CANNABIS ET PSYCHOSES : DONNEES RECENTES
Maryse Lapeyre-Mestre
Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance de Toulouse
La relation entre santé mentale et usage de cannabis est explorée depuis le 19ème siècle. En effet, au
milieu du siècle, un psychiatre (Moreau 1845), expérimentant le cannabis sur lui-même, a décrit les
différentes manifestations physiques et psychiques observées avec ce produit. La banalisation de
l’usage du cannabis dans les populations occidentales dans les années 1960 a relancé les questions
sur l’existence de psychoses ou de schizophrénies cannabiques. Ainsi, différentes études ont montré
une augmentation de la consommation de cannabis dans des populations de patients psychiatriques
(psychotiques, dépressifs…). Dans ces populations, la prévalence de consommation est beaucoup
plus forte qu’en population générale. L’hypothèse la plus souvent évoquée est celle de
l’automédication. Cependant, cette consommation n’est pas exclusive, et sa fréquence est aussi
favorisée par l’accessibilité et la banalisation du produit, plus facilement consommé que d’autres
psychodysleptiques.
En fait la question d’une relation entre cannabis et psychose, et plus particulièrement schizophrénie,
a été abondamment discutée au cours des dernières années, en raison d’une augmentation
importante de la consommation de cannabis chez les jeunes en France. L’expertise collective
réalisée par l’INSERM en 2001, avec une mise à jour des données en 2004, permet d’avoir une
approche synthétique de ces questions1. Par ailleurs, des études épidémiologiques ont été publiées
au cours des dernières années, notamment très récemment, envisageant spécifiquement la relation
de causalité entre exposition au cannabis dans l’adolescence et apparitions de troubles
psychiatriques à l’âge adulte en particulier la schizophrénie 2 3 4. L’hypothèse discutée actuellement
concerne le rôle de la consommation de cannabis dans la survenue même du trouble. Là encore,
plusieurs niveaux de réponse sont apportés par les travaux en cours : effet sur des sujets
prédisposés ; aggravation des symptômes ; communauté de facteurs génétiques impliqués.
Le cannabis demeure la drogue illicite la plus fréquemment consommée par les jeunes en Europe,
bien que les chiffres varient fortement. Dans certains États membres de l’UE, environ un tiers des
15-16 ans ont essayé cette drogue au moins une fois (Danemark, Pays-Bas, Espagne, Irlande) les
taux les plus élevés concernent et 35% le Royaume-Uni, la France et la République tchèque, avec
35%. Cependant, dans ces pays à taux élevés, la tendance est à la stabilisation après une période de
croissance continue.
En France, les résultats de l’enquête quadriennale ESPAD (European school survey project on
alcohol and others drugs5), qui s’est déroulée dans l’ensemble des pays européens au premier
semestre de l’année 2003, indiquent une augmentation de la consommation chez les jeunes de 12 à
1 Rapport disponible sur le site de l’INSERM
http://www.inserm.fr/fr/questionsdesante/mediatheque/ouvrages/expertisecollectivecannabis.html
2 Stanley Zammit, Peter Allebeck, Sven Andreasson, Ingvar Lundberg, and Glyn Lewis Self reported cannabis use as a
risk factor for schizophrenia in Swedish conscripts of 1969: historical cohort study BMJ, Nov 2002; 325: 1199.
3 Louise Arseneault, Mary Cannon, Richie Poulton, Robin Murray, Avshalom Caspi, and Terrie E Moffitt Cannabis use
in adolescence and risk for adult psychosis: longitudinal prospective study BMJ, Nov 2002; 325: 1212 - 1213.
4 Cécile Henquet, Lydia Krabbendam, Janneke Spauwen, Charles Kaplan, Roselind Lieb, Hans-Ulrich Wittchen, and
Jim van Os Prospective cohort study of cannabis use, predisposition for psychosis, and psychotic symptoms in young
people BMJ, Jan 2005; 330: 11.
5 http://www.espad.org/