par rapport aux professionnels.La déontologie instaure
alors une régulation des relations asymétriques d’autorité avec le public.
En prenant quelque liberté avec l’étymologie avérée du terme, on pourrait cependant espérer,
métaphoriquement, que la « dé(-)ontologie », est écriture d’une « ontologie professionnelle »,
rappel à l’ordre incessant de ce qu’est être professionnel dans toutes les relations en situation
professionnelle. La déontologie médicale reste à cet égard tout à fait exemplaire, notamment dans le
lien logique qui s’établit entre le serment et la déontologie professionnels.
Cette « ontologie du cadre de santé », qui constitue en toute situation son identité spécifique, doit
être définie avant que de déterminer ce que pourra être sa déontologie. Faut-il rappeler que la
fonction de cadre de santé est une évolution des professions initiales, mais elle se constitue dans un
rapport de professionnalisation différent, un rapport plus indirect, moins immédiat avec les
patients ? Peut-être peut-on alors parler de médiation du soin, que l’on soit en équipe ou en institut
de formation. Si le soin n’exclut jamais la prise en charge de la collectivité, le soin direct laisse le
primat à la personne, tandis que le cadre de santé se situe dans un rapport dialogique entre
l’individu et le groupe. A ce niveau, quoi qu’il en soit, la déontologie médicale demeure
paradigmatique « au service de l’individu et de la santé publique, (…) dans le respect de la vie
humaine, de la personne et de sa dignité. » (Code de déontologie médicale, art.2)
Profession(s) cadre de santé.
Pourtant un cadre de santé, ça n’existe pas, mais il y a des cadres de santé. En effet 14 professions
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donnent accès à la fonction de cadre de santé. La profession d’origine conditionne l’identité du
cadre de santé, l’introduisant dans un paradigme d’action et de représentation auprès des patients et
des populations spécifiques. Le soin est différencié selon les professions, chacune défendant le
principe d’une approche globale, avec cependant des voies d’accès à la personne malade variées et
complémentaires. C’est une première pluralité dans la fonction, la pluralité de l’origine.
Autre pluralité, la pluralité d’exercice. En effet, selon les institutions, les services, les missions et le
public, patients ou étudiants, le cadre de santé exerce des fonctions et des responsabilités qui ne sont
pas identiques. Un service d’urgence, un institut de formation, la gestion d’une hospitalisation à
domicile, une pharmacie centrale exigent des compétences, des connaissances et des
positionnements différents par rapport aux missions du cadre. Certains cadres restent dans la prise
en charge, les cadres rééducateurs notamment, d’autres n’acquittent que des missions transversales,
sans équipe propre, d’autres enfin sont d’avantage tournés vers la formation, de façon exclusive ou
en « alternance » avec d’autres pratiques professionnelles.
Cette « poly praxie » des cadres de santé se trouve définie de façon assez exemplaire dans le décret
de 2001 portant statut particulier du corps des cadres de santé de la fonction publique hospitalière :
Les agents du grade de cadre de santé exercent :
1° Des fonctions correspondant à leur qualification et consistant à encadrer des équipes dans les
unités fonctionnelles, services, départements ou fédérations des établissements ;
2° Des missions communes à plusieurs services ou de chargé de projet au sein de l’établissement ;
3° Des fonctions d’encadrement correspondant à leur qualification dans les instituts de formation
et écoles relevant d’établissements publics de santé qui préparent aux différentes branches des
professions infirmières, de rééducation et médico-techniques. (Décret n° 2001-1375 du 31
décembre 2001 portant statut particulier du corps des cadres de santé de la fonction publique
hospitalière)
La fonction de cadre de santé se déploie alors davantage en métiers qu’en profession qui la font
osciller entre enseignement, management uni ou pluri-professionnel et missions expertes. La
spécificité émerge du croisement (plus ou moins logique) de la compétence professionnelle initiale,
des missions confiées et du développement du capital expérientiel du cadre.
Déontologie(s) et coeur de métier
Pourtant, derrière la pluralité compétences et des fonctions en situations, il convient sans doute de
rechercher le cœur de métier des cadres de santé. Je propose d’envisager d’abord la nature
commune des différents soins paramédicaux.
Il me semble que si le paradigme de l’action médicale est le « guérir », celui des paramédicaux est
le « soigner ». Il est à l’intersection de plusieurs principes :
un principe d’altérité qui définit « le soin » comme devoir du soignant ;
un principe d’intégrité qui affirme « la santé » comme un droit du patient
un principe de communauté qui inscrit le tout dans la recherche de conciliation des intérêts
individuels et de l’intérêt collectif.
