Chapitre 1
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La diversité du vivant
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Les espèces ont d’abord été traditionnellement identifiées par rapport à un type morpho-
logique que l’on pouvait trouver dans les muséums : si l’individu ressemblait suffisam-
ment à ce type, il était de l’espèce. Cette approche de l’espèce est trop imprécise.
Ernst Mayr a précisé le concept d’espèce, au milieu du
XX
e
siècle, de la manière suivante :
« groupes de populations naturelles interfécondes, isolées du point de vue reproductif des
autres groupes équivalents ». Cette définition fait intervenir le critère de la reproduction
et non plus la ressemblance. Deux populations sont de la même espèce si elles peuvent
donner une descendance fertile. Comme la reproduction sexuée entraîne un brassage
génétique, l’espèce apparaît ainsi comme un pool génétique au sein duquel s’établissent
des flux géniques. Des mécanismes d’isolement empêchent la procréation entre popula-
tions d’espèces distinctes. Il existe des exceptions comme la mule, issue du croisement
entre un âne et une jument, mais elles sont stériles. Chez les végétaux, les barrières inters-
pécifiques sont parfois plus fragiles et les hybrides ne sont pas rares.
En 1963, Ernst Mayr a rajouté à sa définition « et occupant une même niche écologique ».
La niche écologique correspond à la manière dont les individus occupent leur milieu de
vie. Le critère de séparation par la reproduction ne tient vraiment que si les milieux ne
sont pas perturbés. En effet, dans le cas d’espèces très proches entre elles, séparées depuis
peu, des croisements peuvent encore se produire lorsque le milieu est perturbé. Par
exemple, le rotengle (
Scardinius erythrophthalmus
), le gardon (
Rutilus rutilus
), le
chevaine (
Leuciscus cephalus
) et le toxostome (
Chondrostoma toxostoma
) sont des cypri-
nidés européens appartenant à des genres différents qui ne se croisent pas en condition
normale. Lorsque le milieu est perturbé, par exemple dans des cas de baisse exception-
nelle du niveau des eaux des rivières, ils sont obligés de frayer aux mêmes endroits et
donnent une descendance hybride fertile. Ainsi, l’intégrité des milieux naturels participe
de fait aux critères de reconnaissance de l’espèce.
Pour englober plusieurs générations et donc passer d’une vision instantanée de l’espèce à
une vision dans le temps, l’espèce peut être reconnue comme l’ensemble des organismes
appartenant à une lignée phylogénétique définie par une combinaison unique d’états de
caractères. Il s’agit donc d’un ensemble monophylétique.
c) Évaluer la biodiversité
Le terme de
biodiversité
est une contraction de diversité biologique. Il a été créé en 1986 et fait
référence à la variété du monde vivant. Pour les mammifères et les oiseaux, l’inventaire est
précis. Mais pour tous les autres groupes, il ne s’agit que d’évaluation. Les sytématiciens décri-
vent environ 15 000 espèces nouvelles par an (dont 62 % d’Insectes) (figure 1.2) mais dans le
même temps de nombreuses espèces disparaissent.
1.1.2 Organiser la diversité du vivant
La diversité constatée masque les relations de parentés entre les êtres vivants. Pour rechercher
celles-ci, l’étude des êtres vivants de l’échelle anatomique à l’échelle moléculaire est nécessaire.
a) Comparer les plans d’organisation
Chez les Métazoaires, la disposition des principaux organes et appareils les uns par rapport aux
autres constitue le
plan d’organisation
. L’étude comparative des plans fournit de nombreux
critères pour la systématique. Par exemple, si l’on compare la souris et l’écrevisse, toutes les
deux vues en travaux pratiques, les différences semblent importantes :
•d’abord le squelette est interne (endosquelette) chez la souris alors qu’il est externe (exosque-
lette) chez l’écrevisse ;
•la souris présente quatre membres chiridiens, l’écrevisse une paire d’appendices par méta-
mères ;
•cette métamérie est bien visible au niveau de l’abdomen de l’écrevisse ; chez la souris, la méta-
mérie n’est décelable qu’au niveau de la colonne vertébrale (vertèbres et muscles associés) ;
Les critères d’appartenance à une espèce et l’évolution des idées
ENCART 1.1
Voir « Le brassage
génétique »,
chapitre 8
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