Lenvironnement,
un enjeu
de droits humains
mars 2014
2
Lenvironnement dans un projet
de société fondé sur les droits humains
À
l’échelle planétaire, des millions de
personnes font face, au quodien, à des
condions environnementales précaires :
manque d’eau potable, sécheresses
répéves, érosion et inferlité du sol,
augmentaon du niveau de la mer,
inondaons, tempêtes tropicales, etc.
Plusieurs chercheur-e-s soulignent que ce
type de perturbaons environnementales
ne cessera d’augmenter en nombre ainsi
qu’en intensité dans le futur en raison
de l’eet amplicateur et catalyseur des
changements climaques. Cee situaon
s’avère préoccupante partout dans le monde
et parculièrement pour les groupes les plus
marginalisés en raison de leur accès limité
aux ressources.
Les conséquences des enjeux environ-
nementaux sur les droits humains sont
majeures. Pensons par exemple aux eets
de la polluon sur le droit à la santé et aux
conséquences des changements climaques
sur le droit à l’eau et à l’alimentaon.
Ulmement, c’est au droit à la vie que la
dégradaon de l’environnement et les
catastrophes écologiques portent aeinte.
Alors que les problèmes environnementaux
nécessitent des changements urgents, les
personnes et les groupes qui cherchent
à transformer la situaon sont de plus
en plus ignorés, bâillonnés et réprimés.
Leurs droits civils et poliques sont ainsi
bafoués, tout comme le droit des peuples à
l’autodéterminaon.
Autant la dégradaon de l’environnement que
les aeintes aux processus démocraques
et à l’autodéterminaon des peuples sont
« jusées » et renforcées par l’idéologie
du tout à la croissance économique. Cest ce
que montre le Rapport sur l’état des droits
humains au Québec et au Canada, publié en
juin 2013 par la Ligue des droits et libertés
(LDL) et auquel 45 organisaons ont adhéré.
Face à un tel constat, il est incontournable
pour les organisaons de défense des droits
humains de s’intéresser aux liens entre
l’environnement et les droits humains.
Rappelons que les droits humains sont
protégés par des instruments universel-
lement reconnus : la Déclaraon universelle
des droits de l’homme (DUDH), le Pacte
internaonal relaf aux droits économiques,
sociaux et culturels (PIDESC) et le Pacte
internaonal relaf aux droits civils et
poliques (PIDCP). Pour la LDL, un projet de
société fondé sur les droits humains n’est pas
possible sans protecon de l’environnement
et sans véritable parcipaon citoyenne sur
les quesons environnementales.
La protecon de l’environnement,
condion de réalisaon des droits humains
3
L
es exemples de relaons entre aeintes
à l’environnement et aeintes aux droits
humains sont nombreux:
La déforestaon menace les droits des
peuples autochtones dont la culture et
le mode de vie sont étroitement liés à
l’environnement;
L’usage de pescides et d’intrants
chimiques en agriculture menace le droit
à l’eau, à la santé et à l’alimentaon;
Les changements climaques en-
gendrent entre autres la hausse du
niveau des mers de même que de
l’intensité et du nombre de catastrophes
« naturelles », menaçant plusieurs
droits, dont le droit au logement et le
droit à l’eau de nombreuses populaons
à travers le monde.
Les droits étant interdépendants, ce sont
tous les droits humains qui sont ulmement
aectés directement ou indirectement par
les problèmes environnementaux.
Droit à l’eau : l’exemple de Shannon
Pendant plus de 30 ans, les citoyen-ne-s
de Shannon, les militaires de Valcarer et
leurs familles ont été exposés à de l’eau
contaminée au TCE, un dégraissant industriel
cancérigène qui percole dans la nappe
phréaque à parr des terrains de l’armée.
Les autorités connaissaient l’existence
du problème, mais n’en ont pourtant pas
informé la populaon.
Polluon atmosphérique et droit à la
santé
LAQLPA a recensé plusieurs études qui
démontrent le lien entre la polluon
atmosphérique et des problèmes de santé.
Au Québec, la polluon atmosphérique
causerait environ 2 000 décès prématurés
par année et des centaines de milliers de
visites chez le médecin.
Le droit à l’eau est indispensable pour
mener une vie digne. Il est une condion
préalable à la réalisaon des autres
droits de l’homme.
Observaon no 15 du PIDESC
Les États […] reconnaissent le droit qu’a
toute personne de jouir du meilleur état
de santé physique et mentale qu’elle soit
capable d’aeindre. (…)
PIDESC, Arcle 12
Le droit à un environnement sain
On sait que beaucoup de droits peuvent être aectés par des problèmes environnementaux
mais avons-nous un droit spécique à vivre dans un environnement sain? Ce « nouveau
droit » qui n’apparaît pas dans la Déclaraon Universelle, a été reconnu par plusieurs
pays dans les dernières décennies et a même parfois été invoqué devant les tribunaux. Il
suppose que l’on puisse défendre l’environnement, le fait qu’il demeure « sain », sans avoir
à prouver une aeinte à d’autres droits. Au Québec toutefois, on ne peut l’invoquer devant
les tribunaux même s’il a été intégré à la Charte québécoise en 2006.