Autre caractéristique du cœur de métier des cadres de santé, du cadre de proximité jusqu’aux
directeurs des soins si l’on considère qu’il s’agit entre ces deux statuts d’un changement d’échelle et
non de nature, la responsabilité de l’encadrement est de rendre opératoire :
des soins de qualité, continus et efficients,
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au niveau collectif, et non de façon individuelle,
adaptés aux besoins de santé,
par le développement et l’optimisation des compétences techniques et relationnelles,
en adéquation avec les ressources humaines, conceptuelles et logistiques disponibles,
dans l’interaction constante des fins et des moyens, dans la formation, le management ou les
missions transverses.
Notons enfin qu’il n’y a pas de tiers archétypal et unique pour le cadre de santé, mais une pluralité
de tiers significatifs qui fait sa fonction. Chacun des types de relation avec les catégories de tiers du
cadre de santé le place dans une posture déontologique différenciée.
Les patients, les usagers du système de soins et de santé, nous mettent face à nos responsabilités
vis-à-vis du pouvoir et des connaissances sur le corps. La déontologie des cadres de santé s’articule
nécessairement à la déontologie médicale, contrôle du pouvoir d’agir sur le corps. C’est donc une
justesse de compréhension et d’action sur les problème de santé que la déontologie cadre doit
garantir. La distance qu’à le cadre au patient est tantôt clinique, tantôt institutionnelle. Son
positionnement est en équilibre entre la défense des intérêts individuels de santé et la promotion
d’une santé collective, entre individu, institution et société.
Les étudiants, les stagiaires, les jeunes collègues ou les arrivants dans un service ou selon une
spécialité nouvelle, tous engagent le cadre de santé par rapport au processus continu de formation et
l’oblige à intégrer une déontologie de type pédagogique ou « andragogique », contrôle du pouvoir
du savoir. Il en va d’une justesse de professionnalisation des actes, des connaissances et de la
relation dans les échanges et la construction des savoirs. L’adaptation des savoirs est une nécessité
et une exigence permanentes.
Les équipes, les collègues, la "chaine hiérarchique" de la même façon, incitent à adopter une
déontologie managériale, contrôle du pouvoir sur le travail . Les processus décisionnels et
organisationnels doivent ici trouver eux aussi leur justesse. Ce jeu intègre les relations
d’interdépendance avec les ressources et services logistiques et financiers. Doit-on alors même ,
dans ce versant inclure une éthique ou une déontologie de l’efficience, des ressources humaines, en
garantissant, au sein de la fonction, les conditions de l’évolution professionnelle, de
l’enrichissement de la mobilité et de la mobilisation des compétences ?
Les cadres de santé sont confrontés à la pluralité des professions, au sein des établissements ou des
équipes. Si le cadre de santé reste de sa profession d’origine, obligatoirement membre de son ordre
professionnel pour les infirmiers, les kinésithérapeites ou les pédicures- podologues, sa fonction est
commune à 13 professions, avec des situations de formation ou d’encadrement d’équipes plurielles,
où il convient des respecter les champs d’actes professionnels en même temps que de viser leur
complémentarité et le maillage des compétences en un tissu de soin pertinent et efficace. Une forme
de collégialité soignante interprofessionnelle fait donc partie de la déontologie des cadres de santé.
Une déontologie à formuler
Elle reste à écrire, mais on peut déjà la pressentir. C’est donc une déontologie complexe, croisement
d’un axe vertical professionnel, liant le cadre à la déontologie et/ ou à l’ordre de sa profession
d’origine, et d’une dimension transverse à ses fonctions, le liant à l’exercice d’une responsabilité
collective, le mettant en relation de façon également significative aux patients, aux autres
professionnels de santé et aux contraintes socio-culturelles et économiques pesant sur notre système
de santé. Il existe une collégialité des cadres, plus qu’une confraternité, au sein de laquelle se pose
la question de la responsabilité, de l’indépendance et/ou de la solidarité du cadre par rapport à son
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environnement au service du paradigme du soigner commun à l’ensemble des professions qui ont
des cadres de santé.
Sans constituer d’ordre professionnel, ce collège des cadres de santé peut, à raison, s’offrir des
règles professionnelles transversales aux professions et récapitulatives de l’ensemble de ses
missions. Il en va de la professionnalisation de la fonction de cadre, pour aller au-delà du langage et
de la culture communs, socle sur lequel se sont constitués la formation et le diplôme de cadre de
santé et pour transformer la fonction de cadre de santé, non en une somme de métiers, mais en une
profession à part entière.
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