Ressources marines et commercialisation - Bulletin de la CPS n° 5 — Septembre 1999
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vivantes (espèce des Panulirus) et des ailerons de requin
séchés ont pratiquement doublé dans l’ensemble de l’ar-
chipel, tandis que celui de l’holothurie de qualité a qua-
druplé (d’où un prix en dollars stable). Des pêcheurs du
Sud des Célèbes interrogés se montrent tout à fait
conscients (et mécontents) du fait que les exportateurs et
les intermédiaires réalisent maintenant un bien plus gros
bénéfice, mais ils se sentent désarmés. Alors que les
hausses de prix se sont étalées sur toute la période de
dépréciation de la roupie, les exportateurs ont presque
tout de suite fait baisser les prix accordés aux pêcheurs dès
que la roupie a repris de la vigueur par rapport au dollar.
Seule exception à la tendance précitée, le prix payé aux
pêcheurs des Célèbes du Sud pour le napoléon (C. undu-
latus). La première fois que nous avons noté une baisse
des prix du napoléon (Pet-Soede & Erdmann, 1998), on
nous expliqua qu’elle découlait directement de l’interdic-
tion d’exporter le napoléon adulte, décrétée par les auto-
rités. Les intermédiaires auxquels ces pêcheurs vendent
leur poisson font valoir que le stockage illégal de poisson,
qui leur fait courir des risques supplémentaires, justifie
cette minoration. Cette tendance s’est confirmée; en avril
1998, des pêcheurs de la région ont déclaré ne percevoir
que 10 000 IDR/kg pour les spécimens de grande taille
(moins de 1,50 USD/kg). Cela témoigne néanmoins d’une
malhonnêteté évidente de la part des intermédiaires; non
seulement le prix du napoléon est beaucoup plus élevé
dans d’autres régions d’Indonésie, mais un pêcheur qui
vend directement, en “indépendant”, son poisson aux
exportateurs du Sud des Célèbes nous a confié qu’il rece-
vait 320 000 IDR/kg pour les gros spécimens.
Évolution des techniques
Comme l’ont indiqué Pet-Soede et Erdmann (1998), le
commerce du poisson de récif vivant destiné à la restau-
ration est une industrie très dynamique en Indonésie, qui,
à plusieurs reprises, a subi des bouleversements tech-
niques en profondeur. Au fur et à mesure que les bateaux
de pêche industrielle au cyanure deviennent moins ren-
tables dans les zones où les stocks de loches s’amenuisent,
ils sont remplacés par des pêcheurs artisanaux qui utili-
sent palangrottes et nasses pour capturer les rares loches
qui subsistent. Or, dans la région de Komodo, une autre
méthode de pêche à la loche à moyenne et petite échelle
s’est propagée au cours des six derniers mois. Dans le
Parc national de Komodo, ce sont des “kedo-kedo”,
petites pirogues à balancier motorisées, d’où les pêcheurs
pêchent à la traîne à l’aide d’un fil d’acier muni d’un leurre
en plume et en plastique, qui sont désormais utilisés pour
la pêche à la saumonée. Plusieurs flottilles, pouvant
compter jusqu’à quatorze kedo-kedo et un bateau-mère,
opèrent dans ces eaux depuis août 1998 au moins, bien
que des opérations de contrôle menées récemment sem-
blent repousser ces activités en dehors des limites du parc.
Ces pêcheurs ne se limitent malheureusement plus à l’es-
pèce Plectropomus; ils recherchent activement le
Cephalopholis argus et le C. miniata. Plus inquiétant encore,
ils recherchent, de toute évidence, des concentrations de frai
de saumonée dans l’ensemble du parc.
La capture de poisson vivant, exporté pour l’aquariophi-
lie, semble également s’intensifier. Ces derniers mois, un
certain nombre de bateaux en provenance de Java ont été
arraisonnés dans le Parc national de Komodo; ils avaient
à bord de grandes quantités de cyanure, des pieds-de-
biche, des poissons d’aquarium et des “vigiles” apparte-
nant ou ayant appartenu à l’armée. Plusieurs nouvelles
entreprises d’exploitation des poissons d’aquarium
auraient vu le jour à Ambon, capitale de la province de
Maluku. Selon un hôtelier local, l’une d’elles est gérée par
un Européen qui reconnaît ouvertement faire usage de
cyanure, sous prétexte que ce serait là la seule méthode
économique de capturer des poissons d’aquarium.
Une autre entreprise échappe à la censure en prétendant
recourir, comme solution de rechange, à l’essence de
girofle, anesthésique “naturel” du poisson. C’est une inno-
vation très intéressante, car l’essence de girofle (ou eugé-
nol, sous sa forme purifiée) est un anesthésique relative-
ment bien connu, utilisable pour les petits poissons et crus-
tacés (voir, par exemple, Munday & Wilson, 1997; Soto &
Burhanuddin, 1995). D’après une étude récente, l’essence
de girofle est une solution extrêmement rentable et sûre, qui
pourrait remplacer les anesthésiques classiques utilisés en
aquaculture, tels que la quinaldine et le MS-222 (Keene et
al., 1998); voir aussi Erdmann, page 4 du présent bulletin).
Nous n’avons toutefois pas connaissance d’études qui
auraient été menées sur la tendance de l’essence de girofle
à causer des dommages environnementaux collatéraux aux
coraux et à d’autres organismes récifaux non recherchés.
Dès la première fois que l’auteur a utilisé un mélange
d’alcool éthylique et d’essence de girofle pour extraire
des crustacées stomatopodes de nodules d’algues coral-
liennes, il a constaté que celles-ci se décoloraient immé-
diatement au contact de ce mélange. Selon Philip
Munday (communication personnelle), cet effet pourrait
être davantage imputable au support, l’alcool éthylique,
qu’à l’essence de girofle; en outre, des expériences anec-
dotiques effectuées ultérieurement avec de l’essence de
girofle pure projetée in situ sur des colonies coralliennes
de Pocillopora spp. et d’Acropora spp. n’ont pas mis en évi-
dence d’effets négatifs observables. Il serait souhaitable
d’approfondir la recherche sur les dégâts causés aux
coraux, afin de savoir si l’on est en présence d’une tech-
nique de pêche de poissons d’aquarium qui porterait
moins préjudice à l’environnement.
Enfin, dernière tendance constatée dans le Parc national
de Komodo : une augmentation spectaculaire de la pêche
de requins à la palangre (pour les ailerons) et de loches de
grande taille, vendus réfrigérés pour l’exportation. Le
prix de ces deux produits a monté en flèche ces derniers
mois – ce qui est d’autant plus regrettable que le Parc
national de Komodo était l’une des rares zones
d’Indonésie où les plongeurs pouvaient rencontrer régu-
lièrement des requins et des loches de grande taille.