4
Droits humains, environnement et
processus démocraques
Lampleur des enjeux environnementaux
et de leurs conséquences pour les
droits appellent à des transformaons
sociales importantes. Or, les citoyen-ne-s
et les groupes qui souhaitent parciper
au processus de décision sur les quesons
environnementales font face à des obstacles
majeurs.
Laccès à l’informaon, la liberté d’expres-
sion, le droit d’associaon, le droit à la
parcipaon et l’accès à la jusce sont
reconnus dans le Pacte internaonal relaf
aux droits civils et poliques. Certains de
ces droits sont aussi reconnus dans des
instruments internaonaux de droit de
l’environnement, dont la Déclaraon de Rio
et la Convenon d’Aarhus.
Les aeintes à ces droits civils et poliques
sont nombreuses au Québec et au Canada.
Le refus d’équeter les OGM aeint le droit
à l’informaon; la surveillance accrue des
groupes écologistes et les poursuites-bâillon
briment la liberté d’expression et le droit
d’associaon, etc.
Droit d’accès à l’informaon : un
parcours du combaant
En 2010, le Centre québécois du droit de
l’environnement (CQDE) a fait une demande
d’accès à l’informaon pour obtenir la
liste des produits chimiques ulisés par
l’industrie du gaz de schiste. Suite à un
refus du gouvernement de divulguer des
documents qui pourtant lui appartenaient,
le CQDE a mener une bataille de près de
trois ans pour enn obtenir ces informaons
pourtant essenelles à un débat public
éclairé. LE CQDE rapporte de nombreux cas
de ce genre.
Droit à la parcipaon du public :
absence de véritable consultaon sur
les hydrocarbures en Gaspésie
En Gaspésie, des permis de recherche pour
des hydrocarbures ont été alloués pour une
grande pare du territoire. Des entreprises
possédant des puits d’exploraon envisagent
de recourir à la fracturaon hydraulique.
Pourtant, aucune consultaon valable n’a eu
lieu malgré les demandes de la populaon.
Le gouvernement refuse des consultaons
du BAPE sous prétexte que le projet est déjà
enclenché. Il considère que le projet de loi sur
les hydrocarbures et le règlement sur l’eau
potable répondront aux préoccupaons des
Gaspésiens. Or, ces démarches ne sont pas
des consultaons tel qu’internaonalement
reconnu. Une véritable consultaon doit
permere à la populaon d’obtenir toute
l’informaon nécessaire sur un projet et la
possibilité de décider collecvement si elle
souhaite ou non aller de l’avant avec ce
projet, et à quelles condions.
Toute personne a droit à la liberté
d’expression; ce droit comprend la liberté
de rechercher, de recevoir et de répandre
des informaons (…).
PIDCP, Arcle 19
Tout citoyen a le droit (…)
de prendre part à la direcon
des aaires publiques (…)
PIDCP, Arcle 25
5
Le droit des peuples à l’autodéterminaon
Ce droit des peuples a été et demeure
le fondement des revendicaons des
peuples autochtones, un peu partout
sur la planète, visant à préserver leur mode
de vie spécique et leur rapport parculier
à leur environnement, à la terre et aux
écosystèmes.
Le texte le dit clairement : ce sont TOUS
les peuples qui ont le droit de décider
de leur mode de développement et nos
droits démocraques, abordés à la page
précédente, visent précisément à faciliter la
réalisaon du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes : nous avons le droit de dire
NON.
Insistons bien ici : ce sont les peuples qui
disposent de ce droit, non les États, et encore
moins les gouvernements ou les entreprises.
Droit des peuples autochtones à
l’autodéterminaon et la Loi sur les
mines
Les modicaons à la Loi sur les mines,
adoptées sous le bâillon à la n de 2013,
ne reconnaît pas les droits des peuples
autochtones à hauteur de ce qu’exige la
Déclaraon de l’ONU sur les droits des
peuples autochtones que le Canada a
reconnue : les communautés autochtones
seront consultées, mais ne pourront refuser
des travaux d’exploraon minière sur leur
territoire, contrairement aux municipalités.
Gaz de schistes : le droit de dire NON
En 2010, dans son mémoire sur les gaz de
schiste, la LDL arme que le droit de dire
NON découle de l’arcle premier des deux
Pactes. Pour prendre une décision éclairée
sur un projet précis de développement de
ressources naturelles non-renouvelables,
d’autres droits sont aussi en lice : celui
d’avoir un accès à l’informaon et celui de
pouvoir parciper au processus de prise
de décision. Le moratoire annoncé, mais
jamais concrésé, par le gouvernement du
Québec suite au premier rapport du BAPE,
aurait pu donner le temps à la populaon de
s’informer et de s’impliquer dans le processus
décisionnel collecve.
Tous les peuples ont le droit de disposer
d’eux-mêmes. En vertu de ce droit,
ils déterminent librement leur statut
polique et assurent librement leur
développement économique,
social et culturel.
Pour aeindre leurs ns, tous les peuples
peuvent disposer librement de leurs
richesses et de leurs
ressources naturelles (…)
Arcle premier du PIDESC et du PIDCP
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